Rapport sur le massacre de villageois de Gülyazı (Bujeh) et d'Ortasu (Roboski) du district d'Uludere (Qileban) de la province de Şırnak Province (extraits, partie 1)



Rapport sur le massacre de villageois de Gülyazı (Bujeh) et d'Ortasu (Roboski) du district d'Uludere (Qileban) de la province de Şırnak Province.

Les faits : 35 personnes, toutes de sexe masculin, dont 17 adolescents, ont été tuées, une autre blessée et deux sont sortis indemnes d'une attaque aérienne de l'aviation militaire turque sur le groupe, qui avait passé la frontière entre la Turquie et l'Irak, et s'en retournait en Turquie, dans les environs de  Gülyazı (Bujeh) et d'Ortasu (Roboski), villages du district d'Uludere (Qileban) de la province de Şırnak, le 28 décembre 2011 entre 21h 30 et 22 h 30. 

Buts : Les buts de cette commission des droits de l'homme étaient de s'entretenir avec les survivants, les parents des victimes, les témoins s'il en est, et les autorités, au sujet du massacre; de préparer un rapport à la lumière des informations rassemblées lors des recherches et de l'enquête ; de contribuer à  faire connaître la réalité des faits en envoyant ce rapport aux bureaux et institutions compétentes ; de permettre à l'opinion publique d'avoir accès à une véritable information ; et de demander une véritable enquête pour déterminer les responsabilités. 

Composition de la Commission : Dès que la nouvelle de l'incident est parvenue, le 29 décembre 2011, à 9 h00, les centres généraux de l'Association des droits de l'homme (IHD) et de l'Organisation  des droits de l'homme et de solidarité avec les opprimés (MAZLUMDER) ont décidé de constituer une  première commission en consultation avec leurs branches locales, et cette the commission est arrivée sur les lieux de l'incident le jour même, dans l'après-midi. Des consultations auprès d'ONG et d'organisations de la société civile ont eu lieu pour constituer une autre commission, organisée par l'IHD, MAZLUMDER, la Confédération des syndicats de la fonction publique (KESK), l'Association médicale turque (TTB), la Fondation des droits de l'homme en Turquie (HRFT), l'Association contemporaine des avocats (ÇHD), l'Assemblée de la paix en Turquie et l'Union générale des syndicats de travailleurs (DİSK Genel İş), qui est arrivée dans la province de Diyarbakır le même jour dans l'après-midi. 


La Première Commission a atteint Uludere (Qileban), district de la province de Şırnak le 29 décembre 2011 à 17 h 00 et a examiné les corps un par un à l'hôpital publique, les lieux et les conditions de l'autopsie et a pris des photos.


La commission a appris que les corps de 35 personnes étaient à l'hôpital public d'Uludere (Qileban), qu'un des blessés avait été emmené à l'hôpital publique de Şırnak, qu'un des survivant se trouvait en état de choc et incapable de parler, mais que Haci Encü, l'autre survivant, pouvait parler. La Commission a alors exposé le but de sa visite aux personnes qui attendaient à l'entrée de l'hôpital et a exprimé ses condoléances, en tant que défenseurs des droits de l'homme.  La Commission a pu observer qu'il n'y avait rien de prévu pour les besoins de la foule rassemblée devant l'hôpital, que des personnes avaient apporté elles-mêmes de quoi se nourrir, que d'autres, hors de l'hôpital, attendaient debouts ou assis sur le sol. La Commission n'a pu trouver un officier ou un représentant de l'hôpital, et a été avertie par les familles que la plupart des corps se trouvaient à l'étage supérieur tandis que les autopsies avaient lieu au sous-sol. La Commission s'est ainsi rendue sur les lieux des autopsies. Le hall dans le sous-sol était séparé par un paravent et plusieurs couvertures avaient été jetées sur ce paravent. Au bas des escaliers, sur la droite, il y avait le système de chauffage central et à gauche, les lieux où se déroulaient les autopsies. L'odeur du fuel était très dense. Il y avait peu  d'officiers et seulement des experts en médecine légale. Il a été établi qu'un seul avocat du barreau de Şırnak avait été autorisé à assister à l'autopsie  au nom des familles, que deux procureurs avaient dirigé la procédure et que 6 autopsies avaient été achevées à 18 h 30. Plus tard, la commission a remarqué que des femmes se lamentaient à l'entrée de sorte que leurs voix pouvaient s'entendre dans tout l'hôpital ; elle a ensuite photographié les corps, un par un. La Commission a tenté de collecter des informations auprès des familles qui attendaient durant les autopsies. Les entretiens avec Hacı Encü (l'un des survivants) et les parents des victimes ont été menés à l'intérieur de l'hôpital. Au début, il n'y avait aucun officier de sécurité présents, mais ensuite, alors que les rapports préliminaires étaient écrits, on a rapporté que deux mini-bus remplis de policiers anti-émeute et une voiture de police blindée étaient arrivés à l'hôpital. Les policiers sont sortis de leurs véhicules, ont formé une seule file, et ont ainsi traversé la cour de l'hôpital, escortés par leurs voitures. 
À 19 h 00, un rapport des examens préliminaires était publié. La Première Commission a attendu la fin des autopsies dans la matinée du 30 décembre 2011, et est ensuite allée aux villages de Gülyazı (Bujeh) et d'Ortasu (Roboski). 

Une enquête a été menée sur les lieux de l'incident, des villageois et des parents des victimes ont été interrogés, leurs avis et leurs déclarations notés. Une grande partie des investigations et recherches des membres de la commission a été photographiée et filmée.

Le 30 décembre 2011,  la Commission a quitté l'hôpital dans la matinée et est partie pour le village des victimes, enquêter sur les lieux de l'incident. La "route des contrebandiers"  qui a été empruntée pour se rendre sur les lieux est à peu près à 4 ou 5 kilomètres du village, est couverte de gel,  et bien qu'elle ait été récemment nettoyée par des bulldozers – dont on peut voir les traces – elle est encore boueuse. Le lieu de l'incident, dans les montagnes,  était couvert de neige et de sang, de mules mortes, et de choses qui avaient été soufflées  et dispersées tout autour à l'endroit des bombardements. La Première Commission a examiné pendant une heure les lieux de l'incident et est restée deux heures dans le village. Les entretiens ont été intégralement notés et tout ce qui pouvait servir de preuves photographié et enregistré. Les membres de la Commission n'ont vu aucun soldat ni membre des forces de sécurité. Aucun officier public, pas même la gendarmerie, n'était en vue dans les lieux où les villageois étaient en deuil, dans et hors du village. 

Le même jour, 30 décembre, la Commission générale (Seconde Commission) est partie à 4 h 30, en bus, de Diyarbakir et a atteint Uludere, d'où partait le convoi funéraire, à 11 h 00, puis a continué jusqu'aux villages d'Ortasu et de Gülyazı. Dans ce dernier village, la commission a assisté au début des funérailles, et puis s'est rendue sur les lieux des faits sans plus attendre. Une unité de l'armée a empêché la commission de se rendre sur les lieux à moins de 200 mètres, et l'a forcée à s'en retourner en déployant des troupes avec des hélicoptères sur les lieux, dès que la commission les a quittés. La commission a interrogé des témoins de l'incident, a rendu visite au domicile des trois familles pour présenter ses condoléances et obtenir des informations sur l'incident. Après avoir interrogé le chef du village d'Ortasu, les deux survivants et les villageois, la commission est repartie à 20 h 00.
Observations de la Seconde Commission : Aucun officier public ni aucun membre des forces de sécurité n'a été vu dans le cortège massif des funérailles ou dans le village de  Gülyazı. Une très grande foule s'est rassemblée sur les lieux des funérailles des villageois d'Ortasu et de Gülyazı, dont le maire de Diyarbakır, Osman Baydemir, les maires d'autres districts et provinces, le président du parti Selahattin Demirtaş, le vice-président du BDP et député de Şırnak, Hasip Kaplan, d'autres députés du  BDP, le député indépendant Ahmet Türk, et le député CHP d'Istanbul Sezgin Tanrıkulu. 
Une unité militaire et des hélicoptères  ont été vus sur la pente d'une colline près de Gülyazı. La distance entre les lieux de l'incident et de l'unité militaire la plus proche (brigade frontalière) est de 6 à 7 km sur la carte. La Seconde Commission a été harcelée  par le déploiement d'une unité entièrement équipée sur la frontière et sur la route du village d'Ortasu, des hélicoptères ont survolé en cercles la commission, qui a été forcée de stopper à 200 mètres des lieux de l'incident. Onleur a dit qu'ils ne pouvaient se rendre sur le terrain, que c'était interdit. La Commission a insisté pour se rendre sur place et n'a fait demi tour qu'après qu'un officier, après avoir reçu un ordre radio, leur a dit qu'ils seraient reconduits de force. Mais la Commission a pu observer à l'œil nu la frontière et les lieux du bombardement. 
  Source et photo : Firatnews.com

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