lundi, avril 29, 2013

Ciwan Haco retourne à Diyarbakir




RETOUR À DIYARBAKIR
 (le doublage français sonne HORRIBLEMENT faux, donc si vous êtes kurdophones, coupez le son, passez à l'allemand, je ne sais…)
Ciwan Haco mène une double vie. Exilé, il mène une paisible existence dans un petit village suédois avec sa femme et ses deux enfants. Ici, il est juste un demandeur d'asile parmi d'autres, perdu dans ces contrées enneigées. Personne ne pourrait imaginer que cet homme est une superstar de la chanson au Kurdistan et un héro pour les kurdes à travers le monde. Ciwa Haco a été "blacklisté" par les autorités turques pendant des dizaines d'années. Sa musique est un appel à l'indépendance du Kurdistan et à la reconnaissance mondiale de sa culture. Il est devenu alors un symbole de paix et de démocratie. Son seul souhait était de retourner un jour dans son pays pour y chanter. Son rêve se réalise enfin ! Il est invité à se produire à Diyarbakir, la capitale du Kurdistan turc. La nouvelle du retour du chanteur se répand comme une traînée de poudre : plus d'un million de personnes se retrouvent pour le concert... (Norvege, 2010, 55mn) ARTE F


dimanche, avril 28, 2013

La situation en Syrie II : Qui constitue l'opposition syrienne, caractérisée par sa fragmentation ?

Zîrek & Paris d'exil


Paris d'Exil : sortie le 1er mai au cinéma Saint-André-des-Arts. Première à 12 h 30, suivi d'un débat avec  l'auteur. Entrée prix unique 6.50 €
Zîrek est kurde de Turquie. Apatride à Paris depuis plus d’un quart de siècle, il a fait la promesse à son père de lui envoyer son petit-fils sur sa terre natale où il ne peut plus aller. Ce voyage de cinq jours au Kurdistan va raviver ses souvenirs et ses angoisses. Par téléphone, il suivra mentalement les pas de son fils, partagé entre le bonheur de redécouvrir à travers lui son pays et ses coutumes, et l’inquiétude que constitue ce périple dans une région encore soumise au couvre-feu. Ce voyage va le replonger dans son passé, depuis l’aéroport où il est lui-même arrivé en France, vingt-cinq ans plus tôt. Il refera le parcours de sa vie depuis ses premiers pas de réfugié, habité de la certitude d’un retour proche, jusqu’à sa situation d’exilé. L’éloignement des siens, la perte des illusions et de tout espoir. En progressant vers sa ville natale Hakkâri, le fils va peu à peu redécouvrir son père à distance. Leur relation au départ, difficile, évoluera au fil des appels téléphoniques vers une certaine complicité.



Mercredi 24 avril, Zîrek était l'invité de l'émission de Yasmine Chouaki, En Sol Majeur, pour annoncer la sortie prochaine de son film, Paris d'exil, le 1er mai.

On peut réécouter ici ou podcaster :

– Partie 1

– Partie 2





samedi, avril 27, 2013

Şevbêrka Kurdî - Soirée kurde nº 2 : Tara Mamedova




Samedi 27 avril 1013 à 19 h 30, Soirées kurdes :

 Concert de musique kurde avec Tara Mamedova.


Ronahî - Association des Kurdes de Syrie à Paris, vous invite à la deuxième soirée dans le cadre de Şevbêrka Kurdî (Soirées Kurdes).

Programme :

– 19 h 30 : Introduction avec des jeunes musiciens kurde de Turquie : Alper et Umut Alagöz (chant et Saz -Tembûr)
 –  19:45 Soirée avec la chanteuse "Tara Mamedova", accompagnée de ses musicien s: Tuncay Yildiz (Guitare) Hasan Agirdag (Guitare)

 21:30 Dîner au Restaurant Kibélé (pour ceux qui le souhaite)

Prix du menu non inclus dans le ticket à voir sur le siteKIBELE :
Salle voûtée du restaurant KIBELE 12 rue de l‘Échiquier - 75010 Paris M° Bonne Nouvelles ou Strasbourg-Saint-Denis Prix d’entrée: 10 € (vente de billet de 19:15 à 19:30) Nombre de places limitées - Réservation obligatoire: aksf.paris@gmail.com - tél: 06 51 60 61 10.


jeudi, avril 25, 2013

Changer l'islam


Vendredi 26 avril à 15 h 00 sur France Culture : Changer l'islam, avec Malek Chebel pour Changer l'islam. Dictionnaire des réformateurs musulmans des origines à nos jours (Albin Michel). Cultures d'Islam, A. Meddeb.


On parle sans cesse de « réformer l'islam », comme si l'islam avait jusqu'ici toujours été figé. Cette vision des choses arrange autant les pourfendeurs d un islam « rétrograde » que les fondamentalistes d un islam « éternel ». La vérité est que l 'islam n a jamais cessé de se réinventer, de se remettre en question, à travers la voix de penseurs, de théologiens et de mystiques qui se sont heurtés à l'establishment clérical et politique. 
Dans ce dictionnaire, Malek Chebel nous présente les figures de cette histoire de la réforme en islam, aux visages multiformes : en effet, le monde islamique a connu des réformes libérales et modernistes, mais aussi des mouvements de réforme réactionnaire, de retour vers une « pureté des origines » fantasmée. On rencontrera donc ici aussi bien des universitaires progressistes comme Mohammed Arkoun que les fondateurs des idéologies contemporaines telles que l'islamisme, le salafisme ou le jihadisme, qui sont toutes des produits d'une confrontation à la modernité et à la mondialisation. L'ouvrage, et c est là une autre des ses forces, ne se limite pas au monde arabe, mais inclut également l'Inde et l'Indonésie, l'Asie centrale, et même l'Amérique. Tout en prenant sans ambiguïté parti pour une réforme libérale, Malek Chebel nous donne à saisir toute la complexité des multiples courants de pensée qui agitent l'islam contemporain, tant sur le plan politique que religieux.






mercredi, avril 24, 2013

Histoire du musée d'art islamique du Qatar

Jeudi 25 avril à 21 h 40 sur France 5, documentaire de Theresa Griffith (GB).

Le sexe autour du monde : La Turquie

Mercred1 1er mai à 21 h 00 sur TV5 Monde : Le sexe autour du monde : La Turquie. Cousinades, Jean Roy.

A cheval entre les valeurs islamistes de l'Asie et l'émancipation européenne, la Turquie étonne par ses paradoxes. Il en va de même pour le rapport au sexe, pour le moins complexe, de ses habitants. Avec ses sultans, ses harems et ses bains traditionnels, la Turquie a tout pour alimenter les fantasmes. Pour autant, elle ne se laisse pas facilement découvrir, comme le constate Philippe Des Rosiers.

Le maqâm de Bagdad












Vendredi 26 avril et samedi 27 avril 2013,  à l'Institut du monde arabe, Auditorium






Un spectacle coproduit par l’Institut du Monde Arabe et la Maison des Cultures du Monde dans le cadre du 17e Festival de l’Imaginaire. 
Bagdad, capitale d’une terre qui fut le berceau de l’écriture et de la civilisation qui s’ensuivit, perpétue, malgré ses souffrances actuelles, un art dont les musiques, de l’Andalousie arabe jusqu’à l’Asie centrale, sont en tout point redevables. Cet art, c’est celui du maqâm, un système musical fait de modes particuliers, de mouvements diversifiés, nourri par une longue maturation au sein des cultures arabe, persane, indienne, grecque, turque. Elaborée pendant l’âge d’or abbasside, prisée aussi bien chez les gens d’en bas que chez l’élite bourgeoise et l’aristocratie, cette musique populaire et savante est aujourd’hui farouchement préservée, contre vents et marées, par les artistes d’Irak, à l’exemple de l’exceptionnel ténor Hamed al-Saadi, qui en poursuit inlassablement la diffusion et le développement ; aussi bien dans le monde arabe qu’en Occident, où il a présenté pour la première fois son chant à la Maison des Cultures du Monde de Paris, en 1998. Cinq ans plus tard, ses efforts seront couronnés par l’Unesco, qui inscrira le maqâm au patrimoine immatériel de l’humanité. Musique enflammée et expressive, le maqâm trouve en Hamed al-Saadi une personnalité dévouée pour porter avec éclat et brio suites vocales et enchaînement de rythmes musicaux captivants. Trois instruments : une cithare, un tambourin, une petite timbale, soutenus par le son plaintif de la petite vièle djozé, nous jouent des mélodies tantôt mélancoliques, tantôt emphatiques voire dramatiques, alors que la voix d’or d’Hamed enchaîne improvisations acrobatiques et arabesques novatrices inspirées des mythiques chanteurs Muhammad al-Qubbanji (1901-1989) et Yûsuf Omar (1918-1987), dont il fut le meilleur élève.

Informations et Réservations

Paroles mélodisées. Récits épiques et lamentations chez les Yézidis d'Arménie


Par Estelle Amy de la Bretèque : Paroles mélodisées. Récits épiques et lamentations chez les Yézidis d'Arménie.



Cet ouvrage porte sur un mode ­d’énonciation dans lequel ­l’intonation normale de la parole se voit ­remplacée par des ­contours mélodiques. Chez les kurdo­phones ­d’Arménie – en particulier les Yézidis – la parole ainsi mélodisée est toujours liée à l’évocation de la nostalgie, de ­l’exil, du sacrifice de soi et de ­l’héroïsme. Elle apparaît dans certains ­contextes rituels, dans les chants épiques, ou ­simplement au détour ­d’une phrase dans les ­conversations quotidiennes. ­S’appuyant sur des documents de terrain inédits ­consultables en ligne sur le site de la société française ­d’ethnomusicologie, ­l’auteur montre que la parole mélodisée joue pour les Yézidis un rôle central dans la construction d’un idéal de vie reliant les vivants aux absents et aux défunts.  
Les documents sonores auxquels se réfère cet ouvrage sont disponibles sur le site de la SFE : http://ethnomusicologie.fr/parolesmelodisees







mardi, avril 23, 2013

Depuis le Newroz 2013, le "Printemps de la Turquie" se fait attendre



Libérés le 13 mars par le PKK, les 8 fonctionnaires et agents de sécurité turcs retenus à Qandil depuis 2 ans n’ont peut-être servi qu’à démontrer, à peu de frais, qu’Abdullah Öcalan avait toujours une emprise sur sa guerilla et son haut-commandement et qu’il saurait être écouté au moment de prendre des décisions autrement plus lourdes de conséquences pour l’armée du PKK. Alors qu’en Turquie, les procès de milliers de militants kurdes se poursuivent, la plupart restant en détention, malgré les demandes du PKK, on est bien loin des échanges de prisonniers disproportionnés comme cela se produisait fréquemment entre Israéliens et Palestiniens, même si le vote d'un paquet de réformes visant à adoucir le dispositif de la loi anti-terreur peut laisser espérer une libération des prisonniers n'ayant pas eu recours à la violence.
Bawer Dersim, un commandant militaire du PKK a eu beau avoir déclaré, le jour de cette libération, que « la balle était maintenant dans le camp de la Turquie », cette dernière s’est montré sobre dans l'expression de sa reconnaissance, se contentant de saluer le retour des prisonniers, retour qualifié d’ « acte humain » par le ministre de l’Intérieur, Muammer Guler, alors que ces enlèvement étaient, eux, des « violations inhumaines des libertés » qui ne devaient plus jamais se reproduire.
Pendant ce temps-là, dans la société civile et politique kurde, on assiste à la fois à une sorte d’effervescence incertaine et d’inquiétude prudente sur les différentes étapes de ce processus. Réunions et plate-formes se multiplient, entre responsables du BDP, le principal parti politique pro-kurde, ceux du DTK qui rassemblent des ONG kurdes, ainsi que d’autres petits partis kurdes, qui font peu le poids face à l’hégémonie du BDP mais qui n’entendent pas cependant se laisser dicter leur avenir par le seul Abdullah Öcalan, même si la perspective d’une paix au Kurdistan fait plutôt l’unanimité. 
Il est exagéré de dire, comme cela été écrit dans le journal Bianet, que « tous ces partis et organisations ont en commun d’avoir toujours gardé leurs distances avec le PKK » : Aysel Tugluk et Ahmet Türk sont, par exemple, à la tête du DTK et n’ont jamais été des voix frondeuses dans la mouvance du PKK. Par contre, ils font partie de cette classe politique kurde qui a eu, durant des années à faire face au gouvernement turc avec, dans le dos, les actions d'une guerrilla qui n’avait pas forcément le même agenda ni les mêmes priorités, classe politique qui a souvent donné l‘impression d’être tiraillée entre les réalités du terrain kurde, le fonctionnement des politburo, l’opinion publique kurde et les revirements et volte-face d’un Abdullah Öcalan dont les programmes et revendications politiques n’ont jamais été marqués par la constance. 
Mais il est vrai que, même si un parti comme le  HAK-PAR (vu comme un PDK turc et donc pro-Barzani) a un score insignifiant aux élections locales, dans un Kurdistan de Turquie assez bi-partiste (BDP ou AKP), il se peut que la fin des opérations militaires et l’assouplissement démocratique, de part et autre, permettent à d’autres organisations et mouvements kurdes de se former ou se reformer, après des décennies de terreur, où ils avaient été la cible, tant de la répression turque que des menaces et représailles du PKK qui, jusqu'ici, a peu prôné le pluralisme politique partout où il s’est implanté, en Turquie comme en Syrie. 
Ainsi, une plate-forme commune des partis kurdes, incluant tant les socialistes et les islamistes avait réussi à s’accorder, en 2011, sur quatre revendications :


1. L’éducation des jeunes Kurdes dans leur langue maternelle et la reconnaissance du kurde comme seconde langue officielle en Turquie.


2. Liberté pour les Kurdes de se nommer et de s’organiser sous les noms qu’ils veulent (ainsi « kurde » et surtout « Kurdistan » ne serait plus des termes interdits).
3. Le droit des Kurdes à décider de leur propre avenir
4. La garantie de ces droits dans la Consitution

Qu'en sera-t-il de ces revendications une fois le projet politique d'Öcalan énoncé un peu plus clairement (si tant est qu'il existe) ? Le président du HAK-PAR a exprimé sa conviction que la question kurde ne pouvait être résolue que dans un cadre fédéral (à l’instar du Kurdistan d'Irak, donc) et a aussi insisté sur la nécessité de rédiger une nouvelle constitution. Selon lui, le processus qui s’amorce n’est pas exactement une phase de négociations, mais plutôt une étape de « dialogue et de normalisation » et, s’il soutient le retrait et le désarmement par étapes du PKK, il réclame, lui aussi, des gestes turcs en parallèle aux avancées kurdes. De même Lütfi Baksi, président du KADEP, juge que les Kurdes et le Kurdistan doivent être mentionnés explicitement dans la Constitution, sans quoi il n’y aurait pas de réelle résolution de la question kurde, la citoyenneté « turque » restant un déni de la réalité des Kurdes.

İmam Taşçıer (DDKD), critique la seule représentation du BDP dans les rencontres avec Öcalan, en soulignant qu’eux aussi « ont des suggestions ». D’autres, comme Nusrettin Maçin, président du bureau de Diyarbakır pour l’ÖDP, s'interroge sur le fait de savoir si les rencontres d’Imralı portent sur le seul désarmement du PKK ou sur la question kurde dans son ensemble, en critiquant également le fait que les projecteurs soient braqués sur le PKK, laissant de côté le reste des cercles militants kurdes, même s’il est douteux qu’Erdogan laisse proliférer un Conseil national kurde en Turquie, face au PKK, comme il en existe chez les Kurdes de Syrie, avec le peu de résultats que l’on sait, d'autant que la Turquie a tout intérêt à perpétuer l'hégémonie d'un mouvement dont elle détient le leader.
Cela ne veut pas dire pour autant que le PKK lui-même n’est pas menacé de divisions internes, même si, pour le moment, la figure d’Öcalan ou sa politique n’est pas contestée ouvertement. Cependant, même les déclarations de loyauté inconditionnelle dont se fend régulièrement Murat Karayılan, le commandant militaire de la guerilla, sont toutes sur le mode du « oui, mais ». Après avoir reçu le projet rédigé par Öcalan, remis en mains propres par une délégation du BDP, l’Union des communautés du Kurdistan (KCK, soit l’organisation politique du PKK, présidée par Karayılan) a répondu par lettre à son leader, exprimant son soutien et son adhésion à son plan de paix, tout en lui soumettant les « opinions et propositions » émanant des militants (sans en préciser la teneur) :
« Dans toutes nos réunions, nous avons convenu, nous avons décidé très clairement, que la perspective stratégique mise en avant par notre leader est correcte et que nous y adhérerons. Cependant il y a plusieurs préoccupations et problèmes qui nécessitent d’être surmontés .»
Le 18 mars, une autre rencontre entre des représentants du BDP et Öcalan a pu avoir lieu à Imralı et le chef du PKK a ainsi fait monter la pression en annonçant qu‘un appel historique serait lu le 21 mars, jour du Newroz, où il serait fait mention d’une démocratisation pour l’ensemble de la Turquie, d’une solution apportée à la question du désarmement et au soutien qu’il attendait de la part des partis politiques et du Parlement turc, ce dernier devant surtout, selon lui, prend en charge la question du retrait de la guerilla. 
Laisser planer un certain suspens sur la teneur d'un message présenté comme capital, dans une mise en scène très théâtrale, rappelle le goût d’Öcalan pour les scénarios qui le mettent sur le devant de la scène, dans un rôle salvateur : cela lui a permis ainsi d’apparaître, une fois de plus, comme l’homme-clef de la situation. Du côté turc, cela permettait aussi à l'AKP de laisser les Kurdes entre eux, confronté à leur leader et au BDP, sans se compromettre ainsi auprès de la base kurde, qui lui sert aussi de réservoir d'électeurs. Quant au BDP, le rôle d'intermédiaire et de porte-parole qui lui est soudain dévolu, a laissé, ce jour-là, la guerilla  très en retrait, au niveau des Kurdes ordinaires et non plus des acteurs décideurs, puisqu’elle allait découvrir en même temps qu'eux la teneur du message d’Öcalan. Le risque était, pour le BDP, de prendre de plein fouet le mécontentement d’une opinion publique dont les attentes pouvaient être déçues. Dans cette optique, le caractère solennel, voire grandiose, donné à cette célébration du Newroz (organisé dans 50 villes entre le 17 et le 21 mars) avec retransmission télévisée en direct, limitait les risques des questionnements, interrogations et objections que l'on encourt toujours dans un meeting classique ou une conférence de presse. Ce n’est pas au milieu des portraits d’Öcalan, des drapeaux du PKK, au son des hymnes et des discours de tribuns politiques qu'une contestation allait poindre, du moins dans l’immédiat.
Ainsi le 21 mars, à Diyarbakir, devant des milliers de Kurdes, la députée BDP Pervin Buldan a lu le message d'Öcalan en kurde et  Sırrı Sureyya Önder en turc, le tout dans un brouhaha de chants et de cris (surtout pour la seconde lecture) qui fait douter que l'auditoire ait eu le loisir de réellement comprendre toute la teneur du discours, et surtout ce qu'il ne contenait pas :  car le texte s’est révélé très vague, boursouflé d'une emphase messianique adressée à tous les peuples qui fêtaient le Newroz au Moyen-Orient et en Asie centrale, où l'on faisait remonter la culture kurde aux antiques civilisations mésopotamiennes, et où l'on imputait la violence au Moyen-Orient à des puissances extérieures (probablement occidentales), qui ont « créé des régimes oppresseurs pour liguer les peuples de la région, Arabes, Persans, Turcs et Kurdes, les uns contre les autres. » 
S’élevant contre « les mentalités colonialistes, négationnistes et répressives », Öcalan annonce ainsi une ère nouvelle qui voit s’ouvrir 
« l’époque de la politique démocratique. Un processus essentiellement politique, social et économique débute. La mentalité qui met l’accent sur la liberté, l’égalité et les droits démocratiques progresse. »
Mis à part ça, le seul point concret est la confirmation d'un appel pressant à faire taire les armes pour laisser place à un processus politique et à ce que les  « éléments armés  » du PKK se retirent de Turquie.
S’adressant ensuite au « cher peuple de Turquie  », Öcalan insiste sur l‘unité historique des Kurdes et des Turcs qui doit servir à ce qu'ils fondent ensemble une « modernité démocratique » : 
« L’heure n’est pas à la désunion, à la guerre et aux combats ; l’heure est à l’union, l’alliance, les retrouvailles et le pardon ».
Sur le cadre et la structure politique qui serviraient à cette nouvelle société, Öcalan indique que 
« pour créer ce modèle, il est inévitable de s’inspirer à nouveau des cultures antiques des terres de la Mésopotamie et de l’Anatolie »,
ce qui ne nous en apprend guère plus.
Plus loin, Kurdes, Turkmènes, Assyriens et Arabes sont appelés, eux aussi, à s’unir au sein d’une «  Conférence de la paix et de la solidarité nationale  » afin qu'ils «  discutent de leurs vérités, s’informent et prennent des décisions » mais cela semble plutôt concerner la Syrie et l’Irak.
Le jour-même, Recep Tayyip Edrdogan, alors aux Pays-Bas, déclarait simplement que les opérations militaires turques pourraient cesser si les Kurdes du PKK cessaient le combat. Il a même critiqué, trois jours plus tard, l'absence de drapeau turc lors des célébrations du Newroz, en en rajoutant dans la posture « c’est bien, mais peut mieux faire » qu’il a adoptée depuis le début du processus, tâchant ainsi d’apparaître à la fois comme « l’homme qui va sauver la Turquie de la guerre », mais sans se compromettre trop dans les habits de « l’homme qui a tendu la main aux terroristes ».
L’appel au cessez-le-feu a, bien sûr, été salué par toutes les parties non concernées directement, que ce soit l’Union européenne, les États-Unis, le Secrétaire général de l'ONU et le Gouvernement régional du Kurdistan d’Irak (sûrement soulagé d'être bientôt débarrassé du boulet de Qandil dans sa nouvelle politique régionale).
Du côté turc, dans la presse, Taraf (un journal de gauche) s’enthousiasmait pour ce « printemps de Turquie ». Milliyet titrait « L'Adieu aux armes » et Hürriyet annonçait de même la fin d’une ère militaire.
Mais à l’intérieur des mêmes journaux, des éditorialistes, comme l’historien Murat Bardakci (Haberturk), faisaient part de leurs doutes et incertitudes sur la possibilité d’une paix fondée sur la seule déclaration d’Öcalan, « après tant d’années, d’affrontements, de funérailles » (Fuat Keyman de Milliyet). D’aucuns ont supposé une contrepartie secrète, en raison de l’absence criante de conditions posées de la part d'Öcalan. Sa libération serait-elle en jeu ? Le Premier ministre turc l’a nié avec vigueur (ce qui ne veut pas dire qu’il ne l‘envisage pas pas ultérieurement), affirmant qu’il ne s’agissait pas d’un « marchandage ».
Du côté kurde, s’il était prévisible qu’une foule enthousiaste hurle son soutien à Öcalan au moment de la lecture de son message, il était aussi prévisible qu’une fois l'exaltation passée, à la relecture, les doutes ou les déceptions prennent le relais. Ertugrul Ozkok fait ainsi remarquer, dans Hürriyet, qu’en dehors de Diyarbakir, les villes kurdes n‘ont pas particulièrement exprimé de liesse ou de soulagement, mais ne sait s’il s’agit là d’une bonne ou d’une mauvaise chose. Bekir Coşkun, de Cumhurriyet, a demandé carrément quelles concessions la « république turque » avait faite à « celui qui est en prison. »
Seul Taraf continuait d’être porté par l'enthousiasme, sous la plume de l’éditorialiste Ildiray Ogur, qui parlait, lui aussi, d’une autre ère, celle de la seconde république turque, et qu’Ocalan serait le leader qui a résolu la question kurde.
Mais la réaction la plus attendue était celle de la guerilla, concernée au premier chef par la demande de son désarmement et de son retrait des montagnes turques. Comme d’habitude, Murat Karayılan a répondu par un « oui, mais », indiquant que ses combattants se retireraient de Turquie après des pas concrets faits par le gouvernement, qui prouveraient sa « bonne foi», à savoir : 
La mise en place de commissions dans le processus de décision et de leur application et l’amélioration des conditions de détention d’Öcalan ; l’usage d’un langage pacifique ; prendre ses responsabilité légales et constituionnelles pour mettre en pratique le projet proposé par le leader ; que les institutions et les groupes de la société civile prennent part au processus.
Gultan Kişanak, co-présidente du  BDP, a aussi très vite exigé des garanties de la part des Turcs, afin que ceux qui soutiendraient les inititives pour le processus ne soient pas, une fois de plus, inquiétés judiciairement, alors que presque tous les représentants politiques kurde ont déjà des procès sur le dos, quand ils ne sont pas tout bonnement emprisonnés, et que même Hakan Fidan, le chef du MIT et le principal artisan des négociations avec Öcalan, a aussi été accusé par un procureur. Elle exige aussi plus de précisions sur la volonté de la Turquie de se démocratiser réellement.

Erdogan a annoncé la formation d'un « Conseil des sages », recruté dans tous les segments de la société, qui aurait une fonction consultative sur le processus. Cette idée avait été lancée auparavant par le leader du parti d’opposition CHP, mais dans l‘idée de Kemal Kiliçdaroğlu, un tel conseil devait être chapeauté par le Parlement et aurait travaillé en partenariat avec une « commission de réconciliation.  »

Mais les modalités du retrait de la guérilla  font buter le processus depuis un mois : Erdogan a, dès fin mars, indiqué que les combattants du PKK devaient déposer les armes avant de se retirer, pour éviter tout accrochage, selon lui. Se retirer pour où, le Premier ministre n’en a pas une idée bien claire, indiquant que cela pouvait tout aussi bien être en Irak (où ils sont déjà bien installés), peut-être en Syrie (où ils viendraient alors grossir les rangs des forces du PYD, ce qui ne plairait guère au CNK syrien ou à Barzani, sauf si le PKK s'aligne totalement sur la politique turque là-bas) ou en Europe, particulièrement dans les pays scandinaves (qui n'ont pas émis de remarques à ce sujet). Enfin, comme une façon de mettre légèrement la pression sur la branche politique afin qu'elle fasse elle-même pression sur la partie combattante, il a fait remarquer que le BDP était encore vu, en Turquie, comme affilié politiquement à une organisation terroriste et que ce parti avait donc tout intérêt à ce que le PKK obtempère rapidement.

Bien évidemment la guerilla n’est pas du tout chaude pour enjoindre à ses militants encore restés dans les montagnes du côté turc de descendre mains nues et de traverser tout le pays jusqu'à la frontière, à la merci de l'armée. Cemil Bayik, un autre haut responsable militaire qui avait été, après 1999, vu comme un possible sucesseur d’Öcalan mais que Karayılan a peu à peu évincé, a ainsi déclaré sur Nûçe TV (une chaine pro PKK) qu’il fallait des garanties légales à un tel retrait, cette demande de « protection » étant relayée par le reste des commandants militaires.

Le 4 avril, le BDP a rendu une fois de plus visite à Öcalan et le journal turc Yeni Safak a émis l’hypothèse que le président du PKK avait pu ordonner à sa guerilla, via un autre message,  de céder, en quittant la Turquie désarmée. Cependant, les députés BDP ont nié les « révélations » de Yeni Safak et Selahattin Demirtas, co-président du BDP, a seulement admis qu’Öcalan avait écrit une lettre à ce sujet, qui serait délivrée dans « deux ou trois jours», sans préciser clairement, d'emblée, quels étaient les destinataires de ce courrier. 

Mais le 7 avril, le BDP retournait au Kurdistan d’Irak afin de rencontrer à nouveau la guerilla à Qandil pour leur remettre cette fameuse lettre, laquelle n’a pas semblé apaiser Karayılan ni répondre à toutes les questions que se pose la guerilla, puisqu’il a réitéré sa demande d’une rencontre « directe » avec Öcalan :

 « Pourquoi un groupe du PKK (KCK) ne visiterait pas Imrali s’il y a besoin ? Notre mouvement veut surmonter ce problème et nous sommes pour l'avancement du processus, pas pour le mener à une impasse. Pourtant, cela prend 15-20 jours pour entrer en contact avec le leader, et toutes les étapes de la recncontre et des contacts avec lui requièrent la permission préalable du ministre de la Justice puis du Premier ministre. Ce système fait que le processus avance très lentement. Il faut user d’une méthode comme celle utilisée dans le processus de résolution d’Afrique du sud. L’isolation du leader ne permet pas une communication saine et une avancée. Une décision pourrait être prise plus aisément si le chemin suivi par le processus avec Mandela l'était aussi par la Turquie. »


Plus catégorique, Duran Kalkan, un autre vétéran de la guerilla, a déclaré à Nûçe TV, le 13 avril, que pour le moment, un retrait des forces de la guerilla de Turquie « était hors de question ».

« Nos forces sont en cessez-le-feu et en position défensive. La guerilla a pris la montagne et les armes parce qu'elle avaient un but et luttait pour sa vie. Le ledaer Apo demande la liberté, le début d'un processus de résolution de la question kurde, la reconnaissance de l’identité kurde et le traitement équitable et juste des Kurdes. Il sera difficile de convaincre la guerilla de se retirer tant qu‘ils n’aura pas eu de réponse à ces demandes. »

Duran Kalkan appuie également la demande de Karayilan de pouvoir contacter directement Öcalan.

Faisant toujours la navette entre ce dernier et le PKK, les députés Pervin Buldan et Sırrı Süreyya Önder ont refait la traversée d’Imrali et annoncé qu’Öcalan allait délivrer une autre lettre au PKK, qui répondrait aux questions envoyées par le commandement militaire.

Mais dans un premier temps, le 15 avril, c’est une déclaration d'Öcalan au peuple de Turquie qui a été lue  par Sirri Önder :


« Cher et estimé peuple de Turquie, le processus en quête d'une paix et d’une solution démocratique par lequel nous passons prend en compte toutes les sensibilités. Je travaille dur pour faire en sorte que l’environnement non conflictuel que nous avons atteint devienne permanent et que le processus de retrait puisse commencer. Je peux dire qu’à l’heure actuelle nous en sommes à un point prometteur. Je partagerai le travail que je mène, dans le respect du peuple turc, ces jours prochains. Exprimant ma gratitude à tous ceux qui ont contribué au processus d’une solution démocratique, je salue tous ceux qui ont confiance dans le fait qu’une paix égalitaire, démocratique et juste puisse être atteinte.»
Aux questions des journalistes plus curieux de la déclaration qui doit être faite au PKK que de celle adressée à l'estimé peuple turc, Siiri Önder a indiqué n’avoir aucune information sur les « détails du retrait ».
Quelques jours plus tard, le 16 avril, Selahattin Demirtaş a exprimé tout de même des doutes sur la faisabilité pratique d’un tel retrait : 
«Le Premier ministre Erdogan nous dit que le désarmement doit avoir lieu mais même lui sait que c’est techniquement impossible. Il dit : « Laissez les armes dans des grottes ou enterrez-les, faites comme vous voulez!  » Mais qui va contrôler tout cela ?
Cela n’empêche pas Sırrı Süreyya Önder d’assurer, 4 jours plus tard, au journal Hürriyet, que le retrait pourrait se faire bientôt, dans 8-10 jours. Interrogé sur le devenir de ces combattants revenus à l’état civil, le député assure que l’équipe du KCK travaille actuellement  « sur un programme pour impliquer la guerilla dans des politiques démocratiques sur la base d’une libération démocratique. »
Si avec ça, la guerilla n’est pas rassurée… Mais il ajoute :  « Cela va sans dire que d'autres mesures vont être prises en accord avec l’accomplissement des promesses faites par l’État pour mettre en place le processus. »
Cela va sans dire… sauf que l'État n'a fait, publiquement, aucune promesse.

Entre temps, le Parlement d'Ankara a voté, le 12 avril, une loi visant à mettre le pays plus en conformité avec les critères de l’Union européenne en matière de liberté d’expression et de droits de l’homme, amendant la fameuse loi « anti terreur » si critiquée. Il sera ainsi fait la distinction entre le délit de « propagande terroriste » et des faits réels de violence, ce qui pourrait permettre la libération de milliers de détenus kurdes dans le pays mais là non plus, l'AKP ne s'est engagé à rien.

Depuis la demande officielle de cessez-le-feu et celle du retrait de Turquie des combattants  du PKK formulée par Abdullah Öcalan, le 21 mars,  les « gestes  de bonne volonté » ont donc plutôt été amorcés du côté kurde, mais tout semble traîner en longueur, au point que l’on peut se demander si ce processus n’est pas à scinder en plusieurs parties : d’une part, les pourparlers que nécessitent les conditions exigées par la Turquie, via Öcalan,  à savoir le retrait de son sol et l’arrêt de tout combat ; et, de l’autre, des débats et discussions inter-kurdes entre une branche armée fort réticente à accepter sans contrepartie concrète ce qui prend tout de même l’aspect d’un armistice, voire d’une reddition, avec garanties minimales, et une branche politique qui, trouvant peut-être plus son compte dans une phase de normalisation au sein de la Turquie, pousse le PKK à s’aligner plus rapidement sur les propositions d’Öcalan. 

En attendant, depuis le 21 mars, le Printemps de la Turquie, annoncé triomphalement par Taraf se fait quelque peu attendre… 

La situation en Syrie 1 : La situation du régime syrien aujourd'hui

À lire sur Les Clefs du Moyen-Orient, par David Rigoulet-Roze, enseignant et chercheur, consultant en relations internationales, spécialisé sur la région du Moyen-Orient. Auteur de nombreux articles, il est rattaché à l’Institut d’Analyse Stratégique (IFAS).

Où en est le régime syrien ?Le régime syrien est dans une situation assez paradoxale parce que sa chute ne paraît pas « imminente » comme beaucoup l’avaient pensé et/ou espéré - il manifeste même une remarquable résilience au regard des autres régimes affectés par la tempête du « printemps arabe » et dont certains sont tombés, comme celui de Ben Ali en Tunisie, d’Hosni Moubarak, en Egypte, de Mouammar Kadhafi en Libye pour ce qui est du Maghreb, voire comme celui du Président Ali Saleh au Yémen pour ce qui est du Machreck ; et en même temps, il ne sera pas en mesure de revenir à la situation qui prévalait avant le début de la contestation en mars 2011, parce qu’on a passé une sorte de point de non-retour depuis la « militarisation » de la révolte à l’été 2011. Ainsi, le régime en tant que tel est probablement condamné à terme. La situation est donc très différente de celle qui prévalait à l’issue de l’écrasement de l’insurrection des « Frères musulmans » islamiste de Hama en 1982 par Hafez al-Assad, qui avait fait plus de 20 000 morts. Cette répression avait assuré au régime trente ans de stabilité. Il n’en va pas forcément de même aujourd’hui même s’il a dans un premier temps bien résisté à la dynamique de sa contestation…

Günesi Gördüm



Günesi Gördüm de Mahsun Kırmizıgül, maintenant disponible à la location ou au téléchargement sur iTunes.


Synopsis : L'histoire de la famille Altun ressemble à celle de 2,5 millions de Kurdes : ils ont quitté leur région d'origine car il ne se sentaient plus chez eux en Turquie. Pour la Famille Altun comme pour les autres Kurdes, le départ n'a pas été volontaire, loin s'en faut. C'est l'histoire de leur vie, une vie mouvementée qui les a menés du sud-ouest de la Turquie vers Istanbul ou vers des pays lointains comme la Norvège. Pour la famille Altun comme pour toutes les familles kurdes, leur région d'origine est le paradis sur terre. Mais 25 ans de guerre ont changé ce paradis en véritable enfer. Le conflit a déchiré la famille et empoisonné les rapports entre les villageois. Un des fils Altun s'est enrôlé dans l'armée turque. Un autre a rejoint les rangs des combattants kurdes. Une situation insoluble qui arrive à son paroxysme quand, lors de combats entre l'armée régulière et les milices kurdes, les deux frères se retrouvent face à face, les armes à la main. Quant au plus jeune fils des Altun, il a perdu ses deux jambes après avoir marché sur une mine antipersonnel. Jour après jour, les familles qui vivent encore dans les villages kurdes prennent le chemin de l'exil et rejoignent les nombreux réfugiés des villes. Et pour Kadri, un autre fils de la famille Altun, la situation est encore plus complexe. Au cœur de la tourmente et de la guerre, il souffre de ne pouvoir vivre librement son homosexualité. Si l'exode vers la ville est, pour lui aussi, un déchirement, il est aussi une source d'espoir. Loin de son village et de sa campagne, il peut enfin parler de sa différence et la vivre plus librement. Pour Kadri, ce voyage tragique, marqué par les sacrifices, est aussi un voyage vers une nouvelle dimension comme celui de flocons de neige qui sont attirés par un soleil qui les fera disparaître.

lundi, avril 22, 2013

Le génocide arménien

Mardi 23 avril à 22 h 35, sur Toute l'Histoire, documentaire, 50 mn.

Il y a 115 ans, paraissait le premier journal kurde


Le journal Rudaw (et le député Mahmoud Othman) se sont fait l'écho de l'anniversaire du premier journal kurde : Kurdistan, publié pour la première fois au Caire, en avril 1898.

Voici un bref résumé de l'histoire de ce journal, par Joyce Blau, paru dans Études kurdes nº XI :


La presse kurde : La presse accompagne le développement du mouvement national kurde, et son influence dans la vie nationale et culturelle kurde sera particulièrement importante. Le premier journal kurde, qui porte le titre significatif de Kurdistan, paraît au Caire en 1898, en kurde et en turc. Ses fondateurs sont Miqdad Midhat Beg et Ebdulrehman, fils de Bedir xan Paşa, prince de Cizîrê Botan, destitué en 1847. Les exilés kurdes qui l’entourent sont influencés par les idées nouvelles et la culture européenne. Ils publient, par exemple, une condamnation des massacres des Arméniens en 1894-1895. Les prises de position contre le régime en place à Istanbul obligent les rédacteurs du journal à déplacer le siège de la revue à Genève, ensuite à Londres et Folkestone (en Grande-Bretagne), puis encore une fois à Genève, où paraît la dernière livraison (nˆ31, avril 1902).
À Istanbul, le mensuel Rojî Kurd (Le Jour kurde) devient Hetawî kurdî (Le Soleil kurde), en 1913. En 1916, Sûreya Bedir Xan publie en turc l'hebdomadaire Jîn (La Vie), qui proclamait "le Kurdistan aux Kurdes". Sûreya Bedir Xan publia aussi l'hebdomadaire Kurdistan (37 numéros) toujours à Istanbul.

Un peu plus tard, en langue soranî, et sous mandat britannique, avec l'appui du major Soane, paraît le journal Têgiştinî Rastî (Comprendre la vérité) , dont l'histoire peut être lue ici.

Et enfin, du côté des Kurdes vivant en ex-Union soviétique, on a l'incontournable Riya Teze, qui voyagea moins que Kurdistan, mais connut lui, les changements alphabétiques imposés aux Kurdes du Caucase.

Au début des années 1920, en effet, les Kurdes de la nouvelle URSS, bien qu'en nombre réduit, reçurent le statut de "nationalité" dont les effets politiques étaient moindres mais qui leur accordait la reconnaissance de leur langue. Vivant principalement en Arménie, ces Kurdes purent enseigner leur langue à l'école, publier des journaux, avoir leurs émissions de radio. 

Dès 1923, les Turcs d'Azerbaydjan avaient mis au point un alphabet latin. Les Kurdes d'Arménie ne tardèrent pas à les imiter, d’autant que le gouvernement soviétique tentait d'imposer un alphabet latin unifié qui serait utilisé pour toutes les langues orientales de l'URSS. Dès 1929 donc, un alphabet kurde latin vit le jour en Arménie, soutenu par le journal Riya Teze (fondé en 1930), adapté pour le kurmancî (parlé par les Kurdes soviétiques). Cet alphabet a des points communs avec celui de Hawar, mais certains sons furent transcrits par des signes empruntés au cyrillique. 

Mais à la fin des années 1940, l'URSS mit fin à cet alphabet latin "universel" et réimposa le cyrillique, sans doute pour mieux intégrer toutes les nations de l'Est dans la culture russe. Ce fut aussi l'époque où nombre de Kurdes du Caucase furent déportés au Kazakhstan, dans une volonté de « casser » certaines identités nationales. On dut mettre donc au point un nouvel alphabet kurde qui n'utilisait cette fois que des caractères russes et qui perdura jusqu'à la chute de l'empire soviétique, au début des années 1990. 

Les Kurdes d'Arménie, de Géorgie, de Russie, d'Azerbaydjan, revinrent alors à l'alphabet latin, mais choisissant cette fois-ci le système de Hawar, adopté de nos jours par tous les Kurmandj. 

Riya Teze (la Voie nouvelle) bi-hebdomadaire fondé en 1930 à Erevan a donc 83 ans d'existence, avec une interruption de 1938 à 1955. Il comprend plus de 2500 numéros. C'est un des plus vieux journaux kurdes et qui survit, bien que difficilement, à la chute de l'URSS. Il est donc passé par les trois écritures utilisées par les Kurdes d'Arménie.




L'année dernière, au cours d'un entretien de l'écrivain Emerîk Serdar avec Estelle Amy de la Bretèque, publié aussi dans Études kurdes, était retracé l'histoire de la littérature kurde d'Arménie, et la survie fragile de Riya Teze, ce journal mythique :

"– Et le journal Rya Teze ?
Si ce journal n'avait pas existé, il n'y aurait pas eu de littérature kurde en Arménie. Le journal a joué un rôle très important dans le développement de la littérature kurde écrite. Il a permis de créer de nouveaux termes, notamment des termes scientifiques. Par exemple, les termes liés à l'exploration du cosmos. Nous devions choisir entre la création de néologismes et le remploi de termes existants. Par exemple, le mot cosmonaute, en russe kosmonaft, a été traduit arşger, ou encore le satellite, en russe spoutnik, que nous avions traduit par durngar. Les lecteurs ont petit à petit compris le sens de ces mots et ont commencé à les employer, même si les mots russes persistent souvent. Outre ces questions de langue, le journal avait une ligne éthique et a combattu certaines vieilles traditions jugées régressives et dépassées. Kaçax Mrad avait par exemple publié un quatrain contre le mariage très jeune des filles. Le journal publiait aussi des articles encourageant les parents à envoyer leurs filles à l'école et à l'université.
– Ce journal, c'est en quelque sorte l'œuvre de votre vie…
J'y ai travaillé de 1954 à 2006. J'ai d'abord été traducteur, puis j'ai dirigé la rubrique littéraire. J'ai été secrétaire-adjoint, vice-rédacteur en chef et, de 1991 à 2006, rédacteur en chef. On peut dire que j'y ai passé ma vie ! C'est pour cela que je souffre tant en voyant l'état actuel dans lequel se trouve ce journal.
– Rya Teze est en effet en crise…
Le journal se meurt : il ne sort qu'un exemplaire par an, composé de deux feuillets. Manque de moyens, manque de plumes… Seuls quelques vieux bénévoles y travaillent. Plus généralement le futur des Kurdes en Arménie me paraît court. L'émigration vers la Russie, l'Ukraine et l'Europe de l'Ouest est massive. L'intelligentsia est déjà presque entièrement partie.
Finalement, de ces 3 journaux mythiques kurdes, KurdistanTêgiştinî Rastî et Riya Teze, c'est ce dernier, dont la situation géographique et politique l'excentrait, a priori, du pays kurde proprement dit, qui aura eu la survie la plus longue. C'est un des nombreux paradoxes de l'histoire du kurmancî écrit, qui a plusieurs fois été sauvé de l'extinction par des Kurdes de la diaspora, Europe, Russie, Arménie… 

Le sort tragique des rescapés du génocide arménien

Mardi 23 avril à 11 h 30 sur radio Notre-Dame, avec Vahé Tachjian. Aux Rendez-Vous de l'Histoire, E, Picard.

dimanche, avril 21, 2013

France Inter en direct du Kurdistan




Pour faire le point sur la situation en Syrie, ravagée depuis deux ans par un conflit sanglant, France Inter déplace le lundi 22 avril sa matinale au Kurdistan irakien

Patrick Cohen, accompagné de Bernard Guetta et Géraldine Hallot, propose une matinale en direct du camp de Domiz, où sont réfugiés 35 000 syriens, situé à quelques kilomètres de la frontière syrienne et de la frontière turque, avec : 
A 7h15: Paroles de réfugiés, le zoom de Géraldine Hallot au cœur du camp de Domiz : Témoignages de refugiés syriens et de l’équipe de Médecins Sans Frontières qui gère l’unique hôpital du camp 
A 7h50 : Témoignage de Sami Youssef, réfugié syrien francophone qui vit au camp depuis 8 mois avec sa femme et ses 2 fils A 8h20 : Jessica Hyba, représentante du UNHCR (Haut Commissariat aux Réfugiés des Nations unies) au camp de Domiz, au sujet de la situation humanitaire Mélisande Genat, doctorante EHESS en sciences politiques, au sujet des déserteurs de l’armée de Bachar Al Assad Et aussi : l’interview d’un déserteur syrien de l’armée de Bachar Al Assad et un témoignage à propos des minorités chrétiennes qui fuient la Syrie.

Pour réécouter, c'est par là.

Voir la galerie photos du reportage.

Écrits pour la Syrie

Du lundi 22 au vendredi 26 avril, à 11 h 50, sur France Culture : Textes d'auteurs ou de journalistes témoins des épreuves que la population traverse dans son combat pour la liberté, proposés et traduits par Rania Samara. Micro-fiction, F. Christophe.

La Fête du feu



La Fête du feu (Chaharshambe-soori), d'Asghar Farhadi.


Pas mal, et cela, comme on le lit partout, annonce bien les futures comédies (ou tragi-comédies) de Farhadi.  Il y a quelque de très français chez ces Persans (qui disent "mersi" à tout bout de champ!) : le côté comédie de mœurs douce-amère, sa façon de filmer assez théâtrale (tout pourrait tenir dans l'appartement des Samiei et tout tient en une journée), ce côté mi-vaudeville comique mi-amours désenchantés, avec la douceur des deux jeunes gens qui jouent, au fond, le rôle des valet-servante qui s'en sortent toujours mieux que les maîtres, dans les marivaudages.



vendredi, avril 19, 2013

Kurdistan et diaspora kurde : 1983-2013 ( résumé des interventions) 3ème partie





Le 23 février 2003, l’Institut kurde de Paris fêtait ses 30 ans d’existence et avait organisé, à cette occasion, un colloque à l’Assemblée nationale intitulé : 




La troisième et dernière table ronde était présidée par Mme. Joyce BLAU, professeur émérite, INALCO et portait sur le thème « Langue, littérature et création artistique au Kurdistan», avec la participation de Michiel Leezenberg, Université d'Amsterdam, Reşo ZÎLAN, Institut kurde de Paris, Mme. Clémence SCALBERT, Université d'Exeter, M. Salih AKIN, Université de Rouen, Mme. Khanna OMARKHALI, Université de Göttingen.

Joyce Blau fait un bref historique des études kurdes en rappelant la poignée d’universitaires qui, dans les années 1960, s’intéressaient aux Kurdes, en France : Roger Lescot, Celadet Bedir Khan, Gérard Chaliand. La création de l'Institut kurde de Paris a fondé un endroit de ressources et d’informations considérables.

Michiel Leezenberg, « Débats linguistiques au Kurdistan » : Titre alternatif possible à son intervention : la langue kurde et la « super-diversité ».

Bülent Arinç, au Parlement turc, a dit que le kurde est une langue sans civilisation.  Il a tort même si des différences de longue date existent entre les dialectes des régions du Kurdistan.

On peut distinguer 4 étapes de processus du dévelopepement de la langue kurde et de son avènement dans la culture et la littérature : 

Les 17e et 18e siècles sont l’étape de la vernaculisation et la standardisation de la langue kurde. Beaucoup de gens connaissent l’œuvre poétique de Khanî et son Nubara biçûkan (dictionnaire), mais peu savent qu’il y a des ouvrages de grammaire et de sciences linguistique et religieuse dans le même temps, où l’on voit le commencement d’une tradition éducative en kurde et d’une civilisation littéraire chez les Kurdes. Combien ont entendu d’Ali Termukhi ? Ce fut pourtant un des personnages les plus importants de l’histoire intellectuelle et littéraire kurde, le premier homme à avoir écrit une grammaire kurde, que tous ignorent ou presque, car «Tesrifa kurmancî » est un tout petit livre, en kurde, sur la langue kurde, utilisé dans les classes primaires des madrassas du Kurdistan du nord, et tous les anciens élèves de ces madrassas le connaissaient par cœur, d’où le rôle incroyable que ce livre, écrit dans le kurde septentrional, a joué dans l’unification de la langue et la langue littéraire kurde,  et qui a joué ainsi un rôle dans le sentiment d’identité nationale. La phase de l’éducation religieuse en kurde dans les madrassas en kurde est une étape capitale. Mais cette tradition littéraire et religieuse kurde s’est développée dans le même temps dans un contexte très persanisé, c’est-à-dire cosmopolite plus que nationaliste.

Un siècle plus tard, fin 19e début 20e siècles, c’est une phase de construction des nations mais, chez les Kurdes, ce serait plutôt la destruction d'une nation : Le développement linguistique est plus laïc que religieux. On voit la formation d’un alphabet latin par les Bedir Khan en Syrie et en Union soviétique (par exemple avec Erebê Şemo)  on élabore aussi un alphabet latin puis cyrillique. Mais c’est aussi le développement d’un nouveau dialecte comme langue nationale, le soranî, qui jusque-là n’était pas vu comme une langue standard, malgré son essor.

La troisième phase cest celle de l’Institut kurde de Paris et des Kurdes en diaspora : durant des années de répression culturelle totale, des intellectuels kurdes, surtout en Suède, Mehmet Emin Bozarslan, Mehmet Uzun, Reşo Zîlan, font d’importants travaux pour perpétuer l’existence d’une langue littéraire kurde et moderne, ce qui demandait des efforts héroïques pour cette génération éduquée à penser en turc. Les Kurdes du sud n’ont jamais eu ce type d’assimilation, d’où de grandes différences dans la tradition littéraire des deux langues kurdes.

La phase 4, au début de ce siècle est celle d’une consolidation, et aussi, paradoxalement, d’une globalisation. Au Kurdistan du sud, les activités culturelles et linguistiques sont facilitées. Au Kurdistan du nord, « l’ouverture kurde » a créé des opportunités réelles pour étudier la langue kurde à l’université et au collège, et dans quelques années, cela pourrait descendre jusqu’à l’école primaire.

La langue kurde a donc des opportunités incroyables, mais aussi des tendances centrifuges avec la politisation des dialectes et des écritures. Au Kurdistan du sud,  écrire en caractères latins signifie que l’on est sympathisant du PKK ; des variétés du kurde sont reliées à des sympathies pour un parti politique ou un autre.

Il y  aussi un processus d’urbanisation, de migration nationale et internationale, TV satellite et Internet (Facebook) ce qui a rendu paradoxalement le sentiment national kurde plus fort. La technologie mondiale globalisante mène à une super diversité, avec de nouvelles formes culturelles, expression dans des dialectes, des variations de langue : on voit ainsi le développement d’une culture hip hop en kurde.

Il y a aussi un débat sur la langue standardisée : Au Kurdistan du sud, des intellectuels ont voulu faire récemment du soranî la langue standard pour tous les Kurdes, dans une centralisaiton de la langue, d’où une grande polémique, car les Kurdes se sont toujours dressés contre la centralisation des autres États. C’est le paradoxe des Kurdes : avec le Gouvernement régional du Kurdistan, Internet, etc., il est bien plus facile de former une communauté nationale, mais en même temps, il y a plus de possibilités de diversifications de la langue kurde, à l’encontre de l’idéologie qui veut qu’une unification linguistique et culturelle facilite l‘unification politique. C’est une pensée du 19e s., même si elle semble légitime : elle ne correspond plus à la réalité d’un monde globalisé. On ne peut pas aujourd’hui unifier la langue kurde. 

Dans une conférence, l’an dernier, à Amed-Diyarbakir, chacun a ainsi parlé sa propre langue kurde et chacun s’est à peu près compris… ou non, mais chacun voulait une langue unifiée tout en pensant qu’il était important de cultiver son propre dialecte.

C’est une conclusion assez réaliste : il existe des différences anciennes de dialectes, de traditions littéraire, mais un sentiment d’unité culturelle. Il faut donc accepter la réalité que le kurde est une langue qui a au moins quatre standards :

– le kurde du Kurdistan du nord ou kurmancî écrit en caractères latins.
– le zaza qui se développe au Kurdistan du nord comme langue écrite et peut-être d’autres dialectes.
– le kurde soranî du Kurdistan. du sud écrit dans un alphabet plus ou moins persan. 
– le kurde behdinî du Kurdistan du sud écrit aussi en lettres persanes, et qui n’est pas tout à fait identique au kurmancî.


Khanna OMARKHALI, « Études kurdes en Europe »

Jour après jour la culture kurde gagne en importance, de tous côtés, dans différents pays, en plus du Kurdistan. La raison n’en est pas uniquement l’importance de la question kurde dans les changements que connaît le Moyen Orient, mais aussi le fait que les Kurdes commencent à être une part importante de la population européenne et la question de l’enseignement de la langue kurde  dans les études supérieures commence à être une question qui se pose dans plusieurs universités européennes.

Pour une brève histoire des études kurdes en Europe durant ces 30 dernières années : 

Au début du 19e s. beaucoup de savants européens, en plus des Kurdes, commencent à s’intéresser à la langue et à la littérature kurdes, avec un certain nombre de publications, par exemple la grammaire de Garzoni. En Russie, les études kurdes commencent aussi au 19e s. avec des publications.

La Russie peut être considérée comme le berceau des études kurdes avec les villes de St Pertsburg-Leningrad, Erevan, Moscou, où les études kurdes ont formé un champ d’étude indépendant, avec une équipe de spécialistes unique au monde dans le nombre et la variété de leurs études.

Au 20e s. les études kurdes commencent d’être très actives dans les années 30, à l’université de Leningrad et forment la base des études kurdes modernes.

En 1959, ce groupe d’études kurdes devient une unité indépendante dans l’institut des études orientales de Leningrad avec 3 grandes disciplines : histoire, langue, études médiévales des Kurdes, menées par Orbelian, Zuckerman, Kurdoev, Rudenko, Mussaelian Vassilieva, Smirnova, O. Celîl, Yousupova. Le point fort des étude skurdes de St Petersbourg était la linguistique et les travaux sur les différents dialectes du Kurdistan : mukri, kurmancî, soranî, zaza.

La liétrature était également un des points forts de ce groupe avec Rudenko pour leader, qui a traduit un certain nombre d’œuvres de poètes kurdes anciens. Ce centre a pu former des kurdologues actifs non seulement en URSS mais plus tard au Kurdistan.

Maintenant il y a deux écoles et deux directions des études kurdes en Russie : St Peterburg et Moscou, cette dernière se consacrant plus à la politique, l’économie, les relations internationales, l’histoire des Kurdes. C’est en 1979 que fut fondé ce groupe d’études kurdes d à Moscou (département des Proche et Moyen Orients).

Ces 20 dernières années, un nombre significatif d’instituts non académiques et des chercheurs individuels ont soutenu et promu la culture kurde, dont l’Institut kurde de Paris en 1983 et, par exemple, sa revue Kurmancî. Il y a aussi en France l’enseignement de la langue kurde à l’INALCO initié par Roger kurde Lescot et Celadet Bedir Khan.

En Allemagne, il y a le centre Navend, et à l’université de Göttingen on enseigne la langue kurde, la littérature, les religions non islamiques.

À Vienne, Celîlê Celîl a abondamment publié sur la littérature kurde.

Mais aujourd‘hui, la majeure partie des programmes de kurdologie sont incorporés dans les études iraniennes ou islamiques. Ainsi en 2004, à St Petersburg, le groupe indépendant des études kurdes a été intégré dans le département du Proche Orient.

Un nombre plus grand de chercheurs s’intéressent aux études kurdes avec un essor des thèses portant sur les questions politiques. Il y a eu en 2010 l’ouverture du département de kurde à Mardin, en Turquie. Le Gouvernement régional kurde soutient les études kurdes à l’étranger, avec des centres ou le département d’Exeter, par ex. En 2011 le Kurdish Studies Network a été lancé sur Internet. Les contacts entre les chercheurs deviennent plus faciles dans le monde.

Clémence SCALBERT, « évolution du champ littéraire kurmancî »: 

Dès l’émergence des premières organisations kurdistes dans les dernières années de l’empire ottoman et dans le nationalisme kurde, la culture a joué un rôle majeur (et le nationalisme kurde a aussi contribué à reformuler cette culture). Mais peut-on assimiler toute expression culturelle kurde au nationalisme ? Comment et avec quelles conséquences une expression culturelle minoritaire peut-elle s’autonomiser du politique ?

Il n’y a pas de langue standard comme outil de création diffusé par l’enseignement. Aux origines, si l’on voulait apprendre le kurde, il fallait le faire par soi-même, s’approprier et créer une langue d’écriture. Au départ, il y a très peu d’ouvrages en kurde, donc très peu de ressources sur lesquelles construire une littérature kurde contemporaine.

Il y a aussi un développement de la diglossie qui devient très caractéristique des pratiques de la population kurdophone, avec une coexistence des langues kurde et turque et parfois la perte de la langue kurde. 

La langue kurde, qui est le matériau brut de la création littéraire kurde, a aussi une connotation politique : écrire en kurde c’est affirmer son identité kurde, ce n’est pas un choix automatique.

On voit également une déterritorialisation du travail d’écriture, du fait des conditions politiques, dès les premières années de la république turque (avec Hawar en Syrie) et la constitution de la diaspora kurde d’Europe dans les années 1970 et surtout celle de Suède, dans les années 1980, avec la formation d’une littérature kurde car le soutien de l’État suédois à l’édition et à la création permet un développement de cette littérature.

Avant la fin des années 1970, la création littéraire est le fait de quelques acteurs limités en nombre, qui ont des activités diversifiées, un même auteur pouvant écrire des essais, dictionnaires, fictions, etc. Puis la création se différencie à la fin des années 1970 et après le coup d’État de 1980 mais reste toujours très liée au politique, même si cette nouvelle génération d’après le Coup d’État se tourne plus vers le littéraire une fois dans la diaspora. 

Les conditions ont maintenant beaucoup évolué en Turquie et cela a eu un rôle positif sur la création littéraire kurde : Il y a une diminution du rôle de la diaspora dans la création, où le nombre de livres édités baisse alors qu’il augmente beaucoup en Turquie et au Kurdistan de Turquie. Le kurde devient aussi une partie de la littérature de Turquie, alors que par contre, la littérature kurde de Turquie et celle d’Irak restent dans deux univers différents, qui sont chacune plus intégrée dans leurs champs nationaux respectifs. 

S’il y a eu autonomisation du champs littéraire kurde, avec publciations, maisons d’édition, etc, l’hétéronomie reste très forte dans l’usage de la langue. L’idée qu’une littérature kurde doit être écrite en kurde reste toujours très forte, mais une brèche s’ouvre avec des poètes qui travaillent dans la langue turque.

L’intervention d’acteurs étatiques dans le champs littéraire kurde (université, TRT 6 ) fait qu’aujourd’hui la littérature kurde n’est plus forcément un acte de résistance et la littérature kurde n’est donc plus seulement une littérature engagée. Ce peut être une invite à revisiter les textes littéraires kurdes et leur relation avec les autres littératures de la région ainsi que revoirles dynamiques de résistance et de domination.


Reşo ZÎLAN, Institut kurde de Paris « Études linguistiques dans la diaspora »

Les études linguistiques dans la diaspora, de la part de Kurdes et de non Kurdes, ces trentes dernières années, ont accompli des travaux importants sur la langue kurde. 

Ces travaux sur la langue kurde par la diaspora kurde apparaissent dans les années 1960. La raison en est qu’à cette époque, une diaspora kurde s’implante à l’étranger, car c’est dans les annés 19060 que commence une émigration intensive des Kurdes, avec, notamment, la révolution kurde du Kurdistan du sud, et le l’alourdissement des régimes politiques sur le Kurdistan, de même en Turquie, ou bien on voit une émigration pour des causes économiques. Commence alors une expatriation d’intellectuels qui dans cette diapsora, peuvent travailler sur la langue et la culture kurdes, contrairement au Kurdistan de Turquie. 

Avec des publications de livres, de revues, ou dans des émissions de radio et de télévision, ils écrivent et parlent en kurde. Mais il leur faut passer d’une langue de villages à une langue plus générale, une langue adaptée à la vie moderne. Et c’est ainsi que ces intellectuels ont travaillé peu à peu à élaborer une langue et une culture. 

Plusieurs projets ont vu le jour, dont celui de l’Institut kurde de Paris, pour préserver le dialecte kurmancî, menacé d’assimilation, qui a fondé une revue, Kurmancî, autour d’un groupe de chercheurs, écrivains, linguistes, romanciers, venus de différentes partie du Kurdistan qui ont travaillé tous ensemble. C’est au printemps de 1987 que la revue a démarré. Ils se réunissent depuis deux fois par an,  dans différents pays, comme la France, la Belgique, le Danemark, l’Allemagne, la Suède. Le Gouvernement régionakl du Kurdistan a aussi hébergé 2 réunions et 2 autres ont eu lieu au Kurdistan du nord, l’une à Wan et l’une à Beyazîd. L’on arrive au 50 ème numéro avec plus de 50 réunions. Ces numéros ont été reliés, eux fois (un volume  de 20 numéros imprimé en Suède, un volume de 40 numéros imprimé à Istanbul).

Environ 80-85 personnes qui ont travaillé jusqu’à aujourd’hui dans la revue Kurmaqncî, et malheureusement, 3 de ces collaborateurs sont décédés depuis.

Kurmancî travaille sur 1/ des questions de langue et d’orthographe, 2/ sur la connaissance de proverbes, de classiques, et de mots méconnus de la langue 3/ sur un lexique des différents parlers des régions kurmancî ; 4/ sur les mots et les termes typiques de la vie kurde, comme les tapis, les vêtements, le bétail, les laitages, armes, etc. avec une liste idiomatique ; 5/ sur la langue des enfants, la langue kurde et les langues voisines, le kurde et les langues antiques (parthe, pehlevi,etc. 6/ les qewl (chants religieux) et beyt (couplets) des yézidis ; 7/ la terminologie scientifique, le droit, l’économie, la géographie, l’anatomie, le vocabulaire administratif, politique, informatique, militaire, grammatical, littéraire, mathématique, la cosmétique, le football, etc. 8/ un dictionnaire de la faune et de la flore avec les variantes dialectales.

Il y a aussi la revue Vate, qui travaille sur la langue zazaki, qui a démarré l’été 1993 et s’est depuis réunie une vingtaine de fois, publiant sur la culture, la langue, la littérature.

Des dictionnaires kurdes publiés dans presque toutes les langues. Il y a aussi plusieurs dictionnaires kurdes sur Internet.

Salih AKIN, « Langue(s) et identité(s) dans la diaspora en Europe »
Un programme financé par les ministères des Affaires étrangères de l’Allemagne et de la france, intitulé, évaluation contrastive des implications sociales de la lingusitique dans la langue kurde comme langue d’immigration, recherche qui associe les universités de ROuen et d ePotsdam.

Cette recherche a 4 objectifs
– mesurer la transmisison d ela langue première en Allemagne et en france
– évaluer les compétence slangagières des ¬élèves issus d el’immigraiton kurde en première langue et en langue de scolarisaiton (francais oua llemand)
– chercher à déterminer si la maîtrise de la langue parentale par les enfants joue un rôle dans les résultats scolaires
– chercher à étudier le lien qui pourrait exister entre la langue et l’identité dans le contexte de la diaspora.

Dans le cadre de cette intervention seul le 4ème point a été abordé.

Quelques résultats ont été obtenus dans des entretiens en français et en kurde, au sujet du lien langue-identité dans le contexte de la diaspora, avec des Kurdes de Turquie qui ont tous eu accès à l’éducaiton, ayant fait des études secondaires et universitaires. 

À l’exception d’une des personnes enquêtées qui déclare que sa langue maternelle est le turc, tous les autres Kurdes ont identifié le kurde comme leur langue maternelle, même l’un d’eux, Ahmed, qui vient de la région d’Aymana à Ankara d’une communauté de Kurdes déplacée de très longue date.

Il est  ensuite demandé aux enquêtés s’ils ont reçu un enseignement dans leur langue maternelle : il y a toujours absence d’une éducaiton en langue maternelle et sa transmission est non didactique, dans le cercle familial essentiellement. La politique d’interdiction déclenche chez les enquêtés des souvenirs d’une situation conflictuelle.Ezdan se souvient du traumatisme subi à l’école comme lieu d’assimilation par excellence et le kurde est peu a peu asphyxié, même dans les cercles familiaux.

Pour le lien avec les origines : «Tu ne peux pas t’atatcher à une histoire, une culture, si tu ne parles pas la langue de cette culture» (Faris). 

Il est paradoxal de parler des effets bénéfiques de la diaspora, mais les exilés kurdes se sont débarrassés des contraintes et des interdictions pesant sur leur langue et dans la diaspora on put se réapproprier leur langue et leur culture d’origine, avec la possibilié d’apprendre à lire et à écrire en kurde. L’exil, qui est vu par beaucoup comme un mécanisme de dépossession de la langue, est, dans le cas des Kurdes, le moyen de redécouvrir la langue maternelle, une renaissance intellectuelle.

La langue maternelle est vue comme un moyen d’expression authentique et comme un symbole de lutte et de résistance. Sa pratique devient un devoir. Ainsi Mehmet Uzun avouait que si le kurde n’avait pas été en danger de disparition, il aurait certainement écrit en suédois, mais en écrivant en kurde, il s’engageait. « Abandonner la langue maternelle dans le contexte de la diapora, c’est une trahison », dit un des enquêtés, ce qui est une conception extrême de la loyauté linguistique, seul moyen de faire le travail de mémoire.

Le récit du fait passé n’est pas le vécu de fait, surtout en exil. Mais les convergences des témoignages permettent de mettre à jour l’ampleur de la violence linguistique subie et fait apparaître le lien fort entre l’identité ethno-culturelle et l’appartenance à la diaspora. La langue maternelle est le principal vecteur de la mémoire collective dans le déracinement de l’exil.

Concert de soutien à l'Institut kurde