Update : Une mosquée datant de 397 ap. J.C. volée par les Syriaques
Où l'on reparle de Mar Gabriel (c'est décidément le mois syriaque...) avec une pétition qui circule en ligne ici et quelques infos supplémentaires sur le noeud de l'affaire, traduites d'un papier de Baskin Oran paru dans Radikal. Bref, après Hasankeyf, sauvez Mar Gabriel...
Texte français de la pétition :
"Afin de mettre fin à une guerre sale et tout ce qui en a découlé, comme la pollution écologique, des crimes non résolus, des exécutions sans procès, des massacres et des meurtres de masse, nous voudrions vous faire part d'une autre souffrance qui s'ajoute à celle, quotidienne, que connaît la région de Mésopotamie.
Depuis le 19 novembre 2008, les media, et surtout le journal Evrensel, ont publié une série d'articles afin d'attirer l'attention sur le fait que les Assyriens qui vivent dans leur patrie du Tour Abdin depuis 5000 ans vit sous pression et est en danger d'extinction tout comme les Yézidis.
Une fois de plus, au sujet du même pays, nous voudrions faire entendre notre voix, tout comme pour éviter que Hasankeyf à Batman soit engloutie, nous avons élevé nos voix contre la construction du barrage d'Ilisu sur le Tigre. Nous croyons que chaque culture apporte sa variété et que la destruction d'une culture se fait au détriment de toutes les autres ; que la liberté perdue par un seul est une liberté pardue pour tous. Ainsi nous cherchons à résoudre ce problème.
Le dernier scénario en date concerne le monastère Mar Gabriel, vieux de 1600 ans, à Midyat (Mardin), où les responsables locaux de villages, afin de créer une inimitié entre les groupes ethniques de la région (bien qu'ils ne soient nullement en droit de le faire), ont proclamé avoir des droits sur des terres que les habitants eux-mêmes savent très bien appartenir au monastère depuis sa fondation. De fait, ces responsables de villages réclament les terres-mêmes sur lesquelles le monastère a été bâti. Il est évident qu'ils menacent l'existence même de ce monastère. Et le monastère doit maintenant faire face à six procès similaires.
Le monastère de Mar Gabriel est un héritage de l'histoire assyrienne qui nous est transmis à tous. Pensez que depuis des milliers d'années, il est le témoin d'une vie fraternelle menée ensemble, malgré toutes les difficultés. La Mésopotamie a été submergée par des flots de sang, de souffrances, d'anéantissement et de persécutions ; il est maintenant temps, pour elle, de produire les fleurs de la paix. Les Assyriens ne sont pas en faute. Ils ont le droit de vivre dans leur patrie sans peur, comme tous les autres hommes. Nous invitons ceux qui croient qu'aucune nuances des couleurs de cette antique terre ne doit être perdue, de nous soutenir à l'instar du Conseil de la paix d'Izmir, sans souci des croyances religieuses, dans cette campagne que nous avons lancée et qui s'intitule : "D'Izmir à la Mésopotamie"
Texte français de la pétition :
"Afin de mettre fin à une guerre sale et tout ce qui en a découlé, comme la pollution écologique, des crimes non résolus, des exécutions sans procès, des massacres et des meurtres de masse, nous voudrions vous faire part d'une autre souffrance qui s'ajoute à celle, quotidienne, que connaît la région de Mésopotamie.
Depuis le 19 novembre 2008, les media, et surtout le journal Evrensel, ont publié une série d'articles afin d'attirer l'attention sur le fait que les Assyriens qui vivent dans leur patrie du Tour Abdin depuis 5000 ans vit sous pression et est en danger d'extinction tout comme les Yézidis.
Une fois de plus, au sujet du même pays, nous voudrions faire entendre notre voix, tout comme pour éviter que Hasankeyf à Batman soit engloutie, nous avons élevé nos voix contre la construction du barrage d'Ilisu sur le Tigre. Nous croyons que chaque culture apporte sa variété et que la destruction d'une culture se fait au détriment de toutes les autres ; que la liberté perdue par un seul est une liberté pardue pour tous. Ainsi nous cherchons à résoudre ce problème.
Le dernier scénario en date concerne le monastère Mar Gabriel, vieux de 1600 ans, à Midyat (Mardin), où les responsables locaux de villages, afin de créer une inimitié entre les groupes ethniques de la région (bien qu'ils ne soient nullement en droit de le faire), ont proclamé avoir des droits sur des terres que les habitants eux-mêmes savent très bien appartenir au monastère depuis sa fondation. De fait, ces responsables de villages réclament les terres-mêmes sur lesquelles le monastère a été bâti. Il est évident qu'ils menacent l'existence même de ce monastère. Et le monastère doit maintenant faire face à six procès similaires.
Le monastère de Mar Gabriel est un héritage de l'histoire assyrienne qui nous est transmis à tous. Pensez que depuis des milliers d'années, il est le témoin d'une vie fraternelle menée ensemble, malgré toutes les difficultés. La Mésopotamie a été submergée par des flots de sang, de souffrances, d'anéantissement et de persécutions ; il est maintenant temps, pour elle, de produire les fleurs de la paix. Les Assyriens ne sont pas en faute. Ils ont le droit de vivre dans leur patrie sans peur, comme tous les autres hommes. Nous invitons ceux qui croient qu'aucune nuances des couleurs de cette antique terre ne doit être perdue, de nous soutenir à l'instar du Conseil de la paix d'Izmir, sans souci des croyances religieuses, dans cette campagne que nous avons lancée et qui s'intitule : "D'Izmir à la Mésopotamie"
Mar Gabriel , cour intérieure
Un des plus vieux et des plus beaux monastères du monde encore en activité est le monastère Mar Gabriel, près de Midyat, dont l'église fut fondée en 397, et qui est le siège de l'évêché syriaque orthodoxe du Tour Abdin, l'évêque actuel en étant Mgr Timotheos Samuel Aktash. Le Tour Abdin est un des plus anciens et des plus prestigieux lieux d'occupation du christianisme oriental. La région a en gros pour limites Diyarbakir au nord et Mardin à l'ouest, et s'échelonne tout le long du Tigre, entre Hasankeyf, Nusaybin, Cizre. Inutile de dire qu'en raison de sa position frontalière avec la Syrie et l'Irak, la région a souffert, entre no man's land militaire, hostilité ou volonté de destruction de ces bâtiments qui commettent à la fois le crime d'être non musulmans et non turcs, en plus de rappeler à chacun les fantômes gênants des milliers de Syriaques massacrés (en 1895 sur ordre d'Abdulhamid II et en 1915, par le gouvernement Jeunes-Turcs.) Ajoutons-y depuis les années 1980 les affrontements entre le PKK et l'armée, qui évidemment n'ont pas fait dans le détail. La population, qui comptait 130 000 Syriaques dans la région dans les années 1960 est aujourd'hui tombée à près de 3000. Maintenant que la guerre s'apaise, que les touristes reviennent, et que même les Syriaques veulent se réinstaller et restaurer Mydiat ou Igdil, les ennuis ne sont pas terminés : le monastère est aujourd'hui menacé de spoliation.
Loin d'être inoccupé et semi-ruiné, comme hélas nombre de bâtiments chrétiens en haute Mésopotamie, Mor Gabriel abrite 3 moines, 14 nonnes et 35 étudiants. C'est en effet un des centres culturels et religieux où l'on continue d'enseigner la langue et l'histoire des Syriaques. Le monastère reçoit aussi la visite annuelle de plusieurs milliers de touristes et de pèlerins.
Mais depuis août 2008, trois chefs de villages musulmans voisins ont décidé, sans doute par cupidité plus que par zèle religieux (encore que certains arrivent très bien à faire coïncider les deux) que ce monastère commettait le crime impardonnable à leurs yeux de "prosélytisme", en prenant pour prétexte la présence de ces 35 jeunes étudiants. Je ne sais si certains, venus étudier l'araméen et le christianisme, sont ou non musulmans d'origine, mais quand même cela serait, rappelons que la Turquie est censée être un Etat laïque, pour qui la prohibition de la conversion, dans la charia, n'a pas lieu d'être invoquée. Aussi leur plainte a été rejetée par le tribunal. Ce qui n'a pas découragé les villageois, qui maintenant éclament les terres du monastère afin de se les distribuer entre eux. Où y a de la gêne, y a pas de plaisir...
Cette fois-ci le motif de cette "redistribution" est encore plus gratiné : les villageois prétendent qu'à l'origine, avant la construction du monastère, il y avait une mosquée. Et que donc ces sales giaours ont volé au Dar al-Islâm des terres pour y bâtir dessus leur centre de contre-propagation de la vraie foi... Rappelons que l'église a été fondée en 397, les plus vieux bâtiments du monastère dans les années 400-401, et qu'à l'époque, pour trouver des musulmans, des muezzins et des mosquées dans la région, fallait vraiment chercher... Mais qu'à cela ne tienne, ils ont la preuve : un mur qui enserre les terres et le monastère, qui aurait été, selon eux une mosquée. Le fait que ce mur date en réalité des années 1990 et non 390, qu'il a été érigé pour protéger le lieu, alors en pleine ligne de front entre le PKK et l'armée, ne paraît pas beaucoup ébranler la certitude des plaignants : "Dieu est plus savant que vous sur ces choses, et ça tombe bien, Dieu est avec nous, compris ?"
Mais l'Etat turc n'est pas tout blanc dans cette affaire car conjointement - et la coïncidence dans le temps est curieuse - à la réclamation des maires locaux pour activités anti-islamiques et vols de terre musulmane, les fonctionnaires du cadastre ont voulu, en 2008, redessiner les limites des propriétés d'Etat en décrétant que les terres autour du Mor Gabriel étaient finalement "forêts publiques".
Interrogés par le journal Zaman, les paysans du village de Çandarlı, en fait 12 maisons sans aucune rue pavée, ont simplement dit qu'ils n'avaient rien contre les chrétiens, mais que le monastère avait pris des terres dont ils avaient besoin pour faire paître les bêtes. Selon les moines eux-mêmes, les accusations de prosélytisme et de complot anti-troupeaux musulmans viennent plus des maires que de pauvres bougres uniquement préoccupés d'accroître leurs zones de pâtures. Kurde, Turc ou Arabe, un paysan est un paysan ; les nôtres qui ne sont pas tous sur la paille, loin s'en faut, sont prêts à saccager le bocage ou à assécher tout le marais poitevin pour gagner quelques hectares, alors au vu de la pauvreté et du sous-développement des régions kurdes, ce n'est pas dur de manipuler quelques dizaines de culs-terreux ou de bergers en leur faisant croire en plus que c'est pour le bien de la religion.
"Il y a une campagne constante pour casser le dos du peuple syriaque et fermer le monastère", dit Daniel Gabriel, direction de l'Alliance universelle syriaque (section droits de l'homme ) basée en Suède, en soulignant que si le gouvernement turc voulait vraiment protéger la communauté syriaque, il mettrait fin à ces manoeuvres procédurières.
Mais pour le moment, hormis la Région du Kurdistan qui a une politique de réinstallation et de repeuplement chrétien des montagnes, et les Alaouites syriens qui leur fichent relativement la paix, occupés qu'ils sont à chasser et spolier les Kurdes, les Etats qui sont censés abriter et protéger ces citoyens de seconde zone sont assez indolents sur la question, sinon fortement complices.
Selon David Gelen, qui préside la fondation araméenne, les religieux de Mor Gabriel, l'évêque, les moines et les moniales sont actuellement en butte à une campagne d'intimidations et directement menacés par les villageois, si bien qu'ils n'osent même pas se présenter eux-mêmes au tribunal ou se défendre d'une façon ou d'une autre. Ils restent confinés dans leurs murs, ne se sentant peut-être guère assurés d'une protection légitime de la part des autorités locales.
"En Turquie, explique David Gelen, la liberté religieuse est garantie par la constitution. Mais ceux qui ne sont pas reconnus en tant que minorités n'existent pas, en termes pratiques. Les Syriaques, contrairement aux Grecs et aux Arméniens, ne sont pas reconnus comme minorité religieuse, bien qu'ils vivent ici depuis des millénaires. Le but de ces menaces et de ces procès est d'opprimer cette minorité et de l'expulser de Turquie, comme un corps étranger."
Le 11 février, l'Union européenne doit aborder avec la Turquie la question des droits de l'homme et de la liberté de culte pour les minorités non-musulmanes en Turquie. "Nous espérons que nos droits seront reconnus", déclare David Gelen, "mais nous sommes convaincus que pour l'Etat turc, le temps est venu de reconnaître, d'accepter et de protéger la multiplicité culturelle du pays, au lieu de la combattre. La Turquie doit décider si elle veut préserver une culture vieille de 1600 ans, ou anéantir les derniers vestiges d'une tradition non-musulmane. Ce qui est en jeu est le multiculturalisme qui a toujours caractérisé cette nation, depuis l'Empire ottoman."
Mais pour le moment, hormis la Région du Kurdistan qui a une politique de réinstallation et de repeuplement chrétien des montagnes, et les Alaouites syriens qui leur fichent relativement la paix, occupés qu'ils sont à chasser et spolier les Kurdes, les Etats qui sont censés abriter et protéger ces citoyens de seconde zone sont assez indolents sur la question, sinon fortement complices.
Selon David Gelen, qui préside la fondation araméenne, les religieux de Mor Gabriel, l'évêque, les moines et les moniales sont actuellement en butte à une campagne d'intimidations et directement menacés par les villageois, si bien qu'ils n'osent même pas se présenter eux-mêmes au tribunal ou se défendre d'une façon ou d'une autre. Ils restent confinés dans leurs murs, ne se sentant peut-être guère assurés d'une protection légitime de la part des autorités locales.
"En Turquie, explique David Gelen, la liberté religieuse est garantie par la constitution. Mais ceux qui ne sont pas reconnus en tant que minorités n'existent pas, en termes pratiques. Les Syriaques, contrairement aux Grecs et aux Arméniens, ne sont pas reconnus comme minorité religieuse, bien qu'ils vivent ici depuis des millénaires. Le but de ces menaces et de ces procès est d'opprimer cette minorité et de l'expulser de Turquie, comme un corps étranger."
Le 11 février, l'Union européenne doit aborder avec la Turquie la question des droits de l'homme et de la liberté de culte pour les minorités non-musulmanes en Turquie. "Nous espérons que nos droits seront reconnus", déclare David Gelen, "mais nous sommes convaincus que pour l'Etat turc, le temps est venu de reconnaître, d'accepter et de protéger la multiplicité culturelle du pays, au lieu de la combattre. La Turquie doit décider si elle veut préserver une culture vieille de 1600 ans, ou anéantir les derniers vestiges d'une tradition non-musulmane. Ce qui est en jeu est le multiculturalisme qui a toujours caractérisé cette nation, depuis l'Empire ottoman."
Comme les Kurdes, les Syriaques de haute Mésopotamie ont été dispersés et divisés entre 4 Etats, la Syrie, la Turquie, l'Irak, l'Iran. Le Traité de Lausanne aurait dû les protéger mais ses différentes clauses concernant la protection des minorités religieuses (Section III, article 37-45) n'ont, en ce qui les concerne, jamais été respectées. Comme les Kurdes, ils sont pourtant fortement unis par la langue, une histoire et une culture communes. Et au rebours des Kurdes, ils sont unis par une seule religion, même si leurs églises sont ultra-fragmentées. Par contre, là aussi au contraire des Kurdes, ils n'ont pas réellement de continuité territoriale dans leur peuplement, et cette dispersion ne s'est pas arrangée avec le génocide. Aussi dépendent-ils du bon vouloir des Etats pour les protéger contre la cupidité locale.
"Comme l'histoire nous l'enseigne, la religion a toujours eu un rôle dominant dans la civilisation, constate Yashar Ravi, président de la communauté syriaque orthodoxe d'Antioche. "La nôtre est sans aucun doute celle d'un peuple très religieux, et nous sommes fiers de parler la langue de Jésus : cette langue qui a été, en termes de diffusion, l'anglais du Moyen-Orient." (Apparu au XII° siècle avant J.C, l'araméen s'est peu à peu répandu en temps que lingua franca, langue de culture, langue religieuse, langue diplomatique et langue impériale avec l'Empire perse. Seul le grec a eu autant de prestige et de diffusion dans l'Antiquité).
Le procès concernant le statut de "forêt publique" que l'Etat turc veut attribuer aux terres du monastère, qui devait avoir lieu le 16 janvier, est reporté au 11 février 2009, le tribunal souhaitant étudier davantage le dossier avant de conclure. Peut-être ont-ils besoin, cette fois-ci, d'expertises sylvicoles pour décider (quand ils auront trouvé les arbres) si c'est une forêt musulmane ou chrétienne ?
(source, Asianews, Zaman).
'Stupidity, however, is not necessarily a inherent trait.'
Albert Rosenfield.
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