LIBAN : LES KURDES SE PLAIGNENT DE DISCRIMINATIONS


Un reportage du Daily Star se penche sur l’étrange situation des Kurdes vivant au Liban, dont beaucoup n’ont jamais pu obtenir la nationalité de ce pays, bien que la majeure partie de cette communauté soit arrivée dans les années 1920-1930, alors qu’elle fuyait les persécutions de la république de Turquie. C’est lors du dîner annuel donnée par l’Association philanthropique des Kurdes libanais à l’occasion de l’Iftar (rupture du Jeûne), que les journalistes ont pu rencontrer les 250 adhérents de l’association ainsi que le sheikh Hamed Mousamak, qui, prenant la parole dans l’assemblée, est revenu sur les difficultés rencontrées par sa communauté : « La communauté kurde fait face à deux problèmes majeurs. Beaucoup d’entre nous n’ont pas la citoyenneté libanaise et nous ne sommes représentés ni au Parlement, ni au gouvernement. »
Privés des droits et des aides accordées aux Libanais, ces Kurdes, qui font partie des couches de la société les plus défavorisées, sont ainsi discriminés dans l’accès à l’éducation supérieure, la santé, l’emploi. Malgré les promesses du gouvernement Hariri, en 1994, de régulariser cette situation, l’hostilité des chrétiens à tout octroi massif de citoyenneté accordée à une population musulmane, ainsi que l’indifférence des autres Libanais envers ces non-Arabes, a fait qu’aujourd’hui encore, 40% des quelques 75 000 Kurdes qui vivent au Liban depuis plusieurs générations n’ont pas la nationalité libanaise et subissent ainsi un statut précaire de résidents non nationaux.
« Nous nous sommes plaints à beaucoup d’hommes politiques et de leaders religieux, explique le Sheikh Hami, mais personne ne soutient notre cause. Nous n’avons même pas de lieux où notre communauté puisse se rassembler. Nous voudrions construire un centre kurde, mais nous ne le pouvons pas. Le dîner annuel de l’Iftar est la seule occasion pour que notre peuple se réunisse. »
Les Kurdes commencèrent d'arriver au Liban, alors sous mandat français, à la fin de la Première Guerre mondiale et surtout après la révolte de Sheikh Saïd en 1925, et puis durant toutes celles de l'entre-deux-Guerres, fuyant la répression en Turquie. Il y eut aussi, dans les années 1960, une vague d'émigration économique. Socialement et économiquement, c'est une des communautés les plus faibles, les moins instruites et des plus défavorisés du pays. Ils ont été ou sont encore agriculteurs, manoeuvres, ouvriers ou bien travailleurs non qualifiés.
La question de leur naturalisation ne se posa pas aux Kurdes avant la Seconde Guerre mondiale. Auparavant, la plupart d’entre eux n’avaient pas jugé utile de se dépenser en argent ou en démarches administratives pour obtenir une citoyenneté qui ne leur offrait, à l’époque, pas d’avantages particuliers. Mais en 1941, ils se trouvèrent, étant sans papiers, exclus du système des cartes de rationnement d'alimentation établi dans les colonies et protectorats français comme en métropole. Par malchance, un an auparavant, une loi venait tout juste de restreindre l'accès à cette citoyenneté alors que les conditions en avaient été jusqu’ici très larges : il suffisait d'avoir vécu 5 ans consécutifs dans le pays ou d'avoir épousé un(e) Libanais(e).
En 1960, Kemal Djoumblatt, le chef de la communauté druze, lui-même d’origine kurde, devenu ministre de l’Intérieur, leur accorda une citoyenneté « indéterminée » qui permit à ceux qui en bénéficiaient d'obtenir, au moins pour leurs enfants, la nationalité libanaise s'ils étaient nés au Liban. Mais cette mesure fut annulée en 1962 sous la pression des chrétiens, qui, s'ils étaient favorables à la naturalisation des Arméniens, s'opposaient à celle des Kurdes musulmans par peur de faire basculer l'équilibre démographique entre les groupes religieux du pays. On instaura donc des « cartes de substitution », qui permettent de circuler dans et hors le Liban, et d'avoir accès à l'école publique. Ces cartes de substitution ne donnent pas le droit de vote et ne permettent pas d'exercer un emploi de fonctionnaire.
Le 21 juin 1994, Rafik Hariri permit à un certain nombre de Kurdes, estimés entre 10.000 et 18.000 d'être naturalisés, malgré une vive opposition chrétienne.

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