IRAN : LES PRISONNIERS POLITIQUES KURDES EN GREVE DE LA FAIM
Alors que depuis le 25 août dernier des prisonniers politiques kurdes font grève de la faim dans les prisons iraniennes, les commerçants de la ville kurde Mahabad ont observé, le 3 septembre, une journée de grève en refusant d’ouvrir leurs boutiques, par solidarité avec leurs compatriotes incarcérés.
N’appréciant guère la démonstration, les Forces de sécurité de l’Etat (SSF) ainsi que des agents des services secrets ont mené des raids dans les bazars et les rues de Mahabad, afin d’obliger leurs propriétaires à reprendre leur activité. Quant aux manifestants qui protestaient ouvertement, ils ont tous été photographiés et filmés par les autorités.
Les prisonniers politiques kurdes qui observent cette grève de la faim sont au nombre de quarante dans la prison d’Ourmieh, quinze à Mahabad, treize à Sanandadj et huit dans la prison d’Evin à Téhéran, tandis que quatre autres n’ont pu être localisés. Dans leur déclaration, les grévistes, dont huit sont condamnés à mort et attendent leur exécution, font appel à l’opinion publique internationale, en faisant état de conditions de détention inhumaines. Ils réclament la suspension immédiate des exécutions et l’arrêt « de toutes formes de torture et de punitions dégradantes. » Ils demandent aussi à ce que les prisons iraniennes soient contrôlées par une commission internationale.
Dans son dernier rapport, datant de juillet 2008, Amnesty International avait déjà alerté sur le nombre croissant des détentions arbitraires, des procès iniques et de la recrudescence des exécutions dans les prisons d’Iran, en indiquant que la population kurde était tout particulièrement visée, surtout les journalistes, les défenseurs des droits de l’homme et les militants féministes.
Le Comité de protection de journalistes a également appelé l’Iran à la libération de deux journalistes kurdes, arrêtés en août dernier, Anvar Sa’dj Mutchashi et Massoud Kurdpour.
Anvar Mutchashi, étudiant en droit à l’université internationale de Téhéran, travaillait pour plusieurs chaînes de télévision satellite kurdes et exerçait aussi des activités de militant. Il avait aussi collaboré au journal kurde Karaftu, un hebdomadaire interdit depuis. La veille de son arrestation, il avait confié à des collègues de travail qu’il avait reçu un appel téléphonique d’un agent des services de sécurité, l’avertissant qu’il avait « dépassé la ligne rouge ».
Quant à Massoud Kurdpour, il exerçait le journalisme en free-lance et militait aussi pour les droits de l’homme. Il a été arrêté à son domicile, dans la ville de Bokan. Membre de la rédaction d’un journal maintenant interdit, Didga, il a donné régulièrement des interviews portant sur la question kurde à plusieurs radios étrangères, dont Voice of America, Radio Farda, la BBC et Deutsche Welle. Sa famille, qui a pu lui rendre visite, a fait état de son amaigrissement et parlé de mauvais traitements. Les seules informations qu’elle a pu obtenir de la part des services de sécurité, concernant les charges qui lui sont reprochées, sont ses contacts avec des agences de presse internationales et ses déclarations dans des média internationaux. Ainsi, le 12 juillet 2008, date de sa dernière déclaration à la presse, il avait pris la parole dans une émission en langue kurde de la radio Voice of America, qui couvrait une grève au Kurdistan d’Iran, pour commémorer l’assassinat du leader kurde Abdulrahamn Ghassemlou en 1989, par les services iraniens.
D’autres journaux ont été récemment fermés par la Commission pour la surveillance et l’autorisation de la presse, un organe du ministère de la Culture et de l’orientation islamiques : ainsi le magazine écologiste Tarabestan Sabaz et, de façon surprenante, la revue de mots croisés Sargami. Dans son courrier des lecteurs figuraient en effet des propos humoristiques visant les dirigeants du pays. Il lui a été reproché la publication de « commentaires inappropriés » et le journal a été interdit.
Le 5 septembre, cependant, les ONG, dont Reporters sans frontières, apprenaient avec soulagement que la peine de mort qui avait été prononcée contre le journaliste kurde Adnan Hassanpour, avait été annulée pour « vice de procédure ». En effet, la Cour Suprême de Téhéran a finalement jugé que l’accusation « d’ennemi de Dieu » retenue contre le journaliste (délit qui fait encourir la peine capitale) s’avérait sans fondement solide. Elle a donc renvoyé l’accusé au tribunal de Sananadadj. Reporter sans Frontière a exprimé sa satisfaction, tout en demandant à nouveau la libération immédiate d’Adnan Hassanpour, « qui vit un calvaire depuis dix-huit mois », et qui nie toutes les charges dont on l’accuse. « L’accusation n’a jamais été en mesure de démontrer les preuves de sa culpabilité. Malgré cela, les juges en charge du dossier avaient, à deux reprises, décidé de le condamner à mort. L’acharnement judiciaire contre les journalistes indépendants et ceux collaborant avec la presse étrangère doit cesser. »
Saleh Nibakht, l’avocat du prisonnier, espère que le tribunal de Sanandadj ne fera pas deux fois de suite « la même erreur », en indiquant que l’un des juges qui y officiaient a depuis été renvoyé. Un nouveau procès contre Adnan Hassanpour a débuté le 6 septembre.
Adnan Hassanpour, âgé de 26 ans, a été arrêté le 25 janvier 2007 et emprisonné à Mahabad, avant d’être transféré à Sanandadj. Il avait travaillé pour l’hebdomadaire Aso, un journal qui traite de la question kurde, sujet « sensible » en Iran, hebdomadaire qui a été interdit en 2005 par le ministère de la Culture et de l’orientation islamique. Le journaliste collaborait aussi à des radios étrangères, telles Voice of America et radio Farda. Depuis son arrestation, il a poursuivi deux grèves de la faim pour protester contre ses conditions de détention.
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