mardi, avril 23, 2013

Depuis le Newroz 2013, le "Printemps de la Turquie" se fait attendre



Libérés le 13 mars par le PKK, les 8 fonctionnaires et agents de sécurité turcs retenus à Qandil depuis 2 ans n’ont peut-être servi qu’à démontrer, à peu de frais, qu’Abdullah Öcalan avait toujours une emprise sur sa guerilla et son haut-commandement et qu’il saurait être écouté au moment de prendre des décisions autrement plus lourdes de conséquences pour l’armée du PKK. Alors qu’en Turquie, les procès de milliers de militants kurdes se poursuivent, la plupart restant en détention, malgré les demandes du PKK, on est bien loin des échanges de prisonniers disproportionnés comme cela se produisait fréquemment entre Israéliens et Palestiniens, même si le vote d'un paquet de réformes visant à adoucir le dispositif de la loi anti-terreur peut laisser espérer une libération des prisonniers n'ayant pas eu recours à la violence.
Bawer Dersim, un commandant militaire du PKK a eu beau avoir déclaré, le jour de cette libération, que « la balle était maintenant dans le camp de la Turquie », cette dernière s’est montré sobre dans l'expression de sa reconnaissance, se contentant de saluer le retour des prisonniers, retour qualifié d’ « acte humain » par le ministre de l’Intérieur, Muammer Guler, alors que ces enlèvement étaient, eux, des « violations inhumaines des libertés » qui ne devaient plus jamais se reproduire.
Pendant ce temps-là, dans la société civile et politique kurde, on assiste à la fois à une sorte d’effervescence incertaine et d’inquiétude prudente sur les différentes étapes de ce processus. Réunions et plate-formes se multiplient, entre responsables du BDP, le principal parti politique pro-kurde, ceux du DTK qui rassemblent des ONG kurdes, ainsi que d’autres petits partis kurdes, qui font peu le poids face à l’hégémonie du BDP mais qui n’entendent pas cependant se laisser dicter leur avenir par le seul Abdullah Öcalan, même si la perspective d’une paix au Kurdistan fait plutôt l’unanimité. 
Il est exagéré de dire, comme cela été écrit dans le journal Bianet, que « tous ces partis et organisations ont en commun d’avoir toujours gardé leurs distances avec le PKK » : Aysel Tugluk et Ahmet Türk sont, par exemple, à la tête du DTK et n’ont jamais été des voix frondeuses dans la mouvance du PKK. Par contre, ils font partie de cette classe politique kurde qui a eu, durant des années à faire face au gouvernement turc avec, dans le dos, les actions d'une guerrilla qui n’avait pas forcément le même agenda ni les mêmes priorités, classe politique qui a souvent donné l‘impression d’être tiraillée entre les réalités du terrain kurde, le fonctionnement des politburo, l’opinion publique kurde et les revirements et volte-face d’un Abdullah Öcalan dont les programmes et revendications politiques n’ont jamais été marqués par la constance. 
Mais il est vrai que, même si un parti comme le  HAK-PAR (vu comme un PDK turc et donc pro-Barzani) a un score insignifiant aux élections locales, dans un Kurdistan de Turquie assez bi-partiste (BDP ou AKP), il se peut que la fin des opérations militaires et l’assouplissement démocratique, de part et autre, permettent à d’autres organisations et mouvements kurdes de se former ou se reformer, après des décennies de terreur, où ils avaient été la cible, tant de la répression turque que des menaces et représailles du PKK qui, jusqu'ici, a peu prôné le pluralisme politique partout où il s’est implanté, en Turquie comme en Syrie. 
Ainsi, une plate-forme commune des partis kurdes, incluant tant les socialistes et les islamistes avait réussi à s’accorder, en 2011, sur quatre revendications :


1. L’éducation des jeunes Kurdes dans leur langue maternelle et la reconnaissance du kurde comme seconde langue officielle en Turquie.


2. Liberté pour les Kurdes de se nommer et de s’organiser sous les noms qu’ils veulent (ainsi « kurde » et surtout « Kurdistan » ne serait plus des termes interdits).
3. Le droit des Kurdes à décider de leur propre avenir
4. La garantie de ces droits dans la Consitution

Qu'en sera-t-il de ces revendications une fois le projet politique d'Öcalan énoncé un peu plus clairement (si tant est qu'il existe) ? Le président du HAK-PAR a exprimé sa conviction que la question kurde ne pouvait être résolue que dans un cadre fédéral (à l’instar du Kurdistan d'Irak, donc) et a aussi insisté sur la nécessité de rédiger une nouvelle constitution. Selon lui, le processus qui s’amorce n’est pas exactement une phase de négociations, mais plutôt une étape de « dialogue et de normalisation » et, s’il soutient le retrait et le désarmement par étapes du PKK, il réclame, lui aussi, des gestes turcs en parallèle aux avancées kurdes. De même Lütfi Baksi, président du KADEP, juge que les Kurdes et le Kurdistan doivent être mentionnés explicitement dans la Constitution, sans quoi il n’y aurait pas de réelle résolution de la question kurde, la citoyenneté « turque » restant un déni de la réalité des Kurdes.

İmam Taşçıer (DDKD), critique la seule représentation du BDP dans les rencontres avec Öcalan, en soulignant qu’eux aussi « ont des suggestions ». D’autres, comme Nusrettin Maçin, président du bureau de Diyarbakır pour l’ÖDP, s'interroge sur le fait de savoir si les rencontres d’Imralı portent sur le seul désarmement du PKK ou sur la question kurde dans son ensemble, en critiquant également le fait que les projecteurs soient braqués sur le PKK, laissant de côté le reste des cercles militants kurdes, même s’il est douteux qu’Erdogan laisse proliférer un Conseil national kurde en Turquie, face au PKK, comme il en existe chez les Kurdes de Syrie, avec le peu de résultats que l’on sait, d'autant que la Turquie a tout intérêt à perpétuer l'hégémonie d'un mouvement dont elle détient le leader.
Cela ne veut pas dire pour autant que le PKK lui-même n’est pas menacé de divisions internes, même si, pour le moment, la figure d’Öcalan ou sa politique n’est pas contestée ouvertement. Cependant, même les déclarations de loyauté inconditionnelle dont se fend régulièrement Murat Karayılan, le commandant militaire de la guerilla, sont toutes sur le mode du « oui, mais ». Après avoir reçu le projet rédigé par Öcalan, remis en mains propres par une délégation du BDP, l’Union des communautés du Kurdistan (KCK, soit l’organisation politique du PKK, présidée par Karayılan) a répondu par lettre à son leader, exprimant son soutien et son adhésion à son plan de paix, tout en lui soumettant les « opinions et propositions » émanant des militants (sans en préciser la teneur) :
« Dans toutes nos réunions, nous avons convenu, nous avons décidé très clairement, que la perspective stratégique mise en avant par notre leader est correcte et que nous y adhérerons. Cependant il y a plusieurs préoccupations et problèmes qui nécessitent d’être surmontés .»
Le 18 mars, une autre rencontre entre des représentants du BDP et Öcalan a pu avoir lieu à Imralı et le chef du PKK a ainsi fait monter la pression en annonçant qu‘un appel historique serait lu le 21 mars, jour du Newroz, où il serait fait mention d’une démocratisation pour l’ensemble de la Turquie, d’une solution apportée à la question du désarmement et au soutien qu’il attendait de la part des partis politiques et du Parlement turc, ce dernier devant surtout, selon lui, prend en charge la question du retrait de la guerilla. 
Laisser planer un certain suspens sur la teneur d'un message présenté comme capital, dans une mise en scène très théâtrale, rappelle le goût d’Öcalan pour les scénarios qui le mettent sur le devant de la scène, dans un rôle salvateur : cela lui a permis ainsi d’apparaître, une fois de plus, comme l’homme-clef de la situation. Du côté turc, cela permettait aussi à l'AKP de laisser les Kurdes entre eux, confronté à leur leader et au BDP, sans se compromettre ainsi auprès de la base kurde, qui lui sert aussi de réservoir d'électeurs. Quant au BDP, le rôle d'intermédiaire et de porte-parole qui lui est soudain dévolu, a laissé, ce jour-là, la guerilla  très en retrait, au niveau des Kurdes ordinaires et non plus des acteurs décideurs, puisqu’elle allait découvrir en même temps qu'eux la teneur du message d’Öcalan. Le risque était, pour le BDP, de prendre de plein fouet le mécontentement d’une opinion publique dont les attentes pouvaient être déçues. Dans cette optique, le caractère solennel, voire grandiose, donné à cette célébration du Newroz (organisé dans 50 villes entre le 17 et le 21 mars) avec retransmission télévisée en direct, limitait les risques des questionnements, interrogations et objections que l'on encourt toujours dans un meeting classique ou une conférence de presse. Ce n’est pas au milieu des portraits d’Öcalan, des drapeaux du PKK, au son des hymnes et des discours de tribuns politiques qu'une contestation allait poindre, du moins dans l’immédiat.
Ainsi le 21 mars, à Diyarbakir, devant des milliers de Kurdes, la députée BDP Pervin Buldan a lu le message d'Öcalan en kurde et  Sırrı Sureyya Önder en turc, le tout dans un brouhaha de chants et de cris (surtout pour la seconde lecture) qui fait douter que l'auditoire ait eu le loisir de réellement comprendre toute la teneur du discours, et surtout ce qu'il ne contenait pas :  car le texte s’est révélé très vague, boursouflé d'une emphase messianique adressée à tous les peuples qui fêtaient le Newroz au Moyen-Orient et en Asie centrale, où l'on faisait remonter la culture kurde aux antiques civilisations mésopotamiennes, et où l'on imputait la violence au Moyen-Orient à des puissances extérieures (probablement occidentales), qui ont « créé des régimes oppresseurs pour liguer les peuples de la région, Arabes, Persans, Turcs et Kurdes, les uns contre les autres. » 
S’élevant contre « les mentalités colonialistes, négationnistes et répressives », Öcalan annonce ainsi une ère nouvelle qui voit s’ouvrir 
« l’époque de la politique démocratique. Un processus essentiellement politique, social et économique débute. La mentalité qui met l’accent sur la liberté, l’égalité et les droits démocratiques progresse. »
Mis à part ça, le seul point concret est la confirmation d'un appel pressant à faire taire les armes pour laisser place à un processus politique et à ce que les  « éléments armés  » du PKK se retirent de Turquie.
S’adressant ensuite au « cher peuple de Turquie  », Öcalan insiste sur l‘unité historique des Kurdes et des Turcs qui doit servir à ce qu'ils fondent ensemble une « modernité démocratique » : 
« L’heure n’est pas à la désunion, à la guerre et aux combats ; l’heure est à l’union, l’alliance, les retrouvailles et le pardon ».
Sur le cadre et la structure politique qui serviraient à cette nouvelle société, Öcalan indique que 
« pour créer ce modèle, il est inévitable de s’inspirer à nouveau des cultures antiques des terres de la Mésopotamie et de l’Anatolie »,
ce qui ne nous en apprend guère plus.
Plus loin, Kurdes, Turkmènes, Assyriens et Arabes sont appelés, eux aussi, à s’unir au sein d’une «  Conférence de la paix et de la solidarité nationale  » afin qu'ils «  discutent de leurs vérités, s’informent et prennent des décisions » mais cela semble plutôt concerner la Syrie et l’Irak.
Le jour-même, Recep Tayyip Edrdogan, alors aux Pays-Bas, déclarait simplement que les opérations militaires turques pourraient cesser si les Kurdes du PKK cessaient le combat. Il a même critiqué, trois jours plus tard, l'absence de drapeau turc lors des célébrations du Newroz, en en rajoutant dans la posture « c’est bien, mais peut mieux faire » qu’il a adoptée depuis le début du processus, tâchant ainsi d’apparaître à la fois comme « l’homme qui va sauver la Turquie de la guerre », mais sans se compromettre trop dans les habits de « l’homme qui a tendu la main aux terroristes ».
L’appel au cessez-le-feu a, bien sûr, été salué par toutes les parties non concernées directement, que ce soit l’Union européenne, les États-Unis, le Secrétaire général de l'ONU et le Gouvernement régional du Kurdistan d’Irak (sûrement soulagé d'être bientôt débarrassé du boulet de Qandil dans sa nouvelle politique régionale).
Du côté turc, dans la presse, Taraf (un journal de gauche) s’enthousiasmait pour ce « printemps de Turquie ». Milliyet titrait « L'Adieu aux armes » et Hürriyet annonçait de même la fin d’une ère militaire.
Mais à l’intérieur des mêmes journaux, des éditorialistes, comme l’historien Murat Bardakci (Haberturk), faisaient part de leurs doutes et incertitudes sur la possibilité d’une paix fondée sur la seule déclaration d’Öcalan, « après tant d’années, d’affrontements, de funérailles » (Fuat Keyman de Milliyet). D’aucuns ont supposé une contrepartie secrète, en raison de l’absence criante de conditions posées de la part d'Öcalan. Sa libération serait-elle en jeu ? Le Premier ministre turc l’a nié avec vigueur (ce qui ne veut pas dire qu’il ne l‘envisage pas pas ultérieurement), affirmant qu’il ne s’agissait pas d’un « marchandage ».
Du côté kurde, s’il était prévisible qu’une foule enthousiaste hurle son soutien à Öcalan au moment de la lecture de son message, il était aussi prévisible qu’une fois l'exaltation passée, à la relecture, les doutes ou les déceptions prennent le relais. Ertugrul Ozkok fait ainsi remarquer, dans Hürriyet, qu’en dehors de Diyarbakir, les villes kurdes n‘ont pas particulièrement exprimé de liesse ou de soulagement, mais ne sait s’il s’agit là d’une bonne ou d’une mauvaise chose. Bekir Coşkun, de Cumhurriyet, a demandé carrément quelles concessions la « république turque » avait faite à « celui qui est en prison. »
Seul Taraf continuait d’être porté par l'enthousiasme, sous la plume de l’éditorialiste Ildiray Ogur, qui parlait, lui aussi, d’une autre ère, celle de la seconde république turque, et qu’Ocalan serait le leader qui a résolu la question kurde.
Mais la réaction la plus attendue était celle de la guerilla, concernée au premier chef par la demande de son désarmement et de son retrait des montagnes turques. Comme d’habitude, Murat Karayılan a répondu par un « oui, mais », indiquant que ses combattants se retireraient de Turquie après des pas concrets faits par le gouvernement, qui prouveraient sa « bonne foi», à savoir : 
La mise en place de commissions dans le processus de décision et de leur application et l’amélioration des conditions de détention d’Öcalan ; l’usage d’un langage pacifique ; prendre ses responsabilité légales et constituionnelles pour mettre en pratique le projet proposé par le leader ; que les institutions et les groupes de la société civile prennent part au processus.
Gultan Kişanak, co-présidente du  BDP, a aussi très vite exigé des garanties de la part des Turcs, afin que ceux qui soutiendraient les inititives pour le processus ne soient pas, une fois de plus, inquiétés judiciairement, alors que presque tous les représentants politiques kurde ont déjà des procès sur le dos, quand ils ne sont pas tout bonnement emprisonnés, et que même Hakan Fidan, le chef du MIT et le principal artisan des négociations avec Öcalan, a aussi été accusé par un procureur. Elle exige aussi plus de précisions sur la volonté de la Turquie de se démocratiser réellement.

Erdogan a annoncé la formation d'un « Conseil des sages », recruté dans tous les segments de la société, qui aurait une fonction consultative sur le processus. Cette idée avait été lancée auparavant par le leader du parti d’opposition CHP, mais dans l‘idée de Kemal Kiliçdaroğlu, un tel conseil devait être chapeauté par le Parlement et aurait travaillé en partenariat avec une « commission de réconciliation.  »

Mais les modalités du retrait de la guérilla  font buter le processus depuis un mois : Erdogan a, dès fin mars, indiqué que les combattants du PKK devaient déposer les armes avant de se retirer, pour éviter tout accrochage, selon lui. Se retirer pour où, le Premier ministre n’en a pas une idée bien claire, indiquant que cela pouvait tout aussi bien être en Irak (où ils sont déjà bien installés), peut-être en Syrie (où ils viendraient alors grossir les rangs des forces du PYD, ce qui ne plairait guère au CNK syrien ou à Barzani, sauf si le PKK s'aligne totalement sur la politique turque là-bas) ou en Europe, particulièrement dans les pays scandinaves (qui n'ont pas émis de remarques à ce sujet). Enfin, comme une façon de mettre légèrement la pression sur la branche politique afin qu'elle fasse elle-même pression sur la partie combattante, il a fait remarquer que le BDP était encore vu, en Turquie, comme affilié politiquement à une organisation terroriste et que ce parti avait donc tout intérêt à ce que le PKK obtempère rapidement.

Bien évidemment la guerilla n’est pas du tout chaude pour enjoindre à ses militants encore restés dans les montagnes du côté turc de descendre mains nues et de traverser tout le pays jusqu'à la frontière, à la merci de l'armée. Cemil Bayik, un autre haut responsable militaire qui avait été, après 1999, vu comme un possible sucesseur d’Öcalan mais que Karayılan a peu à peu évincé, a ainsi déclaré sur Nûçe TV (une chaine pro PKK) qu’il fallait des garanties légales à un tel retrait, cette demande de « protection » étant relayée par le reste des commandants militaires.

Le 4 avril, le BDP a rendu une fois de plus visite à Öcalan et le journal turc Yeni Safak a émis l’hypothèse que le président du PKK avait pu ordonner à sa guerilla, via un autre message,  de céder, en quittant la Turquie désarmée. Cependant, les députés BDP ont nié les « révélations » de Yeni Safak et Selahattin Demirtas, co-président du BDP, a seulement admis qu’Öcalan avait écrit une lettre à ce sujet, qui serait délivrée dans « deux ou trois jours», sans préciser clairement, d'emblée, quels étaient les destinataires de ce courrier. 

Mais le 7 avril, le BDP retournait au Kurdistan d’Irak afin de rencontrer à nouveau la guerilla à Qandil pour leur remettre cette fameuse lettre, laquelle n’a pas semblé apaiser Karayılan ni répondre à toutes les questions que se pose la guerilla, puisqu’il a réitéré sa demande d’une rencontre « directe » avec Öcalan :

 « Pourquoi un groupe du PKK (KCK) ne visiterait pas Imrali s’il y a besoin ? Notre mouvement veut surmonter ce problème et nous sommes pour l'avancement du processus, pas pour le mener à une impasse. Pourtant, cela prend 15-20 jours pour entrer en contact avec le leader, et toutes les étapes de la recncontre et des contacts avec lui requièrent la permission préalable du ministre de la Justice puis du Premier ministre. Ce système fait que le processus avance très lentement. Il faut user d’une méthode comme celle utilisée dans le processus de résolution d’Afrique du sud. L’isolation du leader ne permet pas une communication saine et une avancée. Une décision pourrait être prise plus aisément si le chemin suivi par le processus avec Mandela l'était aussi par la Turquie. »


Plus catégorique, Duran Kalkan, un autre vétéran de la guerilla, a déclaré à Nûçe TV, le 13 avril, que pour le moment, un retrait des forces de la guerilla de Turquie « était hors de question ».

« Nos forces sont en cessez-le-feu et en position défensive. La guerilla a pris la montagne et les armes parce qu'elle avaient un but et luttait pour sa vie. Le ledaer Apo demande la liberté, le début d'un processus de résolution de la question kurde, la reconnaissance de l’identité kurde et le traitement équitable et juste des Kurdes. Il sera difficile de convaincre la guerilla de se retirer tant qu‘ils n’aura pas eu de réponse à ces demandes. »

Duran Kalkan appuie également la demande de Karayilan de pouvoir contacter directement Öcalan.

Faisant toujours la navette entre ce dernier et le PKK, les députés Pervin Buldan et Sırrı Süreyya Önder ont refait la traversée d’Imrali et annoncé qu’Öcalan allait délivrer une autre lettre au PKK, qui répondrait aux questions envoyées par le commandement militaire.

Mais dans un premier temps, le 15 avril, c’est une déclaration d'Öcalan au peuple de Turquie qui a été lue  par Sirri Önder :


« Cher et estimé peuple de Turquie, le processus en quête d'une paix et d’une solution démocratique par lequel nous passons prend en compte toutes les sensibilités. Je travaille dur pour faire en sorte que l’environnement non conflictuel que nous avons atteint devienne permanent et que le processus de retrait puisse commencer. Je peux dire qu’à l’heure actuelle nous en sommes à un point prometteur. Je partagerai le travail que je mène, dans le respect du peuple turc, ces jours prochains. Exprimant ma gratitude à tous ceux qui ont contribué au processus d’une solution démocratique, je salue tous ceux qui ont confiance dans le fait qu’une paix égalitaire, démocratique et juste puisse être atteinte.»
Aux questions des journalistes plus curieux de la déclaration qui doit être faite au PKK que de celle adressée à l'estimé peuple turc, Siiri Önder a indiqué n’avoir aucune information sur les « détails du retrait ».
Quelques jours plus tard, le 16 avril, Selahattin Demirtaş a exprimé tout de même des doutes sur la faisabilité pratique d’un tel retrait : 
«Le Premier ministre Erdogan nous dit que le désarmement doit avoir lieu mais même lui sait que c’est techniquement impossible. Il dit : « Laissez les armes dans des grottes ou enterrez-les, faites comme vous voulez!  » Mais qui va contrôler tout cela ?
Cela n’empêche pas Sırrı Süreyya Önder d’assurer, 4 jours plus tard, au journal Hürriyet, que le retrait pourrait se faire bientôt, dans 8-10 jours. Interrogé sur le devenir de ces combattants revenus à l’état civil, le député assure que l’équipe du KCK travaille actuellement  « sur un programme pour impliquer la guerilla dans des politiques démocratiques sur la base d’une libération démocratique. »
Si avec ça, la guerilla n’est pas rassurée… Mais il ajoute :  « Cela va sans dire que d'autres mesures vont être prises en accord avec l’accomplissement des promesses faites par l’État pour mettre en place le processus. »
Cela va sans dire… sauf que l'État n'a fait, publiquement, aucune promesse.

Entre temps, le Parlement d'Ankara a voté, le 12 avril, une loi visant à mettre le pays plus en conformité avec les critères de l’Union européenne en matière de liberté d’expression et de droits de l’homme, amendant la fameuse loi « anti terreur » si critiquée. Il sera ainsi fait la distinction entre le délit de « propagande terroriste » et des faits réels de violence, ce qui pourrait permettre la libération de milliers de détenus kurdes dans le pays mais là non plus, l'AKP ne s'est engagé à rien.

Depuis la demande officielle de cessez-le-feu et celle du retrait de Turquie des combattants  du PKK formulée par Abdullah Öcalan, le 21 mars,  les « gestes  de bonne volonté » ont donc plutôt été amorcés du côté kurde, mais tout semble traîner en longueur, au point que l’on peut se demander si ce processus n’est pas à scinder en plusieurs parties : d’une part, les pourparlers que nécessitent les conditions exigées par la Turquie, via Öcalan,  à savoir le retrait de son sol et l’arrêt de tout combat ; et, de l’autre, des débats et discussions inter-kurdes entre une branche armée fort réticente à accepter sans contrepartie concrète ce qui prend tout de même l’aspect d’un armistice, voire d’une reddition, avec garanties minimales, et une branche politique qui, trouvant peut-être plus son compte dans une phase de normalisation au sein de la Turquie, pousse le PKK à s’aligner plus rapidement sur les propositions d’Öcalan. 

En attendant, depuis le 21 mars, le Printemps de la Turquie, annoncé triomphalement par Taraf se fait quelque peu attendre… 

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