Défaite électorale kurde aux élections municipales



Les élections municipales qui se sont déroulées hier en Turquie ont été un large succès pour le Parti de la justice et du développement (AKP) qui a remporté 56 provinces sur 81. Beaucoup d’observateurs s’attendaient à la victoire de l'AKP mais non à la pauvre prestation du DEHAP, en dépit de sa coalition multipartiste avec le SHP, l’ODP, le EMEP, l’OTP, et le SDP, rassemblés sous le nom de l’Union du pouvoir démocratique. Les résultats ont montré cependant que « l’Union du pouvoir » était partout sauf au pouvoir. Concernant seulement le « pouvoir renforcé » du DEHAP, celui-ci a obtenu moins de votes qu’aux avant-dernières élections en 2002, où le DEHAP avait reçu à lui seul près de 2 millions de voix, équivalant à environ 6.2% de la totalité des votes.

Dans ces élections, une grande attention avait été portée par l’administration du DEHAP à son alliance avec les partis de gauche turcs sous la bannière du SHP. Des officiels du DEHAP expliquaient qu’ils s’attendaient à ce que cette alliance leur fasse remporter 150 municipalités dans toute la Turquie. Aux dernières élections municipales en 1999, le HADEP avait remporté 37 municipalités dont les grandes villes de Diyarbakir, Van, Batman, Hakkari, Siirt, Bingol, et Agri. Cette année, non seulement le DEHAP a échoué à accroitre son électorat en ne recevant que 4.8% des voix, et donc à remporter de nouvelles villes, mais a perdu d’une façon que l’on a peine à croire, des villes telles que Van, Bingol, Agri, et Siirt, qui étaient les places-fortes du DEHAP. Dans ces villes, comme dans toutes les villes kurdes (excepté Mardin, remporté par le Parti de la Félicité (SP) en raison d’une bavure technique qui a empêché l’AKP de s’y présenter) le parti au pouvoir, l’AKP a remporté la victoire. Le succès de l’AKP ne se limite pas seulement aux villes principales mais inclut aussi les petites villes autour. Ainsi, même à Diyarbakir, l’AKP gagne 3 municipalités dans la région et l’un quartiers de la métropole. A Van, le DEHAP qui n’a pu remporté une seule municipalité, ne sauve qu’un petit hameau tandis que l’AKP non seulement a obtenu la mairie de la ville de Van mais aussi 8 des 11 villes de la région. A Siirt, là aussi le DEHAP perd la municipalité et ne remporte que la mairie de Kurtalan, la majorité des voix alalnt à l’AKP.

Ces élections une fois de plus montrent que les Kurdes ne soutiennent pas la politique du DEHAP. Les Kurdes ont réagi à la décision des dirigeants du DEHAP de fusionner avec le SHP et par conséquent de participer aux élections sous la bannière du SHP. Aux élections législatives de 2002, le DEHAP avait tenté une union similaire avec des partis turcs marginaux et avaient déjà échouée. On aurait pu s’attendre à ce que les cadres du DEHAP ne persistent pas dans la même politique et soient attentifs à leurs électeurs. Cette fois, l’électorat a montré encore plus vigoureusement son désaccord. C’est un message que les officiels du DEHAP auront du mal à ignorer, et qui est clair : Les Kurdes veulent que le DEHAP exprime leur identité kurde et rejette la politique actuelle d’union avec des partis turcs marginaux. Les électeurs ont pu aussi réagir contre ce qu’ils ont perçu de la politique du DEHAP, comme voulant imposer ses propres candidats aux villes sans souci de leurs préférences .

Cette élection est riche d’enseignement pour les Kurdes. Il est évident que “l’Union du pouvoir démocratique” ne les sert pas, puisqu’elle n’interpelle ni les Turcs ni les Kurdes. Par dessus tout, le SHP et les autres aprtis n’ont pas de base électorale et leur programme n’est pas assez attirant pour gagner de nouveaux électeurs. Beaucoup de Turcs continuent à se défier de l’identité kurde du DEHAP, en dépit des dénégations vigoureuses de ses dirigeants. D’un autre côté, les Kurdes ont été très irrités par l’obstination du DEHAP à devenir un parti turc alors que l’état turc n’a rien changé dans sa façon de considérer le problème kurde. Les Kurdes attendent du DEHAP qu’il se présente comme un parti kurde, pour les Kurdes, et agissant par les Kurdes. On peut penser qu’il est temps pour DEHAP de revendiquer vigoureusement son dientité kurde au lieu de prétendre n’être qu’un parti turc. Ausssi longtemps que la question kurde reste lettre morte au sein de l’état turc, le peuple kurde demandera à un parti pro-kurde de se battre pour ses droits culturels et démocratiques. La meilleure chose pour le Quartier Général du DEHAP serait de trouver un moyen de collaborer avec d’autres partis kurdes et des personnalités individuelles, afin de renforcer l’unité des Kurdes. Si les dirigeants du DEHAP ne révisent pas sérieusement leur politique, ils pourraient faire face à une plus grande défaite aux prochaines élections, une défaite dont les perdants seraient le DEHAP comme le peuple kurde.


Mutlu Civiroglu

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