Erbil : Messe basse sans curé...


Derniers jours au Kurdistan, ce qui nous semble aussi scandaleux qu'invraisemblable. Nous les passons à Erbil, en attendant un hypothétique coup de fil (non, pas du Matran mutique, d'un contact de Saywan qui doit nous balader à Barzan). En attendant, on meuble : visite de la mosquée al-Khayat, assez jolie, avec son style néo-ottomano-ilkhanide, bien plus jolie que celle qui fait face au parc du minaret et qui ressemble à une église années cinquante de chez nous, c'est à dire à une gare moche. Arrivé devant, le taxi nous fait signe de descendre et nous emmène obligeamment jusqu'à l'entrée, des fois qu'on ne la trouve pas. Coup d'oeil approbateur quand il nous voit sortir nos keffieh pour nous couvrir la tête.

Un vieux vient sur le pas de la porte et je lui demande en kurde si on peut visiter, tout en essayant de mettre mon keffieh sans grand succès, si bien que le gardien, apitoyé me fait signe de venir près de lui, prend le keffieh, me le met sur la tête et me le noue autour du menton. Voilà ! Pfff, merci, je sais mettre un keffieh comme ça, mais ce que j'essayais de faire était de le mettre de telle façon qu'il me couvre la tête ET les bras ; parce que j'étais en polo à manches courtes, ce matin-là. Certes, j'aurais pu prévoir et mettre une chemise à manches longues, je sais. Mais par un de ces aléas de la vie qui n'arrive qu'à la gent féminine, ce matin-là, RIEN ne m'allait au teint, sauf ce polo, c'est comme ça. En tout cas, mes bras nus n'ont pas l'air de poser problème au vieux, du moment que mes cheveux sont cachés (à peu près, jamais pu porter un voile sans qu'il glisse). Dans les arcades de la cour, il y a quelques hommes, pas plus et un religieux, vêtu comme un soufi, qui doit être un naqshbendi. Je lui redemande en kurde la permission de visiter, ce qui ne semble ni l'étonner ni le contrarier. Donc le vieux nous mène dans la mosquée, qu'il allume pour l'occasion : salle charmante à grande coupole, avec arcades et vitraux très orientalistes fin XIX°, des évocations de la céramique d'Iznik, des effets de lumières très Prince of Persia. Comme souvent, dans les mosquées, règne une atmosphère de grande paix, de repos, avec un souci de beauté et de confort, avec ses moquettes qui donnent envie de s'assoir et ne plus bouger, en contemplant le jeu du soleil dans les verres colorées, jusqu'au soir, qu'on ne trouve jamais dans les églises. Irrédictiblement, je me sens toujours "bien" dans une mosquée, il n'y a rien à faire... Un panneau électronique donne les horaires des prières, le chic et la technologie au rendez-vous. Bref, cela aurait pu être un moment de méditation, tranquille, comme j'aime le faire dans les mosquées qui me plaisent, mais que prend-il à notre guide, qui insiste pour que Roxane ME photographie dans la salle, devant le mihrab, et agenouillée en plus ? Or, les musulmans ne sont pas comme les yézidis et ne proposent pas aux étrangers d'accomplir tous les rites (alors que les prêtres au Kurdistan sont parfois un peu laxistes pour distribuer la communion à tout va, comme je l'ai entendu dire..).

"C'est pour montrer en France, qu'ils voient que c'est beau ici", répète le vieux. Oui, merci, d'accord, mais on n'a pas besoin de moi sur la photo pour ça, non ? Roxane comprend plus vite que moi : "C'est parce que Terre entière est passée avant ! Maintenant, ils pensent que tous les Français viennent pour ça" Non mais ça va pas ??? Ils vont pas nous pourrir toutes les bonnes manières des imams avec leurs simagrées ? On ne va plus pouvoir visiter une mosquée tranquille ! Ils peuvent pas se promener à Bagdad, plutôt, les "touristes au front" ? ça nous ferait des vacances... On sort dans le parc, (où un autre met en marche obligeamment les jets d'eau pour les photos).


Autre visite, le parc des roses, c'est-à-dire Sami Abdulrahman Park, où l'on avait été dès les premiers jours, mais Roxane veut maintenant photographier les buissons en pleine maturité, et même près du déclin. C'est vrai qu'elles sont magnifiques et si l'on aime se shooter à leur parfum (ce qui est mon cas), on est servi.



Je photographie aussi plusieurs fois un palmier, ce qui fait ricaner Roxane qui se demande ce que je lui trouve. Ben, j'aime bien les palmiers et non, on n'en a pas à Paris, na !


Il y eut aussi une visite au musée de la Citadelle, celui que la presse kurde annonçait comme entièrement brûlé. En fait, ce n'est pas le musée du textile qui a brûlé mais la maison d'antiquaire d'à côté, ce qui est moins grave, et je n'ai pas à pleurer sur la disparition de mon tapis favori.

Le musée, à la fois pour perpétuer l'art des kilims et des tapis et peut-être venir en aide à des femmes de peu de ressources, a installé dans les salles du bas, des ateliers où des femmes de tous âges tissent, nouent ou tricotent des vêtements, sur des motifs traditionnels. Ce n'est pas une mauvaise idée, même si les avoir mises dans les salles où sont exposés les tapis me gêne un peu : cela fait zoo humain ; ils auraient dû mettre les ateliers à part.

Le 6, on repasse à Saint-Joseph, comme convenu, mais l'évêché est désert et fermé, et nous assistons, au grand ébahissement de Roxane à une messe sans curé, c'est-à-dire avec ce qui doit être un diacre qui officie de côté. "C'est ça une messe basse sans curé ?"

Le soir, le coup de fil attendu se fait enfin entendre. Il était temps, nous n'avons plus qu'un jour ! L'envoyé de Saywan, prévenu juste une heure avant, déboule au Sheraton, discute un moment et nous convenons de partir demain pour Barzan et Bekhma... "à 11 heures ou midi ?" Pfff... C'est pas les cadences infernales, chez les fonctionnaires. Nous demandons onze heures (en fait, on aura midi).

Commentaires

  1. Anonyme11:30 AM

    "des effets de lumière très Prince of Persia", tu joues aux jeux vidéo ?

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  2. C'est beaucoup dire. J'ai joué, dans une autre vie, à Prince of Persia I (sur un pc, sans manette) et Complot à Versailles, qui était très pratique pour réviser les exams de 3° année de l'Ecole du Louvre sans prendre le RER. Ici s'arrête mes expériences. Quand on m'a montré Lara Croft et Doom, j'ai baillé d'ennui.

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