Les Turcs s'essaient à la rédaction de la constitution irakienne
Daprès le journal turc Radikal, la Turquie, nous le savons, s'en fait beaucoup pour l'unité de l'Irak (en plus de s'en faire pour sa propre unité). Elle se fait aussi beaucoup de soucis sur le statut de Kirkouk, faisant une affaire de principes que cette ville-là ne retourne pas à la Région du Kurdistan, ce qui pour elle serait l'amorce d'une quasi-indépendance kurde. Jusqu'ici, sa tentative d'OPA sur Kirkouk via le Front turkmène a eu peu de succès, les électeurs turkmènes de Kirkouk, ayant préféré voter majoritairement pourla liste "Fraternité" des Kirkouki kurde-turkmène-arabe ou bien des partis chiites. Ses essais de mainmise régionale ayant été peu concluants, elle a décidé de s'attaquer au centre du pouvoir, c'est-à-dire de résoudre son problème identitaire ("les Kurdes ou nous") à Baghdad.
Aussi, une rencontre "secrète" (enfin plus trop maintenant) a eu lieu cette semaine pour discuter de la rédaction de la constitution irakienne. Naturellement, le seul point dont se soucie réellement Ankara est la fédération et le tracé des régions fédérées, et le retour de Kirkouk ou non dans la région kurde. Ce qui explique donc que des représentants des différentes composantes ethniques ou religieuses du Parlement irakien, ou des "experts", dont des juristes kurdes nous dit-on, y assistaient, mais aucun représentant des deux grands partis kurdes, le PDK et l'UPK, n'y avait été conviés. La Turquie y parlait par la voix de son Représentant spécial en Irak, l'ambassadeur Osman Koruturk et le directeur du département irakien des Affaires étrangères, Huseyin Avni Botsali. Parmi les participants, il y avait, par contre, un représentant chiite, Abbas Beyati, un représentant du Front Turkmène, Riyas Sarkikahya, le sous-secrétaire au ministère de la Justice et expert en loi constitutionnelle, Ismet Abd al-Majid, et même des représentants du leader chiite, Muqtada al-Sadr, très attaché aux lois civiles, comme nous le savons.
La réunion a été présentée comme une initiative du ministère des Affaires étrangères et de la Fondation pour les Etudes du Moyen-Orient et des Balkans. L'ordre du jour était "Transition vers un régime constitutionnel en Irak". La Turquie ayant la meilleure constitution du monde pour résoudre les dissensions ethniques, nul doute que ses conseils ont dû beaucoup profiter aux experts irakiens.
Sans surprise, la Turquie a émis le voeu qu'un statut spécial soit accordé à Kirkouk, qu'aucun élement susceptible de diviser le pays ne soit inclus dans la constitution (plus c'est vague, mieux c'est pour protester ensuite) et que les Turkmènes, comme les Kurdes et les Arabes, soient cités comme groupe fondateur de l'Irak. (Source : Kurdish Media).
Dans le même temps, Erdogan a continué sur la lancée habituelle, en avertissant que l'armée turque n'en avait pas pour le moment l'intention, mais "pourrait" ou "serait en droit" d'intervenir en Irak, contre le PKK qui fait retourner ses guérilleros en nombre de l'autre côté de la frontière (environ 700 selon le journal turc Hurriyet).
L'idée de se tourner vers les groupes arabes, chiites, turkmènes, pour contrer "légalement" les Kurdes au sud, tout en les menaçant militairement au nord (et là, comme d'habitude, le PKK fait tout ce qu'il peut pour donner des prétextes à la Turquie pour envahir la Région kurde) est stratégiquement possible, mais serait-ce aussi efficace ?
Comme d'habitude, concernant l'intervention turque dans les monts kurdes de Qandil, tout dépend aussi du refus (ou non) américain d'ouvrir une autre guerre en Irak. Pour le moment, ils ne sont guère chauds.
Concernant les chiites, nul doute ce sont eux, a priori, les moins intéressés par un Etat fédéral, en tous cas, ceux qui essaient de tirer le plus possible la constitution irakienne vers un Etat plus centralisé, mais face à la vive opposition, non seulement kurde, mais aussi chrétienne, ou non-musulmane en général, et même sunnite, ils n'ont pas assez de majorité pour imposer leur point de vue à tout l'Irak.
Les Turkmènes de Kirkouk, dans leur majorité, se méfient d'Ankara, qui après tout ne les a guère défendus durant l'Anfal, et qui peut parfaitement les lâcher du jour au lendemain, après les avoir bien excités contre les Arabes et les Kurdes de la région. Malgré les affrontements locaux avec les Kurdes, ils savent qu'ils vont devoir vivre avec eux, plus qu'avec les Turcs d'Ankara, et jusqu'ici, les rapports balancent entre surenchères et négociations. Nul doute que les chefs tribaux de Kirkouk, quelel que soit leur ethnie, joueront un rôle prépondérant dans la suite des événements, ceux-ci ayant été des éléments prépondérants dans la formation de la liste unifiée qui a remporté la majorité des sièges à Kirkiuk lors des dernières élections.
Alors cette réunion aura-t-elle une incidence réelle sur la rédaction de la constitution irakienne ? Ce qui fait la force des Kurdes jusqu'ici en Irak, c'est qu'ils forment le groupe le plus uni (ils ont eu 12 ans pour régler leurs chamailleries internes). Il y a peu de chance de voir un bloc unifié arabe (chiite et sunnite) et turkmène (lesquels sont peu en Irak) contrer durablement les Kurdes. Le seul moyen de les affaiblir à Bagdad est effectivement d'empêcher que la constitution irakienne n'entérine définitivement la puissance kurde et son droit sur Kirkouk. Pour le moment, aucun des leaders kurdes, que ce soit le président irakien Jalal Talabani ou le président de la Région kurde, Massoud Barzani, n'a réagi à cette réunion. Peut-être considèrent-ils qu'elle n'aura pas d'incidence vraiment importante, la vraie négociation étant fondée sur l'impossibilité des chiites du sud à gouverner tout l'Irak (la "sortie" de Sistanî sur le caractère "islamique" de l'Irak n'étant pas venue là par hasard) et donc à réclamer eux aussi les avantages d'une Région fédérale chiite, modelée sur celle des Kurdes.
Il y a donc fort à parier que Kirkouk, pour les chiites, comme pour les sunnites, ne sera jamais qu'un point de négociation sur lequel ils pourraient demander une contrepartie en négociant avec les Kurdes.
Aussi, une rencontre "secrète" (enfin plus trop maintenant) a eu lieu cette semaine pour discuter de la rédaction de la constitution irakienne. Naturellement, le seul point dont se soucie réellement Ankara est la fédération et le tracé des régions fédérées, et le retour de Kirkouk ou non dans la région kurde. Ce qui explique donc que des représentants des différentes composantes ethniques ou religieuses du Parlement irakien, ou des "experts", dont des juristes kurdes nous dit-on, y assistaient, mais aucun représentant des deux grands partis kurdes, le PDK et l'UPK, n'y avait été conviés. La Turquie y parlait par la voix de son Représentant spécial en Irak, l'ambassadeur Osman Koruturk et le directeur du département irakien des Affaires étrangères, Huseyin Avni Botsali. Parmi les participants, il y avait, par contre, un représentant chiite, Abbas Beyati, un représentant du Front Turkmène, Riyas Sarkikahya, le sous-secrétaire au ministère de la Justice et expert en loi constitutionnelle, Ismet Abd al-Majid, et même des représentants du leader chiite, Muqtada al-Sadr, très attaché aux lois civiles, comme nous le savons.
La réunion a été présentée comme une initiative du ministère des Affaires étrangères et de la Fondation pour les Etudes du Moyen-Orient et des Balkans. L'ordre du jour était "Transition vers un régime constitutionnel en Irak". La Turquie ayant la meilleure constitution du monde pour résoudre les dissensions ethniques, nul doute que ses conseils ont dû beaucoup profiter aux experts irakiens.
Sans surprise, la Turquie a émis le voeu qu'un statut spécial soit accordé à Kirkouk, qu'aucun élement susceptible de diviser le pays ne soit inclus dans la constitution (plus c'est vague, mieux c'est pour protester ensuite) et que les Turkmènes, comme les Kurdes et les Arabes, soient cités comme groupe fondateur de l'Irak. (Source : Kurdish Media).
Dans le même temps, Erdogan a continué sur la lancée habituelle, en avertissant que l'armée turque n'en avait pas pour le moment l'intention, mais "pourrait" ou "serait en droit" d'intervenir en Irak, contre le PKK qui fait retourner ses guérilleros en nombre de l'autre côté de la frontière (environ 700 selon le journal turc Hurriyet).
L'idée de se tourner vers les groupes arabes, chiites, turkmènes, pour contrer "légalement" les Kurdes au sud, tout en les menaçant militairement au nord (et là, comme d'habitude, le PKK fait tout ce qu'il peut pour donner des prétextes à la Turquie pour envahir la Région kurde) est stratégiquement possible, mais serait-ce aussi efficace ?
Comme d'habitude, concernant l'intervention turque dans les monts kurdes de Qandil, tout dépend aussi du refus (ou non) américain d'ouvrir une autre guerre en Irak. Pour le moment, ils ne sont guère chauds.
Concernant les chiites, nul doute ce sont eux, a priori, les moins intéressés par un Etat fédéral, en tous cas, ceux qui essaient de tirer le plus possible la constitution irakienne vers un Etat plus centralisé, mais face à la vive opposition, non seulement kurde, mais aussi chrétienne, ou non-musulmane en général, et même sunnite, ils n'ont pas assez de majorité pour imposer leur point de vue à tout l'Irak.
Les Turkmènes de Kirkouk, dans leur majorité, se méfient d'Ankara, qui après tout ne les a guère défendus durant l'Anfal, et qui peut parfaitement les lâcher du jour au lendemain, après les avoir bien excités contre les Arabes et les Kurdes de la région. Malgré les affrontements locaux avec les Kurdes, ils savent qu'ils vont devoir vivre avec eux, plus qu'avec les Turcs d'Ankara, et jusqu'ici, les rapports balancent entre surenchères et négociations. Nul doute que les chefs tribaux de Kirkouk, quelel que soit leur ethnie, joueront un rôle prépondérant dans la suite des événements, ceux-ci ayant été des éléments prépondérants dans la formation de la liste unifiée qui a remporté la majorité des sièges à Kirkiuk lors des dernières élections.
Alors cette réunion aura-t-elle une incidence réelle sur la rédaction de la constitution irakienne ? Ce qui fait la force des Kurdes jusqu'ici en Irak, c'est qu'ils forment le groupe le plus uni (ils ont eu 12 ans pour régler leurs chamailleries internes). Il y a peu de chance de voir un bloc unifié arabe (chiite et sunnite) et turkmène (lesquels sont peu en Irak) contrer durablement les Kurdes. Le seul moyen de les affaiblir à Bagdad est effectivement d'empêcher que la constitution irakienne n'entérine définitivement la puissance kurde et son droit sur Kirkouk. Pour le moment, aucun des leaders kurdes, que ce soit le président irakien Jalal Talabani ou le président de la Région kurde, Massoud Barzani, n'a réagi à cette réunion. Peut-être considèrent-ils qu'elle n'aura pas d'incidence vraiment importante, la vraie négociation étant fondée sur l'impossibilité des chiites du sud à gouverner tout l'Irak (la "sortie" de Sistanî sur le caractère "islamique" de l'Irak n'étant pas venue là par hasard) et donc à réclamer eux aussi les avantages d'une Région fédérale chiite, modelée sur celle des Kurdes.
Il y a donc fort à parier que Kirkouk, pour les chiites, comme pour les sunnites, ne sera jamais qu'un point de négociation sur lequel ils pourraient demander une contrepartie en négociant avec les Kurdes.
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