Municipales 2014 en Turquie : Victoire de l'AKP, bon score du BDP
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La campagne électorale en Turquie a été marquée par des mesures spectaculaires de tentatives de contrôle d’Internet de la part du gouvernement, qui a d’abord bloqué twitter début mars, à la suite d'un jugement rendu le 26 février, à seule fin d'empêcher la diffusion sur les réseaux sociaux d’enregistrements téléphoniques compromettant pour le Premier Ministre car entérinant les accusations de corruption qui fusent contre lui et son cabinet depuis des mois.
De fait, lors d’une interview télévisée en date du 6 mars, Recep Tayyip Erdoğan a même déclaré que l’interdiction pourrait s’étendre à Youtube et facebook (ce qui eut effectivement lieu pour Youtube).
L’Union européenne, les ONG et une grande partie de l’opinion internationale ont condamné ces mesures, par ailleurs peu efficaces, twitter fournissant d’emblée les moyens techniques permettant à la Turquie d’avoir accès à sa plate-forme par des messages diffusés en anglais et en turc. Conséquence : le traffic sur twitter en provenance de Turquie a connu une hausse spectaculaire.
Plus dramatique, la mort du jeune Berkin Elvan, un jeune kurde alévi de 15 ans est survenue le 11 mars : touché le 16 juin 2013 par une grenade lacrymogène, lors des manifestations de Gezi Park (auxquelles il ne participait pas) il était resté des mois dans le coma. Ses funérailles à Istanbul, le 12 mars, suivies par un cortège imposant, et relayées par des manifestations dans beaucoup d’autres villes, ont été entachées par des violences policières qui ont fini par dégénérer, à la nuit, en affrontements entre jeunes supporters d’Erdogan et manifestants, faisant une autre victime à Istanbul, cette fois dans les rangs des supporters de l’AKP : Burak Can Karamanoğlu, âgé de 22 ans, a été tué à l’arme à feu dans des circonstances restant encore à déterminer, après l'arrestation d'un suspect dès le lendemain.
La mort de Berkin Elvan n’a guère ému le Premier Ministre qui a tout bonnement qualifié le jeune garçon de « terroriste » au visage masqué lorsqu’il a été atteint par les forces de l’ordre, alors même que tous les témoignagnes de sa famille et de ses proches font apparaître qu’il n’était sorti de chez lui qu'un bref instant pour acheter du pain.
Dans les régions kurdes, le 21 mars, jour de Newroz, fut surtout marqué par le meeting du BDP et la lecture, comme l'année dernière, d’un nouveau message d’Abdullah Öcalan, le leader emprisonné du PKK, devant près de 300 000 personnes à Diyarbakir. Ce message-là ne fut pas, cette fois, un événement « surprise », mais une directive donnée, celle de poursuivre « le processus de dialogue » qualifié « d’important » par Öcalan, même si aucun accord n’a été encore conclu. Les injonctions à la fraternité de tous les peuples du Moyen-Orient, les exhortations à emprunter le chemin de la démocratie et de la paix répètent ce qui fut dit en 2013.
Les « pratiques dilatoires du gouvernement, et l'exécution du processus d'une manière unilatérale, en évitant la mise en place d'une base juridique » ont été pointées par le président du PKK, ainsi que les menées d’une « conspiration internationale » pour faire échouer le processus (allusion à la confrérie Fethullah Gülen, à la fois fortement opposée à l’AKP et au PKK et à toute résolution de la question kurde).
Le 30 mars, les élections municipales ont eu lieu dans toute la Turquie et ce scrutin était vu d’emblée à la fois par le gouvernement AKP et par ses opposants comme un désaveu ou un soutien à Erdoğan et ses dérives autoritaires. Si les violences n’ont jamais atteint le niveau extrême des années 1990, plusieurs bagarres ont éclaté entre supporters de partis rivaux, d'Ankara à Iğdir, faisant quelques morts et des blessés, et surtout les accusations de fraude ont tout de suite fleuri, de la part des partis d’opposition, d’autant que des coupures d’électricité ont plongé dans l’obscurité plusieurs villes du pays, d’Istanbul aux régions kurdes, précisément à l’heure du décompte. Des bureaux de vote ont alors mystérieusmeent mis à sac et des ballots de bulletin ont disparu. Ainsi, à Düzici, des sacs de bulletin on été retrouvés dans les poubelles de six écoles de la province d’Osmaniye, où avait lieu les votes, selon le Turkish Daily news…
Dans la province de Siirt, district de Tillo, c’est même un candidat du Parti Saadet (SP), Behmen Aydin, qui a été assassiné à l’arme blanche quand des individus masqués, jaillissant d’un autre véhicule, ont assailli la voiture où il se trouvait avec 5 autres personnes, également blessées. C’est finalement le maire AKP, tout nouvellement réélu, Mehmet Mesut Memduhoglu qui a été arrêté en tant que suspect avec 15 autres personnes, une voiture de fonction municipales ayant été utilisée pour le crime.
Répliquant aux accusations de fraudes à la faveur de ces fortuites coupures d’électricité, le ministre de l’Énergie, Taner Yildiz, a provoqué l’hilarité des réseaux sociaux, ceux-là mêmes visés par la politique de black-out d’Erdoğan, en expliquant qu’un chat, introduit dans un transformateur, avait été la cause de toues ces pannes, d’Istanbul à Mardin…
Mais même entaché d'irrégularités et de bourrage d'urnes, la victoire d’Erdoğan semble acquise, pour le moment, comme il était prévisible, en raison de la division et du peu d’efficacité des partis opposés à l’AKP, allant de l’extrême-gauche à l’extrême-droite. Seul le BDP kurde s’en sort bien, qui annonce avoir gagné onze villes par rapport aux municipales de 2009 (le parti pro-kurde s’appelait alors le DTP), dont Mardin, Ağri et Bitlis, prises à l’AKP, 68 districts et 23 sous-districts, même si tous les résultats ne sont pas encore définitifs. Au total, cela ferait 102 municipalités remportées par le BDP. Son allié le HDP, par contre, n'obvient quasiment aucune voix à l'ouest.
En plus de remporter Mardin, Ağri et Bitlis, le BDP conserve Diyarbakir, Batman, Van, Dersim, Siirt, Hakkari, Şirnak et Iğdir.
Même si certaines fraudes arrivent à être établies, il apparaît tout de même que l’AKP reste vainqueur en dominant largement le CHP, s'appuyant toujours sur un électorat populaire et conservateur, peu concerné par le blocage de twitter et de youtube.
Dans les régions kurdes, l’espoir suscité par le processus de paix pouvait bénéficier à la fois à l’AKP et au BDP. C'est le BDP qui a pris trois villes à l'AKP, mais pas Urfa, qui reste au sein de la majorité ainsi que d'autres régions et villes à poulation mixtes.
Par contre, le tout nouveau parti Huda Par, le « hezbollah kurde », n’a obtenu qu’un faible score, restant toujours en deçà de 8% dans ses meilleurs résultats, et il serait intéressant de déterminer si c’est à l’AKP que ce parti de néo-islamistes prend des voix plutôt qu’au BDP.
Au niveau national, l'AKP fait (pour le moment) autour de 45, 44%, le CHP 27, 77%, le MHP 15, 27%, le BDP allié au HDP 6, 48%.
Dernières estimations dans les régions kurdes ou à population mixte : (les chiffres peuvent varier en raison des comptages et recomptages en cours et des contestations ). Pour la comparaison avec 2009, se souvenir que le parti kurde était alors le DTP :
Provinces remportées par le DTP en 2009 et qui restent BDP :
– Batman, Dersim, Diyarbakir, Hakkari, Iğdir, Siirt, Şirnak, Van.
Provinces prises à l'AKP par le BDP :
– Ağri, Bitlis, Mardin (avec Ahmet Türk en indépendant).
Provinces conservées par l'AKP :
– Adiyaman, Bingöl, Elazığ, Gaziantepe, Kahramanmaraş, Malatya, Muş, Urfa (remportée par un indépendant en 2009).
ADIYAMAN :
AKP : 56, 46 %
CHP : 21, 8
MHP : 12, 79
BDP : 6,2
(En 2009 : AKP : 49, 26 % ; SP : 24, 08 %; CHP : 13, 36 %)
AGRI :
BDP : 45, 92%
AKP : 45, 47%
(2009 : AKP : 36, 91% ; DTP : 32, 37%)
BATMAN :
BDP : 56, 35%
AKP : 30, 78%
HUDA PAR : 7, 80%
(2009 : DTP : 59, 67% AKP : 36, 65%)
BINGOL :
AKP : 58, 32 %
BDP : 26, 92%
MHP : 8.74 %
(2009 : AKP : 42, 84% ; DTP : 33, 79% ; SP : 17, 16)
BITLIS :
BDP : 44, 05 %
AKP : 39, 44%
HUDA PAR : 5, 58%
(2009 : AKP : 43, 10% DTP : 34, 43%)
DERSIM :
BDP : 42, 46%
CHP : 30, 80
(2009 : DTP : 30 % ; indep 24, 47 % ; AKP : 21, 63 ; CHP : 15, 07)
DIYARBAKIR :
BDP : 57, 78%
AKP : 34, 31 %
HUDA PAR : 4, 78%
(2009 : DTP : 65, 43% AKP : 31, 57 %)
ELAZIG :
AKP : 55, 80
MHP : 29, 12
CHP : 7,3
(2009 : 47, 76% AKP ; MHP : 23, 29%)
GAZIANTEPE :
54, 6% AKP
CHP : 21, 47
MHP : 11, 88
(2009 : 52, 53% AKP ; CHP : 29, 97)
HAKKARI :
BDP : 66, 76 %
AKP : 26, 12%
(2009 : 78, 97% DTP et 15, 93% AKP)
IGDIR :
BDP : 43, 89%
MHP : 42, 58 %
AKP : 15, 49%
(2009 : DTP : 36, 62% ; AKP : 30, 54 % ; MHP : 27, 08 %)
KAHRAMAN MARAS :
AKP : 58, 70
MHP : 30, 93
(2009 : AKP : 65, 31% ; MHP : 21, 97)
MALATYA
AKP : 62, 88%
CHP : 16, 74
(2009 : AKP : 53, 08 % ; SP : 29, 05 %)
MARDIN :
Ahmet TURK : 52, 19
AKP : 37, 39%
(2009 : AKP 45, 4% ; DTP : 36, 32%)
MUS :
AKP : 48, 25%
BDP : 41, 54%
(2009 : AKP : 50, 55% ; DTP : 37, 23%)
SIIRT :
BDP : 49, 53%
AKP : 41, 97
(2009 : 49, 43% DTP ; 45, 77% AKP)
SIRNAK :
BDP : 59, 55 %
AKP : 29, 9%
(2009 : DTP : 53, 75% ; AKP : 42, 60 %)
URFA :
AKP : 60, 76%
BDP : 30, 7
(2009 : indep. 44, 03% ; AKP : 39, 30%, DTP : 10, 49%)
VAN :
BDP : 54, 14%
AKP : 40, 84%
(2009 : DTP : 53, 54% AKP : 39, 16%)
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