"Philosophie de la religion" : La situation commune au judaïsme et à l'islam


Rappelant le point de vue encore prégnant, qu'il n'y a plus de philosophie islamique après Averroès, Christian Jambet en arrive au contraire à suggérer que si 'philosophie de la religion' il y a, cela concerne plutôt, dans les religions bibliques, l'islam et le judaïsme, et non le christianisme.


"Qu'est-ce qu'une philosophie de la révélation, si elle n'est le discours qui dévoile la vérité, le modèle du vrai qu'une religion adopte sans en faire l'exégèse, parce que tel n'est pas le rôle des prophètes ? Le prophète dit la vérité, il ne dit pas ce qu'est la vérité. On remarquera que l'expression "philosophie de la religion", plus restrictive que "philosophie de la révélation" a du sens dans les structures religieuses où la philosophie est absolument nécessaire au dévoilement conceptuel de la vérité.
Il n'est pas sûr que tel soit le cas du christianisme, quoi qu'en pensent Gilson ou Maritain. Pascal en a puissamment nié la simple possibilité. Si la vérité est le Christ, l'exégèse du sens de la vie du Christ appelle, plutôt que la philosophie, la mise en pratique de la charité éclairée par la foi. Péguy méditant sur l'enfance de Jésus et Urs von Balthasar lorsqu'il interprète la théologie de l'histoire par la seule référence aux Écritures, répugnent tous deux à faire appel à la philosophie. Mais là où la providence de Dieu ne se réalise pas dans le mystère de l'Homme-Dieu, la vérité passe par la bouche des prophètes et d'eux seuls. C'est ainsi que les religions prophétiques qui n'admettent pas les leçons de la Croix unies à celles de l'Ancien Testament sont faites pour susciter une "philosophie de la religion", parce qu'elles sont des Lois prophétiques et que l'exégèse, tout comme la philosophie, ne peuvent être dévoilement de la Loi qu'en étant l'autre de la Loi, ce qui suppose l'horizon même de la Loi.
Chose remarquable, les sociétés chrétiennes ont vu naître, sur les fondations de la théologie, diverses philosophies, mais il fallut attendre Spinoza, qui suit l'enseignement d'Avicenne en ontologie et instaure du point de sa foi juive le couple religion/religions, puis il fallut l'idéalisme allemand, et singulièrement le legs marcionite au sein du luthérianisme, puis enfin la théologie dialectique, après Auguste Comte, qui entend faire le constat d'un nouvel état de l'histoire de l'esprit, pour voir naître des philosophies de la religion."
Christian Jambet : Qu'est-ce que la philosophie islamique ? II, Philosophie en islam ou philosophie islamique ? La situation commune au judaïsme et à l'islam.

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