"Qui suis-je ?"
Dans son Orient des lumières, Rajab al-Hafiz al-Borsî, chiite gnostique, rapporte une tradition sur la création de l'âme charnelle (nafs) :
"Une tradition rapporte que, lorsque Dieu a créé l'âme charnelle, il l'appela lui demandant : "Qui suis-je ?". L'âme lui dit : "Et moi qui suis-je ?" Alors Dieu la projeta dans l'océan du Retour caché, jusqu'à ce qu'elle parvint à l'Alif étendu, qu'elle fût délivrée des vices des prétentions de l'égoïté charnelle et qu'elle fut revenue à son état d'origine. Ensuite Il l'appela : "Qui suis-je ?" Elle dit : "Tu es l'Unique, le Victorieux." C'est pourquoi (Dieu) a dit : "Combattez contre vos âmes charnelles."
Or cette scène de chute originelle se retrouve quasi à l'identique dans les traditions yézidies et yarsans, mais concernant parfois la chute de l'Ange :
"Un texte yazîdî raconte que Dieu et l'Ange Gabriel étaient, à l'origine, postés sur un arbre planté au milieu de la Mer primordiale ; ils avaient la forme de deux oiseaux (cygnes noirs dans la mythologie tartare, une cane blanche et une cane noire dans la légende russe, selon Ugo Bianchi). Dieu demanda à l'Ange : "Qui es-tu ?", provoquant ainsi de sa part une reconnaissance de son infériorité par rapport à l'excellence divine. Mais l'Ange répondit : "Tu es Toi et Je suis Moi", se mettant à son niveau. Alors Dieu le chassa de l'arbre ; il dut errer longtemps sur l'eau. A la fin, se rendant à l'avis d'un autre être, Sheikh Shîn, il put reprendre sa place sur l'arbre, après avoir reconnu la primauté de Dieu. Comme partenaire de Dieu, il participa à l'oeuvre créatrice, en pêchant la Terre au fond de la Mer primordiale." (Toufic Fahd, "Les sectes dualistes en terre d'islam").
Ou bien encore une fois celle de l'Homme primordial (l'Adam cosmique), mais cette fois il y a bonne réponse et non chute (on peut imaginer qu'elle surviendra plus tard).
"Plus tard, en étudiant le mythe de la Création dans les traditions orales chantées par les Alévis, les Ahl-é Hakk et les Yezidis, j'y découvris le scénario du manichéisme : la création de l'Homme Primordial inconscient de son essence divine, la question qui lui est posée : "Qui suis-je ?", à laquelle, dans son ignorance, il ne peut répondre. A la troisième demande, grâce à une intuition venue de son subconscient, il répond : "Tu es le créateur, je suis la créature !"" insi, l'homme éveillé du sommeil de l'inconscience découvre sa nature divine : l'âme éveillée intègre la communauté des croyants." (Irène Melikoff).
Voir Syncrétisme et hérésies dans l'Orient seldjoukide et ottoman (XIV°-XVIII° siècle), dirigé par Gilles Veinstein.
Bref, qu'il y ait, dans la gnose, un récit à peu près identique n'a rien de surprenant et le fait que tous ces courants ésotériques s'y soient abreuvés n'étonne pas non plus. Ce qui est intéressant, c'est d'imaginer que le même scénario (question + bonne ou mauvaise réponse) se soit produit à plusieurs niveaux, selon l'interlocuteur : l'Ange, l'Adam primordial ou l'Âme du monde, chaque âme charnelle en chaque humain, un peu comme une hiérarchie solidaire qui, à chacun de ses rangs, doit "remonter la pente". Si c'est le cas, cest le schéma ismaélien qui, décidément a dû pénétrer profondément certains ésotéristes duodécimains mais aussi les sectes kurdes et tout spécialement les yézidis (ce que j'ai toujours soupçonné). Après, qu'ils aient tout remixé à leur sauce, quoi de plus normal... Il n'y a qu'à voir la version des évangiles de Matthieu revus par les ismaéliens...
Or cette scène de chute originelle se retrouve quasi à l'identique dans les traditions yézidies et yarsans, mais concernant parfois la chute de l'Ange :
"Un texte yazîdî raconte que Dieu et l'Ange Gabriel étaient, à l'origine, postés sur un arbre planté au milieu de la Mer primordiale ; ils avaient la forme de deux oiseaux (cygnes noirs dans la mythologie tartare, une cane blanche et une cane noire dans la légende russe, selon Ugo Bianchi). Dieu demanda à l'Ange : "Qui es-tu ?", provoquant ainsi de sa part une reconnaissance de son infériorité par rapport à l'excellence divine. Mais l'Ange répondit : "Tu es Toi et Je suis Moi", se mettant à son niveau. Alors Dieu le chassa de l'arbre ; il dut errer longtemps sur l'eau. A la fin, se rendant à l'avis d'un autre être, Sheikh Shîn, il put reprendre sa place sur l'arbre, après avoir reconnu la primauté de Dieu. Comme partenaire de Dieu, il participa à l'oeuvre créatrice, en pêchant la Terre au fond de la Mer primordiale." (Toufic Fahd, "Les sectes dualistes en terre d'islam").
Ou bien encore une fois celle de l'Homme primordial (l'Adam cosmique), mais cette fois il y a bonne réponse et non chute (on peut imaginer qu'elle surviendra plus tard).
"Plus tard, en étudiant le mythe de la Création dans les traditions orales chantées par les Alévis, les Ahl-é Hakk et les Yezidis, j'y découvris le scénario du manichéisme : la création de l'Homme Primordial inconscient de son essence divine, la question qui lui est posée : "Qui suis-je ?", à laquelle, dans son ignorance, il ne peut répondre. A la troisième demande, grâce à une intuition venue de son subconscient, il répond : "Tu es le créateur, je suis la créature !"" insi, l'homme éveillé du sommeil de l'inconscience découvre sa nature divine : l'âme éveillée intègre la communauté des croyants." (Irène Melikoff).
Voir Syncrétisme et hérésies dans l'Orient seldjoukide et ottoman (XIV°-XVIII° siècle), dirigé par Gilles Veinstein.
Bref, qu'il y ait, dans la gnose, un récit à peu près identique n'a rien de surprenant et le fait que tous ces courants ésotériques s'y soient abreuvés n'étonne pas non plus. Ce qui est intéressant, c'est d'imaginer que le même scénario (question + bonne ou mauvaise réponse) se soit produit à plusieurs niveaux, selon l'interlocuteur : l'Ange, l'Adam primordial ou l'Âme du monde, chaque âme charnelle en chaque humain, un peu comme une hiérarchie solidaire qui, à chacun de ses rangs, doit "remonter la pente". Si c'est le cas, cest le schéma ismaélien qui, décidément a dû pénétrer profondément certains ésotéristes duodécimains mais aussi les sectes kurdes et tout spécialement les yézidis (ce que j'ai toujours soupçonné). Après, qu'ils aient tout remixé à leur sauce, quoi de plus normal... Il n'y a qu'à voir la version des évangiles de Matthieu revus par les ismaéliens...
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