Ankara-Istanbul

M. Bozlak a peut-être dit quelque chose. Osman, le soir, avait l'air triste, vraiment très bobo. Il a posé de curieuses questions, pourquoi nous travaillons pour les Kurdes, par exemple, question que je déteste par dessus tout, et qui me fait bouillir le sang, et qui me donne envie de taper des poings. Ou bien de dire "c'est vrai, excusez-moi, je vous plaque." Pourquoi le fait de travailler pour un peuple devrait-il être soumis à la restriction de son agrément ? Est-ce qu'on est soi-même sa propre propriété ? La prochaine fois je répondrais que je travaille sur les Kurdes mais pas pour eux, que je ne suis pas à leur service et qu'ils ne me doivent rien. Et là, ça leur broie le coeur. La réponse correcte (celle que j'ai faite) étant : parce qu'on vous aime. Avec vos défauts et vos qualités. Ensuite Osman a émis l'idée que nous étions peut-être anti-HADEP. Je n'ai rien répondu là-dessus, je ne suis ni pour ni contre, je m'en fous. Mais comme Roxane déroulait les arguments et les preuves (le site) comme quoi nous avons toujours été pro-HADEP, il s'est effondré, encore plus malheureux, et a été se coucher.

La journée s'était passée drôlement, en meetings. Le premier ayant eu lieu dans un des bureaux des HADEP, dans leur miwankhane. Quelques questions-réponses sur la situation du Kurdistan se transformant en un tourbillon de questions des plus diverses : les gens du PKK aujourd'hui, le parti du HADEP, faut-il être ou non séparatiste. Le tout en kurde, en turc, en anglais. Il y avait de tout : des jeunes gens du Dersim et du Kurdistan, un ancien prisonnier du PKK qui sortait de vingt ans de geôle, des intellos, une femme turque artiste, etc. Deux heures ou peut-être même trois sur la sellette. Et comme chacune de nos réponses disaient autre chose que la morne bouillie des diktats du PKK, chacune de ces réponses faisaient jaillir des commentaires et des discussions entre eux. Pour finir, l'ancien détenu est venu me demander si je ne croyais pas que le féodalisme, ce n'était pas si mal. Et comment. Il y avait alors des poètes et des conteurs, et des troubadours et des châteaux... Voilà où en est Bozlak. J'insuffle la nostalgie du féodalisme à ses troupes.

Ensuite passage à une maison des jeunes et de la culture. Beaucoup issus du Kurdistan, de familles en exil, beaucoup ne parlant plus très bien le kurde. Mutlu enrage et s'interdit de parler turc à qui est capable de répondre dans sa langue.

Hier, voyage de sept heures en car, entre Ankara et Istanbul. La ville sous la pluie.

En tous cas, ça fait du bien de se retrouver à Istanbul, ville civilisée par excellence. Mais l'argent va filer vite.

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