Étincelles
L'Incendiaire : j'aime cette façon de l'appeler, qui fait de lui ce qu'il est, un pyromane, un délinquant dangereux, plus dangereux que le Pôle du Monde grimé en voyou et qui a fini crucifié comme un scandale.
Au reste, n'avait-il pas déclaré un jour qu'Il n'était venu que pour mettre le Feu (Lc 12, 49). Ces éclats brûlés du soir, seules reliques certaines de Lui, c'était soudain comme l'amadou du Bien-aimé.
"L'amadou du Bien-aimé", des mots que l'on croirait sortis de l'extase d'un soufi dansant. Malgré cela, ensuite, tout autour de l'Avent et de Noël, comme souvent, chez les catholiques, ça retombe dans la cuculterie bleue et rose, Sainte-Famille Saintes-Pralines, un petit Jésus et une Vierge Marie de sucre et de pâtes d'amande. Bien la peine d'asséner péremptoirement sur la fin que Jésus a eu une "vie affective" mais pas de "vie sentimentale", tout ça parce que "le sentiment disparaît où apparaît la Charité" ; toujours cette grande trouille chrétienne de l'Éros ! Résultat : quand on met l'Éros à la porte, voilà que tout se dilue en sentimentalité ou dans la sécheresse effrayante de la Charité quand elle n'est que cela.
Oui, dommage que sur un maître parti courir les routes en plantant là sa famille, à qui il préfère la compagnie de disciples mal élevés (et parfois mal lavés), on fonde si vite une morale convenable, propre sur elle, avec toujours quelque chose de resserré, de retenu et de confiné dans la bienséance, une étroitesse plus que la tension d'un arc armé, par exemple.
C'est pour cela qu'il ne faudrait pas, jamais, hésiter à tourner "son" Dieu en dérision, afin de débusquer en cela l'idole, c'est à dire toujours élucider la question : "Quel dieu pries-tu ?" ; ce que l'on peut faire à l'école de la folle sagesse, ou de la voie du Blâme, c'est-à-dire se pousser au blasphème, aller jusqu'à l'extrême pointe de l'impiété, comme on décape un amour au cynisme, pour voir ce qui va y résister. Traquer l'idolâtre en soi ; lui déclarer la guerre, par le rire ; cesser de s'agenouiller devant sa merveilleuse piété, cesser de s'aimer soi-même en croyant aimable. Il est vrai que l'on peut avoir l'espoir d'être aimé en jouant les mauvaises têtes, et même le sentiment d'être plus aimable en se faisant plus désirable que d'autres en gardant les cochons. Se quitter soi, oui, mais ce n'est pas encore assez. Il faudrait quitter Dieu, se faire athée, aimer Dieu de l'amour de l'athée, comme Simone Weil :
Notes prises en lisant Étincelles, de François Cassingena-Trévedy, moine de Ligugé.
Oui, dommage que sur un maître parti courir les routes en plantant là sa famille, à qui il préfère la compagnie de disciples mal élevés (et parfois mal lavés), on fonde si vite une morale convenable, propre sur elle, avec toujours quelque chose de resserré, de retenu et de confiné dans la bienséance, une étroitesse plus que la tension d'un arc armé, par exemple.
L'humour est le marteau des idoles, surtout de celles que l'on se fabrique de soi-même ; il met de la distance entre soi et soi ; il trace entre soi et soi ce tout petit chemin, ce bienheureux petit chemin qui suffit pour que l'on se quitte et que l'on s'en aille de soi-même.
C'est pour cela qu'il ne faudrait pas, jamais, hésiter à tourner "son" Dieu en dérision, afin de débusquer en cela l'idole, c'est à dire toujours élucider la question : "Quel dieu pries-tu ?" ; ce que l'on peut faire à l'école de la folle sagesse, ou de la voie du Blâme, c'est-à-dire se pousser au blasphème, aller jusqu'à l'extrême pointe de l'impiété, comme on décape un amour au cynisme, pour voir ce qui va y résister. Traquer l'idolâtre en soi ; lui déclarer la guerre, par le rire ; cesser de s'agenouiller devant sa merveilleuse piété, cesser de s'aimer soi-même en croyant aimable. Il est vrai que l'on peut avoir l'espoir d'être aimé en jouant les mauvaises têtes, et même le sentiment d'être plus aimable en se faisant plus désirable que d'autres en gardant les cochons. Se quitter soi, oui, mais ce n'est pas encore assez. Il faudrait quitter Dieu, se faire athée, aimer Dieu de l'amour de l'athée, comme Simone Weil :
Cas de contradictoires vrais. Dieu existe, Dieu n'existe pas. Où est le problème ? Je suis tout à fait sûre qu'il y a un Dieu, en ce sens que je suis tout à fait sûre que mon amour n'est pas illusoire. Je suis tout à fait sûre qu'il n'y a pas de Dieu, en ce sens que je suis tout à fait sûre que rien de réel ne ressemble à ce que je peux concevoir quand je prononce ce nom. Mais cela que je ne puis concevoir n'est pas une illusion.
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Entre deux hommes qui n'ont pas l'expérience de Dieu, celui qui le nie en est peut-être le plus près.
La Pesanteur et la grâce.Comme ça, pas de récompense au bout, pas de distribution des prix :
Christ-Roi – Roi de quoi ? Roi de Gloire. Roi de Rien.
Notes prises en lisant Étincelles, de François Cassingena-Trévedy, moine de Ligugé.
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