jeudi, avril 18, 2013

Kurdistan et diaspora kurde : 1983-2013 ( résumé des interventions) 2ème partie





Le 23 février 2003, l’Institut kurde de Paris fêtait ses 30 ans d’existence et avait organisé, à cette occasion, un colloque à l’Assemblée nationale intitulé : 


La seconde table ronde était modérée par  M. Kendal Nezan, président de l'Institut kurde de Paris et avait pour thème La société kurde au tournant du millénaire, avec les interventions de  Mme Nazand Begikhani, Université de Bristol , M. Khalid Khayati, Linköping University,  M. Philip Kreyenbroek, Université de Göttingen,  M. Ephrem-Isa Yousif, philosophe et écrivain.

Nazand Begikhani, Université de Bristol (absente, intervention lue par Mme Khanna Omarkhali), « La question féminine au Kurdistan et dans la diaspora ».

Les crimes d’honneur dans la région du Kurdistan d’Irak et dans la diaspora ont fait l'objet de recherches financées par le Gouvernement régional du Kurdistan, sur la base de ses travaux de terrain.

Les crimes d’honneur se produisent au sein d’une famille ou d’une communauté qui permettent ces agressions. Ces travaux de recherche ont été initiés après la lapidation de Doa Khalili, une adolescente yézidie au Kurdistan irakien. Le Premier Ministre de la Région, a lancé plusieurs mesures pour lutter contre ce fléau, dont une enquête d’évaluation. 

Il est important d’élaborer une comnpréhension de ce que veut dire ‘honneur’. Le collectif, famille, clan, nation ont des codes avec échelle d’honneur ou de désohonneur. Les femmes doivent être chastes, obéissantes et pudiques. Il y a des attentes sur leur tenue vestimentaire, l’amour, le mariage, le divorce.  Des relations romantiques, le fait d'être vue en compagnie masculine, la perte de  la virginité avant le mariage les mettent en danger, d'où une pratique de dissimulation par peur des observations, cancans, rumeurs. La société en souffre dans son ensemble, pas seulement les femmes. 

Il n'y a pas de chiffres précis de ces crimes d'honneur, mais ils sont très répandus au Kurdistan irakien, ils sont même quotidiens, même si les choses changent très lentement :  La pratique est peu à peu stigmatisée comme un ‘déshonneur’ et non plus un honneur. Plus de 50 ONG travaillent sur les violences faites aux femmes : information, militantisme, protection (foyers de refuge), mais ces services sont surchargés et susceptibles d'être attaqués par les familles des victimes.
Les crimes d’honneur n’étaient pas intégrés dans les programmes politiques du GRK, sauf ces dernières années, qui ont vu les premiers jalons des luttes contre ces pratiques, ce qui donne au Kurdistan irakien un rôle clef, même si ces crimes restent endémiques dans le spectre plus large des violences faites aux femmes, violences elle -mêmes comprises dans un contexte de violence politique et historique, d’où les progrès lents. 

Les crimes d’honneur sont une manifestation des inégalités hommes-femmes qui contribuent à renforcer cette inégalité.

Ephrem-Isa YOUSIF,  « Les christianismes au Kurdistan » : Il y a une présence très ancienne du christianisme en Mésopotamie, et les villes qui sont aujourd'hui kurdes furent des berceaux du christianisme, avec un rôle éminent des traducteurs syriaques dans la transmission des classiques grecs, en Irak comme au Kurdistan. Mais une chute spectaculaire de la présence chrétienne en Mésopotamie a lieu après les invasions mongoles, ou celle des Timourides et aussi avec les grandes épidémies (peste noire). On voit alors le repli alors des chrétiens dans les montagnes et régions kurdes, Hakkari, Soran, Baban, etc. 90% de ces chrétiens sont, sous l’empire ottoman, au Kurdistan, avec une grande proximité de culture avec leurs voisins.

Au moment de la résistance kurde en Irak, des chrétiens se placent aux côtés de Barzani et participent à la révolution pour demander des droits pour le Kurdistan. Ils s’intègrent aux peshmergas dès la première heure, au pays comme à l'étranger. Aussi, après les accords d’Alger en 1975 et le départ de Barzani, il y a représailles de Bagdad. Parmi les 4000 villages détruits, il y a 182 villages chrétiens. L’Anfal concerne aussi les chrétiens du Kurdistan. Durant l’exode de 1991, ils fuient avec les Kurdes et se retrouvent avec eux dans les camps de Turquie.

Dans la région autonome, les chrétiens du Kurdistan reviennent ensuite avec les Kurdes et on assiste à une renaissance chrétienne au Kurdistan, à partir de 1993. L'enseignement de la langue araméenne est encouragée par le gouvernement kurde, des partis politiques assyriens ou chaldéens se forment. 

Le gouvernement autonome encourage aussi la culture des chrétiens avec des centres culturels, ou le lycée de Mgr Rabban à Duhok, ouvert à tous, où l’on enseigne le kurde comme l’araméen aux élèves des deux sexes et de toute origine. Il y a 3 ans, fut créée la Direction de la culture et des arts syriaques à Ankawa, avec des bureaux à Duhok et Suleymanieh. Il y a un an et demi, un musée de la culture des arts des chrétiens du Kurdistan a été ouvert à Ankawa.

Tout au contraire, avec la chute du Baath en Irak, la chasse aux chrétiens a été ouverte à Mossoul, Bagdad, Basra : il y eut un nouvel exode, à l’étranger ou au Kurdistan. Plus de 100 000 chrétiens s’installent dans la Région kurde, qui les aident à se réinstaller, rebâtir les villages et leur apporte un soutien lingusitique, à l'éducation, à l'intégration dans la société kurde pour les chrétiens irakiens de langue arabes.

Dans la plaine de mososul, 5 villes chrétiennes et des villages dépendant de Mossoul, dominée par Al- Qaida, ont été pacifiés, protégées et stabilisées par les Kurdes. Mais ils ne sont pas inclus dans le GRK et dépendent administrativement de la province de Mossoul qui leur est hostile.

Un cours universitaire de la langue syriaque est actuellement réclamé par les chrétiens auprès des autorités kurdes, demande appuyée par l’institut kurde.

Kendal Nezan revient ensuite sur la participation des chrétiens au mouvement de libération du Kurdistan, avc quelques grandes figures historiques : le père Paul Beidar, membre de la direction du mouvement kurde dans les années 1960, Marguerite George qui avait une brigade féminine, François Hariri qui fut le premier gouverneur chrétien d’Erbil, un des plus proches collaborateurs de Massoud Barzani, avant d’être assassiné par des islamistes. 

Enfin le nouveau patriarche chaldéen, ancien évêque de Kirkouk, est un chrétien de Zakho, ce qui change le centre de gravité du christianisme en Mésopotamie, de Bagdad au Kurdistan

Philip Kreyenbroek, « Évolution de l'espace religieux  dans les 30 dernières années » : les Kurdes et les non Kurdes se sont rendus compte de la complexité religieuse de la société kurde : la plupart des Kurdes sont des musulmans sunnites (majorité chaféite) avec une minorité de chiites duodécimains en Iran, et de nombreux ordres soufis qui jouent un rôle essentiel dans la culture kurde. S'y ajoutent des groupes chrétiens qui font partie intégrante de l’espace religieux kurde et de la société kurde, comme ce fut le cas des juifs dans le passé, avant leur émigration, et une série de  groupes minoritaires religieux, comme les alévis, yézidis et yaresan (kaka’i ou ahl e haqq). 

Des groupes religieux encore plus restreints jouent un rôle, comme les Shabak ou les Barzani qui ont gardé dans leur communauté des éléments  religieux très anciens mais dont on sait peu de choses.
La perception en Occident a également changé, depuis le moment où l'on découvre les Kurdes dans les années 1970-1980, avec les premiers réfugiés politiques, alors que les représentaitons turques en Europe font pression pour que l'on continue de croire à la non-existence des Kurdes, tous « citoyens turcs avec la même religion que les Turcs ». On savait peu de choses sur les spécificités et diversités des Kurdes, culturelles, linguistiques et aussi religieuses, et à l'époque le PKK avait tendance à minimiser ces différences, considérant que cela nuisait à l’unité des Kurdes.

La vie religieuse des différentes communautés kurdes musulmanes n’a pas encore été étudiée dans le détail, comme pour le reste des sunnites du Moyen Orient ce qui donne à l’Occident une image faussée : celle que tous les sunnites y ont une culture homogène. Cela ne permet pas d’expliquer l’émergence d’un groupe extrémiste kurde comme Ansar Al Islam ou l'augmentation des pratiques d’excsision dans une culture où c’était un phénomène inexistant, ainsi que les tensions entre des groupes musulmans et les yézidis ou les kaka’i. 

Le soufisme et ses confréries de derviches au Kurdistan souffre aussi d’un manque de recherches, notamment l’évolution des qaderis et leurs rapports avec les autres groupes dans la Région autonome.

Les alévis, depuis les années 1980,  en Turquie et dans la diaspora, cherchent à trouver leur identité de façon active et en Allemagne, alévis kurde ou turcs viennent à Göttingen essayer de comprendre les racines kurdes de l'alévisme, qui a pris beaucoup d’éléments aux mouvements religieux kurdes plus anciens, alors que les mythes et les légendes alévies disparaissent peu à peu dans les mémoires avec la disparition des anciennes générations.

Les yézidis ont connu les évolutions les plus importantes : victimes de persécutions et de discriminations en Turquie, dans les années 1970-1980, l’Allemagne de l’Ouest leur a offert l’asile politique à titre collectif. Leur pratique religieuse était alors discrète, de même en Irak, où la religion yézidie était considérée par beaucoup de  musulmans comme « impure ».

Mais avec l’Anfal, l’attention du monde s’est portée sur les Kurdes, ainsi qu'en 1991. La constitution de la zone autonome a entraîné chez les dirigeants du mouvement des questions sur l'identité kurde. En 1991, Massoud Barzani parle de la relgiion yézidie comme de la religion kurde « originelle » ce qui a été affiché sur tous les murs de la communauté yézidie.

Les universités occidentales se sont alors intéressées aux yézidis et les diaspora ont commencé de faire entendre leurs voix. Aujourd’hui de nombreux yézidis souhaitent étudier le corpus de leurs textes sacrés jusqu’ici transmis uniquement de façon orale, ce qui est une évolution majeure.

Les ahl e haqq en Iran connaissent des tensions graves entre ceux qui se reconnaissent comme musulmans (et donc tolérés par le régime) et ceux qui se voient comme en dehors de l'islam et donc persécutés, ce qui induit une grande division de la communauté. Les musulmans ahkl e haqq ont attiré l'attention des universitaires ces dernières annés alors que l’autre groupe est considéré, dans ces travaux, comme « arriéré » et « ignard », ce qui contribue malheureusmeent à la persécution du gouvernemen iranien à leur égard.

En Irak, l‘atmosphère de peur qui était celle que vivaient les yézidis en 1991, existe encore parmis les Kaka’i dans la région autonome kurde et ils continuenbt à rester discrets, Un des grands avocats de la diffusion de leur culture, l’ancien ministre de la Culture,  un kaka’i, a reçu des menaces de mort [de sa communauté] après avoir annoncé qu’il souhaitait sortir un livre sur sa religions. En raison de ces réticences, des informations cruciales sur les kaka’i et d'autres groupes parlant le gurani ne sont pas disponibles.

Au cours des 30 dernières années, de grands changements ont eu lieu, surtout dans la perception de l’espace religieux, en dehors du Kurdistan, où l’on considérait que tous les Kurdes, Turcs ou Arabes étaient musulmans. Et la complexité religieuse de la sociéte kurde est mieux connue. Cette ouverture devrait, dans le cas des yézidis, être une améliroation pour tous les membres de cette communauté. Mais notre connaissance de certaines religions kurdes reste insuffisante.

Khalid Khayati, « La formation de la diaspora kurde en Europe » : Il faudrait, comme pour la question kurde, parler de questions multiples liées à la diaspora kurdes  : langues, littérature, questions sociales.

Rogers Brubakers, un  sociologue américain travaillant sur la diaspora, a donné cette définition : Pour lui, une diaspora a 3 composantes importantes : la dispersion, car toute population considérée comme diaspora est une population qui s’est dispersée, par des déplacements forcés, des départs contraints ; un regard tourné vers la patrie, car la communauté maintient un lien émotionnel ou concret avec sa patrie ; le maintien d’une identité spécifique, différente de celle du groupe d’origine resté dans la patrie, car son idenité est mixte.

La diaspora kurde est une diaspora de très vaste diffusion : sa carte s’étend du Kurdistan à l’Asie centrale, la Russie, l'Europe, des villes irakiennes, syrie, Iran et Turquie, en dehors de la région kurde.

Le premier groupe arrivé en Europe est un groupe d'intellectuels dont le Bulletin du Centre d’Études du Kurdistan donne la liste ; une 2ème vague étudiants kurdes créent la première organisation d'étudiants kurdes, qui célèbrent le Newroz pour la première fois en Europe en 1956. Mais il n'y a pas de diaspora réelle avant les années 1980, avec l‘arrivée de réfugiés.

Avant cela, on voit aussi une arrivée massive de main d’œuvre kurde en Europe occidentale, surtout en Allemagne, mais on ne puvait les considérer comme faisant partie d’une diaposra et c’est plus tard qu’ils se sont identifiés à la diaspora kurde, avec une évolution poitique et le fait que la seconde génération s’est intéressée à ses origines.

La formation de la diaspora kurde s'est faite dans une préservation de son identité, avec une culture transnational et des symboles de représentations, de sentiments et d’émotions dans plusieurs donaines. L'identité kurde kurde dans la diaspora se construit autour d’un discours de victimisation, d’une identité de victime, comme pour les Arméniens. Ce n’est pas le produit d'une imagination mais c'est enraciné dans des expériences traumatisantes réelles, tragiques, comme le génocide, les attaques chimiques en Irak, la répression sévère des Kurdes en Turquie, la privation de leur identité et de leur langue interdite, et la destruction des villages kurdes ; il y a aussi une répression très dure en Iran avec une peine capitale utilisée à des fins ethniques. 

Les Kurdes vivent aussi des politiques de discrimination et d’exclusion sociales en Europe. En  Suède, ils vivent dans des zones de ségrégation et n’ont pas accès à un travail décent. C’est aussi lié au mode de vie que les Kurdes ont dans leurs lieux de résidence.

Parmi de nombreux problèmes internes à cette diaspora, il y a la pathologie de la politique kurde, celle du diviser pour mieux régner, entre différentes organisaitons politiques, et certains groupes se considèrent comme ennemis mutuels. Cela est transmis parfois à la seconde génération dans la diaspora.

Il y a aussi un lien et une association des Kurdes avec la violence : le nom des Kurdes est évoqué qund on parle de crime d'honneur, de violence liée à l'honneur.

Mais ce sentiment de victimisation dispose d'une dynamique : les Kurdes ont créé un grand nombre d’organisation, d’institutions et de réseaux transnationaux, comme l'Institut kurde, pour renforcer et revitaliser l'identité au sein de la diaspora.

La diaspora kurde est un lieu de réunion pour bon nombre de Kurdes, ce qui est une conséquence positive. Khaled Khayati, Kurde d'Iran, a ainsi rencontré des Kurdes de Truquie au sein de la diaspora. Des dialectes kurdes éradiqués en Turquie existent en Suède, dans la diaspora, qui est aussi un lieu de visibilité démographique où ils peuvent se montrer en public, où ils ont un droit de cité. C’est aussi un lieu de réalisations culturelles artistiques et universitaires, un lieu de promotion des valeurs démocratiques. La diaspora met ainsi une pression sur le Kurdistan d'Irak pour la démocratie, l'égalité des sexes, le droit des femmes et de l'enfant. 

La diaspora kurde illustre le concept de citoyenneté transfrontalière : il n’y a pas un seul État, un drapeau, une langue, on peut appartenir à plusieurs nations.  C’est aussi la diaspora la plus politisée au monde, avec une sur représentation en Suède, par exemple : Aujourd‘hui, il y a 7 députés kurdes sur 349 au Parlement suédois, 4 hommes, 3 femmes, de différentes organisaitons politiques. Des intellectuels kurdes sont représentés dans la vie culturelle et publique suédoise.

Il faudrait créeer un ministère de la diaspora kurde au sein du Gouvernement régional du Kurdistan.

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Concert de soutien à l'Institut kurde