Les élections provinciales au Kurdistan d'Irak
En même temps que les élections législatives se déroulaient au Kurdistan comme dans tout l’Irak, les trois provinces kurdes élisaient leurs conseils provinciaux.
En 2013, ces élections provinciales avaient eu lieu dans la plupart des gouvernorats irakiens, sauf la Région kurde, et les provinces de Kirkouk, Ninive et d’Anbar. Ces deux dernières provinces ont voté le 20 juin 2013. Quant à Kirkuk, l’article 23 de la loi électorale remettait la tenue, la date et le déroulé des élections entre les mains d’un « comité multi-ethnique » sous la règle d'un consensus général. Mais en août 2013, la cour fédérale de l’Irak a annulé cet article, arguant de l’inefficacité de ces dispositions (les élections ont été plusieurs fois reportées). À la place, la commission juridique du Conseil des représentants a rédigé une nouvelle loi électorale, se passant de l’assentiment de toutes les composantes ethniques, religieuses et politiques de la province pour la faire approuver. Cette décision de la cour fédérale avait surtout rencontré l’opposition des minorités arabes et turkmènes, craignant de perdre du poids politique face à la supériorité démographique des Kurdes. Jusqu’au bout, c’est-à-dire à la veille des élections du 28 avril (pour les forces de sécurité), des voix, même minoritaires, se sont élevées pour demander le report de ces élections. Ainsi Sheikh Abdulrahman Al Asai, à la tête du Conseil politique arabe, mais d’autres, comme le candidats de la liste Al Iraqiya, soutenait leur tenue, accusant le Premier ministre Maliki de soutenir en sous-main les contestataires.
Dans le reste de la Région kurde, ces élections et la campagne électorale qui a duré tout le mois d’avril ont plus d’impact dans l’opinion publique que les législatives irakiennes, comme l’ont remarqué les medias étrangers ou irakiens, d’autant que les conseils de province n’avaient pas connu d’élections depuis huit ans.
« Même la campagne d’affichage placardé dans les rues kurdes montre cela – la plupart concerne les élections provinciales plus que les législatives irakiennes. C’est la même chose pour la couverture des media locaux des deux élections : les provinciales font l’objet de plus d’attention. » (Hayman Hassan, pour le journal Niqash).
À cela, plusieurs explications peuvent être avancées : un « désenchantement » ou un scepticisme des Kurdes sur l’influence réelle que leurs députés peuvent exercer sur la politique de Bagdad à leur égard, mais aussi un intérêt accru par la compétition entre les trois grands partis de la Région, toujours en tractations, depuis les législatives de septembre 2013, pour la formation d’un nouveau cabinet. Survenant à peine 8 mois après la défaite de l’UPK devant le parti Goran, ces élections étaient un moyen pour les factions politiques, soit de conforter leur victoire, en ce qui concerne Goran, soit de prendre leur revanche, en remontant de la 3ème à la 2ème place, pour l’UPK. Les partis religieux, Yekgirtu et Komal, qui avaient également fait un bon score, surtout à Suleïmanieh, pouvaient aussi espérer voir leurs résultats se maintenir ou s’améliorer.
Surtout, la loi électorale des conseils provinciaux a également changé au GRK. Auparavant, les gouverneurs de province étaient directement nommés par le ministre de l’Intérieur de la Région. Ce même gouverneur pouvait choisir et nommer de hauts fonctionnaires sans en référer aux conseils. Dorénavant, dans une volonté de décentralisation, ce seront les conseils provinciaux qui nommeront le gouverneur, accroissement de pouvoir qui, bien sûr, ont rehaussé l’intérêt de ces élections qui doivent décider du poids des partis au sein de ces conseils.
Contrairement au reste de l’Irak, le scrutin s’est déroulé dans le calme et sans attaque terroriste, même si, ça et là, surtout dans la province de Suleïmanieh, des accusations de fraude se sont élevées à l’encontre des partis dominants qui ont une certaine mainmise sur les forces de police et de sécurité.
Les premières estimations publiées sur Rudaw montrent que, par rapport aux élections de 2011, la participation a été moindre, malgré une augmentation du nombre des électeurs dans toute la Région de 216 211 électeurs, soit, dans chaque province :
- Duhok : + 62 706
- Erbil : + 60 636
- Suleïmanieh : + 92 869
Sur ce total de 216 211, les électeurs du GRK étaient 80 784 de moins à voter (1 887.991 contre 1 968 775 en 2011), soit un taux de participation de 67% pour tout le GRK et dans chaque province.
- Duhok : 69% (445 647 sur 641 436),
- Erbil : 61 % (643 280 sur 1 052 596),
- Suleïmanieh 71% ( 799 064 sur 1 125 000).
Résultats provisoires des élections provinciales 2014 (GRK + provinces) :
Si l’on compare avec les résultats des législatives de septembre 2013 :
On voit qu’en 2014, le PDK perd 16 612 voix mais que son pourcentage des votes au total augmente de 1%. Il gagne 11 184 votes à Duhok (+2%), en perd 17 428 à Erbil (-2%) et 10 368 à Suleïmanieh (-2%).
Gorran perd 12 875 voix et son pourcentage du total des votes augmente de 1%. Il gagne 12 445 voix à Duhok (+3%), en perd 35 369 à Erbil (-3%), gagne 10 039 voix à Suleïmanieh (+2%).
L’UPK gagne 82 984 voix par rapport à 2013 et augmente son pourcentage du total des voix de 5%. Il gagne 12 106 voix à Duhok (+5%), 49 630 voix à Erbil (+4%) et 21 248 voix à Suleïmanieh (+ 3%).
Total des voix perdues/gagnées et pourcentage des votes :
Ainsi, l’on peut voir que le PDK gagne des voix à Duhok, son fief, mais en perd à Erbil et Suleïmanieh. Gorran progresse aussi à Duhok et à Suleïmanieh, mais recule à Erbil. L’UPK est le parti qui a gagné des voix dans les trois provinces, tandis qu’à l’inverse, Yekgirtu en perd partout. Komal perd des voix à Duhok et Suleïmanieh, en gagne à Erbil.
Le fait le plus notable a donc été la remontée surprise de l’Union patriotique du Kurdistan. On observe aussi un amenuisement ou une stagnation des votes pour les deux partis religieux Yekigirtu et Komal.
A priori, et sous réserve des résultats définitifs, ni Gorran ni Komal n’obtiendrait de siège dans les conseils provinciaux.
La dernière élection des conseils provinciaux remonte à 2011, remportée par l’actuel gouverneur (vainqueur aussi aux législatives de 2010) devant Gorran, mais à l’époque, l’UPK et le PDK faisait encore liste commune dans l’Alliance kurde.
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