Défense de Baskin Oran (3)

Sur le pseudo-acte d'accusation - 2
Droits des minorités linguistiques en France

Laissez-moi tout clarifier ceci : Pour fournir une comparaison avec la Turquie, je décrirai seulement la France métropolitaine, c’est-à-dire le pays français en Europe, comme nous savons. Sinon, si j’inclus “l’Outre-mer” comme disent les Français, où les droits des minorités sont pratiqués de façon bien plus évidente et générale, ceux qui considèrent la France comme un Etat centralisé unitaire pourraient avoir une attaque cardiaque. Par exemple en Nouvelle-Calédonie, le français n’est pas la première langue mais la seconde; mais je ne m’étendrai pas là-dessus davantage.

Sur cette question l’acte d’accusation met en avant des informations ramassées ça et là et qui sont naturellement fausses.

Le concept des “Langues de France”

L’article 2 de la Constitution française est le suivant : “La langue de la République est le français”.

Cela devrait beaucoup plaire à l’accusation car cela nous rappelle la déclaration : “Sa langue est le turc” de l’article 3/1 de notre Constitution, se référant à l’Etat turc.

Cependant il existe en France quelque chose d’autre que le Procureur ne connaît pas et ne serait pas heureux de connaître : Le concept des “Langues de France”. Si nous avions ce concept en Turquie ça donnerait : “Les langues de Turquie”.

L’institution publique[1] dépendant du Ministère français de la ulture et de la ommunication, auparavant connue sous le nom de “Délégation Générale à la langue française”, nom qui a été changé en “Délégation Générale à la langue française et aux langues de France” le 16 octobre 2001, définit ce concept comme suit :

“Le concept de “Langues de France” se réfère aux langues régionales ou minoritaires traditionnellement parlées par des citoyens français sur le territoire de la République, et qui ne sont les langues officielles d’aucun autre Etat.”

Le nombre de ces langues régionales et minoritaires dépasse les 75 en incluant les langues d’Outre-mer. Le nombre de celles parlées en France métropolitaine est seulement de 16 et elles sont divisées en “langues régionales” et “langues non-territoriales”.

Il y a 10 langues “régionales” en France : l’alsacien, le basque, le breton, le catalan, le corse, le flamand occidental, le francique mosellan, le francoprovençal, les langues d’oïl, les parlers d’oc ou occitan.

Il y a 6 langues “non-territoriales” ; l’arabe dialectal, l’arménien occidental, le berbère, le judéo-espagnol, le romani, le yiddish.[2]

On est absolument libre de parler, écrire, publier, faire des productions artistiques, etc. dans ces langues.

La loi “Deixonne” sur l’enseignement des langues locales et des dialectes, en vigueur depuis 1951 stipule que l’éducation en breton, basque, catalan et occitan est permise (article 10) et la dite loi recense les universités où ces langues peuvent être objets d’enseignement et de recherche (article 11).

Le corse[3] (décret du 16 janvier 1974) et l’alsacien, langue minoritaire parlée en Alsace-Moselle (arrêté du 30 mai 2003) ont été admis dans les langues pouvant être “l’objet d’un enseignement[4]”.

Monsieur le Président, le Procureur peut ne pas avoir été au courant de tout cela. Parce que si vous regardez les dates qui sont données ici, ce sont des développements qui prennent place après son diplôme de l’Ecole juridique. Cependant, ignorer les derniers développements scientifiques n’est pas une excuse, tout comme ignorer la loi n’en est pas une non plus. Si c’était le cas, alors ne pas demander d’apprendre n’en est certainement pas une.

Laissez-moi ouvrir une parenthèse et vous donner une brève information sur les régions d’Alsace-Moselle et sur les langues minoritaires qui y sont parlées. Je regrette, mais certaines personnes vont en avoir la chair de poule; Cependant, ce n’est pas moi qui suis à blâmer. Je ne suis pas celui qui a cité la France en exemple pour la comparer avec la Turquie.

Tout comme celle d’Alexandrette (Hatay), séparée de la Turquie entre 1918-39 et puis qui lui a été rattachée, ou bien celle de Kars-Ardahan qui fut sous gouvernement russe entre 1878-1918, cette région de France, située sur la frontière allemande, est une partie de l’Alsace-Lorraine qui fut donnée à l’Allemagne après sa fondation en 1871 et la défaite française contre ce pays, avant de revenir à la France en 1918.

Cette région où les privilèges mentionés plus haut sont appliqués pour les minorités, est composé de toute la province d’Alsace et de la Moselle, une partie de la province de Lorraine.

Selon les linguistes, la langue qu’on y parle n’est pas une langue à part mais un dialecte allemand. En dépit de ce fait, comme je l’ai mentionné, ce dialecte est accepté comme une langue minoritaire comprise dans les “Langues de France” et jouit de tous les privilèges qui leur sont accordés. Comme je l’expliquerai brièvement, dans cette région de France les gens parle cette langue dans leur vie publique et privée et, bien que cela puisse sembler difficile à croire, ils appliquent le droit allemand.

Laissez-moi vous rappeler à nouveau ceci, pour éviter toute erreur : Nous parlons de la France, que l’acte d’accusation désigne à la Turquie comme étant le meilleur exemple d’un Etat unitaire.

Pourvu que cela soit stipulé par le règlement de la municipalité, le dialecte de l’Alsace peut être utilisé par les municipalités.

Les associations situées dans la région utilisent de même l’alsacien dans leurs activités. En 1993, la Cour d’appel de Colmar, dans une affaire dont le fond portait sur le fait que l’assemblée générale d’une association s’était tenue en alsacien, a rejeté l’annulation des décisions de l’assemblée générale. A partir de là, on peut considérer qu’il n’y a plus de barrières pour utiliser l’alsacien dans les associations.

Bien que la loi “Toubon” du 4 août 1994 sur l’usage de la langue française stipule que le français est obligatoire dans l’éducation, les transactions commerciales et les services publics, l’alsacien n’est pas interdit dans les administrations publiques en Alsace. En fait, l’art. 21 de la dite loi dit ceci : “les dispositions de la loi ci-dessous ne peuvent être applicables aux documents de réglementation des langues locales en France et ne peuvent constituer des barrières à l'utilisation de ces langues”[5] Ainsi elle admet le fait que l’usage verbal des langues locales dans les administrations de la région n’est pas interdit, et c’est donc son application réelle.

Dans la région, des affiches pour les campagnes électorales et la propagande ont été imprimées en français et en allemand depuis 1919. [6]

Depuis la circulaire du 10 août 1979 n° 1619, cette langue, en plus du français, peut être utilisée sur les panneaux de signalisation des autoroutes[7]. En Alsace, les noms des rues sont dans les deux langues sur les sites historiques de Strasbourg.

Situation dans le domaine judiciaire

Cette situation est tout simplement choquante pour nous.

Les décrets présidentiels de 1919, 1922 et 1928 stipulent que le français, l’allemand ou le dialecte local (alsacien) peuvent être utilisés par la défense dans les tribunaux.

Selon ces mêmes décrets, si les parties déclarent que leur français est inadéquat, les documents notariés publics peuvent être écrits en alsacien.

Si le juge l’accepte, les parties à la cour peuvent directement communiquer dans la langue minoritaire. Car en vertu de l’art. 23 du nouveau Code de procédure légale; “Si le juge est compétent dans la langue parlée par les parties il ne doit pas faire appel à un interprète[8].

Situation dans l’Education

La situation dans l’éducation est encore plus frappante : ces langues minoritaires sont enseignées dans les écoles publiques et privées.

Dans les écoles privées, à partir de la maternelle sont libres de les apprendre tous ceux qui s’intéressent à ces langues, parlées par un total de 250.000 étudiants dans toute la France selon les données du ministère de l’Education.[9] Il est même possible pour les maternelles et les écoles primaires d’adopter ces langues dans le Pays basque et l’Alsace-Moselle, comme medium de l’education; il n’y a pas à cela de barrière juridique. La même chose est applicable au secondaire. Des écoles enseignent uniquement dans ces langues.

L’Etat fournit une contribution financière à ce système. Ainsi le Pays basque est financé à 70% par l’Etat et à 30% par les parents dans cette région[10].

Dans les écoles publiques ou les écoles sous contrat avec l’Etat, ces cours sont imitées à 2 h par semaine, tout comme les autres langues étrangères.

En accord avec la décision administrative du 31 juillet 2001, la moitié des cours sont enseignés en français et l’autre moitié dans la langue minoritaire dans les écoles de type “bilingue”, à tous les niveaux (maternelle, primaire et secondaire)[11]. Dans ce type d’école il y a une section à part appelée “langues régionales”. De telles écoles en Alsace-Moselle donne des cours moitié en allemand (alsacien) et moitié en français.

C’est le cas jusqu’à l’université. Il est possible de suivre un cursus de Littérature et de langue régionales à l’université.

Il y a des instituts d’enseignement supérieur dans certaines régions qui fournissent une éducation uniquement en langue minoritaire, comme L’Institut d’Etudes Basques à Bayonne. [12]

Inutile de dire que ces cours sont compris dans les heures de classe réglementaires partout en France.

Situation dans la culture et les arts

Les privilèges dont jouissent les langues minoritaires ne sont pas seulement limités au domaine de l’éducation. Ces langues sont protégées et soutenues dans la culture, la formation et l’éducation. Elles sont financées par l’Etat français dans des domaines variés tels que la musique, les livres, le théâtre, le patrimoine ethonlogique, les archives, les musées, les films.

Par exemple, le programme de la “Bibliothèque des langues de France” a été établi afin de fournir des prêts pour les bilbiothèques qui acceptent ou recherchent des livres écrits en ces Langues de France, et aussi de fournir des subventions pour les éditeurs qui voudraient publier dans ces langues. Il y a une division du travail en France: le ministère de l’Education nationale est responsable de la protection et du dévelopement du français et le ministère de la Culture et de la Communication de ceux des “Langues de France”[13].

Je ne sais si vous avez noté que je n’ai pas du tout mentionné le corse. Je ne pourrais le faire sans expliquer le statut d’autonomie administrative de l’Ile. Laissez-moi seulement dire ceci : Le corse est enseigné depuis 1974 dans les écoles primaires et secondaires, tout comme à l’université de Corte fondée en 1980. Selon les données de 1998, 85% des élèves de l’école primaire dans l’Ile apprennent le corse à l’école, surtout dans les onze écoles “bilingues”.

Les droits des minorités religieuses en France

Contrairement à ce que proclame le Procureur, il y a aussi des minorités religieuses en France.

La question religieuse a suivi un chemin standard après la Loi de 1905 qui a séparé l’Eglise de l’Etat.

Sauf pour la région d’Alsace-Moselle. Ainsi :

- Aucun enseignement religieux, obligatoire ou facultatif, ne peut être donné dans les écoles primaires et secondaires en France. (Cependant ces écoles ferment le mercredi pour que les parents puissent assurer une instruction religieuse pour leurs enfants, mais le samedi les écoles sont ouvertes. Les écoles privées décident elles-mêmes pour tout ce qui ressort des questions religieuses.)

Cependant, l’enseignement religieux est obligatoire dans les écoles primaires et secondaires de la région d’Alsace-Moselle. Mais les parents peuvent choisir cet enseignement religieux : catholique, protestant, juifs ou cours de morale pour leurs enfants. [14]

- Les religieux ne sont ni payés ni nommés par le gouvernement nulle part en France. Ils vivent des dons des fidèles. Ils ne sont pas non plus inclus dans le protocole de l’Etat.

Cependant, dans cette région, les religieux des trois religions et cultes reconnus en France (catholicisme, protestantisme, judaïsme) sont des fonctionnaires payés par le gouvernement et logés par la commune. Le président de la République nomme les archevêques choisis par la Congrégation catholique. C’est la même chose pour les deux églises protestantes reconnues. Le chef des rabbins choisi par la Congrégation juive est approuvé par le gouvernement. Avec les rabbins, le sacrificateur et le circonciseur (mohel) sont aussi rémunérés par le gouvernement. Tous les dirigeants religieux sont inclus dans le protocole de l’Etat.

- Il n’y a pas de cimetières religieux en France; tous les cimetières sont gérés par la municipalité et les gens de religion différente sont enterrés ensemble; il est interdit de les séparer. Ainsi, Yılmaz Güney est enterré au cimetière du Père Lachaise dans le nord de Paris, au milieu des autres défunts.

Pourtant dans cette région les cimetières sont des cimetières religieux et ils apaprtiennent aux édifices religieux à côté d’eux. Par conséquent il y a des zones funéraires spécifiques pour les musulmans, appelées “carrés musulmans” dans ces cimetières d’Alsace-Moselle[15].

J’aimerais ajouter que le Procureur ne fait aucune autre erreur : le ministre de l’Intérieur de la France “laïque” qui “rejette le concept de minorité” est dans le même temps le ministre d’Etat responsable des Affaires religieuses. Bien qu’en grande partie symboliques dans toutes les régions autres que l’Alsace-Moselle, ces cultes officiellement reconnus sont sous les auspices réels et officiels du ministre de l’Intérieur, en d’autres termes, de l’Etat. Cette situation constitute un privilège religieux (droits additionnels) pour les religions et les cultes de cette région, à la fois financièrement et en terme de protocole d’Etat.

Les droits légaux et administratifs des minorités en France

Je reste en France métropolitaine, en excluant toujours les Territoires d’Outre-Mer afin de ne pas nuire à la santé de certaines personnes :

Dans cette France qui rejette le concept de “minorité”, deux minorités jouissent de droits légaux et administratifs dans ces deux régions : l’Alsace-Moselle et la Corse.

“droits ethniques et religieux”, “droits à une représentation spéciale”, “droits administratifs spéciaux”: Ce sont ces trois types de droit qui sont demandés par les minorités. Je n’élaborerais pas de théorie et épargnerais votre temps. Cela figure dans mon livre, que le Procureur prétend avoir lu; laissez-moi juste commenter la conclusion:

La troisième de ces demandes, “droit à une représentation spéciale”, est la plus sérieuse de toutes et les Etats-nations n’aiment pas le leur accorder.

Pourquoi ? Parce que cela signifie une auto-administration de la minorité et par conséquent son isolement de la “nation”. Dans de tels cas, les minorités prennent des décisions sur certaines questions, ou étendent et pratiquent cette autonomie de façon territoriale dans une région spécifique.

Ce que je mentionne ici sur l’Alsace-Moselle et la Corse est la forme la plus radicale des plus sérieuses de ces demandes. C’est une grande affaire que ces droits légaux additionnels en Alsace-Moselle et les droits à une administration directe de la minorité en Corse. Voyons cela :

1) Alsace-Moselle[16] :

a) Après le retour de l’Alsace-Lorraine à la France en 1918, le code pénal français prit immédiatement effet en Alsace-Moselle. Pourtant, certains des codes locaux de la Loi germanique furent maintenus. La Cour d’appel française a dû commenter cette question qui nous paraît très étrange, déclarant que “ces codes sontdevenus codes français.”

La Cour a été très avisée de faire cela. C’est grâce à cette sagesse pragmatique qu’il n’y a pas de problèmes de minorité en Alsace-Lorraine aujourd’hui.

b) Parce que l’Allemagne a commencé son industrialisation plus tôt que la France, elle a procédé en son temps en termes de mesures de sécurité sociale. Après le transfert de cette région à la France ces règles juridiques furent aussi maintenues. Par exemple dans cette région un système supplémentaire de sécurité sociale est en effet où les assurés paient une contribution de 10% au lieu de 20%.

c) Dans l’Allemagne du 19ème siècle, le maire avait une fonction administrative fondamentale. Même après le transfert de la région à la France, l’autorité des maires en Alsace-Moselle fut plus étendue que celle des autres maires de France. La situation fut rééquilibrée seulement après que la Loi sur les Administrations locales de 1982 entra en vigueur.

d) Les associations dans la région sont sujettes à plusieurs articles du code civil allemand. Ainsi une association fondée en accord avec la loi locale peut fonctionner comme une organisation à buts lucratifs.

C’est là un exemple supplémentaire qui pourra vous faire dire “Maintenant ç’en est trop !”: certains codes en vigueur en Alsace-Moselle tel que le code des associations locales, ne sont même pas traduits en français. Ils sont demeurés en allemand. En 1975 la Cour d’appel a rejeté une plainte contre le fait que ces codes étaient en allemand.

La Cour d’appel française a statué le 10 mars 1988 : “La loi du 1er juin 1924 qui maintient en application certains textes juridiques locaux en allemand, ne conditionne pas leur pratique à leur traduction en français.” Ainsi certaines lois en vigueur en France aujourd’hui sont totalement en allemand.

Continuons: les privilèges juridiques de la région ont été approuvés par le Conseil constitutionnel France qui “rejette les minorités”; le Conseil ne considère pas que ces privilèges soient en désaccord avec les principes de “l’indivisibilité de la République” ou “l’égalité des citoyens”.

La Corse[17]

Nous arrivons à l’exemple qui va surprendre et désappointer le plus le Procureur. Je pense qu’il va regretter éternellement d’avoir donné la France en exemple. Car l’île corse est une unité sujette à une administration territoriale séparée.

Son statut spécial inspiré par différentes lois pratiquées dans les pays d’Outre-Mer est quelque chose entre la France métropolitaine et ces pays d’Outre-mer et est le seul exemple dans ce cas en France.

Je ne vous prendrais pas beaucoup de temps. Je n’évoquerai pas les changements par lesquels la Corse est passée avec les lois de 1982, 1991 et 2002. Je donnerai seulement un tableau de son état actuel. La Corse a sa propre existence juridique, son Assemblée, et son corps exécutif.

a) La Collectivité territoriale de Corse

L’île, que l’on appelle “Collectivité territoriale de Corse”, est administrée par un statut spécial accordé en 1991. Imaginez les îles de Marmara ou d’Avsa administrées de cette façon.

Les pouvoirs accompagnant ce statut couvre tous les champs auxquels on peut penser : économie, dévelopement, finances, agriculture, sylviculture, tourisme, énergie, logement, toutes sortes de transports, l’éducation et l’enseignement supérieur, la recherche, les qualifications professionnelles, les constructions d’écoles de tout type, l’aménagement de l’environnement et sa protection, le développement local, le développement de la culture corse et de la langue, l’art, la culture, la protection des sites historiques qui n’appartiennent pas à l’Etat, etc.

Tous ces domaines sont administrés par des bureaux qui avaient auparavant un caractère “national” mais ont maintenant été repris par des administrations locales qui ont un statut “territorial”.

b) L’Assemblée de Corse

Depuis 1982, les problèmes de l’Ile sont débattus et tranchés par “l’assemblée de Corse”, élue par les Corses pour une durée de 6 ans. Cette assemblée tient deux réunions annuelles régulières qui peuvent durer 3 mois chacune. Elle peut également tenir des réunions extraordinaires. Cette Assemblée de 51 membres fait son propre statut interne, adopte le budget et les programmes de développement de la Corse, et dirige également "le Conseil exécutif" que j'expliquerai plus tard.

Avant d’adopter les propositions et les décrets qui concernent la Corse, le Parlement français doit consulter l’Assemblée de Corse. L’assemblée donne sa réponse en un mois; dans des circonstances urgentes ce délai peut être raccourci à 15 jours par requête du Gouverneur de Corse.

L’assemblée est autorisée à faire des propositions d'amendement au gouvernement français dans le respect des lois et des aménagements qui concernent la Corse .

Dans le cas où l’assemblée ne peut plus fonctionner, le gouvernement français peut la dissoudre par un décret ministériel. Dans ce cas les élections de l’assemblée peuvent être faites dans un délai de 2 mois. Durant cette période le Conseil exécutif prend en charge les procédures courantes et ses décisions sont appliquées après avoir été approuvées par le Gouverneur de Corse.

Les débats à l’assemblée se tiennent habituellement en français; cependant certains membres préfèrent parler en corse. [18]

L’assemblée a pris la décision le 26 juin 1992 de déclarer le corse langue officielle de toute l’île (Article 1). Cette décision stipule aussi que le corse, “langue du peuple corse”, et le français “langue officielle de l’Etat” sont les deux langues officielles de l’assemblée corse (Article 2). Selon l’article 5 les étudiants de tous niveaux doivent avoir au moins 3 heures de cours de corse par semaine. Cependant cette décision n’a pas été appliquée et n’a eu aucune conséquence.

c) Le Conseil exécutif

Le Conseil exécutif se compose d’un président et de 6 membres, choisis parmi parmi les membres du Parlement corse. Le Conseil a en charge d’administrer la Collectivité territoriale corse dans tous les domaines, particulièrement ceux du développement économique, social, éducatif et culturel aussi bien que la gestion de l’environnement.

Le président et les membres de l’Assemblée peuvent assister aux sessions et rencontres parlementaires. L’assemblée peut renverser le Conseil en refusant de lui voter sa confiance. Mais avant que cela n’arrive, afin d’éviter toute vacance, les groupes politiques de l’Assemblée doivent parvenir à se mettre d’accord sur un nouveau Conseil exécutif.

Le président du Conseil exécutif représente la Collectivité territoriale corse. Il dispose du budget de l’Ile et présente un rapport annuel à l’assemblée. Il est habilité à porter n’importe quelle proposition au Premier ministre de France concernant les services publiques de la Collectivité.

Le Conseil économique, social et culturel de Corse sert de corps consultatif à l’Assemblée.

Pour résumer, Monsieur le Président, l’île de Corse est comme un Etat dans l’Etat.

L’Alsace-Moselle est aussi un Etat dans l’Etat. Elle autorise l’usage de l’allemand, la langue de son ennemi historique dans les tribunaux. C’est un système multi-juridique. Ce qui est insupportable, même pour les Etats-nations les plus tolérants.

Il n’y a pas d’erreur dans l’analogie, mais c’est tout comme valider la langue arabe et la loi syrienne à Hatay (Antioche), la langue russe et la loi moscovite à Kars et Ardahan. Voici le genre de pays que l’acte d’accusation cite en exemple pour la Turquie.

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[1] Délégation Générale à la langue française et aux langues de France, Le Corpus juridique des langues de France, Etude réalisée par Violaine Eysséric, Paris, Avril 2005, s.67.

[2] Les langues de France: un patrimoine méconnu, une réalité vivante, web site of French Ministry of Culture and Communication :
www.culture.gouv.fr/culture/dglf/lgfrance/lgfrance_presentation.htm

[3] www.languefrancaise.net/dossiers/dossiers.php?id_dossier=45

[4] Corpus…, s.18.

[5] Corpus…, s.68.

[6] Interview with Assoc. Prof. Samim Akgönül at Max Bloch University in Strasbourg, January 10, 2006.

[7] Corpus…, s.71.

[8] Corpus…, s.71 ve 79.

[9] Le Monde , 04.10.2005.

[10] www.uoc.es/euromosaic/web/document/basc/fr/i3/i3.html#3.1

[11] Corpus…, s.18.

[12] www.uoc.es/euromosaic/web/document/basc/fr/i3/i3.html#3.1

[13] Les langues de France: un patrimoine méconnu, une réalité vivante, web site of French Ministry of Culture and Communication: www.culture.gouv.fr/culture/dglf/lgfrance/lgfrance_presentation.htm

[14] Jean-Luc Valens, “Le maintien d’un droit local en Alsace-Moselle”, Quand la France se nomme diversité, Partie 2, Problèmes politiques et sociaux, no.909, Février 2005, s.46-47.

[15] Interview with S.Akgönül.

[16] Pour de plus amples informations sur les privilèges légaux des minorités en Alsace-Moselle voir Le Guide du Droit local: le droit applicable en Alsace et en Moselle de A à Z, Paris, Publications de l’Institut du Droit Local/Ecomica, 2002. Pour de plus amples informations sur les droits des minorités en France voir Norbert Rouland, Stephane Pierre-Caps, Jacques Poumarede, Droit des minorités et des peuples autochtones, Paris, Presses Universitaires de France, 1966, p.307-345.

[17] Pour les références sur les privilèges des minorités en Corse voir :
Le Statut particulier de la Corse : www.corse.pref.gouv.fr/scripts/display.asp?P=COstatut
Collectivité Territoriale de Corse : www.corse.fr/institution/assemblee/?id=1&id2=47
Présentation du statut de la Collectivité Territoriale de Corse : www.eurisles.com/Textes/presentation/PresStatut_CTC_FR.html
Découverte des institutions, La Corse : www.vie-publique.fr/decouverte_instit/approfondissements/approf_083.htm
La collectivité territoriale de Corse : www.corse.pref.gouv.fr/scripts/display.asp?P=COloi91legis

[18] www.transcript-review.org/section.cfm?id=232&lan=fr

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