Dernière prise de bec




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Ayant réclamé l'ajournement du référendum qui doit se tenir à Kirkouk à la fin de l'année, la Turquie a eu la douloureuse surprise de se voir répondre, par le président du Kurdistan : "Si vous vous mêlez de vos affaires, on peut se mêler des vôtres."

C'est en effet, en gros, le message qu'a adressé Massoud Barzani à propos des menées turques visant à empêcher la tenue du référendum de Kirkouk : "Nous ne laisserons pas les Turcs intervenir à Kirkouk", a déclaré Barzani sur la chaîne al-Arabiyah.

Naturellement l'intervieweur a fait remarquer que la Turquie, tout de même, militairement c'était pas trois pétoires et un char poussif. Réponse du président :

"Je ne crains pas leur puissance militaire. Quelque puissante que soit leurs forces armées, elles ne pourront jamais l'être autant que Saddam. Je ne crains pas leur puissance militaire ou diplomatique, car ils interviennent dans une affaire qui ne les regarde pas. Ils interfèrent dans les affaires internes d'un autre pays."Kirkouk est une ville irakienne avec une identité historique et géographique kurde. Tous les faits prouvent que que Kirkouk est une partie du Kurdistan.... La Turquie n'est pas autorisée à intervenir dans la question de Kirkouk et si elle le fait, nous interviendrons dans les problèmes de Diyarbakir et des autres villes en Turquie."

Rappelons que c'est se fondant sur la présence de quelques milliers de Turkmènes à Kirkouk que la Turquie prétend avoir le droit d'empêcher le référendum, pour défendre les droits de "ses compatriotes d'Irak." D'où la réponse du berger à la bergère de Massoud Barzani : "Il y a 30 millions de Kurdes en Turquie et nous n'y intervenons pas. S'ils interviennent à Kirkouk pour seulement quelques milliers de Turkmènes, alors nous agirons pour les 30 millions de Kurdes en Turquie."

30 millions de Kurde en Turquie ? Hum... il a dû ajouter les cigognes à la liste, mais bon, l'argument est clair, d'autant plus qu'il est aisé de comparer les droits des Turkmènes au Kurdistan et ceux des Kurdes en Turquie.

Barzani a ajouté : "Si l'on nie nos droits à nous établir et à vivre librement, je jure par Dieu que nous ne permettrons pas aux autres de vivre dans la sécurité et la stabilité. Nous sommes prêts à défendre notre liberté et notre cause jusqu'à la fin."

Quand on lui demande si les Kurdes d'Irak aident les Kurdes de Turquie et d'Iran, il répond : "pour parler clairement, nous soutenons leurs droits, mais nous n'interférons pas dans leurs affaires : ils choisissent eux-même la façon de réclamer leurs droits ou de se battre pour eux."

A la question de savoir s'il les fournissait en armes (lol !) Massoud a répondu non, que cette aide était seulement politique et morale. "Nous sommes contre l'usage de la violence, mais nous sommes prêts à les aider par d'autres moyens".

Naturellement, suffoqués qu'on ose leur rendre les menaces qu'ils profèrent chaque semaine depuis 2004, le petit Abdullah Gül est allé se plaindre à la maîtresse , le ministre des Affaires étrangères turc est allé se plaindre à Condoleeza Rice de ce manque de respect flagrant de la sensibilité turque : "Un dirigeant tel que M. Barzani, ou toute personne raisonnable (1), devrait éviter des déclarations qui peuvent creuser un fossé entre les deux parties".

(1) mais pas turque, évidemment.

Les US y sont donc allés de leur réprimande : "Nous pensons que des commentaires de ce genre sont vraiment fâcheux et qu'ils ne font pas avancer l'objectif d'une coopération plus large entre la Turquie et l'Irak", a déclaré le porte-parole du département d'Etat, Sean McCormack." source AFP. "Les dirigeants irakiens feraient mieux de se concentrer sur la façon dont ils pourraient coopérer étroitement avec le gouvernement turc pour faire avancer leur objectif commun d'Irak stable et sûr", a ajouté le porte-parole." (Et les Américains sont de de fins connaisseurs dans les moyens d'arriver à un Irak stable et sûr, comme on sait...).

Troisième acte, on ne peut plus prévisible, l'intervention de Talabani, toujours prêt à fournir gracieusement à son interlocuteur toutes les bonnes paroles qu'il attend de lui. Donc, Talabanî regrette les propos de son président de Région, "souligne l'importance des relations avec la Turquie" et se déclare prêt à attaquer le PKK dans une opération conjointe, ce qui là encore, ne mange pas de pain, étant donné que si les Peshmergas ne bougent pas, on peut douter que ce soit l'armée irakienne (qui n'est pas au Kurdistan) qui s'y mette.... D'autant plus que, selon le Kurdistan Observer, lors d'un meeting récent à Kirkouk, le député UPK (le parti de Talabanî donc), Mullah Bakhtiar a carrément menacé d'annexer Kirkouk sans référendum si l'article 140 et son application n'étaient pas respectés dès novembre 2007. "

Cela survient après les intentions affichées de Georges Bush et de son équipe de ne pas soutenir la tenue de ce référendum et après qu'à la mi-mars, les leaders kurdes de Bagdad aient menacé de se retirer du gouvernement irakien, ce qui a poussé al-Maliki à un accord satisfaisant les Kurdes. Il est évident que les chiites, pour le moment, ne peuvent se permettre de rompre l'alliance kurdo-chiite, et se retrouver seuls face aux sunnites, sans groupe-tampon entre les uns et les autres. Par ailleurs, l'activité politique et diplomatique des autres membres de la Ligue arabe, l'Arabie saoudite, l'Egypte, la Jordanie, fait pression sur les USa à la fois pour empêcher l'émergence d'un pouvoir chiite stable en Irak et celui d'une Région kurde autonome et pusisante. Shiistan-Kurdistan même combat.

Le Conseil national de sécurité turc se réunit aujourd'hui, et Erdogan a promis qu'on allait voir ce qu'on allait voir et que les Kurdes seraient bientôt punis. Attendons, donc, en espérant que Barzani soit sûr de son coup. Son attitude, en tous cas, ne manque pas de panache. Et puis après tout, les Kurdes n'en sont plus à une guerre près, et comme dit Sun Tzu, "c'est quand on est environné de tous les dangers qu'il n'en faut redouter aucun."

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