En frappant jusqu'ici obstinément les quartiers Pera-Galata-Beyoglu, ce n'est pas seulement l'Europe ou le judaïsme en Turquie qu'ils atteignent, mais ce qui fait l'essence même d'Istanbul, son cosmopolitisme de ville d'empire, ce qui fait qu'elle est toujours restée la seconde Rome, quoi qu'en ait dit les Moscovites. Autant la Turquie post-kémalisme s'est repliée sur un jacobinisme obtus qui rend l'Anatolie aussi triste qu'une caserne de jandarma, autant Istanbul est restée rebelle à toute uniformité, c'est encore la ville où se pressent toutes les nations et tous les cultes d'Europe orientale et d'Asie Mineure. Et comme le dit si bien encore Rinaldo :


"Dans les victimes, il y a certainement aussi le boucher turc du coin, le garçon du resto russe d'en face, la mémé grecque qui faisait ses courses, l'autre mamie chaldéenne allant à l'église Aya Triada, juste en face du palais, le commis kurde de Tarlabasi qui allait livrer un paquet, la gitane marchande de fleur, le gardien de l'église arménienne du marché aux Poissons, le petit garçon levantin sortant de l'école, le cireur de godasses récemment immigré de Diyarbakir, le marchand juif de légumes.... et bien d'autres."

Et je peux ajouter que cette partie-là d'Istanbul est bien fabuleuse, et qu'être Européen là-bas, c'est être Américain à Paris dans les années trente.

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