Bei den Kurdischen Juden : une expédition en 1933 chez les juifs de Sandor



Le journal juif de langue allemand, Jüdische Rundschau, était un hebdomadaire qui parut de 1902 en 1938 (date de son interdiction en Allemagne). C'était l'organe de presse de la Fédération sioniste d'Allemagne.

En 1935 (Nr 56. 12. VII. 1935) parut le compte-rendu d'une expédition organisée par l'université hébraïque de Jérusalem, qui partit en 1933, en Irak et au Kurdistan. Cette expédition avait reçu l'ordre de mission du gouvernement irakien d'étudier la situation des forêts au Kurdistan d'Irak afin que sur la base de cette enquête soit mise en place une loi forestière, qui n'existait pas alors. Le voyage se fit en voiture de Jérusalem via Amman, en traversant le désert arabo-syrien jusqu'à Bagdad, et de là vers Kirkuk. De Kirkuk, le voyage se fit en voiture ou à cheval à travers tout le Kurdistan. Après six semaines, commença le voyage de retour vers Bagdad et Damas. L'un des membres de cette expédition, le Dr Walter Schwarz, relata par écrit une partie de cette expédition, quand ils furent au contact de leurs coreligionnaires kurdes, et l'envoya au journal, qui la fit paraître, 2 ans plus tard, avec les croquis des synagogues du village juif de Sandor et de celle d'Amadiyya. En voici la traduction :




Dans tout le Kurdistan, on trouve des juifs dans les petites et les grandes villes, ainsi que dans les villages. Il est difficile, au début, de reconnaître des juifs dans ces hommes vêtus exactement comme les Kurdes, de pantalons amples et de larges ceintures de tissu, et qui portent sur la tête un turban entortillé. Mais il suffit d'une courte conversation pour faire oublier cet aspect étrange et comme chez tous les juifs du monde entier, nous retrouvons les mêmes prières, les mêmes fêtes, les mêmes préoccupations. Leur situation économique est aussi très similaire à celle de tous les juifs du monde. Ce sont de petits artisans, des revendeurs dans les bazars, des colporteurs.
Nous avons découvert un monde très différent et très étrange dans le village juif de Sandor. Si vous partez au nord de Mossoul et traversez les ruines de Ninive, vers les montagnes kurdes, et puis continuez de Dahug (sic) vers Amadiya, il ne faut pas aller très loin pour voir, à gauche de la route, sur une colline, un petit village qui ne diffère en rien des autres petits villages kurdes. Il est peut-être seulement un peu plus pauvre. Tassées au pied d'une chaîne de montagne, comme dans la plupart des villages kurdes, s'élèvent des maisons basses en pisé qui, de loin, se distinguent peu dans le paysage. Seuls les peupliers, vignobles, vergers et champs environnant annoncent un village. De la route, descend tout le long vers le village un petit ruisseau qu'il faut franchir. Les maisons sont petites, à un étage, bâties de boue, et couvertes de branches de chêne. Sur l'un des côtés, on trouve souvent une petite véranda, dont le plafond est soutenu par des troncs d'arbre non équarris. À l'intérieur, il y a généralement une pièce, dans laquelle se déroule l'essentiel de la vie quotidienne. On accède sur le toit plat, par un escalier ou une échelle, pour y dormir en été. Seule la maison du Hakham (Chacham), le chef du village, est plus imposante. Elle possède une chambre d'hôte. 
En entrant dans le village, nous rencontrons d'abord des hommes et des femmes qui mènent les vaches s'abreuver.  À notre question "Yehudim ?", ils nous répondent oui et s'éloignent avec timidité. Nous remarquons immédiatement que cet accueil est tout à fait inhabituel par rapport aux autres juifs kurdes. Quand les juifs de la ville reconnaissent en nous d'autres juifs, ils témoignent toujours de la joie. Ici, à Sandor, nous rencontrons une méfiance palpable, qui ne se dissipe que peu à peu.





Nous nous rendons alors dans la maison d'un tisserand qui rembobine ses fils sur son porche. Nous lui demandons le chemin de la maison du hakham, un juif très vieux et très digne, qui nous mène poliment dans la salle d'hôte, où nous nous installons, avec nos compagnons kurdes, sur le sol en terre battue. Puis quelques hommes, dont le shamash [titre donné aussi aux diacres chrétiens] qui s'occupe de la synagogue, nous rejoignent et lentement, avec précaution, esquissent une conversation. Seuls trois hommes, dont le shamash, parlent hébreu. Entre eux, les gens du village parlent arabe ou le laschon hatargum" c'est-à-dire l'araméen. Nous les interrogeons d'abord sur leur vie, leur travail, etc. Mais le vieux hakham, qui mène la conversation avec l'aide d'un des hommes parlant hébreu, nous fait des réponses prudentes, et quand un autre homme nous renseigne mieux que les autres, il s'interpose. Ce n'est que progressivement que nous réalisons pourquoi ces gens, et surtout le hakham, sont si réticents, et ce qui fonde cette réserve envers les étrangers. Nous sommes venus vêtus à l'européenne, accompagnés de soldats kurdes. Ils vivent aussi dans une zone où, il y a seulement trois mois, ont eu lieu des combats entre les Assyriens et les Kurdes, au milieu desquels les juifs de Sandor se trouvèrent pris. "Peut-être que ces étrangers ne sont-ils pas des juifs ? Peut-être sont-ils juste des espions ?" Ce n'est que progressivement que nos vis-à-vis se dégèlent. Quand ces hommes se persuadent enfin que nous sommes vraiment des juifs, et venus avec les meilleures intentions, c'est alors la joie la plus grande et l'étonnement le plus chaleureux. Les questions sur la Palestine ne font que pleuvoir sur nous. Peut-être connaissons-nous tel ou tel parent à Jérusalem ? Comment vit-on en Palestine ? Comment peut-on s'y rendre ?
Nous nous laissons guider à travers le village, sans nos compagnons kurdes, tandis que l'un d'entre nous reste avec le hakham et obtient de lui des renseignements sur beaucoup de sujets. Le shamash, qui parle un bon hébreu, nous escorte, et notre conversation devient plus familière. Nous visitons les huttes de tisserands, dont les femmes, à l'intérieur des maisons, sont assises devant les métiers à tisser,  et tissent des carpettes avec un art primitif. (Les femmes sont, de même que les Kurdes et les Arabes, excessivement timides. Elles se laissent à peine voir, et il n'est pas question de les photographier). Nous voyons des vergers et des vignes bien entretenus, des champs cultivés, et les trois-quarts de la population que compte Sandor. Partout nous rencontrons plus ou moins la même pauvreté. Les maisons – dont l'une se distingue nettement des autres – sont petites et pauvres, comme dans la plupart des villages kurdes.
Nous visitons aussi le cimetière. Et à cet endroit où les racines du village sont tout à fait tangibles, notre guide se fait loquace et nous apprenons beaucoup de choses intéressantes.
Le village de Sandor n'est habité que par des juifs. Et cela fut toujours le cas, de mémoire humaine. Dans tout le Kurdistan, il n'y a qu'un seul autre village [entièrement] juif. Les habitants ont toujours cultivé la terre. C'est un village purement juif qui a – comme nous l'apprennent les vieilles pierres tombales et la synagogue plus tardive – depuis des siècles et peut-être des milliers d'année, une tradition agricole ininterrompue. Ici, nous nous trouvons devant un type d'homme que nous décrit le Talmud : "l'homme de la campagne" (Am haaretz), qui parle araméen, qui cultive son champ ou qui s'adonne à l'artisanat (très talmudique est aussi la diffusion large du métier de teinturier), par ailleurs très inculte et souvent très superstitieux comme nous pouvons le constater parfois. D'un autre côté, ces gens sont aussi très faciles à vivre, simples, pieux, et fermement enracinés sur leurs bases.
Bien que les champs et les vignobles soient bien entretenus et soient de bon rapport, et bien que ces juifs aient des exigences de vie incroyablement modestes, ils sont très pauvres et ne peuvent trouver un marché rémunérateur pour leur production. La situation des artisans, surtout, est mauvaise. Comme il serait bon d'avoir ces agriculteurs expérimentés en Eretz Israël ! Mais l'émigration poserait de grandes difficultés.
Avec leur voisinage kurde, les juifs vivent en assez bonne entente, même s'ils sont parfois dans une position dangereuse. Ainsi la moitié du village a migré vers Mossoul en raison des troubles assyriens, car personne ne pouvait savoir si les combats allaient les toucher eux aussi. Maintenant, ils sont protégés par un décret explicite du gouvernement.  
Le cimetière du village est très étendu et il a une superficie plus grande que celle de l'actuel village. Tout comme les cimetières kurdes, il est complètement négligé. Même les arbres, marques des cimetières kurdes et arabes, manquent ici. Les tombes sont signalées par de petites pierres taillées, rectangulaires. De loin, le cimetière ressemble à un champ de stèles. De temps en temps, on trouve une stèle apparemment plus ancienne, sur laquelle on peut déchiffrer des lettres hébraïques. Les stèles récentes sont sans écriture. Le cimetière s'élève au-dessus du village. On y a une vue magnifique sur le village et ses environs. Le shamash nous explique que le village était autrefois beaucoup plus important et plus étendu. Il a maintenant de vastes parcelles vides, car les juifs émigrent, le plus souvent en Palestine.
Du cimetière, nous nous rendons dans la Beth Hammidrasch, au moment de la prière du soir. La Beth Hammidrasch est construite comme chez tous les juifs kurdes, et est seulement plus petite et plus simple. En franchissant la porte en bois de l'enceinte, on arrive dans une cour, au milieu de laquelle il y a un petit pupitre en bois, en forme de chaise haute. C'est pour les rouleaux de la Torah, lors de la lecture de la Torah. C'est ici, dans la cour, qui est recouverte de simples nattes de paille, que se déroule le service divin. La synagogue elle-même, qui est à l'arrière de la cour, est seulement utilisée l'hiver comme lieu de prières. En été, c'est le garde-manger de la communauté, et nous trouvons – quelle étrange vision pour des juifs européens ! – dans un coin, un énorme tas de raisins secs. Les synagogues, dans les endroits plus grands, sont construites ainsi, en principe : contrairement à Sandor, une galerie fait le tour de toute la cour, portée par des piliers de bois. À Amadia, ces colonnes de bois ont de vieilles inscriptions hébraïques à leur sommet.  



Après la prière – nous avons eu ici l'occasion de voir que la plupart ne peuvent pas lire les prières – une foule nous apporte des fruits et nous assaillent de demandes pour que nous restions là jusqu'au lendemain soir pour célébrer la Roch Hachana. Nous devons malheureusement refuser, car nous voulons être à Mossoul pour la Roch Hachana et, escortés par tout le village, nous quittons les habitants de ce hameau isolé du monde dans les montagnes kurdes, grâce auxquels nous-mêmes, si loin de notre patrie, nous nous sommes sentis, durant quelques heures, comme à la maison.
Aussi démunis et vivant dans la pauvreté que soient les juifs de Sandor, ce ne sont nullement les plus pauvres des juifs du Kurdistan que nous avons trouvés, et je ne peux pas m'empêcher de parler, à la fin, de ces pauvres parmi les pauvres. De Svaratuka, notre location entre Dahuk et Amadia, nous avons fait d'autres excursions dans les environs. Durant l'un de ces voyages, nous sommes arrivés, après un trajet d'environ 12 heures, dans un village chaldéen, (en plus des Kurdes et des Assyriens, il y a au Kurdistan un nombre encore plus grand de chrétiens chaldéens locuteurs de l'araméen). Sandor est déjà très isolé du monde, mais il ne peut supporter aucune comparaison avec ces hameaux chaldéens, éloignés de 10-20 heures de trajet à cheval de la route la plus proche. Et là aussi nous avons trouvé des juifs, qui attirèrent vite notre attention par leur apparence. Les juifs de Sandor avaient au moins de la terre et du bétail, mais ici, ils n'ont pas de terre, ne possèdent rien et travaillent comme valets de ferme chez les Kurdes et les Chaldéens. Il n'y a, dans chaque village, qu'une à deux familles [juives]. Les femmes aussi doivent s'employer. Comme ils sont désespérément pauvres, ils ne sont pas libres de leurs mouvements, et doivent rester là, où ils sont nés.
Dr. Walter Schwarz, Jérusalem. 

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