vendredi, janvier 31, 2014

Les enjeux de la guerre en Syrie

Samedi 1er février, à 9 h 07 sur France Culture : Avec Jean-Pierre Filiu, historien, spécialiste de l'Islam et Renaud Girard, correspondant de guerre et chroniqueur au Figaro ; Répliques, Alain Finkielkraut.






Présentation de l'éditeur 
La révolution syrienne a débuté en mars 2011. A la différence des précédents pays arabes, dont le dictateur a été chassé par des manifestations de rue, la Syrie de Bachar el Assad a connu une longue période de contestation du régime sans que celui-ci ne tombe, avant d’entrer dans une terrible guerre opposant la population civile aux milices du régime. Cette transformation de la dynamique révolutionnaire en Syrie est inhérente à un grand nombre de facteurs (dont le facteur temps, qui laisse la possibilité pour certaines forces contre-révolutionnaires de limiter le résultat d’une révolution déjà victorieuse) ; mais surtout elle traduit la spécificité de l’enjeu que constitue la Syrie, à la fois le « cœur de l’arabité », héritière d’une longue histoire culturelle et politique, et pivot d’une région géographique, le Moyen-Orient, qui a été construite de toutes pièces par les puissances coloniales à la veille de la chute de l’Empire ottoman. C’est là, cent ans après la Syrie mandataire, au début du XIXe siècle, que fait rage l’une des grandes batailles qui reconfigure le monde : le peuple syrien veut reprendre son destin en main, achever un processus d’émancipation politique qui n’a pas pu être mené à bout. Et dans le même temps s’y déploie un nouveau « grand jeu », où s’exercent des influences et des guerres par procuration, mettant aux prises la majorité des acteurs régionaux (Qatar, Arabie saoudite, Iran, Russie, Chine, E.U. etc.). Quelle que soit l’issue des bras de fer en cours, entre le régime et la population, entre les puissances qui se disputent une influence locale, l’An II de la Révolution arabe aura été déterminant.

Biographie de l'auteur 
Historien et arabisant, Jean-Pierre Filiu est professeur à Sciences Po (Paris), après avoir enseigné à Columbia (New York) et Georgetown (Washington). Son Apocalypse dans l’Islam a reçu en 2008 le prix Augustin-Thierry des Rendez-vous de l’Histoire de Blois. Il est l’auteur de Les Neuf Vies d’Al-Qaida (2009) et La Révolution arabe (2011). Ses travaux sur le monde arabo-musulman ont été publiés dans une douzaine de langues.


mercredi, janvier 29, 2014

Il nous faut du bonheur



Lundi 3 février à 23 h 50, sur ARTE, documentaire d'Alexandre Sokourov et d'Alexei Jankowski  (France, 2010) : Il nous faut du bonheur ; collection "Usage du monde".


"Déchirée par l'histoire, la communauté kurde revit chaque année dans la fête de Norouz, un rite très ancien qui marque le solstice de printemps. Au centre du récit se trouvent les figures de deux femmes âgées vivant dans les montagnes du Kurdistan irakien, Khayal et Zvéta, à la tête de leurs grandes familles. La première a toujours vécu là, la deuxième y est venue pour suivre un homme qu’elle a perdu. Le réalisateur Alexandre Sokourov dit de l'une d'elles : "Jamais je n’avais encore vu une femme au destin si dramatique et confus, une femme dont l’âme inlassable, avide de savoir et pénétrante, n’a pu trouver le bonheur dans la vie qui lui a été donnée." Il entremêle leurs existences et les pensées d’un voyageur fictif, russe comme lui, auquel il prête son regard."

Voir un extrait.


lundi, janvier 27, 2014

Maisons juives et synagogues d'Amadiyya.


L'ethnologue Erich Brauer a dans son livre The Jews of Kurdistan (publié à titre posthume car il est mort en 1942, encore jeune, à 47 ans), restitué un tableau très riche et très complet de la vie quotidienne des juifs du Kurdistan entre les deux guerres mondiales. Il avait écrit, auparavant, une monographie sur les juifs du Yémen et il expose le contraste entre la vie des deux communautés (il apparaît que les juifs kurdes ne vivaient pas dans la même crainte qu'au Yémen).

Brauer enquêta auprès de juifs de Zakho, de Sine, d'Erbil, etc., mais Amadiyya fut une des villes qu'il a le mieux détaillées, où il ne s'est pourtant jamais rendu, tout son travail se fondant sur les informations, les souvenirs et les récits collectés auprès des premiers migrants du Kurdistan en Palestine sous mandat britannique.

Nombre de chapitres sur l'alimentation, le vêtement, l'activité économique, la vie familiale montrent peu de différences avec les Kurdes musulmans et chrétiens.

Les témoignages de ses informateurs d'Amadiyya sur l'architecture juive, les maisons, les lieux de culte, sont précieux car la communauté n'avait plus que quelques années à vivre au Kurdistan et les maisons et les constructions ont ensuite été récupérées ou démolies. Mais les descriptions précises peuvent permettre de retrouver les vestiges laissés par au moins deux millénaires de présence juive dans la ville.



Les quartiers juifs :  Mahalit Jü’a - Makhalit Hudâi

À Amadiyya, il y avait 2 quartiers juifs : un dans la ville haute (she’utha ilettha) et dans la ville basse (she utha ketetba).

Les rues prenaient habituellement le nom des familles qui y possédaient le plus de bâtiments. Ainsi la synagogue Yehezqel [Said Yehezqel] était dans la kolana Bê Shamo (rue de la maison de Samuel] ; la synagogue Ezra haSofer dans la rue Bê Dawrike (dans la ville basse). 

Au Kurdistan, Certains juifs habitaient dans des maisons appartenant à la synagogue (cadeaux ou legs). La synagogue Yehezqel possédait 15 maisons à la disposition des nouveaux venus. Le prix des maisons était très bas, si bien que les juifs qui migraient en Palestine quittaient parfois la ville sans même les vendre (au contraire des terres à vignes et à culture qui avaient du prix). Quiconque voulait se construire une maison à Amadiyya pouvait prendre le morceau de terrain qui lui plaisait, d'autant qu'une bonne partie était en ruines depuis le milieu du 19e siècle.

Les maisons :

Les maisons étaient les mêmes que celles des Kurdes musulmans, souvent à un étage. Dans la région d’Amadiyya, il y avait les tanke,maisons aux murs faits de vannerie couverte d’argile (tîna), à un étage. Les maisons avaient des toits plats (qâre) avec des poutres entrecroisées, couverts d’une couche de broussailles et enfin une de terre. 

Amadiyya possédait des maisons à étage, contrairement à l’habitude au Kurdistan :  bekhtâya,  be’ elaye, soit rez de chaussée et étage. En bas, il y avait l'écurie et le cellier, en haut une pièce d’été,  manzar ou manzal qeta, et une pièce d’hiver,  bêthit süswa. Les deux pièces avaient une salle de bain séparée qui servait à se purifier après les rapports sexuels. Dans certaines maisons, il y avait aussi une pièce en dessous du niveau de la rue, sardawe, pour les heures chaudes de l’été.

Il n’y avait pas de cuisine séparée : en été on préparait et on cuisait les repas dans la cour ou dans le porche couvert (birbanke), en hiver dans le sûpa (pièce ou hall) ou là où se trouvait le four.

Jusqu’à l’arrivée des Britanniques, il n'y avait pas de latrines mais, comme chez le reste des Kurdes,  un dispositif dans la cour. 

Pas de meubles, comme chez les Kurdes : des niches pour les vêtements les plus chers ou dans des coffres (sabatqa). On s'asseyait sur des tapis ou des nattes. On mangeait sur une table basse.

À Amadiyya, on a les noms suivants pour la vaisselle courante :

Farakseni pour un plateau rond et plat  à bord très bas, en cuivre plaqué d’étain, de 80 cm de diamètre. ; tashta est identique sauf que le rebord a 15 cm de haut ; lagan est un plat plus petit ; siniyê  a une bordure inclinée vers l’extérieur.

À Amadiyya on appelait qiprâna les lits perchés sur 4 pieds, auxquels on peut accéder par une échelle (pour se protéger des scorpions). Il y avait deux sortes : un lit plus bas posé sur 4 pierres, un plus haut sur des poteaux de bois.

On pouvait aussi dormir dans les arbres (comme les elfes de Tolkien) où on y avait perché une plate-forme (harzele) sur laquelle on stockait les fruits, de l’été jusqu’à l’hiver. On appelait aussi harzele les paniers où étaient les fruits. C'était un excellent refuge contre les moustiques, une fois que l’on s'habituait aux secousses dans le vent soufflait et agitait les arbres.  
On plaçait souvent une ramure de cerf de montagne dans le mur extérieur, de l’étage, en décoration. Cela avait aussi une fonction de protection talismanique. 

À Amadiyya, beaucoup de Kurdes vivaient gratuitement dans des maisons de juifs et, en échange, leur rendaient des services durant le sabbat (faisant les tâches interdites par les juifs). Alors que les chrétiens semblaient, eux, vouloir vivre plus à part des musulmans.

La maison juive était patriarcale, comme partout au Kurdistan : on construisait les pièces autour du foyer du chef de famille au fur et à mesure que les couples se formaient et avaient des enfants. On pouvait avoir  ainsi 30 personnes vivant dans une même maison. Le chef de famille était le reshith bêtba et la matrone la kabânit betha  ou apthit bêta. 

Amadiyya avait, de façon assez unique, un "club des hommes" (dérivé des assemblées pieuses ou communautaires, Hevra Qadisha) où ils se réunissaient entre eux et buvaient d'impressionnantes quantité d'arak. Brauer explique que « les juifs kurdes considèrent leur capacité à boire de l'alcool comme un signe de force physique et en sont fiers. 3 fois par semaine, à Amadiyya, les hommes se réunissent dans une sorte de club pour une beuverie. 

Amadiyya avait auparavant un pressoir commun pour le vin (avisla) à la synagogue, mais à l'époque, on foule le raisin à domicile, dans de grands bassins. Quand les Britanniques ont voulu interdire la fabrication domestique de l’arak, il y a même eu des émeutes. 

Les boutiques comme à Sine n'étaient pas à part des musulmans, au contraire de Zakho, Kirkuk, Erbil

Les synagogues :

Le bâtiment est juste un lieu où ils se rassemblent pour l’office, contrairement au Yémen. 

La synagogue Knis Navi Yehezqel a peut-être été bâtie en 1250. Sur l’un de ses vieux piliers de bois, en effet, une inscription en arabe mais écrite en caractères hébreux indique: « Awwal ‘imâratha atqnt’’t aydhan itjadadat fi at’’s, aydhan fit atq’’r itjadadat sufatha » soit Le début  de la construction [fut en] 1559. Puis il a été rénové en 1560 ; puis en 1600 ses moulures ont été rénovées. 

Le livre « Sefer Pitron Halomot » ou Livre de l’interprétation des rêves, écrit en 1788 et à l'époque en possession d’un hakham d’Amadiyya commente cette inscription : «  Le début de ce bâtiment fut en l’année 1559 [de l'ère] de ces documents et sa construction ne fut pas terminée avant la 2ème année, qui est l’année 1560 de ces documents. 40 ans après, ils ont construit les galeries autour de la cour, en l;’année 1600 de ces documents. » 

[« l’année de ces documents » se réfère à l’ère séleucide, d’où l’on comptait les années durant la Seconde Période du Temple et longtemps en usage dans certaines communautés juives, ainsi que chez les chrétiens avant qu'ils n'inventent leur calendrier assyrien. Elle commence en 312 av. J.C l’année où Seleucos I Nicator retourne à Babylone après la bataille de Gaza, et donc, l’année 1559 = 1248 et 1560 = 1289.  Mais dans la mémoire collective, Alexandre se substitue à Seleucos Nicanor et un informateur de Brauer parle de cette ère comme celle d’Alexandre »

Les juifs d’Amadiyya disaient que le plan d’élévation de leurs synagogues était celui du Temple de Jérusalem (Bet Miqdash) tel que décrit dans le livre d’Ézechiel.

Mais les synagogues juives kurdes se ressemblent : c'est une cour entourée de murs (à comparer avec les descriptions d'églises nestoriennes dans Amadiyya, notamment par Badger). La cour sert de synagogue d’été. 

La Knishta Navi Yehezqel (haut d'Amadiyya)  a en tout cas un plan semblable à celle de la synagogue Knishtit Ezra haSofer (plus vieille, selon Brauer qui n'indique pas ce qui lui permet d'affirmer cela, peut-être une inscription). C'est en tout la synagogue Navi Yehezqel qui lui a été le mieux détaillée (et il y a même une photo) '




La Cour : (hababel ou porte de la maison) : on doit passer 2 portes (v. Proverbe 8:34).

Elle est entourée d’un toit soutenu qui entoure la cour en un schéma carré et est soutenu par de vieux piliers de bois. Ces colonnes ont des chapitaux en forme d'escalier caractéristiques de l’époque sassante (on voit assez bien les degrés du chapiteau juste derrière le personnage sur la photo). Les chapiteaux diffèrent dans leur détail et semblent être de différentes périodes. Ces chapiteaux ont des inscriptions et des sculptures, une date et des vers de psaumes. Le chapiteau de la colonne sud dit ainsi en hébreu : « Toutes les nations que Tu as faites viendront et se prosterneront devant Toi et rendront gloire à Ton nom Selah » (Psaume 86.9).

Les juifs disent que deux de ces colonnes furent des arbres aux racines encore plantées dans le sol, parce que la synagogue fut bâtie sur un ancien jardin de noyers et d'amandiers. En construisant, on a laissé les arbres, ébranchés, et on en a fait des colonnes. Ces deux arbres-colonnes sont au milieu de la synagogue. 

Au milieu de la cour  une parcelle de terrain avec des arbres et des fleurs était entourée d’une clôture basse de pierre (à gauche sur la photo).

En dessous, il y avait une ancienne citerne, de grande taille, avec une petite ouverture au centre et un trou au sud ( à rapprocher, peut-être, de la citerne récupérée et rebâtie par les chrétiens autour du 5e. siècle ?).  Elle a été cassée depuis. 

Le bâtiment de la synagogue a une ancienne sous-structure en pierres de taille, comme les murs (plus récents). Il n’y a pas de fenêtres, la lumière n’entre que par les ouvertures du plafond et les trois portes face à la cour. Ces portes sont appelées hekhalot (halls) et ont des rideaux.

Chacun avait sa place immuable dans la synagogue, seuls les hommes en deuil allaient dans le coin au sud-est. Sinon les élites étaient les mieux placées devant le Hekhal (sanctuaire). 

À l’extrémité ouest de la synagogue il y avait trois pièces. La pièce centrale était appelée dûke ou manzal. Elle était assez petite et contenait un placard où l’on gardait les rouleaux de la Torah,  les rouleaux d’Esther ( megilla) le kursi Eliyahu (chaire d’Elie) le shofar, le malqut (lanières de cuir) pour la flagellation la veille de Yom Kippour, et une jarre d’huile de sésame. 

La seconde chambre servait de bê geniza (entrepots) de livres et de manuscrits dont on ne se servait plus (300 vieux rouleaux de la Torah et un grand nombre de vieux livres de prières). Les vieux rouleaux étaient posés dans des caisses de bois rectangulaires avec des montures d’argent, les plus récents sont dans des boites rondes. Il semble que seule Amadiyya avait une geniza. 

Les bâtons des rouleaux étaient appelés shebuqa. Les rouleaux avaient un ou plusieurs voiles (faraji) offertes par les femmes ou parentes des donateur,s ou par une mère dont l’enfant estompé  malade. Les femmes y cousaient aussi des pièces de monnaie, des coraux (kisne) des amulettes, pour des vœux.


La 3ème pièce, la chambre à vin ( bê Khamra) était adjacente au duke sur son mur sud. 

Peu de vieilles synagogues kurdes avaient une section des femmes car elles y allaient peu. Dans la cour de la synagogue Yehezqel, il y avait une terrasse où, avant, on piétinait les grappes pour le vin de la synagogue. C'est ensuite devenu la place des femmes.

Hof = cour, Gräber-= tombes, Säulenumgang = péristyle.

Plan de Navi Yehezqel tracé en 1933 et publié par Walter Schwarz in JR, July 2, 1935 "Bei den Kurdischen Juden (article sur un voyage fait en 1933 que nous allons lire et traduire sous peu).


Miqve : Bord d'eau où venaient se purifier les femmes surtout la nuit avant le sabbath, car le devoir conjugal à ce moment là était un pieux devoir)  : à Amadiyya on appelait ce lieu garit alucha (bain de la prune )car des pruniers poussaient près du bâtiment dont on disait qu'il était très ancien, environné de hauts murs aussi hauts que les branches des arbres de sorte qu'il était caché. Avant on s’y rendait de nuit, car une femme ne devait pas croiser un non juif en étant purifiée.. 


Il y a ainsi l'histoire (drôle) de la femme du hakham R. Shim’on d’Amadiyya, qui alla à la rivière, avec une autre femme) une nuit d’hiver, par un vent glacial, et croisa 14 fois de suite un homme en revenant du bain (si c'était le même il devait faire une bonne blague !) et s'obstina à se rebaigner dans l’eau glacée à chaque fois, jusqu’à que sa peau pèle de froid (c'est bien "se peler au sens propre !) . À la fin elle renonça et couvrit simplement sa tête avec son châle en laissa sa compagne (qui était peut-être célibataire, veuve ou s'était dévouée aux dépens de son propre époux) la guider sur le chemin curieusement peuplé par une nuit d'hiver.



samedi, janvier 25, 2014

"Liberté pour Paolo, liberté pour tous les détenus en Syrie", Freedom for Abuna Paolo, freedom for all the detained in Syria

Cimetière de Halabja


La communauté Deir Maryam Al Adhra me fait parvenir ce message, à diffuser un peu partout :


Chers amis, 


"Dieu est ma lumière et mon salut, de qui aurais-je crainte ?" (psaume 27, chant de la lumière du matin)  

 

Le mercredi 29 janvier 2014, cela fera six mois que Paolo dall'Oglio, fondateur de notre communauté, a été enlevé et qu'il est détenu quelque part en Syrie. Nous sommes comme l'une de ces innombrables familles syriennes ou irakiennes qui souffrent de la disparition d'un proche... 

Des prières et rassemblements sont organisés dans plusieurs villes à cette date, pour dire que nous ne l'oublions pas, pour dire "liberté pour Paolo, liberté pour tous les détenus en Syrie". Nous porterons des portraits de Paolo et d'autres détenus, nous lirons des extraits de ses textes et nous partagerons l'espoir de le revoir bientôt parmi nous. L'esprit de l'événement n'est pas politique, mais solidaire et spirituel. 
Voici les rassemblements prévus à ce jour  :
FRANCE :


– Strasbourg : 18h30 place Kléber. 

–  Grenoble : Centre Saint Hughes, 313 Chemin de Billerey, 38330 Biviers, messe à 18h30, dîner à 19h (s'inscrire), prière à 19:30
. 

–  Le Mans : place de la Préfecture, devant l'Eglise de la Couture 19:30. 

– Genève : Chapelle du centre Boniface, 14, avenue du Mail, 2ème étage,  20h.
KURDISTAN :
- Souleymanié : monastère de la Vierge Marie, Sabunkaran, 17h00 
BELGIQUE :

– Bruxelles : veillée de prière islamo-chrétienne à La Viale (Chaussée de Wavre, 205) à 18h30, rassemblement place du Luxembourg à 20h30 


PAYS-BAS :

ITALIE :


- Rome : messe à Chiesa di  San Giuseppe in via F. Redi 1 - (Via Nomentana) à 19.30. 


- Bologne : Santuario Madonna del Baraccano Chiesa della Pace à 21:00. 
ROYAUME-UNI :

ALLEMAGNE :

- Berlin : St. Thomas von Aquin, Katholische Akademie in Berlin, Hannoversche Str. 5, 10115, 20h 

LIBAN :

QATAR : lieu pas encore déterminé.

Prévenez vos amis dans ces endroits et faites venir la presse si cela vous semble approprié ! 

Pour contacter les organisateurs locaux ou pour suggérer d'autres lieux, n'hésitez pas à répondre à cet email : info@deirmaryam.org  


Nous ne perdrons jamais l'espoir, 


Communauté al Khalil




.
USA :  Scranton (Pennssylvania).  University of Scranton, Chapel of the Sacred Heart. 16:00H.  Evening Prayer. 


vendredi, janvier 24, 2014

Pétition du Centre Primo Levi : des soins pour les personnes victimes de torture



À faire circuler et partager, le centre Primo Lévi a lancé en juin dernier une pétition pour que les victimes de tortures réfugiées en France puissent avoir accès à des soins adéquats :

En France plus de 125 000 personnes, réfugiées sur notre sol ont été victimes de torture ou de violence politique dans leur pays d’origine. Ces hommes, ces femmes, ces enfants originaires de Syrie, de République Démocratique du Congo, de Tchétchénie, de Tunisie…, ont vécu l’horreur : ils ont été torturés, violés, tabassés, humiliés, enfermés arbitrairement, témoins de scènes insupportables… Cherchant refuge et protection en France, ils doivent pouvoir recevoir des soins appropriés pour faire face aux blessures physiques et aux traumatismes psychiques causés par la torture, sans lesquels aucune reconstruction, aucun avenir n’est possible. Alors, si ce n'est pas déjà fait, signez la pétition !


jeudi, janvier 23, 2014

Halam Geldi (Ne me demande pas pardon)


Sortie mercredi 22 janvier du film Halam Geldi (Ne me demande pas pardon) d'Errant Kozan.


Synopsis : Akincilar, un village, à la frontière entre la Turquie et Chypre. Des exilés   kurdes originaires de Diyarbakir, venus à cause d'une opération militaire en 1974, , tentent de vivre en bonne entente avec les locaux. Reyhan et Huriye craignent de subir le même sort que les jeunes filles de leur âge : dès le début de leur puberté, elles doivent quitter l'école et se marier avec un membre de leur famille. Né à Istanbul, Halil a dû venir vivre au village, après à la banqueroute familiale et pour venir en aide à son grand-père paralysé. Chacun, d'une façon différente, subit le poids de la tradition…

Lire la critique du Monde.


mardi, janvier 21, 2014

Deux contes juifs d'Amadiyya



Deux tombes, celles que les juifs disaient être de Hazan David et de Hazan Yosef se voyaient encore dans les années 1930. C’était une ziyaret juive très célèbre attenante à la synagogue Navi Yehezqel. 
Conte de Hazan Yosef et Hazan David : 

Deux frères, Yosef et David, voyageaient comme derviches (il y avait des derviches juifs, qui allaient de ziyaret en ziyaret) et vinrent un  jour à Amadiyya.  Voyant la beauté de l’endroit, ils demandèrent au pacha la permission de s’y installer. Quand le pacha leur demanda à quelle tribu ils appartenaient, ils répondirent : « Nous sommes de la tribu de B’ne Israël. »  
Mais le pacha était un ennemi des juifs et répondit : « Je n’ai pas de place pour vous ici. » 
Alors les frères repartirent pour Bebade. Mais en chemin, ils usèrent de leurs pouvoirs magiques pour jeter un sort au pacha, de sorte que ce dernier tomba malade. 
Dans sa détresse, le pacha envoya alors des cavaliers rattraper les frères, les priant de revenir et promettant d’accéder à leur souhait. Ils revinrent, guérirent le pacha, et lui demandèrent autant de terrain que l’étendue d’une peau de bœuf pouvait couvrir. Le pacha accepta.  
Les frères prirent alors une grande peau de bœuf séchée, la trempèrent dans l’eau plusieurs jours pour la rendre souple, et la découpèrent entièrement  en un long ruban étroit. Avec, ils mesurèrent une large surface de terrain plat, sur laquelle ils bâtirent leur maison et la synagogue. »

L’histoire de Yosef Manoah est l’histoire (réarrangée en presque happy end) de la prise d’Amadiyya en 1832. Elle évoque le pillage des biens et des synagogues des juifs et combien ils eurent à souffrir, peut-être plus encore que les autres, de la chute d'Amadiyya.

Comment un juif d’Amadiyya faillit sauver la ville du Mîr aveugle : 

Dans la ville, vivait une famille du nom de Manoah, qui était si riche qu’elle possédait une table et une jarre d’or pur. Quand Mîr Kura vint assiéger Amadiyya, le chef de cette famille, Yosef Manoah, vint trouver le sheikh d’Amadiyya, Mer Sevdina, et lui dit : « N’ai pas peur de Mîr Kura. Lève une armée. Je pourvoirai à sa nourriture, à sa solde et à son équipement. »  
Amadiyya n’ouvrit donc pas ses portes au Mîr aveugle. Mîr Kura assiégea la ville sept ans durant mais ne put la prendre, pendant toutes ces années. Mais comme il occupait les vignobles et les jardins autour de la ville, celle-ci finit par souffrir de plus en plus de la famine.  
Yosef Manoah grimpait souvent sur les remparts et insultait Mîr Kura : « Pourquoi attaques-tu Amadiyya, Mîr Kura ? Cela fait sept ans que tu encercles notre ville sans pouvoir la prendre. Contre toi, j’userai de balles d’or et d’argent ! » 
Mais dans la ville régnait la famine. Alors la grand-mère de Yosef Manoah prit la dernière poignée de riz qui lui restait, et comme il ne restait évidemment plus aucune bête comestible à traire, elle tira le lait d’une chienne et fit cuire le riz dans ce lait.  
Plus aucune volaille à manger ne restait. Elle alla prendre une perdrix (les juifs gardent ces qoqwanta comme animaux de compagnie), la fit cuire comme si c’était un poulet, la posa sur le riz et envoya la nourriture au camp de Mîr Kura avec ce message : « Pourquoi restes-tu devant Amadiyya ? Tu vois que nous avons encore de tout : viande, riz et lait. » 
« C’est vrai », dit Mîr Kura. Et il commença de songer à se retirer. 
Mais à Amadiyya vivait une sorcière musulmane, si habile en son art qu’elle pouvait même traire la lune. Elle alla trouver Mîr Kura et lui dit : « C’est un mensonge. La ville n’a plus à manger. »  
Mîr Kura répondit : « Mais je ne peux pas y entrer de force. La montagne et les murs m’en empêchent ! »  
La sorcière répondit : « Creuse un souterrain ! » 
Alors Mîr Kura creusa un tunnel sous les murs, y mit des explosifs et fit sauter la muraille. Ainsi il put entrer dans la ville. Quand il fut dans les murs, il demanda le nom de ce juif qui l’avait maudit du haut des remparts. Il donna aussi les maisons des juifs à piller à ses soldats, et il vendit le butin au marché.  
Mais Yosef Manoah, qui avait échappé au Mîr, était si riche que du butin, il put tout racheter. »

Contes rapportés par Erich Brauer, dans The Jews of Kurdistan, 1993.

samedi, janvier 18, 2014

Guerre civile syrienne : impacts régionaux et perspective (3 et fin)

Le Dr. Ismaïl Beşikçi, sociologue turc militant de longue date de la cause kurde, invité pour la première fois en France, à l’occasion des 30 ans d’existence de l’Institut kurde de Paris, est intervenu pour conclure la journée. Voici la retranscription intégrale de son intervention :

« Chers amis, je vous salue tous avec respect.
Nous parlons effectivement des problèmes en Syrie. Trois États sont concernés : la Turquie, l’Arabie saoudite et le Qatar. On parle très souvent de ces trois pays, de la manière suivante :
À partir du mois de mars 2011, les événements ont commencé en Syrie, et dès le début de ces événements, au Kurdistan du Sud-Ouest, les Kurdes ont commencé immédiatement à s’organiser pour se diriger eux-mêmes et ils ont pu avancer sensiblement dans à cette auto-gestion.
Au mois de juin 2012, Assad avait commencé à retirer ses troupes de certaines aprties du Kurdistan syrien et les Kurdes, en tant que force organisée, ont commencé à prendre en charge la gestion de ce Kurdistan syrien.
Bien sûr, le fait qu’Assad retire une partie de ses troupes de cette région avait pour but de faire en sorte que la Turquie se retrouve dans une position plus difficile, peut-être cela faisait-il partie d’une stratégie. Dès le début des événements en Syrie la politique kurde en Turquie était la suivante : le renversement du régime d’Assad mais en faisant en sorte que les Kurdes ne puissent rien obtenir. C’était la politique essentielle de l’État turc à l’époque. Mais il y avait aussi un autre souhait de la part de la Turquie : l’instauration d’un régime islamiste à la place du régime alaouite.
Qu’est-ce que l’Armée libre syrienne ? Al Nusra, les Frères musulmans, etc. ou alors d’anciens officiers en provenance de ces milieux. Qu’a fait l’État turc ? Il a commencé à leur donner des armes, à leur assurer une aide matérielle, économique et financière. L’Arabie saoudite était concernée, également.
On parle du « Rojava », de cette partie du Kurdistan au sud-ouest. Tous les jours, cette auto-gestion a vu et voit le jour. Ces trois État, l’Arabie saoudite, la Turquie et le Qatar n’ont eu qu’un seul but : faire en sorte que cette auto-gestion ne puisse pas fonctionner. 
Je voudrais aborder un point un peu différent avec le Qatar, le troisième pays : de quel droit le Qatar s’ingérerait-il dans la vie des Kurdes ? Le Qatar est dans la région du Golfe, c’est un État qui une population de 300 000 personnes. Au Qatar, vous avez aussi des travailleurs immigrés en provenance du Bangladesh, des Philippines et la population peut augmenter avec cet apport immigré, mais le Qatar en lui-même, c’est 300 000 personnes, et cet État de 300 000  personne s’arroge le droit de décider de la vie des Kurdes ? Les Kurdes sont 40 millions ! 
Abdullah Öcalan avait fait une déclaration il y a quatre mois de cela, où il disait : « Au Moyen Orient, on a besoin d’un plan de route par rapport à ces 50 millions de Kurdes. » D’après moi, les Kurdes sont encore plus nombreux. Mais on ne parle pas des Kurdes à la Conférence islamique, on ne parle pas des Kurdes aux Nations Unies. On ne parle des Kurdes que quand on parle de « terrorisme », d’  « organisation terroriste », où l’on nous répond : « Oui, nous allons écraser les organisations terroristes. » Donc, que l’on soit 50, 55 ou même 60 millions, on n’en tient pas compte, l’ordre international a été établi de telle manière qu’il ne tient pas compte de notre existence. 
Quand on parle de « Question kurde », de « problème kurde », nous devons déjà voir les défauts que nous avons, que les Kurdes ont, leur type d’organisation sociétale… Mais un point est très important : il faut également tenir compte de l’ordre international quand nous parlons du « problème kurde », de la « Question kurde ». Quelle est cette « Question kurde » ? Le problème kurde a commencé en 1921, à l’époque de la Société des Nations : c’était le partage de la région du Kurdistan et retirer le droit aux Kurdes de créer leur propre État. Qui l’a fait ? Les deux puissances impériales de l’époque : l’Angleterre et la France, et deux pays du Moyen Orient, l’Empire ottoman et sa continuation, la République turque, et l’Empire d’Iran, et sa continuation avec le Shah. Ces quatre puissances, et surtout les deux puissances impériales de l’époque, ont collaboré entre elles pour se mettre sur le dos des Kurdes. 
Aujourd’hui, dans le monde, nous avons 208 États. Une grande partie d’entre eux a une population qui ne dépasse pas le million d’individus, mais ce sont des États. Certains sont membres de l’Union européenne, certains sont membres du Conseil de l’Europe, etc. Mais quand nous regardons les Kurdes, 40 millions, 50 millions de Kurdes, on ne parle pas d’eux ! L’ordre international les réfute, et il faudrait donc questionner l’ordre international existant.
Cette conférence me fait penser à la chose suivante : 1919. La Première Guerre mondiale vient de se terminer, il y a eu la Conférence de Paris, et on a procédé à la création de la Société des Nations suite à la Conférence de Paris. Le Premier Ministre de l’époque était Clemenceau. Et nous nous trouvons aujourd’hui dans la salle Clemenceau. Et cette chape qui s’est abattue sur les Kurdes a eu lieu justement à l’époque de Clemenceau !
En ce qui concerne les Kurdes et le Kurdistan, au cours des dernières années, il y a eu effectivement de grands et importants changements dont il était impossible d’imaginer qu’ils puissent avoir lieu. Par exemple, moi, en tant qu’individu, je sais tout ce qu’ont fait Bernard Kouchner, Danielle Mitterrand pour les Kurdes, et en même temps, je sais aussi qu’un grand nombre de patriotes kurdes reposent au Père-Lachaise : Yilmaz Güney, Ahmet Kaya, Abdulrahman Ghassemlou, bien d’autres… Mais il faut une grande liberté pour que la Question kurde, la question du Kurdistan puisse être résolue. Il faut une grande liberté d’expression et pas simplement pour la Turquie, pas simplement pour le Kurdistan, mais aussi pour les Français, pour les Anglais : cette chape s’est abattue sur les Kurdes de la façon que j’ai dite et aujourd’hui, il y a une Union européenne de 28 membres et dans l’Union européenne, le Luxembourg, Chypre, Malte ont des populations de moins d’un million d’habitants. Les Chypriotes turcs et les Chypriotes grecs ne font même pas un million, mais Chypre est un État, membre de l’Union européenne, membre du Conseil de l’Europe, membre de l’Organisation de la sécurité et de la coopération en Europe. Si l’on regarde les Kurdes : une population de 40 millions, 50 millions peut-être, et on n’en parle nulle part. Comment est-ce possible ? Comment cet ordre international a-t-il été établi ? Comment a-t-il vu le jour ? 
Regardons le Conseil de l’Europe où il y a 47 membres, dont Andorre, Saint-Marin, le Liechtenstein… Ce sont des États, qui font partie du Conseil européen. Ils ont 40 000, 45 000 individus au niveau de leur population, mais ce sont des États ! De quel ordre peut-on parler ? Comment est-ce que cet ordre a été établi du temps de la Société des Nations  en 1920-1921 ? Un statu-quo a été établi au Proche-Orient, qui ne reconnaît strictement aucun statut aux Kurdes. Andorre, Saint-Marin, le Liechtenstein, Monaco, 40 000, 50 000, de toutes petites populations, mais ce sont des États. Les Kurdes, avec une population aussi grande, avec un pays et un territoire aussi grand, n’ont strictement aucun statut, même le plus infime.
Pourquoi a-t-on créé la Société des Nations ? Pour la raison suivante : afin qu’il n’y ait plus de conflits entre les États ou qu’on puisse les résoudre avant que ces conflits ne se transforment en guerre ouverte, pour les résoudre avant qu’ils ne prennent de l’ampleur. C’était la raison principale de sa création. Mais la Société des Nations n’a pas réussi à atteindre son but, elle n’a pu empêcher la déflagration de la Seconde Guerre mondiale, qui a été une guerre beaucoup plus importante.
À la fin de 1920, le Cheikh Mahmoud, au Kurdistan, disait : « Je suis le roi des Kurdes ! » C’est ainsi qu’il s’annonçait à l’Angleterre. L’Angleterre, évidemment, n’a pas reconnu le roi du Kurdistan et n’a même pas autorisé un Kurdistan colonial. La Mésopotamie, les terres arabes de la région, tout cela a été partagé :pour l’Angleterre, l’Irak, la Palestine, la Jordanie, la Syrie  et le Liban pour la France. Pourquoi n’ont-ils pas établi une colonie kurde ? Un Kurdistan indépendant ou même colonial ? Tout a été partagé et déchiré. Et pour effacer totalement le Kurdistan de la carte de l’Histoire, ces quatre puissances, deux puissances impériales, deux puissances locales, se sont arrangées pour opprimer les Kurdes vivant dans cette région.
Après la Seconde Guerre mondiale, cette mentalité a perduré. Les conflits ont continué, on avait besoin d’une autre organisation pour les résoudre, et en 1945 on a créé les Nations Unies.
Après ces deux guerres mondiales, nous avons assisté à des changements fondamentaux sur la scène politique internationale. Par exemple, avant la Seconde Guerre mondiale, il n’y avait en Afrique que deux pays indépendants : le Liberia et l’Éthiopie. Tout le reste n’était que colonies. Suite à la Seconde Guerre mondiale, toutes les colonies ont gagné leur indépendance. Mais il ne se passait toujours rien au Kurdistan. L’Angleterre a quitté la région, et comme si c’était quelque chose qui lui appartenait, elle a donné le Kurdistan du sud à l’Irak. La France a ensuite quitté la Syrie, en lui accordant son indépendance et une fois encore, comme s’il s’agissait de son patrimoine personnel, elle a donné le Kurdistan du sud-ouest à la Syrie.
Il faut savoir pourquoi cet ordre international n’a jamais varié dès lors qu’il s’agit du Kurdistan. Avec plus de liberté d’expression, avec les apports, les concepts scientifiques, il faut que tout cela soit étudié, soit analysé.
Nous avons parlé des Nations Unies. La déclaration du 14 décembre 1960, qui est une déclaration d’indépendance concernant d’anciennes colonies, a quatre articles : 
Le premier, le deuxième, le troisième et le cinquième article de cette déclaration demande l’indépendance des anciennes colonies. Il est dit que s’il y a l’océan ou une grande mer entre la colonie et le pays colonisateur, le pays doit automatiquement accéder à son indépendance. Mais il y a aussi des colonies directement rattachées à un pays : par exemple, il y a le Kurdistan, rattaché à la Turquie, le Kurdistan rattaché à l’Irak, le Kurdistan rattaché à l’Iran, le Kurdistan rattaché à la Syrie. C’est dans ces régions que l’oppression est la plus forte, la plus vive. Est-ce que l’oppression était plus forte en Inde, ancienne colonie de l’Angleterre, ou est-ce que les oppressions étaient plus fortes dans la région kurde de l’Irak ? Évidemment, dans la région kurde ! Nous savons comment l’Angleterre et la France ont dirigé leurs colonies, mais aucune force impériale, aucune force colonisatrice a jamais utilisé des gaz de combat sur ses propres territoires. Elle y a peut-être pensé, mais elle n’a jamais utilisé de gaz de combat contre sa propre population. Saddam Hussein l’a fait avec une grande facilité. D’où a-t-il acquis cette force ? En regardant l’ordre international tel qu’il a été établi, en étant sûr que l’ordre international n’allait rien faire face à cette utilisation. Quand vous regardez les colonies portugaises, l’Angola, le Mozambique, la Guinée-Bissau, éloignées [du Portugal] de 10 000 km : quand vous perdez une bataille, dans ces cas-là, il faut faire venir des choses de 11 000, 13 000 km. De Bagdad, la région du Kurdistan irakien, c’est une heure de vol, même pas ! À Suleïmanieh, Saddam Hussein était déjà implanté, il pouvait bombarder le Kurdistan en cinq minutes ! 
L’oppression, la force étaient présentes dans toutes ces régions du Kurdistan, mais les Nations Unies n’y ont jamais pensé, n’y pensaient jamais. 
Le quatrième, le sixième, le septième article de la décision dont je vous parlais, faisaient référence à la souveraineté territoriale, qui s’appliquait dans le cas de l’Irak et de la Turquie. On disait que une indépendance supplémentaire constitueraient une atteinte à l’intégrité, à la souveraineté territoriale des pays concernés. L’oppression continuait de plus belle dans ces régions. Et si l’on parle de droits de l’homme, c’était encore pire, encore pire dans ces régions du Kurdistan rattachées aux pays concernés !
Et cela n’a jamais été écrit. 
Nous parlions de la Syrie. Saddam Hussein a pris les Kurdes, les a déplacés pour les envoyer de Kirkouk vers le désert. La même chose a été vécue en Syrie. Aujourd’hui, le Kurdistan du sud-ouest lutte pour obtenir une autonomie exemplaire et il doit être considéré comme un seul ensemble.

Je vous remercie de m’avoir écouté. »

vendredi, janvier 17, 2014

Guerre civile syrienne : impacts régionaux et perspectives (2)

QUELLES PERSPECTIVES




Joseph Bahout, professeur à Sciences-Po, a esquissé d’abord les effets de la crise syrienne sur le Liban, avant de passer aux perspectives politiques générale et à la conférence de Genève et de ce qu’on peut en attendre.
Ce qui distingue le Liban des autres pays de la région c’est sa forte polarisation et le clivage sunnite-chiite qui existaient avant la crise syrienne et les printemps arabes, exacerbé avec l’assassinat de Rafic Hariri en 2005 (impliquant la Syrie), d’où part la ligne de faille libanaise, voire même dès les accords de Taef et la fin de la guerre libanaise, qui consacrait une tutelle syrienne.
Trois dossiers font que le Liban a plus qu’un pied dans la crise syrienne et que cette crise est aussi la sienne :
– la question des réfugiés : Le Liban a 3, 5 millions d’habitants avec entre 800 000 et 1 million 200 mille réfugiés syriens, ce qui amène à une proportion de 1 Syrien sur 3 ou 4 Libanais dans ce pays. Cette charge démographique et sociologique devient aussi économique et  aussi politique, avec un aspect communautaire : 90% de ces réfugiés sont sunnites, menaçant l’équilibre fragile libanais 1/3 sunnite, 1/3 chiite, 1/3 chrétien. Ces réfugiés sont politisés, très anti-régime et donc hostiles au Hezbollah, et les confrontations sont déjà là.
– le passage d’hommes, de matériel, d’argent, de réseaux combattants entre le Liban et la Syrie, et ce des deux côtés : le Hezbollah a des dizaines de milliers de combattants en Syrie qui traversent la frontière tous les jours ; des réseaux de combattants djihadistes sunnites radicaux partent aussi du nord et de la Bekka ouest, partant se battre à Homs, Idlib ou ailleurs. Un autre flux a contrario menace d’enflammer certains villages sunnites de la Bekaa ouest, dans une région à majorité chiite : des combattants de l’Armée syrienne de libération cherchent à y installer des bases arrière, dans une « promiscuité inflammatoire », avec des familles de combattants de lASL, des officers ou des cadres venant se réapprovisionner, se réalimenter ou se reposer, dans une sorte de maquis, que le Hezbollah se promet de réduire ce qui permet de prévoir une propagation du conflit syrien dans le territoire libanais dans les prochains mois.
– le facteur financier : le Liban retrouve par le biais de son secret bancaire et de son système financier un flux financier qui risque à terme de fragiliser sa structure. Pour des raisons techniques, une grande partie de l’aide financière apportée à l’ASL par des pays du Golfe et d’ailleurs transite par le Liban. Une partie du secteur bancaire libanais utilise le secret bancaire pour sortir et même « blanchir » une très grande partie du capital de la nomenklatura syrienne. Une très grosse partie des fortunes du régime et notamment du clan Assad passe par des banques libanaises, soit pour y rester soit pour passer dans d’autres pays. Depuis un an le système bancaire libanais est sous la pression des instances internationales et du Trésor américain pour instaurer une plus grande transparence. Mais les banquiers redoutent qu’en cédant sur ce point ils perdent tous les capitaux (du Golfe et d’ailleurs) que leur amène le système du secret bancaire libanais, si celui-ci apparaissait ne plus être aussi fiable. 
Le Liban n’est plus au bord de la guerre syrienne, il est déjà dans cette guerre, même si c’est une guerre qui ne prendra pas forcément les formes de la guerre civile de 1974-1975. C’est une guerre larvée, de renseignements, d’assassinats, de voitures piégées.
Il y a risque d’un certain triomphalisme que l’on voit déjà à l’œuvre dans le camp pro-régime syrien pro-Iran au Liban qui interprète comme une victoire définitive la récente contre-offensive très relative de l’armée syrienne sur le terrain et l’accord P 5+ 1 avec l’Iran, ce qui peut provoquer en face, dans la ligne pro saoudienne pro résistance un mouvement de réaction (attentat contre l’ambassade d’Iran à Beyrouth et assassinat de membres de renseignements du Hezbollah) qui peut entraîner une confrontation de plus en plus violente.
Si le régime syrien avant Genève II va jusqu’au bout dans sa reconquête de Damas, techniquement, militairement et logistiquement il devra mettre en œuvre une bataille sur le terrain libanais en coupant les lignes d’approvisionnement des djihadistes et des rebelels syriens.
La question des réfugiés est appelée à s’exacerber. Le rapport de la Banque mondiale dit que dans les meilleures conditions possibles, le nombre de réfugiés syriens, de 5 à 7 millions aujourd’hui doit doubler en 2014. La moitié de la population sera déplacée, dont 2 millions au Liban, un pays de 3-4 millions d’habitants.
La recrudescence des assassinats politiques va se greffer sur un vide politique : le gouvernement est démissionnaire et sans remplaçant, le mandat du Parlement a expiré en juin dernier et il n’y a pas d’élections en vue, le mandat du commandant en chef de l’armée a expiré, et dans trois mois, le mandat du président de la république aura aussi expiré, sans élection possible à organiser.
Les perspectives politiques de Genève II : Il faut avoir très peu d’attentes et être très peu optimiste. On ne sait toujours pas quelle est la base textuelle de la conférence. Pour une partie des acteurs internationaux, Genève II est censée mettre en œuvre Genève I qui dit qu’il y a nécessité de former une instance collective transitoire » agréée par les deux parties, qui devra gérer les institutions syriennes (dont les institutions sécuritaires et militaires, en attendant une transition politique complète (ce qui sous-entend pour les uns le départ de Bachar Al-Assad). Mais si le rapport de forces continue à être bloqué sur le terrain entre les  deux parties, il faut en attendre très peu, sinon une suite d’accords temporaires, à caractère humanitaire, comme au temps de la guerre libanaise, qui accompagneront le conflit jusqu’à une solution politique.
Les parties architectes de Genève I (USA et Russie) ont moins de leviers sur les acteurs réels du terrain qu’ils l’ont laissé entendre : montée en puissance des combattants radicaux au sein de l’ASL, et rapprochement du régime syrien avec l’Iran plus qu’avec la Russie. 
Est-ce qu’au moment de l’accord définitif avec l’Iran après les négociations de P 5 + 1, l’Iran sera « assagi », rentrant dans le concert des nations et le prouvant sur le terrain syrien ou est-ce qu’il continuera de soutenir un régime qu’il considère comme « sa barricade avancée » dans son bras-de-fer avec l’Occident ? Dans ce cas Genève II ne sera qu’un petit appendice de ce qui est appelé à se jouer ailleurs.

Pour le géopoliticien Gérard Chaliand, le conflit syrien est tri-dimensionnel, avec une dimension internationale (Russes vs USA et Europe), une guerre civile entre une dictature et une population majoritaire de sunnites qui s’oppose à un pouvoir confisqué par 15% d’Alaouites et d’autres fractions minoritaires. La troisième dimension est celle d’un conflit généralisé entre chiites et sunnites où le rôle de l’Arabie saoudite est central depuis la fin de la colonisation, avec une réislamisation militante du Proche Orient, un accroissement démographique (300 millions contre 30  millions en 1920). 
Les Saoudiens se sont opposés très tôt à tout nationalisme pseudo-séculier (nassérisme, baathisme) et la manne à partir de 1973 va leur donner une influence qui va de l’Afrique tropicale jusqu’à l’Indonésie, via des madrassas et des mosquées. La révolution khomeiniste de 1979 est pour eux un coup très dur : des non-Arabes, chiites, prétendent incarner la révolution anti-impérialiste et musulmane à l’échelle mondiale. L’intervention soviétique en Afghanistan leur permet, avec le Pakistan et le soutien de la CIA, d’organiser un « djihad sunnite », celui des Moudjaïdin, alors que les Iraniens aident les Azaras chiites. Puis les Russes se retirent, les USA se désintéressent de l’Afghanistan et il reste sur le terrain ces milliers de combattants, organisés et armés, idéologiquement formés par les Pakistanais se replient au Soudan, en Bosnie, au Cachemire, etc. 
Quand le communisme européen s’effondre en 1989-1991, ainsi que l’Union soviétique, et que les Américains triomphent en se voyant comme l’unique puissance mondiale, les ex-djihadistes sont toujours actifs : en 1995-1996, les attentats de Ryad et de Dharhan passent à peu près inaperçus des services américains, même si 24 soldats américains perdent la vie.
2001 donne aux conservateurs américains l’occasion extraordinaire d’imposer leur agenda et de « remodeler le grand Moyen Orient » : expédition en Afghanistan, guerre en Irak. La fin du régime en Irak y porte les chiites au pouvoir (ce qu’avait évité George Bush senior). Le Hezbollah se renforce, notamment contre Israël, et c’est actuellement la meilleure force combattante arabe.
Le conflit en Syrie est une « coagulation » de la lutte entre chiites et sunnites, avec la volonté des Saoudiens d’affaiblir l’Iran et la difficulté pour ce dernier d’échapper au « ghetto ». Avec une suite d’erreurs politiques, de Khomeiny à Ahmadinejad, les iraniens sont d’ailleurs bien moins puissants qu’en 1975.
Aujourd’hui, en Syrie, l’Armée syrienne de libération ne représente plus grand-chose et la Turquie, depuis le sommet de Doha en 2012, a compris que les pays arabes ne la laisseraient pas intervenir militairement dans une affaire « purement arabe ». La montée des salafistes-djihadistes est très nette, et ils tiennent une bonne partie de la frontière turco-syrienne, appuyée par l’Arabie saoudite et un certain nombre de pays du Golfe.  La guerre civile va durer et les négociations se livrent entre les USA et l’Iran, mais de part et d’autres, à Washington comme à Téhéran, beaucoup sont opposés à ces négociations et la population de Syrie en paie le prix, sans compter les débordements vers le Liban.
Si les salafistes gagnent en importance, en Irak, Nouri Al Maliki verrait son pouvoir de plus en plus menacé. Quant aux Kurdes, ils risquent d’être aussi dans leur ligne de mire, car pour un salafiste, un Kurde n’est pas un sunnite, c’est d’abord un Kurde.

Peter Galbraith, ancien ambassadeur des États-Unis en Croatie, spécialiste des Balkans et du Proche-Orient, commence par évoquer Harold Nicolson, historien de la diplomatie et jeune diplomate à la fin de la Première Guerre Mondiale, qui relate dans ses mémoires la conférence de Paix de Paris, quand voyant Georges Clémenceau et Lloyd Georges, recartographier l’Anatolie, il s’est aperçu ils confondaient carte topographique et ethnographique pour distinguer Grecs et Turcs en se fiant aux vallées/montagnes. C’est avec cette même « ignorance crasse et nonchalance » que l’on a tracé les frontières au Proche Orient. C’est le centième anniversaire de Mark Sykes, qui se définissait lui-même et à juste titre comme « amateur » et Georges Picot ne valait pas mieux, auteurs du fameux accord qui a tenu 100 ans mais est en train de disparaître.
Actuellement, le régime chiite à Bagdad, qui ne jouit pas de la confiance de la population sunnite, soutient les Alaouites et Assad, tandis que les sunnites d’Irak soutiennent les sunnites de Syrie qui souhaitent faire redémarrer la guerre civile en Irak ; au nord, il y a un Kurdistan pacifié en Irak, et la partie la plus pacifiée de la Syrie, le Kurdistan en Syrie.
Dans les relations internationale, la forme suit la fonction : quand les États de Syrie et d’Irak n’existeront plus en tant qu’États, ce qui est finalement déjà le cas, au fil du temps, la forme de l’État va changer et c’est encore plus évident au Kurdistan d’Irak.
Au Kurdistan, il y aune population qui, de façon unanime, souhaite l’indépendance. Il y a un gouvernement, à Erbil, qui a dit à de nombreuses reprises : « Si la constitution de l’Irak, qui a été élaborée à dessein pour donner au Kurdistan une indépendance de facto, avec son propre Parlement, sa propre armée, son président, le contrôle de son économie, y compris celui des ressources naturelles, le droit d’exercer son veto pour les lois fédérales, si cette constitution ne prend pas forme, eh bien le Kurdistan quittera l’Irak. » Or cette constitution n’est pas mise en œuvre, ce n’est même plus la  question de savoir si cela va se produire, cela se produira dans une avenir pas si lointain et le reste du monde doit se faire à cette idée. Actuellement, à Bagdad, la politique étrangère soutient Assad, à Erbil, on souhaite travailler avec les Kurdes de Syrie et se placer du côté de l’opposition, et ne suivent pas la politique officielle de Bagdad.
Au moment des Printemps arabes, on citait 1989, la fin rapide du communisme en Europe, en oubliant que 1989 a été suivi de 1991, où la carte élaborée à Versailles s’est désintégrée, avec la disparition de pays comme la Tchécoslovaquie, la Yougoslavie…
Les États-Unis ont été peut-être le pays le moins capable de reconnaître la réalité et de s’y adapter. Si l’on parle du Kurdistan à un public américain, la première question qu’il pose est : « Qu’en est-il de la Turquie ? » Dans le Sud-Est de la Turquie c’était un crime de parler de Kurdistan et des Kurdes et dix ans après l’invasion américaine de l’Irak, le plus grand soutien et allié de facto du Kurdistan, c’est la Turquie. Et l’oléoduc qui va permettre au Kurdistan d’exporter son pétrole vers la Turquie partira non pas de Bagdad mais du Kurdistan, ce qui est compréhensible : Les Kurdes en Irak on construit un État important, puissant, et dans ce cas, d’autres États s’intéressent forcément à votre situation. Une fois de plus, la forme suit la fonction : le gouvernement turc reconnaît le Kurdistan comme un partenaire économique, la plupart des investissements au Kurdistan irakien émanent de la Turquie.
Mais cela ne dit pas toute l’histoire : au Kurdistan irakien, la Turquie est confrontée à une population qui souhaite être démocratique, laïque, une population qui ne fait pas partie du monde arabe sunnite, ni du monde chiite dominé par l’Iran. Ces facteurs contribuent au refaçonnage du Moyen-Orient. La politique américaine se fondait sur l’idée d’un Irak unifié et fort, cette idée vole en éclat. Les USA s’opposent à cet oléoduc, ce qui indique qu’ils n’ont pas l’influence qu’ils croyaient avoir sur la Turquie et le Kurdistan.
Cela se voit aussi sur la situation en Syrie : les États-Unis, la Russie, les États européens ont une aptitude tout à fait limitée à façonner les événements en Syrie. Du fait du rôle de l’Iran, et de sa présence sur le terrain, le Hezbollah a plus d’influence. Les conservateurs américains disent qu’Obama a laissé passer l’occasion d’armer les combattants de l’ASL sur le terrain, mais c’est stupide, car l’ASL n’aurait jamais joui du soutien des USA pour détrôner Assad dans une opération militaire et non dans un soulèvement populaire. Dès que le conflit a pris un caractère militaire, c’est devenu un conflit sectaire et confessionnel. Le gouvernement américain n’a rien fait pour aider 40% des Syriens qui ne sont pas sunnites. Si vous êtes un Alaouite, même si vous n’aimez pas Assad, quel est votre avenir dans un tel pays ? La seule possibilité est de rester aux côtés du régime, faute de quoi un génocide pourrait se profiler, comme cela s’est passer en Bosnie.
S’agissant des Kurdes, l’opposition n’a rien fait pour reconnaître les revendications kurdes d’auto-gouvernance. Inutile donc de s’étonner que les Kurdes soient un peu entre deux feux. 
Il est donc difficile pour des acteurs extérieurs de façonner l’issue du conflit. Pour conclure, il est faux de dire que George Bush a échoué à refaçonner le Proche Orient. Il l’a fait, mais pas dans le sens où il le souhaitait. Si l’on buvait du champagne à Téhéran, c’est  à lui que les Iraniens trinqueraient !
Les États-Unis vont, au fil du temps, admettre la réalité et cette carte changeante du Proche Orient. Il y a quelques années, dans les cercles politiques et diplomatiques américains, la question d’un Kurdistan indépendant était hors de propos. Aujourd’hui, ils avouent préférer que cela ne se passe pas ainsi… du moins pas avant la prochaine administration ! C’est la même chose avec les Turcs qui disent désormais qu’un Kurdistan indépendant n’est pas « souhaitable, mais… ».
Les acteurs extérieurs doivent avoir un objectif : celui de ne pas penser qu’ils peuvent façonner la résolution du conflit, mais en revanche mettre l’accent sur la réduction de la violence voire son évitement, autant que faire se peut, ne pas promouvoir les politiques favorisant cette violence et établir des normes punitives à l’égard de cette violence. On pourrait faire en Syrie ce qui a été fait en Bosnie : mettre l’accent sur les crimes de guerre et le fait qu’il y aurait des sanctions. Il faut avoir cette même position devant ce qui se passe en Syrie afin de réduire le nombre des victimes.

Fuad Hussein, directeur du cabinet présidentiel du Kurdistan d’Irak, a rappelé que le conflit syrien avait un impact direct sur le Kurdistan d’Irak, d’abord du fait qu’aujourd’hui il y a environ 250 000 réfugiés venus du Kurdistan syrien, en majorité des Kurdes, mais aussi un nombre élevé de chrétiens. Ils ont fui pour des raisons de sécurité mais aussi en raison dune absence totale d’infrastructures et de services publiques. Le GRK doit faire face à cette arrivée de réfugiés.
L’autre raison de cet impact est que la Syrie abrite des Kurdes. Nous sommes solidaires de leur cause, nous essayons de contribuer à l’organisation du mouvement kurde, de le rendre uni et fort, afin de défendre leurs propres droits à un niveau politique et sur d’autres plans.
Ce qui se passe en Syrie a aussi un impact sur le Kurdistan d’Irak car cette guerre est liée au déploiement d’Al Qaeda sur la frontière entre laTurquie et la Syrie. Al Qaeda a proclamé la création d’un État islamique syrien et irakien. Il s’agit d’un mouvement très actif à Mossoul, Tikrit, et dans les régions sunnites d’Irak et ce qui se passe en Irak a un effet sur le Kurdistan irakien et ses frontières, tout comme es interactions entre la réalité et irakienne.
La situation kurde dépend aussi de ce qui se passe en Turquie, avec laquelle nous avons de bonnes relations. Nous cherchons à exercer une influence sur sa politique envers ses Kurdes.
La « politique kurde » du GRK, s’il y en a une, est d’exercer une solidarité envers ses compatriotes, en Turquie, en Syrie et ailleurs. Avec le soulèvement en Syrie, à son début, nous avons encouragé les Kurdes à se rassembler, à une époque où ils étaient fortement divisés. Nous avons encouragé les différentes factions à fédérer leurs efforts et la première étape a été la création du Conseil national kurde (CNK) : c’est environ 16 organisations qui se sont fédérées au sein de ce Conseil.
Il y a eu ensuite deux blocs kurdes en Syrie : le CNK et le PYD. Le PYD est devenu actif plus tardivement, et s’est organisé politiquement et militairement. Nous avons invité l’année dernière le CNK et le PYD à signer les accords d’Erbil, pour créer une organisation fédératrice. Cet accord a échoué malheureusement pour toute une série de raisons et cela a renforcé les tensions entre ces deux représentations, au sein de la Syrie comme à l’extérieur des frontières. « Aujourd’hui nous essayons encore de les mettre autour d’une table afin qu’ils négocient, en vue de la Conférence de Genève II en janvier. »
Quant à la Syrie, en discutant avec les représentants politiques kurdes de la Syrie, plusieurs scénarios ont été étudiés, dès le début du conflit civil. Le GRK a estimé que les Kurdes devaient rejoindre ce mouvement dont les Kurdes de Syrie étaient d’ailleurs précurseurs en 2004. Il s’agissaient de se situer comme les « opposants premiers » à ce gouvernement. Dès le début, il y a eu des manifestations dans les zones kurdes, même si les slogans avec lesquels les Kurdes défilaient étaient différents du reste del ’opposition. Les slogans des Kurdes étaient en faveur de la reconnaissance des droits des Kurdes et de leur dignité contrairement aux slogans anti régime de l’opposition. À l’époque, les dirigeants kurdes avaient uniquement pour objectif de défendre les droits des Kurdes, et non de rejoindre l’opposition et l’ASL. À l’époque, l’objectif était de protéger les zones kurdes.
La troisième étape n’était pas de rejoindre à l’étranger les rangs de l’opposition qui ne reconnaissait pas les droits des Kurdes. Cette reconnaissance était un pré-requis.
Aujourd’hui, il y a plusieurs scénarios discutés : si la Syrie connaît une transition vers la démocratie, quel serait l’impact pour les Kurdes ? Quel impact de même aurait la division de la Syrie ? ou si la guerre se pérennise, avec une libanisation du conflit, pendant plus de 15 ans. La Syrie peut être aussi un État en faillite. Avec les dirigeants kurdes de Syrie, les débats se sont focalisés sur l’exemple du Printemps arabe qui n’a été un printemps véritable pour aucun Arabe, il suffit de voir aujourd’hui ces États en faillite que sont l’Égypte, la Libye, le Yémen. La Syrie peut devenir ainsi, avec un gouvernement central sans pouvoir et des groupes locaux ayant assis leur pouvoir dans différentes régions.
Quand on regarde la carte de la Syrie aujourd’hui, il y a un régime en place soutenu par divers groupes au sein de la Syrie et par d’autres alliés régionaux. Le conflit a une dimension régionale, nationale et internationale : dans sa dimension nationale, il faut noter le rôle joué par le Hezbollah et d’autres groupes irakiens ; du côté de l’opposition il y a un soutien externe venant de pays occidentaux, arabes, qui contribuent au mouvement de résistance au régime. Il y a également l’Armée libre syrienne, avec un rééquilibrage constant entre elle et les groupes terroristes. Mais ces derniers semblent gagner du terrain. Ce qui était auparavant de petits groupuscules aujourd’hui sont de grands mouvements qui contrôlent des territoires entiers. Il y a des interactions entre les groupes actifs en Syrie et ceux actifs en Irak.
Quant à l’opposition en exil il s’agit principalement d’intellectuels, d’universitaires, mais aussi des Frères musulmans. Elle est donc également divisée. S’il y a une Coalition, c’est une coalition  qui a été « forcée » par les pays voisins. Dans leurs discussions en interne, il n’y a aucun consensus. C’est le cas pour Genève II. Et à ce jour il n’y a toujours pas de position et il est encore possible que le Conseil national syrien boycotte le sommet. Le problème est ce manque d’unité, entre l’opposition syrienne à l’étranger, celle sur le terrain et celle entre les partis politiques kurdes en Syrie.
Le conflit va probablement s’enliser et Genève II sera l’occasion d’un grand événement médiatique au service des puissance occidentales mais sans impact sur le terrain, et on s’attend à un Genève III, IV, V… Les problèmes continueront en Syrie, avec cette division entre ce qui se passe sur le terrain et ce qui se passe au niveau de la communauté internationale.
Que faire ? La priorité est de protéger son territoire et éviter de prendre part à ce conflit généralisée car la voie à suivre n’est pas clair : ce conflit a dépassé les frontières régionales, est devenu un conflit international et la coopération entre les Kurdistan syrien et irakien continuera : « Nous considérons que c’est une devoir national et de solidarité que d’aider nos frères kurdes en Syrie. »

Bernard Kouchner, ancien ministre français des Affaires étrangères et européennes, donne d’abord quelques bases :
Au Liban, un des problèmes majeurs est celui des réfugiés : c’est le plus grand exode depuis la Deuxième Guerre mondiale. Il n’y a pas d’aide pour ces réfugiés, et c’est un problème très lourd pour le pays, où la guerre civile est déjà là. Il y a un danger majeur d’éclatement, même si les Libanais, forts de leur expérience, feront tout pour l’empêcher. 
Dans ce pays, comme dans tous, il y a le spectre d’Al Qaeda, qui est tout autour de la région et cela devient une préoccupation majeure des musulmans qui s’effraient de voir l’emprise d’Al Qaeda sur les éléments les plus jeunes, parce qu’ils n’ont pas d’autre idéal.
Pour les Kurdes : le désir d’une autonomie plus grande ou d’une indépendance demeure, particulièrement au Kurdistan d’Irak. Est-ce maintenant qu’il faut se déclarer ? Les Kurdes pourraient ainsi maintenant proposer une « confédération », c’est-à-dire plus d’autonomie, une réelle indépendance en ce qui concerne le propre destin de chacune des entités, sur le plan militaire, économique, etc., ce qui est le modèle, même si encore critiqué, de l’Union européenne. 
Mais l’union politique des Kurdes est très difficile. « Il faut rassembler, entre ces deux entités kurdes, irakienne et syrienne, le plus possible de canaux de discussion et de travail commun […] J’ai visité les camps de réfugiés au Kurdistan d’Irak, je n’ai jamais vu de camp aussi bien tenu. Je n’ai jamais vu de camp où, dès que vous avez la petite carte, vous pouvez sortir, entrer, travailler, etc. Ça ne peut pas durer éternellement, mais c’est très bien organisé […} Travailler à conforter les situations humaines et faire que les deux entités soient proches l’une de l’autre est absolument essentiel. »
Dans une perspective d’indépendance, de souveraineté du peuple kurde, dont il rêve et qu’il mérite depuis si longtemps et ce qui lui a été promis par un certain nombre de conférences historiques, il y a les difficultés du côté iranien, du côté turc, mais les choses bougent : il n’y a qu’à voir la cérémonie récente à Diyarbakir, inimaginable à une époque, comme l’était alors le développement aujourd’hui des villes d’Erbil et de Sulaïmanieh et leur croissance de 10%.
Par contre, l’opposition, la confrontation, les violences entre chiites et sunnites sont une des bases, sinon la base, de ce qui se passe dans tout le Moyen Orient et il serait temps de le reconnaître. 
La situation quotidienne à Bagdad, c’est une dizaine de morts par jour. Cela me pourra durer longtemps et l’État irakien ne peut plus perdurer comme les Américains l’auraient voulu, c’est un échec absolu.
Même à l’intérieur du Kurdistan d’Irak (la guerre civile n’est pas si loin dans le temps) il y a encore des difficultés. Jalal Talabani ne pouvant plus jouer un rôle politique, il y a un déséquilibre. Les élections se sont bien déroulées et un gouvernement va se former, mais il y a des tentatives, de part et d’autre, de déstabilisation.
Nous avons assisté à un renversement complet de la politique américaine au Moyen Orient : Les expéditions militaires sont terminées, l’intervention qui aurait dû être faite en Syrie n’a pas eu lieu. Les Américains espèrent une détente avec l’Iran avec l’avènement de Rouhani. 
C’est le moment pour les Kurdes d’affirmer leur volonté avec l’idée d’une confédération tripartite (kurde, sunnite, chiite). On commence déjà à ne plus pouvoir se passer des Kurdes dans la région et ils devraient pousser leur avantage, en unissant plus clairement les forces politiques des Kurdes de Syrie et d’Irak.

Bernard Dorin, ancien ambassadeur de France conclut sur l’idée que cette guerre en Syrie est une guerre purement religieuse entre Arabes et non politique, idéologie ou ethno-linguistique, excepté les Kurdes.
Cette guerre de Syrie a la particularité de voir les ultra-minoritaires qui oppriment les majoritaires, d’autant que les Alouites sont considérés comme des hérétiques en islam, même pour les chiites duodécimains.
Cette guerre est interminable, de par l’équilibre des puissances des deux côtés, et des alliances étrangères qu’ils ont (Russie et Iran d’un côté, Arabie saoudite de l’autre côté), donc des quantités de morts, des haines et des représailles inévitables.

Aussi dans le long terme, il faudrait revenir à la solution géniale des Français en 1920, au moment du Mandat syrien, ayant compris qu’en Syrie il y avait des religions qui ne pouvaient pas s’accommoder entre elles. Ils prévoyaient donc une République syrienne avec Damas pour capitale, une république druze au sud, une république alaouite dans la région de Tartous-Lattaquié, et il faudrait y ajouter une république kurde. Il y aurait ainsi une fédération ou une confédération syrienne avec 4 « États » ou « républiques » ou « régions », le nom importe peu mais ce qui importe c’est qu’elle soit à l’image de la Région du Kurdistan d’Irak. Ce serait un pas de plus, et un pas important, vers l’unité globale de la nation kurde qui, rappelons-le, est la plus grande nation sans État. À plus ou moins long terme, l’idéal serait un Kurdistan à 4 « régions » autonomes qui formeraient une confédération qui réunirait le peuple kurde, sinon en un seul État, du moins en une seule entité.

Concert de soutien à l'Institut kurde