"L'Etat irakien fait partie intégrante de la nation arabe"
C'était l'article 2 de la Constitution provisoire irakienne de 1958 et qui se maintint par la suite. C'est d'ailleurs la question de cet article qui amorça entre autres la future révolution kurde de 1967.
En 1960 en effet se tint à Bagdad le Congrès de l'Union Internationale des Etudiants. Bien qu'on lui eut refusé un visa, Ismet Chérif Vanly, alors étudiant en Europe, réussit à gagner l'Irak au sein des délégations. Lorsqu'il prit la parole, il provoqua un tollé dans la délégation irakienne en discutant précisément cet article :
"J'ai dit que cela ne peut être juste, puisque en Irak se trouvent côte à côte deux fractions de nations : une fraction de la nation kurde et une partie de la nation arabe ; et si l'Irak arabe fait partie de la nation arabe, l'Irak kurde fait partie de la nation kurde. La délégation irakienne s'est tout de suite levée et a pris la parole, essayant de réfuter ce que j'avais dit, et déclarant que ces deux articles étaient admis par tous les irakiens, y compris par le Parti démocratique du Kurdistan. Le journal Xebat, organe officiel du PDK, fut sommé de prendre position."
Le Comité Central du parti se réunit le soir même. Le lendemain, Xebat paraissait en première page, proclamant qu'il était évident que le Kurdistan irakien faisait partie de la nation kurde (19 octobre)."
in Les Kurdes, révolution silencieuse. Jean Pradier, 1968.
Que dit aujourd'hui à ce sujet l'actuelle Constitution provisoire ?
"Article 7-B :
L'Irak est un pays composé de plusieurs nationalités, et le peuple arabe est une partie inséparable de la nation arabe."
Déjà on peut noter qu'il y a eu glissement entre "l'Etat irakien" tout entier et le "peuple arabe" d'Irak. C'est-à-dire que les citoyens non-arabes ne peuvent être inclus dans la nation arabe. On peut dire qu'il y a déjà progrès. Mais quelles seraient les réactions des Arabes si un autre article précisait, dans la même Constitution que le peuple kurde est une partie de la nation kurde ?
Plus pragmatiquement, sur le terrain politique, cette question des citoyens faisant partie intégrante de nations différentes peut se traduire par des divergences d'intérêt sérieuses. Ainsi le problème palestinien est considéré comme un problème "arabe" par la majeure partie des Etats arabes, qui se font donc un devoir de prendre partie POUR les palestiniens et CONTRE Israël, au nom de la solidarité arabe. Mais qu'en est-il alors de cette solidarité en ce qui concerne les Kurdes, les Assyriens, les Turkmènes, personnellement beaucoup moins concernés par le statut de Jérusalem et le sort des palestiniens ? De même, si la Syrie, Etat officiellement arabe, persécute ses Kurdes, il est naturel que les Kurdes d'Irak protestent officiellement, maintenant quelle sera l'attitude du gouvernement central à Bagdad ? Le règlement de la question kurde en Turquie par exemple peut fort bien se décider dans les montagnes du Kurdistan d'Irak, sans que Bagdad puisse réellement mettre son nez là-dedans. On peut également envisager une 'Oumma chiite sensible au problème chiite dans le monde arabe, sans que les autres parties sunnites du pays puissent réellement se sentir impliquées.
C'est bien là une des difficultés majeures de cet Irak soi-disant "uni". Les deux peuples irakiens majoritaires, les Arabes et les Kurdes, ne sont pas deux micro-nations pouvant mener d'un front uni la même politique étrangère. Ce sont les composantes de deux grands blocs nationaux, couvrant plusieurs pays du Moyen-Orient, et dont la sensibilité politique, religieuse ainsi que leurs affinités avec d'autres peuples peuvent s'opposer ou à tout le moins diverger sérieusement.
En 1960 en effet se tint à Bagdad le Congrès de l'Union Internationale des Etudiants. Bien qu'on lui eut refusé un visa, Ismet Chérif Vanly, alors étudiant en Europe, réussit à gagner l'Irak au sein des délégations. Lorsqu'il prit la parole, il provoqua un tollé dans la délégation irakienne en discutant précisément cet article :
"J'ai dit que cela ne peut être juste, puisque en Irak se trouvent côte à côte deux fractions de nations : une fraction de la nation kurde et une partie de la nation arabe ; et si l'Irak arabe fait partie de la nation arabe, l'Irak kurde fait partie de la nation kurde. La délégation irakienne s'est tout de suite levée et a pris la parole, essayant de réfuter ce que j'avais dit, et déclarant que ces deux articles étaient admis par tous les irakiens, y compris par le Parti démocratique du Kurdistan. Le journal Xebat, organe officiel du PDK, fut sommé de prendre position."
Le Comité Central du parti se réunit le soir même. Le lendemain, Xebat paraissait en première page, proclamant qu'il était évident que le Kurdistan irakien faisait partie de la nation kurde (19 octobre)."
in Les Kurdes, révolution silencieuse. Jean Pradier, 1968.
Que dit aujourd'hui à ce sujet l'actuelle Constitution provisoire ?
"Article 7-B :
L'Irak est un pays composé de plusieurs nationalités, et le peuple arabe est une partie inséparable de la nation arabe."
Déjà on peut noter qu'il y a eu glissement entre "l'Etat irakien" tout entier et le "peuple arabe" d'Irak. C'est-à-dire que les citoyens non-arabes ne peuvent être inclus dans la nation arabe. On peut dire qu'il y a déjà progrès. Mais quelles seraient les réactions des Arabes si un autre article précisait, dans la même Constitution que le peuple kurde est une partie de la nation kurde ?
Plus pragmatiquement, sur le terrain politique, cette question des citoyens faisant partie intégrante de nations différentes peut se traduire par des divergences d'intérêt sérieuses. Ainsi le problème palestinien est considéré comme un problème "arabe" par la majeure partie des Etats arabes, qui se font donc un devoir de prendre partie POUR les palestiniens et CONTRE Israël, au nom de la solidarité arabe. Mais qu'en est-il alors de cette solidarité en ce qui concerne les Kurdes, les Assyriens, les Turkmènes, personnellement beaucoup moins concernés par le statut de Jérusalem et le sort des palestiniens ? De même, si la Syrie, Etat officiellement arabe, persécute ses Kurdes, il est naturel que les Kurdes d'Irak protestent officiellement, maintenant quelle sera l'attitude du gouvernement central à Bagdad ? Le règlement de la question kurde en Turquie par exemple peut fort bien se décider dans les montagnes du Kurdistan d'Irak, sans que Bagdad puisse réellement mettre son nez là-dedans. On peut également envisager une 'Oumma chiite sensible au problème chiite dans le monde arabe, sans que les autres parties sunnites du pays puissent réellement se sentir impliquées.
C'est bien là une des difficultés majeures de cet Irak soi-disant "uni". Les deux peuples irakiens majoritaires, les Arabes et les Kurdes, ne sont pas deux micro-nations pouvant mener d'un front uni la même politique étrangère. Ce sont les composantes de deux grands blocs nationaux, couvrant plusieurs pays du Moyen-Orient, et dont la sensibilité politique, religieuse ainsi que leurs affinités avec d'autres peuples peuvent s'opposer ou à tout le moins diverger sérieusement.
Commentaires
Enregistrer un commentaire