Ces blogs de jeunes Bagdadi sont intéressants quand on les lit pour ce qu'ils sont, c'est-à-dire des blogs de jeunes gens de Bagdad, éduqués, parlant anglais, ayant un accès à Internet, et dont l'appartenance à une classe moyenne ou même aisée fait que l'occupation américaine occasionne une chute de leur niveau de vie, ou à tout le moins un surcroît d'inconfort. Mais si l'on se fixe uniquement sur leurs paroles pour avoir une vue de "ce que pensent les Irakiens," cela risque de donner une vision singulièrement faussée. Il faudrait lire le blog d'un pauvre de l'ancienne Saddam-City, le blog d'un ex-opposant, d'un ancien prisonnier, le blog d'un chiite de Bassorah, rescapé des massacres de 91, le blog d'un Kurde (oui je sais ils pourraient le faire, les Kurdes ont toujours un métro de retard mais quand l'un d'entre eux va se décider, ils vont tous s 'y mettre, après il y aura pléthore).
Ce qui frappe dans la tonalité générale des "paroles arabes" d'Irak c'est l'absence de culpabilité en tout cas apparente, je ne dis pas qu'il n'y a pas malaise interne, mais en tous cas personne n'en parle. C'est encore et toujours la même attitude de "victime". Ce sont eux les victimes, eux qui ont été bombardés, qui sont sans eau ni électricité, et tout ceci est vrai, mais pourquoi ne jamais parler de l'autre passif, celui de l'agresseur, du bourreau ? Car ils ont aussi bombardé (le Kurdistan, l'Iran), ils ont aussi affamé et massacré, et gazé, et au Kurdistan comme en pays chiite comme en Iran on n'oublie pas, et pourquoi devrait-on taire "pudiquement" ces choses ?
Sans aller jusqu'aux extrêmes occidentaux (v. l'affaire Schwarzie), il serait peut-être sain même pour le peuple arabe de reconnaître que l'Anfal (le génocide kurde) a été commis majoritairement par des Arabes, au nom du nationalisme arabe. Et que oui c'est facile de dire que tout ça, ce ne sont que les crimes du seul Saddam et des seuls vilains baathistes. Un peu comme si l'on dédouanait tout à fait l'Alllemagne des crimes nazis, un peu comme si l'on voulait tout à fait dissocier les Allemands des années hitlériennes et des nazis. Le totalitarisme fatalement compromet toute une population, de gré ou de force. Entre les extrêmes, entre les opposants déclarés et les meurtriers actifs d'un régime, il y a le milieu, la masse qui subit ou qui profite, et il est difficile de tracer une frontière entre ceux qui sont opprimés et ceux qui sont responsables. Mais tout de même, l' Anfal a été commis par des soldats irakiens, ce sont des soldats irakiens qui ont détruit le Kurdistan qui ont fait disparaître près de 180.000 personnes en quelques semaines, qui ont enlevé (et pour en faire quoi ?) des filles kurdes, ce sont des familles arabes qui se sont installées dans les maisons et les propriétés confisqués aux Kurdes dans les régions de Mossoul et Kirkouk. Il semble que le droit au retour, celui dont on parle tant pour les Palestiniens semble moins légitime d'un seul coup, du fait qu'ils concerne des non-arabes...
Les Kurdes, très sagement (sagesse tribale, peut-être, mais le tribalisme n'a pas que des mauvaix côtés) ont décidé depuis longtemps de ne pas se venger, dès 91 en fait, quand la caserne de Mossoul a été prise et que les peshmergas se sont trouvés submergés par le nombre de prisonniers qui se rendaient... seuls des officiers particulièrement compromis ont payé. Et les soldats le savaient puisque qu'au printemps 2003 encore, il s'en trouvait pour déserter en passant en pays kurde. C'est sage pour la paix civile, cette amnestie-amnésie. Juger les crimes et la responsabilité de chacun mettrait davantage le pays à feu et à sang. Mais au moins, ceux qui pleurent sur le "démembrement ethnique" de l'Irak devraient avoir la décence de se la fermer là-dessus, car s'il se trouve des Kurdes qui préfèrent être gouvernés par les Américains plutôt que par leurs voisins arabes c'est qu'ils ont peut-être de bonnes raisons pour cela, et que la perspective de voir de nouveau flotter le drapeau irakien sur le Kurdistan n'en enchante pas beaucoup. Il peut y avoir accomodement entre les deux peuples, mais il ne faudrait pas que l'un des ces deux peuples oublie qu'il doit réparation à l'autre (réparation oui, même morale, même symbolique) et que c'est lui qui a perdu la guerre, et lui seul.
Ce qui frappe dans la tonalité générale des "paroles arabes" d'Irak c'est l'absence de culpabilité en tout cas apparente, je ne dis pas qu'il n'y a pas malaise interne, mais en tous cas personne n'en parle. C'est encore et toujours la même attitude de "victime". Ce sont eux les victimes, eux qui ont été bombardés, qui sont sans eau ni électricité, et tout ceci est vrai, mais pourquoi ne jamais parler de l'autre passif, celui de l'agresseur, du bourreau ? Car ils ont aussi bombardé (le Kurdistan, l'Iran), ils ont aussi affamé et massacré, et gazé, et au Kurdistan comme en pays chiite comme en Iran on n'oublie pas, et pourquoi devrait-on taire "pudiquement" ces choses ?
Sans aller jusqu'aux extrêmes occidentaux (v. l'affaire Schwarzie), il serait peut-être sain même pour le peuple arabe de reconnaître que l'Anfal (le génocide kurde) a été commis majoritairement par des Arabes, au nom du nationalisme arabe. Et que oui c'est facile de dire que tout ça, ce ne sont que les crimes du seul Saddam et des seuls vilains baathistes. Un peu comme si l'on dédouanait tout à fait l'Alllemagne des crimes nazis, un peu comme si l'on voulait tout à fait dissocier les Allemands des années hitlériennes et des nazis. Le totalitarisme fatalement compromet toute une population, de gré ou de force. Entre les extrêmes, entre les opposants déclarés et les meurtriers actifs d'un régime, il y a le milieu, la masse qui subit ou qui profite, et il est difficile de tracer une frontière entre ceux qui sont opprimés et ceux qui sont responsables. Mais tout de même, l' Anfal a été commis par des soldats irakiens, ce sont des soldats irakiens qui ont détruit le Kurdistan qui ont fait disparaître près de 180.000 personnes en quelques semaines, qui ont enlevé (et pour en faire quoi ?) des filles kurdes, ce sont des familles arabes qui se sont installées dans les maisons et les propriétés confisqués aux Kurdes dans les régions de Mossoul et Kirkouk. Il semble que le droit au retour, celui dont on parle tant pour les Palestiniens semble moins légitime d'un seul coup, du fait qu'ils concerne des non-arabes...
Les Kurdes, très sagement (sagesse tribale, peut-être, mais le tribalisme n'a pas que des mauvaix côtés) ont décidé depuis longtemps de ne pas se venger, dès 91 en fait, quand la caserne de Mossoul a été prise et que les peshmergas se sont trouvés submergés par le nombre de prisonniers qui se rendaient... seuls des officiers particulièrement compromis ont payé. Et les soldats le savaient puisque qu'au printemps 2003 encore, il s'en trouvait pour déserter en passant en pays kurde. C'est sage pour la paix civile, cette amnestie-amnésie. Juger les crimes et la responsabilité de chacun mettrait davantage le pays à feu et à sang. Mais au moins, ceux qui pleurent sur le "démembrement ethnique" de l'Irak devraient avoir la décence de se la fermer là-dessus, car s'il se trouve des Kurdes qui préfèrent être gouvernés par les Américains plutôt que par leurs voisins arabes c'est qu'ils ont peut-être de bonnes raisons pour cela, et que la perspective de voir de nouveau flotter le drapeau irakien sur le Kurdistan n'en enchante pas beaucoup. Il peut y avoir accomodement entre les deux peuples, mais il ne faudrait pas que l'un des ces deux peuples oublie qu'il doit réparation à l'autre (réparation oui, même morale, même symbolique) et que c'est lui qui a perdu la guerre, et lui seul.