Dersim
8h04. Nous partons vers midi et demi pour Trabzun. J'espère que je ne reverrai pas de sitôt Dersim
Hier, Bülent a passé la soirée à me sortir tous les mots en kurde qu'il connaissait. Il m'a expliqué que les premiers mots qu'il avait appris était : "Il y a du pain ? Il y a de l'eau ?" Il a fait son service dans les montagnes d'Agri et les troupes crevaient de faim. Les soldats en étaient réduits à mendier le pain et l'eau dans les villages qu'ils étaient censés mater. De plus, comme ils devaient brûler les villages et les champs, disperser le bétail, il y avait de moins en moins à manger dans le pays. La solde actuelle d'un soldat turc ne lui permet même pas de s'acheter 2 paquets de Marlboro pour le mois.
Cette idée de guide de voyage du Kurdistan, pour laquelle Roxane ne cesse de me tanner : faire cela comme une piste chantée, un long itinéraire ponctué de haltes-pierres-villes et de légendes, comme les guides de voyage des géographes musulmans de l'époque classique. Les légendes viendront de toutes les époques, et s'entrecroiseront comme les fils. Comme sources, facile : l'encyclopédie islamique et les géographes pour l'islam ; les dictionnaires et les historiens de l'Antiquité ; pour les Chrétiens et autres sectes, il va falloir fouiller un peu.
Derniers achats avant le départ. Pour ma collection d'objets ultra-kitsch : un squelette porte-clefs. Et puis heureuse trouvaille. En flânant dans les galeries commerciales, je suis tombée en arrêt devant un tableau peint sur verre, représentant un monstre recouvert d'écailles, avec couronne et tête de femme, plusieurs pattes et une queue, toutes en têtes de dragon. Je demande à Suleyman ce que c'est : il me répond que c'est la Mère des serpents. Qu'il y a des milliers d'années, un roi tomba malade et que pour guérir, un sage lui dit de boire le sang de la Mère des serpents. Il la tua, but son sang et recouvra la santé. Cette queue en tête de dragon, je la retrouve sur tous les monuments du Kurdistan. Et cette histoire de sang, de serpents, de roi malade, de monstres à tuer, c'est pêle-mêle toute la mythologie iranienne, du Livre des Rois à l'Avesta, mais transformée en monstre femelle, ici, à Dersim. Il y a plusieurs pistes à remonter. En tous cas, j'ai eu le coup de foudre pour ce tableau d'art naïf et je l'ai acheté sans hésitation pour l'équivalent de 25 francs. Un peu encombrant et fragile à ramener, mais j'aurai plaisir à l'envisager à ma table de travail.
Il faut que mon prochain article sur l'histoire de l'art démêle cette histoire de dragon sur les pierres du Kurdistan. Ce tableau me portera chance, je ne sais trop comment. C'est comme un talisman.
Hier, Bülent a passé la soirée à me sortir tous les mots en kurde qu'il connaissait. Il m'a expliqué que les premiers mots qu'il avait appris était : "Il y a du pain ? Il y a de l'eau ?" Il a fait son service dans les montagnes d'Agri et les troupes crevaient de faim. Les soldats en étaient réduits à mendier le pain et l'eau dans les villages qu'ils étaient censés mater. De plus, comme ils devaient brûler les villages et les champs, disperser le bétail, il y avait de moins en moins à manger dans le pays. La solde actuelle d'un soldat turc ne lui permet même pas de s'acheter 2 paquets de Marlboro pour le mois.
Cette idée de guide de voyage du Kurdistan, pour laquelle Roxane ne cesse de me tanner : faire cela comme une piste chantée, un long itinéraire ponctué de haltes-pierres-villes et de légendes, comme les guides de voyage des géographes musulmans de l'époque classique. Les légendes viendront de toutes les époques, et s'entrecroiseront comme les fils. Comme sources, facile : l'encyclopédie islamique et les géographes pour l'islam ; les dictionnaires et les historiens de l'Antiquité ; pour les Chrétiens et autres sectes, il va falloir fouiller un peu.
Derniers achats avant le départ. Pour ma collection d'objets ultra-kitsch : un squelette porte-clefs. Et puis heureuse trouvaille. En flânant dans les galeries commerciales, je suis tombée en arrêt devant un tableau peint sur verre, représentant un monstre recouvert d'écailles, avec couronne et tête de femme, plusieurs pattes et une queue, toutes en têtes de dragon. Je demande à Suleyman ce que c'est : il me répond que c'est la Mère des serpents. Qu'il y a des milliers d'années, un roi tomba malade et que pour guérir, un sage lui dit de boire le sang de la Mère des serpents. Il la tua, but son sang et recouvra la santé. Cette queue en tête de dragon, je la retrouve sur tous les monuments du Kurdistan. Et cette histoire de sang, de serpents, de roi malade, de monstres à tuer, c'est pêle-mêle toute la mythologie iranienne, du Livre des Rois à l'Avesta, mais transformée en monstre femelle, ici, à Dersim. Il y a plusieurs pistes à remonter. En tous cas, j'ai eu le coup de foudre pour ce tableau d'art naïf et je l'ai acheté sans hésitation pour l'équivalent de 25 francs. Un peu encombrant et fragile à ramener, mais j'aurai plaisir à l'envisager à ma table de travail.
Il faut que mon prochain article sur l'histoire de l'art démêle cette histoire de dragon sur les pierres du Kurdistan. Ce tableau me portera chance, je ne sais trop comment. C'est comme un talisman.
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