"La technologie moderne menace l'identité arabe"

Dixit le président syrien Bachar al Assad lors de son discours d'ouverture du Congrès du Baas, lundi, dans une grande profession de foi pan-arabiste, très "vieille barbe du parti."

Bachar al Assad en veut peut-être aux "technologies modernes" tel Internet, de permettre de diffuser quasi instantanément témoignages, photos, vidéos de certains rassemblements festifs offerts par le régime, tel la répression du Newroz en 2004 ou celle des manifestations kurdes de dimanche dernier... C'est vrai quoi, il fut un temps où l'ou pouvait bombarder et fusiller tranquillou des milliers d'opposants, comme à Hama en 1982, mais la dictature de papa, c'était le bon temps, aujourd'hui tout le monde vous regarde. En tous cas, pour le fondateur de la Syrian Computer Society, celui qui dès son avènement a encouragé le développement du réseau Internet dans son pays, c'est une sérieuse marche arrière : la révolution de l'Internet revolution est à présent qualifiée de "force ennemie", et nul doute que les transes dans lesquelles les acteurs du serhildan kurde ont plongé les services syriens, quand en mars dernier ils balançaient à tout va sur la toile les images de jeunes Kurdes abattant la statue de Hafez Al Assad, y soient pour quelque chose. Il faut quand même se souvenir que la Syrie est un pays qui, officiellement, a "gagné" la guerre de 1973 contre Israël, et commémore cette victoire chaque année. Alors le choc de l'information brute, ça décoiffe : " Les ordinateurs et la technologie ont submergé les Arabes et menacé leur existence et leur identité culturelle, et ont accru les doutes et le scepticisme dans l'esprit des jeunes Arabes. Le but ultime de tout cela, est la destruction de l'identité arabe, car les ennemis de la nation arabe sont opposés à ce que nous possédions une quelconque identité ou soutenions toute croyance qui pourrait protéger notre existence et notre cohésion. Ils visent tout simplement à nous transformer en une masse réactive négative, qui avale tout ce qu'on lui lance." Il est curieux d'ailleurs, de voir à quel point ce discours paranoïaque sur la technologie venue de l'Occident donc fondamentalement nuisible,a peu varié dans le monde arabo-musulman depuis la fin des années 70, depuis l'échec du marxisme en gros,qu'ils proviennent des nationalistes ou des islamistes (changez Arabes en Musulmans et vous aurez les imprécations d'un imam un peu rétrograde en chaire).

A part ça le Congrès, pour le moment n'annonce pas de grands changements politiques. Al Assad insiste sur le développement économique et sa libéralisation (qui profite à la clique au pouvoir mais très peu aux Syriens en général, tout l'argent étant détourné au profit de fortunes privées).

Sinon, le président réaffirme que les idées baathistes sont toujours pertinentes face aux problèmes du peuple arabe et "répondent aux intérêts du peuple et de la nation." Par essence même, le baathisme ne s'adresse de toute façon qu'aux Arabes, les autres n'ayant pas leur place en Syrie, mais ce qui est curieux c'est que même les Arabes syriens ne semblent pas toujours très convaincus de vivre sous le meilleur gouvernement possible, les ingrats. Mais lorsque les principes du Parti échouent, ce n'est pas la faute des principes, ni du Parti, mais celle des membres qui ne sont pas à la hauteur, conclue le président, dans la plus pure tradition des idéologies totalitaires, qui veut que plus c'est loin des réalités, plus les réalités ont tort.

Malgré cette apparente impavidité, le Congrès se déroule tandis que la Syrie traîne quatre casseroles derrière elle, l'assassinat de Rafic Hariri le Premier ministre libanais, celui de Samir Qasir, un éditorialiste libanais aussi, celui du Cheikh Xeznewî, l'ouléma kurde, plus quelques petites implications minimes dans l'infiltration des groupes terrorstes en Irak. Chassés du Liban, dans le colimateur américain, contesté à l'intérieur par les Kurdes de Syrie, le gouvernement traverse une mauvaise passe.

Face à cette vague de contestations, le clan alaouite ne peut plus libéraliser la Syrie sans risquer de tout perdre. Il est donc plus probable qu'il va profiter du Congrès pour resserrer les rangs, mettre des personnes plus sûres aux postes-clefs, et peut-être davantage évincer les sunnites et les baathistes les plus remuants (peut-être ceux à l'origine de ces quelques assassinats bien mal à propos) de la direction politique.

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