Coup de projo sur : quelques Nativités
De divers CD, quelques chants de la Nativité dans des rites et des langues qui se sont fait entendre ou sont encore entendues dans la région Djézireh-Kurdistan-haute Mésopotamie.
D'abord des chants de Noël géorgiens (si les Géorgiens ont un peu reculé à l'est avec la poussée turco-kurde, ils ont été des voisins directs dans tout le Moyen-Âge et au-delà.
Ensuite, ce qui peut surprendre, un chant de Noël médiéval latin, c'est-à-dire européen pur jus. Hé oui, avec le Comté d'Edesse (auj. Urfa) et la Principauté d'Antioche qui s'avançait jusqu'à Afrîne, on a entendu au moins pendant un siècle des nativités latines en pays arabo-kurdo-syriaque... (Il faut imaginer la profusion de langues et de dialecte qu'un habitant moyen entre Urfa et Afrîne avait dans l'oreille : l'arabe, le turc, le kurde, le latin, le syriaque, la langue d'oc, le francien des Normands, le grec, l'arménien, le néo-araméen des Juifs...)
Donc bien sûr, il y a aussi les chants arméniens et les chants syriaques de divers rites, des melkites au byzantin, à ceux de l'église syriaque occidentale (d'Antioche).
Les fêtes et les messes, loin d'être cantonnées aux quartiers chrétiens ont pendant longtemps rythmé aussi la vie quotidienne des autres confessionns juifs ou musulmans. Car comme l'explique Anna-Marie Eddé dans son "Orient au temps des Croisades", "... les fêtes religieuses faisaient partie de la pratique dévotionnelle, et rythmaient la vie des fidèles, quelle que fût leur religion, de manière quotidienne par la prière, saisonnière par les fêtes, ou exceptionnelle par les pèlerinages. Les fêtes de la chrétienté étant beaucoup plus nombreuses que celles de l'islam, les musulmans se joignaient souvent aux chrétiens pour participer à leurs réjouissances, d'autant qu'un grand nombre de ces célébrations avaient des racines très profondes dans la tradition locale et s'étaient superposées à des fêtes antiques."
Et de citer al-Mas'ûdî, relatant la fête de l'Epiphanie au Caire, au X° siècle, ou al-Maqrizî, qui écrit toujours du Caire mais au XIV° siècle : "Nous avons vu la Nativité au Caire, à Misr-Fustât et dans toute l'Egypte, être l'occasion d'une magnifique solennité. On y vendait des cierges enluminés de jolies couleurs et d'images ravissantes pour des sommes considérables."
Est-ce que ces fêtes s'influençaient l'une l'autre ? On peut s'interroger là-dessus quant à l'origine de la fête de Mawlid, soit la "nativité de Muhammad", fête qui fut créée/lancée au XII° siècle, par le prince d'Erbil (Hewlêr), Gökburî, vassal turcoman de Saladin. Si l'on songe qu'à l'époque, Erbil avait une très importante population chrétienne, et que par ailleurs les pratiques religieuses des Turco-Iraniens étaient beaucoup plus ouvertes aux fameuses "innovations" que dénonçaient régulièrement les juristes musulmans plus rigoristes, on peut effectivement se demander si la beauté des fêtes de Noël chrétienne n'ont pas déclenché une émulation chez Muzaffar al-Dîn Abû Sa?îd Gökbüri ibn Zayn al-Dîn, prince d'Irbil, qui rendit la pareille à son prophète à lui, et avec grand faste et grand succès puisque du Kurdistan, cette fête est maintenant répandu dans tout l'islam. Toujours dans la série méli-mélo, à la même époque, le Newruz ou Nouvel An solaire du 21 mars, était fêté avec grande pompe en Egypte, comme dans le monde iranien...
CDgraphie :
Chants from the Holy Land : Eastern Church vol. 31, Georgian songs, vol. 17 ; Holy Land records, 1999.
Chants sacrés d'orient et d'Occident : Soeur Marie Keyrouz, Arie van Beek, orchestre d'Auvergne ; Virgin 2005.
Tempus Festorum : Musique médiévale au temps de la Nativité ; Claude Bernatchez & Ensemble Anonymus ; Analekta 2005.
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