Un pipe-line kurdo-turc défie l'Irak
L’envenimement des relations entre le gouvernement central de Bagdad et le Gouvernement régional du Kurdistan a augmenté d’un degré, cet été, avec l’annonce d’un accord entre Erbil et Ankara, concernant l’exportation du gaz kurde vers la Turquie, sans l'autorisation de Bagdad.
Le gouvernement central irakien lutte depuis des années contre une gestion autonome des ressources de la Région kurde et sa volonté de signer ses propres accords sans passer par Bagdad. Aussi, l’annonce de la construction d’un pipe-line entre la Turquie et le Kurdistan, qui permettrait à ce dernier de vendre directement son gaz à son voisin du nord est un coup dur porté à la fois au gouvernement de Maliki ainsi qu’à ses relations avec Ankara.
S’exprimant lors du Forum sur le gaz caspien qui se tenait à Istanbul en juillet, Ashti Hawrami, le ministre de l’Énergie du Gouvernement régional du Kurdistan avait laissé entendre que cet accord pouvait prendre effet dans un délai de 18 mois à 2 ans et ce, en se passant de l'assentiment irakien :
« Même s’il n’y a pas de consensus avec Bagdad, nous continuerons de vendre notre gaz naturel et notre pétrole à la Turquie. Nous projetons de vendre 10 milliards de mètres cubes de gaz à la Turquie et, à long terme, en Europe. »
Pointant l’incurie et l’état économique désastreux dans lequel se trouve l’Irak, par rapport au développement du Kurdistan, le ministre a ajouté que s’ils se reposaient sur Bagdad pour attirer les investisseurs étrangers, rien ne serait possible.
Le 8 juillet, une dépêche AFP attestait ainsi de source « officielle » que le Gouvernement régional du Kurdistan avait commencé d’exporter le pétrole produit sur son sol, en se passant de l’autorisation du gouvernement central. Le Telegraph avait, pour sa part, affirmé que des camions transportaient du pétrole brut, franchissant la frontière turque, en attendant la construction d’un pipe-line, prévu pour 2013, après un accord passé entre Erbil et Ankara.
Alors en visite au Brésil, le Premier Ministre turc Recep Tayyip Erdogan a expliqué que l’Irak, en conflit récurrent avec les Kurdes, avait cessé d’exporter du carburant et des produits dérivés du pétrole en direction du Kurdistan d’Irak : « Ils nous ont donc demandé du carburant et nous avons accepté. »
Du côté kurde, Seerwan Abubaqr, un conseiller du Gouvernement du Kurdistan auprès du ministre des Ressources naturelles, a confirmé qu’ils avaient commencé d’exporter des « quantités limitées » de pétrole brut, qui allaient être raffinées en Turquie « et reviendraient» au Kurdistan. S’il le fallait, nous exporterions du pétrole vers l’Iran » a-t-il ajouté. Nous continuerons les exportations jusqu’à ce que le gouvernement central nous fournisse en produits pétroliers. C’est le gouvernement central qui nous a poussés à faire cela. »
Le ministre irakien du Pétrole nie, lui, ces allégations, tandis que son prédécesseur, Hussein Al-Sharistani, qui chapeaute maintenant l‘ensemble des questions touchant à l’Énergie en Irak et qui bataille depuis de longues années contre les Kurdes sur cette question, a répété, par l’intermédiaire de son porte-parole Faisal Abdullah, que seul le ministre du Pétrole avait le droit de décider des exportations.
Si les sources kurdes ont fait état de « seulement » quatre camions par jour, le ministre turc de l’Énergie, Taner Yildiz parlait de 5 à 10 camions de brut, mais qu’il espérait que ce chiffre atteigne prochainement les 100 à 200 camions quotidiens.
Le porte-parole du gouvernement irakien, Ali Dabbagh, a interpellé directement la Turquie en lui ordonnant de stopper ces transferts «illégaux» de brut, sous peine de nuire à leurs relations bilatérales, notamment économiques.
Le 17 juillet, le cabinet de Hussein Sharistani faisait état d’une perte de 8 millards et demi de dollars occasionnée par le gel des envois de leur pétrole brut par les Kurdes. En riposte, le gouvernement irakien a alors menacé de geler les 17% de son budget annuel qui doit être redistribué à la Région kurde.
La Turquie n’est pas le seul ni le premier pays à s’attirer les foudres irakiennes pour avoir osé passer des contrats directement avec le GRK, sans en référer à Bagdad. Les États-Unis, avec Exxon et la France, avec Total, sont depuis plusieurs mois également pris à parti par l’Irak.
Ce dernier ayant une fois de plus protesté auprès de la Maison blanche en raison d’un accord passé entre Erbil et Exxon, le président Barack Obama a, une fois de plus, tenté d’apaiser son allié irakien avec de bonnes paroles portant sur le respect de la constitution irakienne et de ses lois, mais sans parler de mesures et de pressions concrètes contre la compagnie américaine, le dossier traînant depuis octobre.
Cela n’a pas empêché le cabinet du Premier ministre irakien d’assurer que que fort de cet encouragement américain, son gouvernement allait prendre « toutes les mesures nécessaires pour appliquer la loi » et empêcher les sociétés étrangères de traiter directement avec les Kurdes.
Exxon, pour sa part, n’a fait aucun commentaire et, à dire vrai, les seules mesures de rétorsion que peut vraiment appliquer l’Irak est de dénoncer les contrats d’exploitation en cours avec les sociétés étrangères qui contreviendraient à sa politique de centralisation, menace dont Bagdad ne s’est guère privé depuis quelques années, mais dont la portée ne semble guère impressionner les investisseurs étrangers.
Exxon, pour sa part, n’a fait aucun commentaire et, à dire vrai, les seules mesures de rétorsion que peut vraiment appliquer l’Irak est de dénoncer les contrats d’exploitation en cours avec les sociétés étrangères qui contreviendraient à sa politique de centralisation, menace dont Bagdad ne s’est guère privé depuis quelques années, mais dont la portée ne semble guère impressionner les investisseurs étrangers.
Ainsi le géant américain Chevron s’est vu interdire de travailler dans les régions non-kurdes de l’Irak pour avoir acheté 80% de deux blocs d’explorations au Kurdistan d’Irak, le 19 juillet.
Mais la sanction imposée à Chevron n’a pas dissuadé Total qui, le 31 juillet, a annoncé la signature d’un accord d’exploitation dans des régions kurdes : 35% de participation dans deux blocs, Harir et Safen, rachetés à Marathon Oil.
Les Kurdes ambitionnent de fournir, en 2015, 1 million de barils par jour et 2 millions en 2019, selon Michael Howard, conseiller auprès du ministre des Ressources naturelles du Kurdistan, Ashti Hawrami. Actuellement, la production se situe autour de 300 000 barils quotidiens.
Des accords ont été signés avec une cinquantaine de compagnies étrangères dont Norway’s Statoil ASA (STL), Exxon Mobil Corp., Chevron Corp. et Total SA (FP) sont les plus importants.
Quant au pipe-line que construit actuellement le GRK et qui est le fruit d’un accord passé directement entre Kurdes et Turcs, il devrait avoir une capacité de 200 000 barils par jour, selon un responsable de Genel.
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