jeudi, juin 30, 2011

Ghazal Sotoudeh : Notes from Afghanistan

Actuellement et jusqu'au 14 juillet, Notes from Afghanistan, exposition des photos de Ghazal Sotoudeh à la Galerie Mourlot de New York, exposition qui tournera peut-être à Londres et Paris.

Né à Téhéran en 1981, d'un père kurde exécuté par le régime des mollahs, ayant fui l'Iran en 1983 dans les bras de sa mère et sur un cheval, ayant grandi à Paris, Ghazal Sotoudeh répond à une interview de Scott Bohlinger sur le site Iranian,com dont je traduis ici des extraits. 

Elle y raconte ainsi comment elle est venue à la photo, en faisant la connaissance de Reza, alors qu'elle travaillait pour un cabinet d'avocat, après avoir étudié le piano, la littérature, la philosophie, et finalement le droit.

Je travaillais comme stagiaire dans un cabinet d'avocat il y a 8 ans. Un jour, j'ai vu un dossier avec le nom de mon père dessus. Cela m'a causé un choc, parce que mon père a été exécuté alors que ma mère et moi fuyions le pays, 2 ans après la révolution. J'avais 3 ans et je ne l'ai jamais connu. C'était très étrange.
Je me retrouvais là, 20 ans après, dans ce cabinet français d'avocats, avec le prénom de mon père dansant sur un dossier jaune. J'ai questionné la secrétaire sur ce dossier et elle a répondu : "Oh, c'est juste un photographe iranien." Et ce fut tout !
Je suis rentrée chez moi et j'ai téléphoné à ma mère pour raconter ce que je pensais être une histoire incroyable : "Hé, tu sais, il y a un photographe avec le nom de Papa et il vit à Paris !" Et alors, elle a dit : "Je pense qu'il était aussi avec nous en prison !" (ma mère était une prisonnière politique sous le régime du Shah, de 1977 à 1979, tandis que mon père a été détenu de 1973 à 1979. Elle avait 17 ans quand elle a été arrêtée).
Je me suis : "La vie est bizarre, comme toujours." Mais là encore, ce fut tout.
Deux mois plus tard, par une journée ensoleillée, je me promenais pas hasard avec mon petit cousin au parc du Luxembourg et je ne savais pas que ce photographe faisait actuellement la clôture de son "exposition itinérante:. J'étais très timide et intimidée, mais je ne pouvais pas prétendre ne pas le connaître. Il était là, à signer des autographes ; je me suis alors approchée et me suis présentée. Je lui ai finalement demandé s'il connaissait mon père. Ses yeux se sont mis à briller et c'est comme ça que j'ai commencé à travailler avec lui.

Questionnée sur sa triple identité, iranienne, kurde, française, et les sentiments que cela lui inspire dans son travail :

Je sens seulement que j'ai de la chance en dépit de toutes les difficultés qu'il y a à concilier tous les fils de ces identités. C'est très difficile de grandir en tant qu'Iranienne à Paris, très difficile d'être considérée comme une Iranienne en Iran… En plus de cela, mon beau-père est kurde, et il a ainsi ajouté à mon identité mêlée de belles histoires venues de son propre bagage culturel. Il m'a fallu quelques efforts pour me sentir bien avec tout ça, mais finalement, je vois combien je suis chanceuse de pouvoir discerner ce qui est bon ou mauvais dans la culture occidentale et non occidentale…
  
Q. Pouvez-vous nous dire comment a évolué votre regard sur les problèmes iraniens et kurdes ?
Les Kurdes, en Iran, ont été, dans le passé, une force incroyable contre les dictatures (celle du Shah et l'actuelle) et ils le sont toujours. Ce qui est intéressant, c'est que c'est la seule minorité "ethnique" dans ce cas-là. Bien sûr, c'est lié à leur situation géographique, totalement écartelée entre cinq pays, et étant capables de nouer des alliances avec les Kurdes de l'autre côté des frontières, ils ont eu un formidable potentiel de déstabilisation du gouvernement central de Téhéran. Même si, parfois, c'est ce combat contre le régime qui a amenés les leaders politiques kurdes à se trouver des amis du mauvais côté, les Kurdes d'Iran ont combattu le régime avec un dévouement incroyable et beaucoup de dignité. Je suis très fière du passé de ma famille, mais je me sens aussi très attristé par la façon dont la politique a détruit chacun de ses membres à jamais, et je ne parle pas seulement des morts.
Mes tantes ont été les premières femmes exécutées en Iran, sur les ordres de Khalkhali. C'étaient des infirmières, pas du tout engagées politiquement, seulement et simplement des infirmières. Je sais que beaucoup de Kurdes d'Iran ont, d'une façon ou d'une autre, les mêmes histoires dans leurs armoires. C'est pourquoi ils restent une force d'opposition importante : parce qu'ils ont eu beaucoup de pertes au combat et qu'ils ne l'ont jamais oublié et ne pourront jamais l'oublier. Un autre point intéressant est que chaque Kurde d'Iran se sent avant tout iranien. Mais cela ne les empêche pas de se battre vraiment pour la préservation de leur héritage culturel, et surtout pour enseigner le kurde à l'école.


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