jeudi, mai 30, 2013

Kurd Men For Equality



Un juge de la ville kurde de Mariwan, une ville moyenne ( moins de 100 000 habitants) de la province du Kurdistan d'Iran,  a déclenché une campagne internationale sur Internet après avoir prononcé un châtiment inhabituel, en guise « d’humiliation publique ».
Le 15 avril, un délinquant condamné pour des faits mineurs a été promené dans toute la ville, sous escorte policière, déguisé avec le tchador rouge des femmes de Mariwan. 
La ville a immédiatement pris parti contre le juge et l’ Association des femmes kurdes de  Mariwan a manifesté contre le caractère méprisant et sexiste de la condamnation qui fait du genre féminin un signe d’humiliation et d’infériorité en général, et contre la femme kurde en particulier, puisque les vêtements portés de force par le condamné étaient une tenue traditionnelle. La police est intervenue brutalement pour disperser quelques centaines de manifestants et, selon des témoins, plusieurs femmes ont été sérieusement blessées.
Mais la diffusion, sur le web, de la vidéo montrant le défilé policier encadrant le condamné exhibé en tchador a déclenché l'indignation bien au-delà de Mariwan et même d’Iran, devenant en quelques jours un «buzz» international et donnant naissance à une campagne initiée, cette fois, par des Kurdes de sexe masculin, « Kurd Men For Equality » : Massoud Fatihpour s’est d’abord fait photographier en portant des vêtements féminins kurdes, et en brandissant une pancarte : « Être une femme n’est pas un moyen d’humilier ou de punir quiconque »  ; très vite, des centaines d’autres ont suivi le mouvement et ont posé de la même façon, avec le même slogan, dans leur page facebook ou d’autres déclarations similaires.
Il est vraisemblable que ni les féministes kurdes ni le juge ou même le gouvernement iranien n’avaient prévu l’ampleur prise par cette campagne qui dépassa très vite les milieux kurdes. En quelques jours, près de 10000 photos étaient diffusées sur la page facebook de Kurd Men for Equality et les Kurdes étaient bientôt rejoints par des hommes de tous pays et de toutes origines, se faisant à leur tour photographier avec des vêtements féminins et brandissant le même message.
Dans le même temps, alors que toutes les manifestations dans les régions kurdes d’Iran sont extrêmement réprimées par les autorités, des apparitions publiques de jeunes Kurdes vêtus en femmes se poursuivent dans les rues de quelques villes kurdes, comme en témoignent les clichés qu’ils envoient sur les réseaux sociaux.
Une campagne semblable avait déjà eu lieu sur Internet, en décembre 2009, quand un étudiant iranien, Majid Tavakoli, un des leaders du mouvement de la révolution verte, arrêté le 7 décembre, avait été photographié affublé par les Pasdaran d’un voile féminin, afin de le ridiculiser : les Gardiens de la révolution l’accusaient d’avoir tenté de fuir déguisé en femme, ce que contestaient d’ailleurs les témoins de son arrestation. 
La photo avait été publiée par l’agence Fars News, proche du gouvernement, qui en faisait un parallèle avec la figure de Banisadr, le premier président de la république islamique, accusé lui aussi, en son temps, d’avoir fui sous des vêtements féminins. Mais loin de discréditer le prestige de Tavakoli, le cliché, montage ou non, avait immédiatement été détourné de son but premier par des centaines d’Iraniens dans le monde, qui se sont fait tous photographier dans leur profil facebook, ou sur Twitter, ou filmés dans des vidéos diffusées sur You Tube, vêtus de tchador, avec le message : « Nous sommes tous Majid ». Parmi eux, des personnalités en vue, tels que Hamid Dabashi, professeur à l’université Columbia, ou Ahmad Batebi, le leader étudiant des révoltes de 1999, qui vit aujourd’hui aux États-Unis. Enfin, des portraits de Khamenei et d’Ahmadinejad avaient également circulé affublés du même tchador. 
La spécificité de la campagne Kurd Men For Equality est de protester contre le mépris dans lequel la république iranienne tient les femmes mais aussi ses minorités ethniques, dont les Kurdes, particulièrement réprimés, tout comme les Baloutches ou les Arabes du Khuzistan. Le gouvernement iranien ne s’y est pas trompé, en qualifiant cette action « ridicule » d’être menée par des « séparatistes sous prétexte de défendre les femmes kurdes. » 
Les prochaines élections présidentielles en Iran se dérouleront le 14 juin. Les candidats se sont inscrits le 5 mai et leur candidature a été examinée par le Conseil des Gardiens de la Constitution, qui a publié la liste finale des agréés le 21 mai. Une trentaine de femmes iraniennes s'étaient portés candidates, même si la loi ne leur permet pas de participer.

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