Têgeyştinî Rastî : Comprendre la Vérité


Tout comme Pierre Rondot et l'armée française furent des soutiens et des promoteurs de la langue kurde écrite et du journal Hawar en Syrie-Liban, les Britanniques, avec le major Soane, assurèrent la promotion du soranî au Kurdistan d'Irak et le journal Têgeyştinî Rastî ("Comprendre la Vérité)", moins célèbre que son compatriote kurmancî, mais bien plus directement commandé par l'armée de Sa Majesté, dans les années 1918-1919, en est un des premiers témoins.

Ce journal est consultable en version numérisée sur la World Digital Library (Thanks to Kurdistan Commentary), dont je traduis la notice plus bas, en faisant juste une remarque sur la dernière phrase, concernant l'antériorité du journal dans ses articles sur l'histoire kurde : c'est à vérifier, car il serait étonnant que le premier journal kurde, Kurdistan, publié en 1898 au Caire, par Miqdad Midhat Beg et Ebdulrehman, Bedir Xan (le fils de l'Émir de Cizirê Botan, destitué en 1847), n'ait jamais abordé ce sujet, d'autant qu'il maintint ses parutions jusqu'en 1902, en ayant déménagé le siège en Europe, navigant entre la Grande-Bretagne et Genève pour échapper à la censure ottomane, en raison de leurs positions critiques envers le régime (ainsi leur condamnation des massacres de chrétiens en 1894-1895, le fils Bedir Xan ne marchant pas, en cette voie, sur les traces de son père). 

"Têgeyştinî Rastî ("Comprendre la Vérité") fut un journal bi-hebdomadaire publié par ordre de l'armée britannique en Irak, en 1918-1919. À cette époque, les Britanniques étaient en guerre avec l'Empire ottoman qui régnait sur l'Irak depuis le XVIe siècle. Quand les forces britanniques commencèrent d'avancer vers la région du Kurdistan irakien au printemps 1918, ce journal devint le porte-parole de l'Empire britannique, avec une propagande en faveur des positions britanniques sur les questions politiques, sociales et culturelles. Ce journal se vendait un ana, ou quatre fels, une somme alors très faible. Le siège du journal était à Bagdad, dans ce qui est à présent la rue Nahr, dans le même immeuble que le journal Jaridet Al-Arab. L'encadré du journal ne mentionne ni le nom des propriétaires, ni ceux de l'équipe de rédaction, et les articles ne sont pas signés. On sait, cependant, que le rédacteur en chef était le major Soane, et que c'est lui qui préparait entièrement le journal pour sa publication. Soane maîtrisait la langue kurde, et il était assisté dans sa tâche par le poète et littérateur Shukri Fadhli. Destiné à servir de media et outil de propagande pour mobiliser les Kurdes contre les Turcs ottomans, Têgeyştinî Rastî, dans ses dépêches et ses articles, attaquait l'Empire ottoman. Il se servait aussi de la glorification de l'islam et de la promotion des sentiments nationaux des Kurdes pour tenter de gagner les cœurs et les esprits du peuple kurde. Cela alla jusqu'à publier les noms de plusieurs officiers britanniques convertis à l'islam et qui avait adopté des prénoms musulmans. Le journal adopta également une position hostile à la Révolution d'Octobre en Russie. Il tenta de rallier les chefs tribaux et d'autres leaders influents de la communauté kurde. L'armée  britannique est dépeinte comme libératrice des Kurdes sous contrôle ottoman. La littérature kurde est promue, avec la poésie d'Al-Hadj Qadir Al-Kobî et de Nalî Rimhawî Ka, et ce fut le premier journal kurde à écrire sur l'histoire et les origines du peuple kurde."

Les numéros peuvent être vus et téléchargés en fichier tif à cette page.

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