Abdallah el-Hadji, sayyid, trois fois hadji, émissaire de Saladin et joyeux luron
Ce nouvel émissaire était un émir fort apprécié du sultan qui répondait au nom d'Abdallah el-Hadji. Il descendait de la famille du Prophète et de la tribu des Hashim, et pour attester de sa généalogie, portait un turban vert de belle dimension. Il avait également accompli, par trois fois, le pèlerinage à La Mecque, ce qui lui avait valu son surnom d'el-Hadji, "le Pèlerin". Malgré ses diverses prétentions à la sainteté, Abdallah était – pour un Arabe – un joyeux luron qui appréciait les histoires lestes et mettait de côté son grave maintien jusqu'à vider un flacon avec plaisir, quand le secret le garantissait des médisances. Il était aussi homme d'État et Saladin avait utilisé ses talents dans diverses négociations avec les princes chrétiens, et notamment Richard qui connaissait personnellement el-Hadji et l'estimait. Ravi d'avoir obtenu de l'envoyé son accord enthousiaste pour le choix d'un terrain neutre en prévision du combat, un sauf-conduit pour tous ceux qui voudraient y assister, et l'offre de servir lui-même d'otage en garantie de la bonne foi du sultan, Richard oublia vite ses espoirs déçus et l'imminente dissolution de la ligue croisée pour se livrer avec passion aux débats qui précèdent un combat en champ clos.(...)Une fois tous ces préliminaires réglés et communiqués à l'accusé et à tous ses témoins, Abdallah el-Hadji fut convié à une entrevue plus intime où il eut le plaisir d'entendre les mélodies de Blondel. S'étant d'abord débarrassé de son turban qu'il dissimula aux regards pour le remplacer par un bonnet grec, il remercia le ménestrel normand pour sa musique en entonnant une chanson bachique traduite du persan et but avec entrain un flacon de vin de Chypre pour prouver qu'il joignait la pratique à la théorie. Le lendemain, aussi grave et à jeun que le buveur d'eau Mirglip, il courba le front jusqu'à terre devant le repose-pied de Saladin et rendit compte au sultan de son ambassade.
Walter Scott, Le Talisman
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