vendredi, juin 27, 2014

Pétition pour la libération de Mahnaz Mohammadi



Le samedi 7 juin 2014, Mahnaz Mohammadi, cinéaste iranienne, a été convoquée par le tribunal de l'application des peines de la prison d’Evin au nord de Téhéran pour y être incarcérée dans l’indifférence la plus totale. Cette incarcération est la fin d'une longue histoire qui commence par son arrestation le 27 juin 2011, arrestation que la SRF avait déjà fermement dénoncée. Mahnaz Mohammadi avait alors passé un mois en prison et été libérée sous caution le 27 juillet 2011, dans l’attente d'un verdict qui est finalement tombé le 23 octobre 2013 : 5 ans de prison ferme. Après de multiples pressions quotidiennes, Mahnaz Mohammadi est donc partie purger sa peine. La veille de son emprisonnement, elle a enregistré une vidéo avec l’aide d’une amie, réfugiée aux Pays-Bas. Nous en avons traduit les dernières minutes pour la joindre à la pétition que nous avons lancée.
Mahnaz Mohammadi, réalisatrice de documentaires et fervente militante des droits des femmes, a été condamnée à 5 ans de prison et accusée de « complot contre la sécurité de l’Etat » et « propagande contre le régime de Téheran». 
C’est avec la plus grande inquiétude que nous apprenons la condamnation de la cinéaste iranienne, Mahnaz Mohammadi, à 5 années d’emprisonnement, et son incarcération ce samedi 7 juin à la prison d’Evin, au nord de Téhéran. 
Réalisatrice du film «Femmes sans ombres», pour lequel elle a été primée dans de nombreux festivals à travers le monde, la cinéaste est, depuis plusieurs années, la cible des autorités iraniennes en raison de son engagement et de ses prises de position politiques. Elle fut déjà condamnée en raison de sa contribution au documentaire de Rakhshan Bani-Etemad « nous sommes la moitié de la population » à propos des élections présidentielles de 2009. 
Arrêtée également le 26 juin 2011, privée de ses outils de travail et de son passeport, sa collaboration avec la BBC et la production de documentaires pour cette chaîne serait, selon elle, le principal motif de cette nouvelle condamnation, ainsi que sa collaboration avec Al-Jazeera et des médias occidentaux tels que Radio France et Radio « Voix de l’Amérique ». 
Nous reprenons ses mots « Je suis une femme et je suis cinéaste, deux raisons pour être considérée comme une criminelle dans ce pays », pour lui témoigner tout le soutien de la communauté des cinéastes face à cette immense injustice. 
La Société des réalisateurs de films appelle à la mobilisation de tous. Nous demandons solennellement au gouvernement, et notamment à la ministre de la Culture et de la Communication, de tout mettre en œuvre pour obtenir la libération de Mahnaz Mohammadi au plus vite. Nous dénonçons fermement cette nouvelle attaque à la liberté de création et d’expression faite aux cinéastes dans ce pays. 
Pascale Ferran, Katell Quillévéré et Christophe Ruggia, Coprésidents de la SRF
Société des réalisateurs de films (SRF).

Pour signer la pétition envoyez votre nom et prénom à : hrosiaux@la-srf.fr
Signez la pétition de la SRF et faites circuler la vidéo de Mahnaz enregistrée la veille de son départ en prison

mercredi, juin 25, 2014

Ben o değilim – Je ne suis pas lui



Ben o değilim (Je ne suis pas lui) de Tayfun Pirselimoğlu sort aujourd'hui en salle.

Nihat, aide-cuisinier d’âge mur, a une vie sociale aussi routinière que sa vie professionnelle. Les virées nocturnes avec ses collègues le tirent à peine de sa torpeur de vieux garçon casanier. Pourtant tout le monde l’assure qu’une collègue dont le mari croupit en prison lui fait les yeux doux.
Prendre ou voler l'identité de quelqu'un est une idée irrésistible et elle s'initie de temps en temps dans mes histoires (…) Être l'autre ou être traité comme l'autre est un problème crucial. C'est enraciné dans l'estime politique et religieuse et c'est un grand fardeau dans le pays." Tayfun Pirsanoğlu.


Prix du meilleur scénario au Festival international du film de Rome. 

mardi, juin 24, 2014

Dunaysir et Ras al-'Ayn – Serê Kaniyê en 1184 sous les Artoukides

Le voyageur Ibn Jubayr part de Mossoul et de Nisibin, en juin 1184, et passe par Dunaysir et Ras al'Ayn, puis Harran, pour gagner la Syrie. À l'heure où Ras al-'Ayn connaît une malheureuse célébrité étant un champ de bataille entre Djihadistes de tous poils et YPG, voyons ce qu'il en était dans une époque où les guerres d'escarmouches et de pillages entre les Latins, les Ayyoubides, les Byzantins, les Artoukides, ne rendaient pas toujours le pays plus serein qu'aujourd'hui :

Au partir de Niçibin :

– Nous étions descendus dans un khan, à l'extérieur de la ville, où nous passâmes la nuit du mercredi 2 de rabi'I (13.6.1184), et d'où nous partîmes au petit matin dans une grande caravane de mulets et d'ânes, en compagnie de Harraniens, d'Alépins et d'autres gens de ce spays du Diyar Bakr et circonvoisins, laissant derrière notre dos, sur leurs chameaux, les pèlerins de ces contrées. Notre marche se continua jusqu'au début du zhor. Nous nous tenions en garde et défense contre les attaques des Kurdes qui sont le fléau de ces contrées, de Mossoul à Niçibin et à la cité de Donaïçir, coupant la route et répandant le mal sur la terre. Ils habitent des montagnes inaccessibles proches de ces régions, et Dieu n'accorde point son aide aux princes pour les dompter et mater leurs méfaits. Ils ont réussi, en certaines circonstances, à atteindre la porte de Niçibin, sans qu'il y ait eu contre eux d'autres secours et d'autre défense que Dieu puissant et fort. 
Ce dit mercredi, nous fîmes halte au milieu du jour dans un des villages, d'où nous partîmes pour la ville de Donaïçir où nous parvînmes au soir de ce mercredi. Nous aperçûmes, à droite de notre chemin, proche du pied de la montagne, l'antique cité de Dara, grande et blanche, avec une citadelle dominant (les alentours). À une demi-étape, elle a pour voisine la cité de Mardin, au pied d'une montagne dont le sommet porte une grande citadelle, illustre entre toutes : ces deux cités sont peuplées. 
Description de la ville de Donaïçir : 
Dieu la garde ! Elle est située dans une large plaine et entourée de jardins de fleurs et de légumes, qui sont arrosés par des canaux d'irrigation. Sans muraille, elle a une certaine allure bédouine, bien qu'elle soit bondée de population. Pourvue de souks très fréquentés, elle a des ressources en abondance. Elle est un centre d'attraction pour les gens du pays syrien, de Diyar Bakr, de Amid, du pays des Roums, qui est soumise à l'obéissance de l'émir Ma'soud, et des régions voisines. Les terres de labour y sont étendues. La ville a de nombreuses commodités. 
Nous campâmes avec la caravane, dans la plaine qui la précède, et le matin du jeudi 3 de rabi'I (14.6.1184) nous y trouva au repos. Hors de la ville, il y a une madrassa neuve, de construction parfaite, qui avoisine un bain et qu'entourent des jardins ; c'est à la fois une madrassa et un lieu de réunion. 
Le souverain de ce pays est Qotb ad-Din [Qutb ad-Din Ghazi II l'Artoukide, qui devait mourir cette même année] ; il possède aussi les cités de Dara, de Mardin et de Ra's al-'Aïn ; il est proche des deux fils de l'Atabeg. – Car tout ce pays appartient à divers princes qui sont pareils aux "rois des régions", molouk at-tawaïf, de l'Andalousie. Ils se parent tous d'un surnom en ad-din (de la foi), et l'on n'entend que surnoms impressionnants et que titres qui, pour quelqu'un d'averti, ne vont pas bien loin. – On en gratifie également la populace et les rois ; le riche y participe avec le mendiant. Il n'en est point parmi eux qui se pare d'un titre qui lui soit séant, ni qui se désigne par une qualité qu'il mérite, sauf Saladin (Çalah ad-din – le bon ordre de la foi), souverain de la Syrie,  de l'Égypte, du Hidjaz et du Yémen, dont le mérite et l'équité sont bien connus. Chez lui, le nom convient à qui le porte et le mot recouvre bien l'idée ; mais des expressions semblables  appliquées à un autre sont souffles de vent et témoignages que repousse l'enquête sur les témoins. Pesante charge pour un tel homme que cette prétention à un nom en ad-din ! 
"Titres royaux hors de leur place ;
Chat qui veut s'enfler à la taille du lion" 
Mais revenons à la description de nos étapes. – Dieu veuille les rapprocher du but. – Nous demeurâmes à Donaïçir jusqu'à célébrer la prière du vendredi, quatrième jour de rabi'I (15.6.1184). Les gens de la caravane s'y attardèrent, afin d'assister au marché ; car il s'y tient, le jeudi, le vendredi, le samedi et le dimanche suivants, un marché très fréquenté, pour lequel s'assemblent les gens des contrées environnantes et des villages voisins. Sur tout le parcours, on voit, en effet, se succéder des villages et des khans fort solides. Ils appellent ce marché, où l'on se réunit de toutes parts, le bazar, et les jours de chaque marché sont fixés. 
Nous partîmes, aussitôt après la prière du vendredi, et nous traversâmes un grand village, avec une forteresse, appelée Tall al-'Oqab, qui appartient à des chrétiens devenus tributaires après un accord. Ce village, par sa beauté et son agrément, nous rappelle les villages de l'Andalousie, entouré qu'il est de jardins, de vignes, d'arbres variés. Il s'y coule une rivière sur laquelle l'ombre s'étend. Le site de ce village est vaste, des jardins lui font une enceinte continue. Nous y avons vu des cochons de lait, semblables à des moutons, tant ils étaient nombreux et familiers avec les gens. 
Le soir de ce même jour, nous arrivons à un village, appelé le Pont (al-Jisr) , qui appartient aujourd'hui à des tributaires, qui sont une fraction des Roums. Nous y passons la nuit du samedi 5 de rabi'I, puis nous en partons à l'aurore pour atteindre la ville de Ra's al-'Aïn, un peu avant le zhor de ce samedi. 
Description de la ville de Ra's al-'Aïn (la Tête de la Source) 


Dieu l'ait en sa garde ! Son nom lui ait la plus exacte des descriptions, et il en explique parfaitement la situation. 
Dieu Très-Haut a voulu, en effet, que les sources jaillissent de son sol et qu'elles se répandent en eaux courantes ;  celles-ci se divisent en ruisseaux, pour se partager, ensuite en ruisselets qui se ramifient à travers les prairies verdoyantes et semblent des coulées d'argent épandues sur un fond d'émeraude. Des arbres et des jardins les encadrent  sur leurs deux rives jusqu'à leur extrémité, par les cultures de leurs terres basses. 
Les deux plus considérables de ces sources sont l'une au-dessus de l'autre : celle d'en-haut sort de terre dans des rochers qui forment comme le fond d'une grande et vaste grotte où l'eau s'étale en une sorte d'immense bassin ; quand elle sort, c'est la plus grande rivière qui soit. Elle rejoint l'autre source avec laquelle elle mêle ses eaux. Cette seconde source est l'une des créations merveilleuses de Dieu Très-Haut. Elle sort sous terre d'une roche dure, à environ quatre tailles d'homme au moins, et son orifice s'élargit jusqu'à devenir un bassin de même profondeur. Sa force jaillissante est si grande qu'elle se déverse à la surface du sol. Il arrive qu'un nageur vigoureux, habile à plonger au fond des eaux, s'imagine qu'en plongeant il en atteindra le fond ; mais la force de l'eau jaillissante le repousse de la source, et il parvient à peine dans sa plongée à moitié de la profondeur ; c'est un fait que nous avons constaté de nos yeux. Son eau est plus pure que l'eau la plus limpide, zulal, plus délectable que le salsabil. Elle laisse transparaître tout ce qu'elle contient, et si, durant une nuit sombre, on y jette un dinar, elle ne le cache point à la vue. – On y pêche de gros poissons, les plus excellents qui soient. – L'eau de cette source se divise en deux cours d'eaux, l'un qui prend à droite et l'autre à gauche. Celui de droite traverse un couvent khanaqa construit pour les Soufis et les étrangers, devant la source : on l'appelle aussi ribat. Celui de gauche entre sous terre à côté du couvent et il en part des canaux qui aboutissent aux salles de purification et autres installations destinées aux besoins humains. Puis, au-dessous du couvent, les deux cours d'eau rejoignent celui de la source supérieure. Sur le bord de cette rivière qui les réunit, on a construit les bâtiments d'un moulin qui touchent au bord d'un terrain artificiel et dressé au milieu de la rivière, à la façon d'une digue. C'est de la réunion de ces deux cours d'eau que se forment la rivière Khabour. Dans le voisinage de ce couvent, et en face de lui, s'élève une madrassa devant laquelle il y a un bain ; ces deux édifices sont abandonnés, délabrés, en ruines. Je ne pense point pourtant qu'il y ait au monde une situation pareille à cette madrassa qui est dans une île verdoyante encerclée de trois côtés par un cours d'eau ; on n'y entre que d'un côté ; il y a des jardins, et devant elle, et derrière elle ; en face, une roue qui élève l'eau et la conduit dans des jardins dont le sol est plus haut que le niveau du fleuve. Cette situation est de tous points merveilleuse. La beauté parfaite des villages de l"Espagne orientale consiste en ce qu'ils sont dans un site aussi excellent que celui-ci et qu'ils sont parés de telles sources. À Dieu est le pouvoir sur toutes ses créatures. 
Quant à la ville, elle a autant de goût pour les habitudes bédouines que d'indifférence pour celles d'une cité : point de muraille qui la défende, point de maisons bien construites qui lui soient un ornement ; mais elle apparaît au milieu de ses campagnes comme un talisman gardien de ses cultures ; et avec cela, elle a toutes les commodités citadines. Elle a deux mosquées principales, l'une ancienne et l'autre neuve. L'ancienne s'élève au milieu des sources, et devant elle jaillit un filet d'eau courante, distinct des deux sources dont nous avons parlé. Cette mosquée a été construite par 'Omar b. 'Abd-al-'Aziz [8ème calife omeyyade, v. 682 - 720] ; la vétusté a mis sur elle sa marque, de façon à en annoncer la ruine. 
L'autre mosquée est à l'intérieur de la ville, et c'est là que les habitants font la prière du vendredi. La journée que nous y passâmes fut un plaisir tel que nous n'en eûmes point d'autre semblable durant notre voyage. 
Au coucher du soleil du samedi 5 de rabi'I, c'est-à-dire le 16 de juin, nous en partons pour trouver l'obscurité et la fraîcheur de la nuit et éviter la chaleur d'une marche au milieu du jour ; car il y a entre cette ville et Harran une étape de deux jours sans habitation. Notre marche se prolonge jusqu'au matin ; puis nous faisons halte dans la steppe auprès d'un puits, où nous prenons quelque repos. 
Ibn Jobaïr, Voyages III, trad, Maurice Gaudefroy-Demombynes.

lundi, juin 23, 2014

We Are All Pêşmerge / Nous sommes tous Pêşmerge : Pour la reconnaissance d'un État kurde




"Les Pêşmerge sont des héros. Pas seulement pour le peuple du Kurdistan, mais aussi comme rayon d'espoir et de paix dans le reste du Moyen-Orient, pour des jours meilleurs. Une campagne de soutien aux Pêşmerge est en cours sur Facebook et Instagram et Twitter : Nous sommes tous des Pêşmerge, témoignant de notre admiration devant la résistance des Pêşmerge face à la terreur : #WeAreAllPêşmerge / #WeAreAllPeshmerge devient viral sur les réseaux sociaux. 
La bravoure et le courage des forces Pêşmerge ont été mis en évidence dans les media du monde entier lors des dernières semaines, les reportages montrant qu'ils ont protégé des civils innocents fuyant les attaques en Irak de terroristes venant de Syrie. Ces terroristes se donnent le nom d'État islamique en Irak et au Levant (EIIL), indiquant leur objectif d'instaurer un État fondé sur la Sharia selon l'interprétation que font les Wahabites de la loi islamique, interprétation que l'on peut au mieux qualifier de rétrograde. 

Alors que l'armée irakienne aurait fui en masse, laissant véhicules, armes et matériel – et que la plupart des hommes auraient même laissé leur uniforme par peur d'être identifiés – les forces Pêşmerge sont intervenues le jour même pour sauver les vies de centaines de milliers de personnes dans les provinces de Mossoul, Kirkouk et Diyala. Il est apparu que la plupart de ce matériel et armement sont tombés aux mains des terroristes, les rendant mieux équipés que les Pêşmerge. Nous remercions pour cela les États-Unis qui ont refusé d'armer les Pêşmerge de peur qu'une puissante armée kurde mène à une indépendance kurde. Malheureusement, comme l'a dit dans une récente interview au CS Monitor le commandant de l'unité Pêşmerge du Contre-terrorisme, Polat Talabani : "Nous sommes là-dedans à 100% mais on ne fait pas de guerre sans munitions. Nous pouvons seulement tenir 2 semaines à Khanaqin avec ce que nous avons actuellement." Les troupes menées par Polat Talabani forment le 160ème bataillon qui a reçu une formation Delta Force sous la supervision des États-Unis en 2003. 
Cependant, ce qui manque en armement aux Pêşmerge, ceux-ci le compensent d'autant en courage et en endurance. Comme les événements des dernières semaines l'ont prouvé, aucune arme ne peut l'emporter sur la détermination sans faille des Pêşmerge. Après tout, ce n'est pas pour rien qu'ils sont appelés "Pêşmerge", ce qui signifie en kurde : "Ceux qui font face à la mort", "qui regardent la mort en face". Ce nom a été attribué à ces guerriers intrépides lors de l'établissement de la République du Kurdistan, avec Mahabad pour capitale, au Kurdistan iranien, en 1946. Le président de cette république, Qazi Mohammed, fut pendu avec les ministres de son cabinet sur la place principale de la ville, Çwarçira, condamné pour "trahison". Immédiatement après avoir pendu les "traitres", ils mirent le feu à toutes les librairies et les livres kurdes.

Proclamation de la république de Mahabad, 22 janvier 1946

Ce n'était ni la première fois, ni la dernière que des Kurdes étaient torturés, pendus ou fusillés pour "trahison" par un État envers qui ils n'avaient aucune allégeance, ni loyauté : l'Iran, la Turquie, la Syrie et l'Irak, tous ont châtié les Kurdes depuis des siècles, pour le simple fait d'être kurdes et de parler kurde, ceci en dépit du fait que "l'Irak", la "Syrie" et la "Turquie" sont des États dont l'existence est bien plus récente que l'aspiration kurde à un État, qui fut pour la première fois couchée sur le papier par Ehmedê Khanî, dans son poème d'amour épique, Mem et Zîn, vers 1695. 
On peut dire que la tolérance et l'acceptation que les Kurdes témoignent envers les minorités ethniques, en dépit de leur propre passé de discriminations, est stupéfiante. Dans les rangs des forces Pêşmerge, il y a des Assyriens, des Arméniens, des Chaldéens, des Turkmènes, des Shabaks et des Arabes qui se battent côte à côte avec leurs compatriotes kurdes pour défendre leurs familles, leurs villages et un futur paisible pour leur peuple. Le Kurdistan est une mosaïque d'ethnies et de religions :  plus de cinq églises chrétiennes, des juifs, des musulmans chiites et sunnites, et des adeptes de religions autochtones du Kurdistan, le zoroastrisme, le yézidisme, tous vivent dans un voisinage serein. Il n'y a pas beaucoup d'autres pays du Moyen Orient – s'il y en a – qui peuvent se vanter que la  cloche des églises et l'appel à la prière des mosquées peuvent se faire entendre simultanément, dans le même village. 
Enracinés dans une telle diversité, les Pêşmerge sont un exemple d'unité face au sectarisme grandissant dans le reste du Moyen Orient. Plus récemment, les Pêşmerge et le Gouvernement régional du Kurdistan (GRK) ont pris en charge un demi million de réfugiés fuyant EIIL rien qu'à Mossoul. Un nombre impressionnant, si l'on tient compte que le GRK n'a lui-même qu'une population de 5.2 millions selon ses propres chiffres officiels. 
Les Pêşmerge ne sont pas divers sur les seuls plans ethniques et religieux. Depuis les premiers temps du combat kurde pour l'indépendance, des femmes jouaient un rôle important de protection au Kurdistan contre les maraudeurs et les voleurs, quand les hommes étaient au loin. Les femmes du Kurdistan sont connues en littérature pour leur beauté séduisante, et plus encore pour leur forte personnalité et leur intelligence dans la tradition orale, comme héroïnes et femmes de bravoure dans les contes kurdes pour enfants. 

Même dans l'Histoire, des femmes ont eu au Kurdistan des positions de premier plan : Asenath Barzani fut la première femme juive et rabbin dans les premières années du 17ème siècle. L'Assyrienne (chrétienne) Margaret Shello a été la première femme à rejoindre les rangs des Pêşmerge dans les années 1960, sous le commandement du général Mustafa Barzani de retour au Kurdistan du sud, après une décennie d'exil en Union soviétique.

Margaret Shello


Le général Mustafa Barzani, qui fut à la tête de l'armée de la république du Kurdistan en 1946, est souvent cité pour avoir dit : “Şêr şêr e, çi mêr e çi nêr e”, mâle ou femelle, un lion est toujours un lion.

Qazi Mohammed et Mustafa Barzani

L'unité des Femmes d'élites a 600 recrues enregistrés, mais on ne dispose pas de chiffre précis pour savoir combien de femmes servent actuellement dans le corps des Pêşmerge, on ne peut qu'en supposer des centaines, si ce n'est des milliers. De Margaret Shello au colonel Rasheed, qui est à la tête de l'unité des Femmes d'élites, il y a eu sans doute des milliers de femmes Pêşmerge au cours de l'histoire kurde. 
Kirkouk, pierre d'achoppement lors des négociations de 1975 entre le général Barzani et Saddam Hussein, est maintenant sous contrôle kurde. Auparavant, la politique naïve d'apaisement envers les États-Unis et le gouvernement central de Bagdad a vu les Pêşmerge laisser la ville à l'armée irakienne, après l'avoir libérée de l'emprise de Saddam Hussein, à la faveur d'une politique énoncée dans l'article 140 de la constitution irakienne. Naïve car aucune des conditions inscrites dans l'article 140 de la constitution irakienne n'a été pleinement mise en œuvre depuis l'adoption de la constitution en 2005.
Les Pêşmerge contrôlent actuellement toutes les régions historiques à majorité kurde du Kurdistan du sud ou "Kurdistan irakien". Au moment où vous lisez ces lignes, des centaines de réfugiés se sont frayés une route vers la Région du Kurdistan, sûre et sereine, qui est défendue par ces braves Pêşmerge. 
En un temps où les États-Unis se méfient de la guerre et n'aident que prudemment le gouvernement irakien avec un personnel militaire pour riposter à la menace terroriste, les terroristes de l'EIIL ont fait de nouvelles avancées. La seule résistance rencontrée par les terroristes est venue des forces Pêşmerge qui ont accru leurs barrages pour défendre leur liberté, leur patrie et leur peuple. 
Les Pêşmerge sont des héros. 
Texte en anglais sur le Jerusalem Post.


Zorav Darisiro : Siberian_sun@hotmail.com

samedi, juin 21, 2014

La citadelle d'Erbil sur la liste du Patrimoine mondial de l'UNESCO

Photo datant de mai 2011. Depuis, les échafaudages sont partis.

La nouvelle vient juste de tomber. Le dossier n'était pas gagné d'avance avec un rapport de l"ICOMOS qui recommandait de différer l'inscription. Finalement, et peut-être sensible aux événements en cours qui montrent à quel point le patrimoine au Kurdistan est à la fois protégé si l'on compare avec le reste de l'Irak mais aussi isolé dans le chaos ambiant, l'UNESCO a décidé d'inclure de suite la citadelle à la liste du Patrimoine mondial de l'Humanité.

Comment les Zand firent renaître la musique iranienne


Où l'on apprend que la stupide prohibition de la musique en Iran ne date pas de la Révolution islamique :

Si l’époque de la dynastie safavide (1501-1736) est qualifiée d’Âge sombre de la musique, c’est qu’il n’en subsiste aucune trace écrite sur plusieurs décennies. La musique est interdite par le gouvernement et les autorités religieuses, et les chanteurs et instrumentistes n’ont plus le droit de se produire en public et doivent se cacher ou rester enfermés dans leurs maisons. Des chanteurs tirent cependant parti du développement du ta’zieh (un théâtre religieux commémorant le martyre de l’imam Husayn à Kerbala) et de la tradition des rozeh khani (chants de deuil et de lamentation en l’hon- neur de la famille du Prophète) pour interpréter, conserver et transmettre leur art et leur répertoire sous forme de chants religieux.

Les instrumentistes en revanche n’ont aucune possibilité de jouer ni d’enseigner en dehors de la sphère privée. Cette prohibition connaîtra son apogée sous le règne de Nader Shah (1736-1747). À partir de 1750, Karim Khan Zand, le fondateur de la dynastie Zand, s’emploie à faire revivre la culture et les arts persans et grâce à des penseurs et des artistes comme Mirza Nasir Esfahani (mort en 1778) ou le célèbre joueur de luth setâr Moshtaq-Alishah Kermani, on assiste à une vraie renaissance de la musique. 
Musique de l'époque qajare (pour en lire plus).
Normal, les Zand étaient des Laks/Lurs/Kurdes (tout ce qu'on voudra) c'est-à-dire des gens qui, même chiites, n'entendent pas se laisser couper les cordes (vocales et instrumentales) par les religieux… 



mercredi, juin 11, 2014

Hakan Günday : Ziyan



Mardi 17 juin à 15 h 00 sur France Culture : Les fantômes de Günday, avec Hakan Günday pour Ziyan, paru aux éditions Galaade. Tout un monde, M-H Fraissié.


« Un mauvais rêve peut-il transformer l'existence de quelqu'un en cauchemar ? Peut-il lui faire abandonner son éducation à mi-parcours ? Le rendre fou ? » 
ll a vingt ans, il est soldat. Dans l'est de la Turquie, où l'armée contrôle les populations kurdes, lutte contre les rebelles du PKK et la contrebande généralisée, la vie au quotidien est dure. Au coeur d'un hiver interminable, les tours de gardes sont de véritables supplices sans compter les relations difficiles avec la population locale et la hiérarchie militaire. 
Une nuit, un homme lui rend visite. Il dit s'appeler Ziya Hur it, l'un des conjurés qui fut pendu pour avoir participé à la tentative d'assassinat contre Mustafa Kemal en 1926. Est-ce la fatigue ou l'hypothermie qui provoque chez le soldat une telle hallucination ? Serait-ce que son esprit tourmenté s'enfonce progressivement dans la folie ? 
Ziya lui raconte sa découverte de l'Allemagne au début des années 1910, l'avant-garde artistique de Berlin, Dantzig, la guerre au sein de la marine allemande, puis la Turquie occupée et démantelée, enfin sa rencontre avec Mustafa Kemal et son rôle dans le mouvement de libération et la reconstruction du pays, jusqu'au jour où, face à la montée d une nouvelle classe politique trop éloignée de ses idéaux, le terrorisme lui apparaît comme la seule échappatoire. 
Né à Rhodes en 1976, Hakan Günday vit à Istanbul. Des auteurs turcs de la nouvelle génération, il est celui qui décoiffe le plus, le plus connu aussi. Francophone pour avoir suivi dans sa jeunesse son père diplomate à Bruxelles et dans nombre de pays d'Europe, il s'est passionné pour Voyage au bout de la nuit de Céline, qui influence son écriture et son regard sur le monde. Après des études littéraires à l'université Hacettepe d'Ankara, il a poursuivi des études politiques à l'université libre de Bruxelles et à l'université d'Ankara. Hakan Günday est l'auteur de huit romans. Son livre Kinyas et Kayra, publié en 2000, est considéré comme le premier roman underground en Turquie. D'un extrême l'autre (Galaade, 2013) a reçu le prix du meilleur roman de l'année 2011 en Turquie. 
Après d'Un Extrême l'autre, Ziyan a l'audace des merveilleux romans de Hakan Günday, l'auteur le plus prometteur de la jeune génération turque, et dont l'oeuvre est traduite dans plus de quinze langues. Avec Ziyan, Hakan Günday nous plonge dans son histoire intime liée à celle de son pays, dans ses relations avec l'Europe, dans sa modernité et dans les contradictions d'une société hantée par son passé.


Le vent nous emportera


Mercredi 18 juin a 20 h 45 sur Ciné+ Club : Le vent nous emportera, d'Abbas Kiarostami, Iran, 1999.


Des étrangers en provenance de Téhéran arrivent pour un court séjour à Siah Dareh, un village du Kurdistan iranien. Les habitants ignorent la raison de leur venue. Les étrangers flanent surtout dans l'ancien cimetière et font croire aux villageois qu'ils sont à la recherche d'un trésor.



Suivi à 22 h 40 du Goût de la cerise, sur la même chaîne.

Nishtiman : La voix est libre



Dans le cadre du festival La voix est libre, le groupe Nishtiman se produit demain, à 20 h 30 au théâtre des Bouffes du Nord, pour une soirée intitulée :

Accords célestes




mardi, juin 10, 2014

Nazand Begikhani : Le lendemain d'hier



Nazand Begikhani présentera son dernier recueil de poésies,
 traduit et publié aux éditions de l'Amandier.

La lecture de ses poèmes se fera au rythme du def de Hussein Zahawy :







jeudi, juin 05, 2014

Erbil à Bagdad : "Pour les poursuites internationales, il faudra attendre l'indépendance"


Le 13 mai 2014, le ministre turc de l’Énergie, Taner Yıldiz, annonçait, dans une conférence régionale sur l’énergie, donnée à Istanbul, que le pétrole acheminé et stocké dans le port de Ceyhan était prêt à la vente :

« Nos réservoirs de stockage à Ceyhan pour le pétrole du nord de l’Irak sont pleins. Il n’y a aucun obstacle à la vente. Ce pétrole appartient aux Irakiens et ce sont eux qui le vendront. »

Taner Yıldiz a aussi assuré que des « responsables officiels de Bagdad, d’Erbil et de Turquie  supervisaient  les ventes » et que l’argent serait déposé dans la banque d'État turque Halk-Bank. Il a donné le chiffre de 2, 5 millions de barils stockés, soit la pleine capacité des réservoirs, et indiqué que le pétrole serait probablement vendu en Italie et en Allemagne.

Peu de temps auparavant, le Gouvernement régional du Kurdistan (GRK) avait déjà annoncé que son pétrole serait vendu courant mai, et Massoud Barzani, le président kurde, avait qualifié cette décision de « décision politique » en la présentant ouvertement comme une riposte à la « punition » budgétaire du gouvernement central qui, depuis le début de l’année, prive les fonctionnaires de la Région kurde de leur traitement :

« Nous allons continuer de produire du pétrole, de l’extraire et de le vendre. S’ils (Bagdad) persistent dans l’escalade, nous le ferons aussi de notre côté. »

Le 23 mai, le GRK annonçait officiellement que la première cargaison de pétrole kurde (1 million de barils) avait quitté Ceyhan pour voguer vers les marchés européens, et que ce n’était que la première vente, qui allait être suivie de nombreuses autres, afin d’écouler le pétrole du Kurdistan, via son nouvel oléoduc. 

Les revenus de ces ventes sont considérés par le GRK comme faisant partie de la part du budget irakien qui leur est alloué constitutionnellement mais les gouvernement kurde a ajouté qu’il restait « ouvert à toute négociation » avec Bagdad, et qu’il s’acquitterait même, envers les Nations Unies, du versement de 5% en réparation de ce que doit l’Irak après l’invasion du Koweït ; ce prélèvement serait ainsi déposé dans un compte à part. 

Il est assez piquant que les Kurdes doivent eux-mêmes débourser pour une invasion à laquelle ils n’ont eux-même pas vraiment pris part, très occupés qu'ils étaient à courir sous les bombes d'Ali le Chimique, d’autant qu’ils attendent toujours de l’Irak et de quelques puissances étrangères une réparation pour l'Anfal. Mais ils doivent se dire qu’amadouer l’ONU ne va pas leur faire de mal en attendant une prochaine indépendance : tu paies, on te fiche la paix.

Du côté irakien, la liste parlementaire État de droit de Nouri Maliki, s’est « étonnée » publiquement de l'absence de réactions, non pas de la communauté internationale, mais des autres partis irakiens, comme l'exprime un membre de cette coalition, Qasim Al-Araji :

« Il est surprenant que les blocs et les partis politiques qui rejettent un troisième mandat de Nouri Maliki n’aient eu aucune prise de position sur le fait que le Kurdistan a commencé d’exporter et de vendre son pétrole, sans l’assentiment du gouvernement fédéral… cette exportation est pourtant contraire aux positions des partis religieux chiites [vigoureux opposants à Maliki] quand ils affirment que le pétrole appartient au peuple irakien. »

Le gouvernement irakien n’a pas tardé, lui, à réagir, en annonçant que des poursuites judiciaires allaient être lancées contre la Turquie et BOTAŞ, la compagnie nationale qui gère l’oléoduc qui a convoyé le pétrole kurde, en évaluant le préjudice qui lui aurait été fait à plus de 250 millions de dollars.

Commentant la « demande d’arbitrage international » déposée par le ministère du Pétrole irakien contre la Turquie, le Gouvernement régional du Kurdistan a dénoncé, dans un communiqué officiel, un « comportement incompatible avec les pratiques établies et acceptées », qui « menacent la capacité d’exportation de pétrole de l’Irak et sa position diplomatique dans le monde » , ainsi que ses relations avec les marchés mondiaux. Le ministère irakien est aussi accusé d’agir en violation de la constitution de 2005 et des lois internationales car, le rappelle la Région du Kurdistan, l’article 110 ne donne aucun pouvoir à ce ministère en ce qui concerne l’exploration, la production et l’exportation des hydrocarbures kurdes, pouvoirs et autorités que confèrent au GRK, par contre, les articles 112 et 115 de cette même constitution.

Le GRK rappelle en effet que selon la constitution, le gouvernement fédéral a droit au partage de ses revenus pétroliers quand ils proviennent de gisements exploités avant 2005 et que les exportations ne concernent  que les puits plus récents ; la Région ainsi le droit de recevoir directement des revenus de la vente de ses hydrocarbures, et rappelle avoir, jusqu’ici, volontairement, appliqué le même système du partage sur tous ses gisements, d'avant ou d'après 2005.

Enfin, le gouvernement kurde attaque plus directement le ministère du Pétrole irakien (et derrière le ministre, le vice-premier ministre en charge des questions de l’Énergie, Hussein Sharistani, l’adversaire le plus obstiné à contrer les projets d’indépendance énergétique des Kurdes). Erbil accuse en effet le ministère d’avoir présenter les faits de façon biaisée, et même fausse, au gouvernement fédéral, sur l’étendue et la nature des exportations, omettant notamment de rapporter que la plus grande partie des revenus pétroliers kurdes était perçue directement par SOMO, l'agence étatique chargée de la commercialisation du pétrole irakien, rattachée pourtant à ce même ministère, et que les bénéfices en avaient été jusqu’ici versés à l’État irakien.

Le gouvernement réaffirme ainsi sa volonté de jouir de ses droits constitutionnels concernant la perception directe des bénéfices pétroliers et Muayad Tayeb, le porte-parole du groupe parlementaire de l’Alliance kurde à Bagdad, a indiqué, le 26 mai, que l’argent du pétrole exporté servirait à payer les fonctionnaires de la Région kurde, en place de Bagdad, moins les 5% revenant au fond de dédommagement du Koweït. Il a aussi critiqué la prise de position de Washington : la porte-parole du Département d’État, Jen Psaki, a en effet déclaré que les USA ne soutenaient pas ces exportations faites sans l’accord du gouvernement central, alors que les mêmes États-Unis n'ont pas eu un mot pour critiquer l’attitude irakienne sur le partage des revenus et le gel des traitements des fonctionnaires kurdes.

La position du gouvernement kurde est, pour résumer, un retour aux véritables dispositions de la constitution qui alloue 17% du budget total de l’Irak au Kurdistan et si le gouvernement fédéral continue de bloquer les salaires, le GRK prélèvera ce qu’il faut sur l’argent de son pétrole pour assurer le traitement de ses fonctionnaires.

Quant aux menaces de poursuites judiciaires à un niveau international, dont Hussein Sharistani a menacé la Région kurde tout comme la Turquie, le porte-parole du gouvernement d’Erbil, Safeen Diyazee, a fait remarquer, peut-être ironiquement, que comme le Kurdistan faisait (encore) partie de l’Irak, ce dernier ne pouvait engager de poursuites auprès des tribunaux internationaux contre une de ses propres régions et qu’il ne s'agissait donc que d’une affaire interne au pays. 

En bref : « Si vous voulez nous poursuivre internationalement, laissez-nous au moins le temps de proclamer l'indépendance, Messieurs-Dames. »


Le gouvernement kurde en réunion extraordinaire, informant le parlement kurde des dernières avancées sur le dossier


mardi, juin 03, 2014

Incertitude sur la participation kurde au prochain gouvernement irakien



Rouge : État de droit, liste de Nouri Maliki.

Mutahidoon (Al-Nujayfi

Parti démocratique du Kurdistan

Gorran

Union patriotique du Kurdistan

Coalition Al Arabiya

Diyala

Les résultats officiels des élections parlementaires irakiennes ont été publiés le 25 mai, 

  • État de droit obtient 92 sièges (en gagne 2 par rapport à 2010) 
  • Le mouvement sadriste obtient 34 sièges ;
  • Le conseil suprême islamique (chiite) obtient 31 sièges ;
  • La Coalition de la réforme d’Usama AL Nujayfi obtient 28 sièges (en perd 14) ;
  • Le Parti démocratique du Kurdistan (Barzani) obtient 25 sièges (en perd 4) ;
  • La Coalition arabe d’Ayyad Allawi obtient 21 sièges ;
  • L’Union patriotique du Kurdistan (Talabani) obtient 21 sièges (en gagne 7) ;
  • Goran (Mouvement pour le changement) de Nawshirwan Mustafa obtient 9 sièges (en gagne un) ;
  • Le Mouvement national de la réforme d’al Jaffari obtient 6 sièges ;
  • Le Parti islamique de la vertu (une branche sadriste) obtient 5 sièges ;
  • La liste « Diyala est notre identité » obtient 5 sièges ;
  • Yekgirtu, l’Union islamique du Kurdistan obtient 4 sièges ;
  • L’Alliance démocratique civile obtient 3 sièges ;
  • Komal, le Groupe islamique du Kurdistan obtient 3 sièges (en gagne un)
  • Autres partis : 23 sièges ;
  • Minorités : 8 sièges.
État de droit, la liste de Maliki, arrive donc en tête dans 10 provinces sur 18, tandis que les résultats des partis sunnites se sont avérés décevants pour leurs dirigeants, probablement en raison de la fragmentation de leurs formations politiques, et de la concurrence de plusieurs leaders, comme Al-Nujayfi et Al-Mutlaq. Cela peut montrer aussi un désenchantement sunnite envers des élections qu’ils ont jugé soit perdues d’avance, soit inutiles. 

Les résultats pour la Région du Kurdistan et les provinces où vit une importante population kurde sont les suivants :

Erbil

Parti démocratique du Kurdistan (Barzani) : 7 sièges
Union patriotique du Kurdistan (Talabani) : 4 sièges
Goran (Mouvement pour le changement, Mustafa) : 2 sièges
Komal (Groupe islamique, Hassan Ali) : 2 sièges 

Total : 15 sièges

Suleimanieh :

Goran (Mouvement pour le changement), Mustafa : 7 sièges
Union patriotique du Kurdistan (Talabani): 6 sièges
Parti démocratique du Kurdistan (Barzani): 2 sièges
Komal (Groupe islamique, Hassan Ali) : 2 sièges
Yekgirtu (Union islamique du Kurdistan, Ahmad Aziz) : 2 sièges

Total : 14 sièges

Duhok :

Parti démocratique du Kurdistan  (Barzani): 8 sièges
Yekgirtu (Union islamique du Kurdistan, Ahmad Aziz) : 2 sièges
Union patriotique du Kurdistan (Talabani): 1 siège

Total : 11 sièges


Kirkouk

Union patriotique du Kurdistan (Talabani): 6 sièges
Front turkmène (Baha Al Din Sahaay: 2 sièges
Parti démocratique du Kurdistan (Barzani) : 2 sièges
Al-Arabiyyah (Al Mutlaq) : 1 siège
Coalition arabe - Kirkoiuk (Assi Ali): 1 siège

Total : 12 sièges

Ninive :

Coalition de la réforme (Al Nujayfi) : 12 sièges
Alliance du Kurdistan-Ninive (Barzani) : 6 sièges
Coalition nationale (Allawi) : 4 sièges
Alliance nationale - Ninive (Al-Hakim) : 3 sièges
Coalition Al-Arabiya (Al-Mutlaq) : 3 sièges
Union patriotique du Kurdistan (Talabani) : 2 sièges
Coalition Irak (Al Chamri) : 1 siège
Mouvement yézidi de la réforme et du progrès (siège réservé, Jijo Brim) : 1 siège
Conseil shabak (siège réservé, Mohammad Ahmad) : 1 siège

Total : 31 sièges

Si l’on additionne tous les sièges des partis kurdes, on aboutit à un total de 62 députés. 


Il faut noter la progression de l’UPK et de Goran et la baisse du PDK, qui souhaitait au moins 28 sièges, de l’aveu même d’un de ses responsables, Khosro Goran, qui a exprimé, sur le site Internet du PDK, la déconvenue du parti, qui espérait aussi  « remporter plus de sièges à Erbil et à Ninive » ainsi qu’au moins un siège dans la province de Diyala. 

Ces résultats mitigés n'ont pas empêché que, dès le début du mois, à peine les élections achevées et étant encore dans l’attente des résultats, la présidence du Gouvernement régional du Kurdistan affirme, dans un communiqué publié sur son site, que les Kurdes irakiens avaient « droit » à la présidence de l’Irak fédéral (ceci dans l’expectative de la prochaine « démission » de Jalal Talabani, que la maladie a empêché d’exercer ses fonctions depuis 2012).

Depuis l’adoption par référendum de la constitution irakienne, en 2005, les fonctions de la présidence ont été assumées par Jalal Talabani, alors que les postes de Premier Ministre passaient successivement des mains d’Iyyad Allawi, Ibrahim Al Jaffari et de Nouri Maliki qui prétend à présent à exercer un troisième mandat.

Si le cabinet du gouvernement est, du fait de leur supériorité numérique, accaparé par les chiites, la président du Parlement irakien est, depuis 2010, dévolue à un sunnite arabe, Usama Al Nujayfi, ce qui, depuis la fuite et la condamnation à mort par contumace du vice-président sunnite Tarik Hashimi, compense le déséquilibre dans la répartition des postes par entités ethniques ou religieuses.

Un Kurde à la présidence, en plus de jouer un rôle plus neutre au milieu des partis sunnites et chiites, aurait aussi l’avantage, pour ceux qui craignent une scission du Gouvernement régional du Kurdistan et de l'Irak fédéral, de maintenir une présence et une implication kurdes au sein du gouvernement central, alors que si aucun poste de dirigeant n’est accordé aux Kurdes, cela ne ferait qu’accentuer ou entériner la prise de distance, politique et administrative, de la Région du Kurdistan, surtout depuis que Nouri Maliki a cessé de payer les salaires des fonctionnaires kurdes, ce qui encourage fortement Massoud Barzani à parler ouvertement d’indépendance.

Mais si la présidence du GRK réclame, dans son communiqué, la présidence de l’Irak comme « un droit du peuple du Kurdistan », rien, dans la constitution irakienne, ne fonde cette attribution automatique, qui résulte d’un arrangement consensuel entre factions politiques après la chute de Saddam, les mouvements arabes rivaux s’étant satisfaits, jusqu’ici, de donner ce poste à un Kurde dont le rôle était d’arbitrer leurs conflits. 

De plus, la Région du Kurdistan réclame que tout président irakien – qui est élu par le Parlement de Bagdad – soit approuvé par le Parlement kurde d’Erbil, ce qui a déclenché la fureur d’autres mouvements politiques irakiens.

Mais au-delà des réactions épidermiques que provoque toute avancée des Kurdes vers un statut non plus fédéral, mais confédéral, le remplacement de Jalal Talabani par un autre kurde est loin de rencontrer une grande opposition dans les milieux politiques arabes, bien au contraire. L’absence du président Talabani de la scène irakienne a coïncidé avec une aggravation des conflits entre Kurdes et Arabes, mais aussi avec une détérioration du climat politique et par conséquent sécuritaire de tout l'Irak, alimenté en partie par la mésentente entre sunnites et chiites. Aussi, depuis la mise en retrait de l’actuel président d'Irak, d’autres noms kurdes sont régulièrement mis en avant, issus du PDK ou de l’UPK. 

Ainsi, le Parti démocratique du Kurdistan, par la bouche d’un des membres de son bureau politique, Roj Nuri Shaways qui est aussi vice-premier ministre irakien, avait déclaré sur la radio kurde Nawa, que   « de nombreuses lignes politiques et partis » (sans cependant les nommer) avaient demandé à l’actuel président de la Région kurde de succéder à Talabani, mais que Massoud Barzani n’accepterait cette fonction que sous certaines conditions (principalement celles portant sur un accroissement des pouvoirs présidentiels).

Finalement, le PDK a préféré mettre en avant la candidature de Hoshyar Zebari, l’actuel ministre des affaires étrangères irakiens, qui serait un choix plus consensuel que Massoud Barzani, en tout cas du point de vue irakien. 

C’est,  en tout cas, l’avis de Mahmoud Othman, vétéran de la politique kurde et député au Parlement de Bagdad dans l’Alliance du Kurdistan qui a annoncé, le 12 mai, sur la radio Iraqi FM, la possible candidature de Zebari, approuvée par le PDK, mais qu’il restait à obtenir, pour cela, l’accord de l’UPK qui a ses propres candidats à mettre en avant et rétorque que le PDK ayant déjà en main la présidence du Kurdistan, il ne peut prétendre à assurer en parallèle celle de l’Irak (tout ceci dans un grand esprit de partage de moutons et de pré carré qui n’a évidemment aucun fondement constitutionnel), comme l’a expliqué au quotidien Al-Musama Adel Murad, membre du Conseil central de l’UPK.

Le gouverneur de Kirkouk, Najmaldin Karim, un membre de l'UPK très proche de Jalal Talabani puisque c'est un de ses médecins, est ainsi vu comme un candidat possible issu de l'UPK, d'autant que c'est le député kurde qui a obtenu la victoire la plus massive aux législatives, et ce dans une province où les conflits entre Kurdes, arabes sunnites et Turkmènes sont incessants.

Mais si la constitution irakienne prévoit que le président doit être élu par le parlement afin, ensuite, de désignrer un Premier Ministre, dans les faits, la victoire des urnes prépare avant tout l'avènement du futur chef du gouvernement : Nouri Maliki, de façon prévisible, est vainqueur de ces législatives mais doit former des alliances pour un gouvernement de coalition. Or, il a réussi à s'aliéner tant de factions irakiennes, en plus des kurdes, que beaucoup prédisent qu'un troisième mandat pourrait entraîner l'éclatement du pays. Ne pouvant rien faire avec le veto des Kurdes et d’une bonne partie des sunnites, il doit chercher à se concilier les uns et les autres, ce qui va à contre-pied de la politique de rétorsion pratiquée contre Erbil ces derniers mois, et des sanglantes représailles à Anbar, province sunnite au bord de la révolte.

Les Kurdes, jusqu’ici, ont passé pour les « faiseurs de rois » de la politique irakienne. Aujourd’hui, Massoud Barzani laisse entendre qu’ils pourraient bien ne pas participer au prochain gouvernement : « Toutes les options sont sur la table. Le temps est venu des décisions finales. Nous n’allons pas attendre une autre décennie et vivre `a nouveau la même expérience. Si nous boycottons le processus, nous boycottons tout [le parlement et le gouvernement]. » (source Reuters, 13 mai).

Ce qui reviendrait à un retrait politique des Kurdes, prélude à un divorce administratif et institutionnel de l’Irak.

Unedited History, Iran 1960 - 2014


Du 16 mai au 24 août 2014, au Musée d'art moderne de la ville de Paris :

Le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris présente à l’ARC UNEDITED HISTORY, Iran 1960-2014. Composée de plus de 200 oeuvres pour la plupart inédites en France, l’exposition offre un nouveau regard sur l’art et la culture visuelle en Iran des années 1960 à aujourd’hui. L’exposition interroge l’histoire contemporaine de ce pays sous forme de séquences : les années 1960-1970, l’époque de la révolution de 1979 et la guerre Iran-Irak (1980-1988), puis de l’après-guerre à aujourd’hui.

Programme de et autour de l'exposition, détail des exposants, etc.




Par Catherine David, Morad Montazami, Odile Burluraux :
Ouvrage de référence sur l’art moderne et contemporain iranien, Unedited History. Il explore tous les domaines des arts visuels, de la peinture, au cinéma en passant par les arts graphiques selon un déroulé chronologique : les développements culturels de 1960-1979 sous le dernier Shah d’Iran, l’époque de la révolution de 1979 et la guerre Iran-Irak (1980-1988), puis de l’après-guerre à aujourd’hui. 

 SOMMAIRE
 - L’art et la politique, les chicanes d’un rapport par Anoush Ganjipour
 - Le double système de la production d’image dans l’Iran de l’après révolution par Bavand Behpour
 - Morteza Avini’s Avant-garde populaire et le rôle de la TV par Hamed Yousefi
 - Pétrole surmoi par Morad Montazami
 - Anthologie critique d’auteurs iraniens



Concert de soutien à l'Institut kurde