mardi, juin 03, 2014

Incertitude sur la participation kurde au prochain gouvernement irakien



Rouge : État de droit, liste de Nouri Maliki.

Mutahidoon (Al-Nujayfi

Parti démocratique du Kurdistan

Gorran

Union patriotique du Kurdistan

Coalition Al Arabiya

Diyala

Les résultats officiels des élections parlementaires irakiennes ont été publiés le 25 mai, 

  • État de droit obtient 92 sièges (en gagne 2 par rapport à 2010) 
  • Le mouvement sadriste obtient 34 sièges ;
  • Le conseil suprême islamique (chiite) obtient 31 sièges ;
  • La Coalition de la réforme d’Usama AL Nujayfi obtient 28 sièges (en perd 14) ;
  • Le Parti démocratique du Kurdistan (Barzani) obtient 25 sièges (en perd 4) ;
  • La Coalition arabe d’Ayyad Allawi obtient 21 sièges ;
  • L’Union patriotique du Kurdistan (Talabani) obtient 21 sièges (en gagne 7) ;
  • Goran (Mouvement pour le changement) de Nawshirwan Mustafa obtient 9 sièges (en gagne un) ;
  • Le Mouvement national de la réforme d’al Jaffari obtient 6 sièges ;
  • Le Parti islamique de la vertu (une branche sadriste) obtient 5 sièges ;
  • La liste « Diyala est notre identité » obtient 5 sièges ;
  • Yekgirtu, l’Union islamique du Kurdistan obtient 4 sièges ;
  • L’Alliance démocratique civile obtient 3 sièges ;
  • Komal, le Groupe islamique du Kurdistan obtient 3 sièges (en gagne un)
  • Autres partis : 23 sièges ;
  • Minorités : 8 sièges.
État de droit, la liste de Maliki, arrive donc en tête dans 10 provinces sur 18, tandis que les résultats des partis sunnites se sont avérés décevants pour leurs dirigeants, probablement en raison de la fragmentation de leurs formations politiques, et de la concurrence de plusieurs leaders, comme Al-Nujayfi et Al-Mutlaq. Cela peut montrer aussi un désenchantement sunnite envers des élections qu’ils ont jugé soit perdues d’avance, soit inutiles. 

Les résultats pour la Région du Kurdistan et les provinces où vit une importante population kurde sont les suivants :

Erbil

Parti démocratique du Kurdistan (Barzani) : 7 sièges
Union patriotique du Kurdistan (Talabani) : 4 sièges
Goran (Mouvement pour le changement, Mustafa) : 2 sièges
Komal (Groupe islamique, Hassan Ali) : 2 sièges 

Total : 15 sièges

Suleimanieh :

Goran (Mouvement pour le changement), Mustafa : 7 sièges
Union patriotique du Kurdistan (Talabani): 6 sièges
Parti démocratique du Kurdistan (Barzani): 2 sièges
Komal (Groupe islamique, Hassan Ali) : 2 sièges
Yekgirtu (Union islamique du Kurdistan, Ahmad Aziz) : 2 sièges

Total : 14 sièges

Duhok :

Parti démocratique du Kurdistan  (Barzani): 8 sièges
Yekgirtu (Union islamique du Kurdistan, Ahmad Aziz) : 2 sièges
Union patriotique du Kurdistan (Talabani): 1 siège

Total : 11 sièges


Kirkouk

Union patriotique du Kurdistan (Talabani): 6 sièges
Front turkmène (Baha Al Din Sahaay: 2 sièges
Parti démocratique du Kurdistan (Barzani) : 2 sièges
Al-Arabiyyah (Al Mutlaq) : 1 siège
Coalition arabe - Kirkoiuk (Assi Ali): 1 siège

Total : 12 sièges

Ninive :

Coalition de la réforme (Al Nujayfi) : 12 sièges
Alliance du Kurdistan-Ninive (Barzani) : 6 sièges
Coalition nationale (Allawi) : 4 sièges
Alliance nationale - Ninive (Al-Hakim) : 3 sièges
Coalition Al-Arabiya (Al-Mutlaq) : 3 sièges
Union patriotique du Kurdistan (Talabani) : 2 sièges
Coalition Irak (Al Chamri) : 1 siège
Mouvement yézidi de la réforme et du progrès (siège réservé, Jijo Brim) : 1 siège
Conseil shabak (siège réservé, Mohammad Ahmad) : 1 siège

Total : 31 sièges

Si l’on additionne tous les sièges des partis kurdes, on aboutit à un total de 62 députés. 


Il faut noter la progression de l’UPK et de Goran et la baisse du PDK, qui souhaitait au moins 28 sièges, de l’aveu même d’un de ses responsables, Khosro Goran, qui a exprimé, sur le site Internet du PDK, la déconvenue du parti, qui espérait aussi  « remporter plus de sièges à Erbil et à Ninive » ainsi qu’au moins un siège dans la province de Diyala. 

Ces résultats mitigés n'ont pas empêché que, dès le début du mois, à peine les élections achevées et étant encore dans l’attente des résultats, la présidence du Gouvernement régional du Kurdistan affirme, dans un communiqué publié sur son site, que les Kurdes irakiens avaient « droit » à la présidence de l’Irak fédéral (ceci dans l’expectative de la prochaine « démission » de Jalal Talabani, que la maladie a empêché d’exercer ses fonctions depuis 2012).

Depuis l’adoption par référendum de la constitution irakienne, en 2005, les fonctions de la présidence ont été assumées par Jalal Talabani, alors que les postes de Premier Ministre passaient successivement des mains d’Iyyad Allawi, Ibrahim Al Jaffari et de Nouri Maliki qui prétend à présent à exercer un troisième mandat.

Si le cabinet du gouvernement est, du fait de leur supériorité numérique, accaparé par les chiites, la président du Parlement irakien est, depuis 2010, dévolue à un sunnite arabe, Usama Al Nujayfi, ce qui, depuis la fuite et la condamnation à mort par contumace du vice-président sunnite Tarik Hashimi, compense le déséquilibre dans la répartition des postes par entités ethniques ou religieuses.

Un Kurde à la présidence, en plus de jouer un rôle plus neutre au milieu des partis sunnites et chiites, aurait aussi l’avantage, pour ceux qui craignent une scission du Gouvernement régional du Kurdistan et de l'Irak fédéral, de maintenir une présence et une implication kurdes au sein du gouvernement central, alors que si aucun poste de dirigeant n’est accordé aux Kurdes, cela ne ferait qu’accentuer ou entériner la prise de distance, politique et administrative, de la Région du Kurdistan, surtout depuis que Nouri Maliki a cessé de payer les salaires des fonctionnaires kurdes, ce qui encourage fortement Massoud Barzani à parler ouvertement d’indépendance.

Mais si la présidence du GRK réclame, dans son communiqué, la présidence de l’Irak comme « un droit du peuple du Kurdistan », rien, dans la constitution irakienne, ne fonde cette attribution automatique, qui résulte d’un arrangement consensuel entre factions politiques après la chute de Saddam, les mouvements arabes rivaux s’étant satisfaits, jusqu’ici, de donner ce poste à un Kurde dont le rôle était d’arbitrer leurs conflits. 

De plus, la Région du Kurdistan réclame que tout président irakien – qui est élu par le Parlement de Bagdad – soit approuvé par le Parlement kurde d’Erbil, ce qui a déclenché la fureur d’autres mouvements politiques irakiens.

Mais au-delà des réactions épidermiques que provoque toute avancée des Kurdes vers un statut non plus fédéral, mais confédéral, le remplacement de Jalal Talabani par un autre kurde est loin de rencontrer une grande opposition dans les milieux politiques arabes, bien au contraire. L’absence du président Talabani de la scène irakienne a coïncidé avec une aggravation des conflits entre Kurdes et Arabes, mais aussi avec une détérioration du climat politique et par conséquent sécuritaire de tout l'Irak, alimenté en partie par la mésentente entre sunnites et chiites. Aussi, depuis la mise en retrait de l’actuel président d'Irak, d’autres noms kurdes sont régulièrement mis en avant, issus du PDK ou de l’UPK. 

Ainsi, le Parti démocratique du Kurdistan, par la bouche d’un des membres de son bureau politique, Roj Nuri Shaways qui est aussi vice-premier ministre irakien, avait déclaré sur la radio kurde Nawa, que   « de nombreuses lignes politiques et partis » (sans cependant les nommer) avaient demandé à l’actuel président de la Région kurde de succéder à Talabani, mais que Massoud Barzani n’accepterait cette fonction que sous certaines conditions (principalement celles portant sur un accroissement des pouvoirs présidentiels).

Finalement, le PDK a préféré mettre en avant la candidature de Hoshyar Zebari, l’actuel ministre des affaires étrangères irakiens, qui serait un choix plus consensuel que Massoud Barzani, en tout cas du point de vue irakien. 

C’est,  en tout cas, l’avis de Mahmoud Othman, vétéran de la politique kurde et député au Parlement de Bagdad dans l’Alliance du Kurdistan qui a annoncé, le 12 mai, sur la radio Iraqi FM, la possible candidature de Zebari, approuvée par le PDK, mais qu’il restait à obtenir, pour cela, l’accord de l’UPK qui a ses propres candidats à mettre en avant et rétorque que le PDK ayant déjà en main la présidence du Kurdistan, il ne peut prétendre à assurer en parallèle celle de l’Irak (tout ceci dans un grand esprit de partage de moutons et de pré carré qui n’a évidemment aucun fondement constitutionnel), comme l’a expliqué au quotidien Al-Musama Adel Murad, membre du Conseil central de l’UPK.

Le gouverneur de Kirkouk, Najmaldin Karim, un membre de l'UPK très proche de Jalal Talabani puisque c'est un de ses médecins, est ainsi vu comme un candidat possible issu de l'UPK, d'autant que c'est le député kurde qui a obtenu la victoire la plus massive aux législatives, et ce dans une province où les conflits entre Kurdes, arabes sunnites et Turkmènes sont incessants.

Mais si la constitution irakienne prévoit que le président doit être élu par le parlement afin, ensuite, de désignrer un Premier Ministre, dans les faits, la victoire des urnes prépare avant tout l'avènement du futur chef du gouvernement : Nouri Maliki, de façon prévisible, est vainqueur de ces législatives mais doit former des alliances pour un gouvernement de coalition. Or, il a réussi à s'aliéner tant de factions irakiennes, en plus des kurdes, que beaucoup prédisent qu'un troisième mandat pourrait entraîner l'éclatement du pays. Ne pouvant rien faire avec le veto des Kurdes et d’une bonne partie des sunnites, il doit chercher à se concilier les uns et les autres, ce qui va à contre-pied de la politique de rétorsion pratiquée contre Erbil ces derniers mois, et des sanglantes représailles à Anbar, province sunnite au bord de la révolte.

Les Kurdes, jusqu’ici, ont passé pour les « faiseurs de rois » de la politique irakienne. Aujourd’hui, Massoud Barzani laisse entendre qu’ils pourraient bien ne pas participer au prochain gouvernement : « Toutes les options sont sur la table. Le temps est venu des décisions finales. Nous n’allons pas attendre une autre décennie et vivre `a nouveau la même expérience. Si nous boycottons le processus, nous boycottons tout [le parlement et le gouvernement]. » (source Reuters, 13 mai).

Ce qui reviendrait à un retrait politique des Kurdes, prélude à un divorce administratif et institutionnel de l’Irak.

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