Les Kurdes, les intellectuels et le PKK
(Suite de l'affaire : qui représente les Kurdes de Turquie ?)
Lors de son séjour à Paris, Leyla Zana a répondu aux critiques des 195 signataires de la pétition qui s'étaient sentis quelque peu "poignardés dans le dos" quand Zana avait finalement désavoué le texte, en prétendant avoir signé sans lire (déjà ça fait sérieux... la prochaine fois qu'Erdogan lui fera signer quelque chose, prendra-t-elle la peine de bien regarder ???)
Selon Zana, les intellectuels kurdes n'agissent que pour leur propre intérêt (sous-entendu pas comme elle, à qui on ne reproche de ne servir que les intérêts d'Öcalan...). Et ces "intellectuels" sont "détachés du peuple", comme il se doit pour des intellectuels, et chacun d'eux joue d'un instrument différent"... (pas comme le DEHAP qui change d'avis perpétuellement en fonction des directives et des contrordres et des épurations et des réglements de compte internes au PKK...)
Ainsi, selon elle : "Les intellectuels kurdes n'ont jamais été avec le peuple, avant ou durant la guerre". Historiquement c'est faux : le PKK fut bel et bien fondé par un groupe d'étudiants en 1978, et les premiers effectifs de la guérilla et des bureaux politiques se recrutaient plus facilement parmi les étudiants et la classe moyenne que parmi la paysannerie, considérée par Öcalan comme "inféodée" et complètement dénuée d'esprit révolutionnaire... Il a fallu les exactions de l'armée turque et la répression indistincte qui s'abattaient au Kurdistan pour que les classes populaires commencent à s'enrôler dans la guérilla... En ce sens, le meilleur recruteur du PKK a toujours été les jandarma...
Leyla Zana critique aussi la diaspora, ces Kurdes qui n'ont pas mis les pieds en Turquie depuis 30 ans, et poussent cependant les Kurdes "à la guerre et à mourir". Là encore, ce n'est pas tout à fait exact. Il est vrai qu'il y a - comme toujours - un gros décalage entre la diaspora et les Kurdes restés là-bas. Mais ça n'a rien à voir avec un fossé intellectuels/classes populaires. La majeure partie de l'immigration kurde de Turquie en France est composée d'ouvriers ou de paysans, et ce décalage existe aussi entre eux et les Kurdes restés au pays. Ceux qui poussent à la reprise des combats, ne sont d'ailleurs pas les intellectuels de la diaspora mais les branches dures du PKK, de Cemil Bayik à Murat Karayilan, le premier étant dans la guérilla, l'autre en Europe il est vrai, mais franchement, il serait très abusif de considérer Karayilan comme un "intellectuel"... C'est aussi celui qu'Öcalan voulait remplacer par Leyla Zana à la tête du bureau de l'ERNK pour l'Europe, au passage...
Présenter ces affrontements, qui ne sont en fait qu'un conflit d'intérêts, comme une "défense du peuple contre les intellectuels kurdes" est donc inexact, et cela rappelle de façon malsaine la hargne des durs du PKK contre les "lettrés" kurdes, quand dans leurs rangs, il ne fallait pas s'exprimer dans un style "trop riche", quand les cadres devaient cacher leurs diplômes universitaires sous peine de se faire attaquer là-dessus en réunion, quand dans les articles qu'ils écrivaient, il ne fallait pas utiliser plus qu'un vocabulaire basique (turc, bien sûr, le kurde étant banni par Öcalan) pour "faire peuple". ça s'appelle de la démagogie révolutionnaire, et ça cadre mal avec la ligne "défendons la culture kurde" présentée aux Européens. Il faudrait savoir : une culture sans intellectuels, ça se résume au folklore et à la cuisine traditionnelle. Effectivement, c'était pas la peine de faire 15 ans de guerre pour préserver ça.
Or, depuis le début du mouvement nationaliste kurde, les intellectuels, contrairement à ce que dit Zana, ont toujours été à la pointe des combats : que ce soit au temps des frères Bedir Khan, ou bien du temps de la république de Mahabad (Qazi Mohammad n'était pas un ouvrier illettré que je sache) ou lors des révolutions de Mustafa Barzani (lui-même peu instruit mais n'ayant jamais évincé les cadres plus instruits de son parti), les intellectuels ont toujours fait partie de la lutte nationale kurde. Ce sont eux qui en Turquie ont entretenu, avec les villageois (ceux que le PKK appelle des traîtres arriérés) l'usage de la langue kurde : Emin Bozarslan publia le premier alphabet kurde en 1968 (qui fut interdit en Turquie alors), Musa Anter choisit d'écrire en kurde et fut assassiné à Diyarbakir en 1992... En fait si l'on regarde toute l'histoire des écrivains kurdes au 20° siècle, bien peu échappèrent à l'exil ou à la mort... Pas tout à fait ce qu'on appelle des planqués.
Enfin la mouvance du DEHAP représente-t-elle le peuple ? L'AKP ayant obtenu de bien meilleurs résultats parmi les Kurdes de Turquie que le DEHAP lors des dernières élections, on peut en douter. Quant à Leyla Zana, seule une légitimité électorale lui donnera le droit de prétendre "représenter et défendre" les Kurdes de Turquie.
source : Hurriyet/ Dec 15, 2004.
Lors de son séjour à Paris, Leyla Zana a répondu aux critiques des 195 signataires de la pétition qui s'étaient sentis quelque peu "poignardés dans le dos" quand Zana avait finalement désavoué le texte, en prétendant avoir signé sans lire (déjà ça fait sérieux... la prochaine fois qu'Erdogan lui fera signer quelque chose, prendra-t-elle la peine de bien regarder ???)
Selon Zana, les intellectuels kurdes n'agissent que pour leur propre intérêt (sous-entendu pas comme elle, à qui on ne reproche de ne servir que les intérêts d'Öcalan...). Et ces "intellectuels" sont "détachés du peuple", comme il se doit pour des intellectuels, et chacun d'eux joue d'un instrument différent"... (pas comme le DEHAP qui change d'avis perpétuellement en fonction des directives et des contrordres et des épurations et des réglements de compte internes au PKK...)
Ainsi, selon elle : "Les intellectuels kurdes n'ont jamais été avec le peuple, avant ou durant la guerre". Historiquement c'est faux : le PKK fut bel et bien fondé par un groupe d'étudiants en 1978, et les premiers effectifs de la guérilla et des bureaux politiques se recrutaient plus facilement parmi les étudiants et la classe moyenne que parmi la paysannerie, considérée par Öcalan comme "inféodée" et complètement dénuée d'esprit révolutionnaire... Il a fallu les exactions de l'armée turque et la répression indistincte qui s'abattaient au Kurdistan pour que les classes populaires commencent à s'enrôler dans la guérilla... En ce sens, le meilleur recruteur du PKK a toujours été les jandarma...
Leyla Zana critique aussi la diaspora, ces Kurdes qui n'ont pas mis les pieds en Turquie depuis 30 ans, et poussent cependant les Kurdes "à la guerre et à mourir". Là encore, ce n'est pas tout à fait exact. Il est vrai qu'il y a - comme toujours - un gros décalage entre la diaspora et les Kurdes restés là-bas. Mais ça n'a rien à voir avec un fossé intellectuels/classes populaires. La majeure partie de l'immigration kurde de Turquie en France est composée d'ouvriers ou de paysans, et ce décalage existe aussi entre eux et les Kurdes restés au pays. Ceux qui poussent à la reprise des combats, ne sont d'ailleurs pas les intellectuels de la diaspora mais les branches dures du PKK, de Cemil Bayik à Murat Karayilan, le premier étant dans la guérilla, l'autre en Europe il est vrai, mais franchement, il serait très abusif de considérer Karayilan comme un "intellectuel"... C'est aussi celui qu'Öcalan voulait remplacer par Leyla Zana à la tête du bureau de l'ERNK pour l'Europe, au passage...
Présenter ces affrontements, qui ne sont en fait qu'un conflit d'intérêts, comme une "défense du peuple contre les intellectuels kurdes" est donc inexact, et cela rappelle de façon malsaine la hargne des durs du PKK contre les "lettrés" kurdes, quand dans leurs rangs, il ne fallait pas s'exprimer dans un style "trop riche", quand les cadres devaient cacher leurs diplômes universitaires sous peine de se faire attaquer là-dessus en réunion, quand dans les articles qu'ils écrivaient, il ne fallait pas utiliser plus qu'un vocabulaire basique (turc, bien sûr, le kurde étant banni par Öcalan) pour "faire peuple". ça s'appelle de la démagogie révolutionnaire, et ça cadre mal avec la ligne "défendons la culture kurde" présentée aux Européens. Il faudrait savoir : une culture sans intellectuels, ça se résume au folklore et à la cuisine traditionnelle. Effectivement, c'était pas la peine de faire 15 ans de guerre pour préserver ça.
Or, depuis le début du mouvement nationaliste kurde, les intellectuels, contrairement à ce que dit Zana, ont toujours été à la pointe des combats : que ce soit au temps des frères Bedir Khan, ou bien du temps de la république de Mahabad (Qazi Mohammad n'était pas un ouvrier illettré que je sache) ou lors des révolutions de Mustafa Barzani (lui-même peu instruit mais n'ayant jamais évincé les cadres plus instruits de son parti), les intellectuels ont toujours fait partie de la lutte nationale kurde. Ce sont eux qui en Turquie ont entretenu, avec les villageois (ceux que le PKK appelle des traîtres arriérés) l'usage de la langue kurde : Emin Bozarslan publia le premier alphabet kurde en 1968 (qui fut interdit en Turquie alors), Musa Anter choisit d'écrire en kurde et fut assassiné à Diyarbakir en 1992... En fait si l'on regarde toute l'histoire des écrivains kurdes au 20° siècle, bien peu échappèrent à l'exil ou à la mort... Pas tout à fait ce qu'on appelle des planqués.
Enfin la mouvance du DEHAP représente-t-elle le peuple ? L'AKP ayant obtenu de bien meilleurs résultats parmi les Kurdes de Turquie que le DEHAP lors des dernières élections, on peut en douter. Quant à Leyla Zana, seule une légitimité électorale lui donnera le droit de prétendre "représenter et défendre" les Kurdes de Turquie.
source : Hurriyet/ Dec 15, 2004.
'Stupidity, however, is not necessarily a inherent trait.'
Albert Rosenfield.
hello , I want to tell you , that your link to northern iraq is wrong !
RépondreSupprimerwe have bought a domain for it !
please change it to
www.northernIraq.info
and the title should be northern iraq
thankx
OK !
RépondreSupprimer