lundi, juin 20, 2011

Ilana Eliya



"Il s’agit d’une des des voix les plus extraordinaires de la chanson en Israël. Une voix qui nous ouvre une vers le vaste monde. Il n’y a là nulle tricherie. La caisse de résonance corporelle, les nuances vocales les plus fines, les points où la voix se constitue, tout cela n’est pas de la technique : sa dispersion, son orientation, ont comme source la grandeur de l’âme qui est derrière… une “grande” voix est toujours individuelle, pleine d’audace et manifestant sa spécificité.
Ilana Eliya est née dans un quartier populaire de Jérusalem, d'une famille kurde venue en Israël en 1952.
Son père, chantre de synagogue, a systématiquement  préservé et pratiqué les chants liturgiques judéo-kurdes, créant dans sa propre maison une sorte de réserve naturelle inviolable de traditions musicales. Il a aussi gardé, par le truchement de la radio, un lien avec la musique du Kurdistan.
Eliya, dès l’enfance, a appris de son père à chanter des chansons kurdes. Sa mère a tenu, malgré la situation matérielle de la famille, à assurer à sa fille des cours de guitare classique et de chant. Sa voix gagna en puissance et en souplesse. Elle ne pouvait toutefois pas chanter du vivant de son père, pour des raisons liées aux moeurs du milieu kurde. Elle a ensuite gagné sa vie en travaillant dans une banque et bien peu de gens étaient au courant du potentiel de son talent musical. Eliya n’a commencé à chanter en public qu’après la mort de son père, il y a huit ans. Une sorte d’hommage à son père après sa disparition et de reconnaissance envers son œuvre de conservation du patrimoine musical traditionnel.
Aujourd’hui, la voix d’Eliya recèle en elle le grand silence qu’elle s’est imposée du vivant de son père, sorte de sacrifice librement consenti, qui s’exprime, dès lors, dans sa voix, comme une souffrance métamorphosée en acquis esthétique. Cette voix n’est ni aigüe, ni transparente. Elle est véritablement forte, présente, ronde et chaude… une entité en soi possédant volume et profondeur… Eliya n’est pas toute jeune, mais sa voix est lisse et brillante comme celle d’une fillette, elle s’entend comme un surgissement du dedans de l’âme vers le monde extérieur. Malgré la technique occidentale, sa présence vocale est tout à fait orientale. En quoi sa voix est-elle orientale? À la fois physique et mentale, elle émerge du point de rencontre entre la voix de tête et la voix de poitrine, de sorte qu’on entend toujours son enracinement dans tout le corps, depuis la gorge jusqu’à la moindre fibre. En outre la voix est dépourvue de tout vibrato, elle est lisse comme du marbre poli, et seules des trilles viennent l’onduler.
Eliya chante des chants kurdes, les uns hérités du patrimoine paternel, les autres rassemblés par elle-même ces dernières années : chants d’amour, chants montagnards et de bergers, chants élégiaques étonnants, enfin, composés ces derniers temps à la suite de l’écrasement de la résistance kurde par les forces de Sadam Hussein. Les chants kurdes ont une mélodie riche, plus proche de la mélodie occidentale, fermée et symétrique, que de l’allure rhamsodique de la musique arabe.
L’orchestre qui l’accompagne est mixte et comprend des instruments traditionnels kurdes et des instruments occidentaux, créant ainsi une tension entre une base traditionnelle profonde et des éléments tout à fait actuels. La musique d’Ilana Eliya évoque un univers de montagnes, elle s’ouvre grandement sur la nature, elle est comme un cri qui attend une réponse, un écho que lui enverraient, dans le lointain, les falaises escarpées et les espaces infinis. Elle vit la réalité de là-bas intensément et on peut se demander si cette musique est bien israélienne. Or, cette voix est née ici et elle s’adresse aux gens d’ici. Il n’y a pas d’”ici” plus fort que celui qui contient également un “là-bas” puissant. En l’occurrence, dans la gorge d’Ilana s’ouvre un “là -bas” qui s’offre au présent d’ici. Ainsi Israël peut être perçu, grâce à cette voix, comme un lieu d’Orient placé sur une ligne continue reliant l’Orient antique et l’Occident actuel.

Dr. Ariel Hirschfeld, “Haaretz” 21-3-1997
Professeur de Litterature et Critique d’art.

Ilana Eliya en concert.

2 commentaires:

  1. Anonyme10:35 PM

    Gelek spas Sandrine li ser amadekirina ev nûçeya xweş.

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  2. Zûr spas. Bi rastî, vê stranvana xweş nas nakir, û bi bihîstina dengê wê û bi xwendina dîroka wê, pir kêfxweş bûm. Ew ecib e !

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Concert de soutien à l'Institut kurde