jeudi, mars 07, 2013

Mise à jour : Entre crises parlementaire, politique et diplomatique, l'Irak a ENFIN un budget



Carte des résultats des législatives 2010 en Irak
Source wikicommon


Finalement en 24 h, (sûrement mortifiés par cet article écrit la veille) les députés irakiens ont adopté le budget 2013, mais sans les voix des Kurdes et de la liste Iraqiya qui boycottaient. C'est donc 166 parlementaires (sur 325) qui ont voté pour (163 oui étaient requis pour que le vote soit valide)


Au forum de Davos, le 24 janvier dernier, le président de la Région du Kurdistan, Massoud Barzani, avait insisté sur la nécessité de résoudre la crise politique en Irak et de relancer le processus politique, en pointant le caractère dangereux de la situation.

Les choses ne se sont pas du tout arrangées le mois suivant, et les difficultés politiques de gouvernance en Irak se sont, cette fois, cristallisées sur le vote du budget irakien pour 2013 qui ne parvient à être approuvé par le parlement de Bagdad. La cause principale est le conflit à multiples facettes qui oppose le gouvernement central à la région kurde et les dissensions internes entre Irakiens.

Un des litiges qui traînent depuis plusieurs mois est celui des sommes dues aux sociétés travaillant dans la Région kurde qui exportent le pétrole en Irak. L’année dernière, les Kurdes avaient déjà suspendu les livraisons de brut pour défaut de paiement. Après plusieurs promesses de régularisation, les exportations avaient repris à l’automne dernier mais sans atteindre le niveau de 250 000 barils par jour stipulé dans les accords, après que l’Irak a payé un premier montant de sa dette.

Le 13 février 2013, le vote du budget a été reporté sine die en raison de la somme jugée insuffisante par les Kurdes (644 millions de $) pour régler les impayés dus aux sociétés pétrolières. Ils réclament 4,2 trillions de dinars (3,5 milliards de $) pour couvrir ces paiements en souffrance depuis 2010. 

La liste parlementaire de Nouri Maliki, État de droit, réplique que les Kurdes doivent d’abord s’acquitter de dédommagements envers le gouvernement central pour n’avoir pas fourni les 250 000 barils par jour promis depuis novembre 2012. La somme réclamée par les Kurdes apparaît aussi trop importante à des sunnites, tels Jaber Al-Jabri, de la liste Iraqiya, qui est aussi membre de la commission des finances, d’autant que l’Irak est déficitaire de 4,5 millards de dollars.

Le ralentissement des exportations de pétrole kurde a irrité d’autant plus Bagdad que, d’un autre côté, le GRK a commencé d’exporter, début janvier, plus de 15 000 barils par jour de pétrole et de condensat vers la Turquie, par des camions, et qu’ils ont le projet de construire un pipeline qui relierait directement le Kurdistan à la Turquie, sans passer par l’Irak. 

Autre contentieux, le pourcentage du budget alloué à la Région kurde par le gouvernement central. Ces dernières années, il était de 17% (calculé sur la base que la population du GRK doit représenter 17% des Irakiens). Aujourd’hui, alors que la population vivant au Kurdistan d’Irak ne cesse d’augmenter, selon les Kurdes, des députés irakiens contestent ce chiffre et la tenue d’un recensement, même si elle était acceptée par Erbil ne ferait que retarder le vote du budget. En attendant, la liste État de droit (Maliki) et Iraqiya (sunnite) demandent aux Kurdes de se contenter de 12%.

La part qui doit revenir à la Défense irakienne est aussi jugée trop importante et des députés suggèrent de redistribuer l’argent aux familles touchées par les dernières inondations. Cette proposition, par contre, n’est pas pour déplaire aux Kurdes qui voient avec inquiétude les achats d’armements signés par Nouri Maliki, ce qui leur apparaît comme une menace dirigée principalement contre eux. 

L’entretien des Peshmergas kurdes est de nouveau rejeté par la coalition pro-Maliki, surtout depuis les récentes tensions qui opposent les forces arabes et kurdes dans la Diyala et autour de Kirkouk.

« Les Peshmergas ont pointé leurs armes sur les poitrines du personnel militaire irakien et ils veulent maintenant que nous payions leurs équipements et leurs salaires» a résumé avec une emphase concise Mohammad Al Sayhood, un député d’État de droit.

Mais les Kurdes refusent tout net de voter le budget si cette demande-là non plus n’est  pas accordée. Le budget des Peshmergas n’a pas été payé depuis 2007, accords ou non, et Bagdad doit ainsi à Erbil, selon le ministre kurde des Finances, environ 6, 4 milliards de $.

Cette question a même réconcilié, au moins temporairement, les partis kurdes de la majorité et ceux de l’opposition, puisque même les députés de Gorran sont d’avis de bloquer le vote en cas de refus persistant.

Selon le paragraphe 5 de l'article 13 du projet de budget pour l’Irak en 2013, tous les impayés depuis 2007 concernant les Peshmergas devront être réglés sous forme de paiements anticipés. Mais les députés kurdes réclament davantage : que le budget alloué aux Peshmergas figure comme une part du budget global voté pour tout l’Irak. Muayyad Tayyib, porte-parole de la liste Alliance kurde (la liste majoritaire) explique que cela éviterait ainsi de repousser année après année les paiements. Selon le ministère des Peshmergas, pour le moment, les forces kurdes sont entretenues depuis des années par le Gouvernement régional du Kurdistan, sans aucun subside irakien.
Mais l’Irak réclame une baisse de leurs effectifs et que, de 200 000 hommes, les Peshmergas passent à 20 000, ce dont il n’est évidemment pas question pour les Kurdes, déterminés à résister sur le terrain, en cas de conflit, à une armée irakienne grosse de 820 600 hommes (qui seraient, il est vrai, bien moins motivés que les Kurdes pour défendre Kirkouk).
Comme tous les intermédiaires et négociateurs possibles sont souvent à l’œuvre en Irak, c’est, à la fin de février, le Conseil suprême islamique qui a voulu servir d’entregent, via son directeur Ammar Al-Hakim et a pu annoncer qu’un accord avait été trouvé ou était sur le point d’être trouvé sur les litiges autour du pétrole avec l’Alliance kurde.
La veille, le ministre des Ressources naturelles du GRK, Aşti Hawrami, le vice-Premier Ministre  du Kurdistan, Roj Nouri Shaways, Abdel Karim Al-Leabi, ministre du pétrole irakien et Ali Shukri, ministre irakien des Finances et de la Plannification, auraient tenu une réunion privée pour parvenir à une entente sur le paiement des sociétés pétrolières actives au Kurdistan.
Et le 2 mars, Safeen Diyazee, porte-parole du GRK s’est dit « non-pessimiste » concernant la résolution de la crise, considérant que la délégation de son gouvernement était repartie de Bagdad sans résultats concrets mais que cela ne « signifiait pas qu’elle avait échouée ». Il a relancé aussi l’idée d’un recensement pour déterminer la proportion de la population kurdistanî.
Le 3 mars, Mahmoud Othman, député kurde indépendant à Bagdad et vétéran politique très écouté, a révélé que Massoud Barzani était favorable à la tenue d’une conférence nationale rassemblant toutes les composantes politiques irakiennes, sans exception, pour résoudre la crise et tous les conflits en suspens. On venait en effet d’apprendre la démission du ministre des Finances irakien, Rafaie Al-Issawi, démission dont les sunnites d’Anbar ont eu la primeur, car c’est au cours d’une de leurs manifestations contre Nouri Mailiki que le ministre sunnite a annoncé qu’il se retirait de ses fonctions. Le motif n’en est pas du tout les litiges budgétaires, mais au fait que selon lui, le gouvernement central ne répond pas aux demandes et aux besoins des sunnites irakiens, après 70 jours de manifestations. « J’ai pris le parti de ma communauté », a-t-il conclu. La raison en est peut-être aussi le fait que ses propres gardes du corps ont avoué (sous la torture ou non) être complices d’assassinats terroristes commis avec les gardes du corps de Tarik Hashimi, le vice-président irakien réfugié en Turquie.
Maliki a refusé cette démission, arguant « d’irrégularités financières et administratives », ce qui ne va pas contribuer à apaiser le climat.
Aujourd’hui, les députés de l’Aliance kurde ont réussi, une fois encore, à bloquer le vote du budget que Nouri Maliki a tenté de faire passer en force, après avoir décliné une invitation à se rendre à Erbil alors qu’une prochaine visite du Premier Ministre kurde, Nêçirvan Barzanî est attendue à Bagdad. 
Autre inconvénient possible à la crise parlementaire, mais qui tournerait à l’avantage des Kurdes, est la possible annulation du contrat d’armement signé entre Bagdad et Moscou en octobre dernier, d’un montant de 4 milliards de $. Bagdad aurait même revu ses projets d’achat à la baisse, n’envisageant plus que de dépenser un milliards de $, contre pénalité (source Kommersant). Mais Hoşyar Zebarî, le ministre des Affaires étrangères irakiens (un Kurde) a cependant indiqué que ce contrat restait toujours valable et que les hélicoptères Mi-28N et les canons sol-air Pantsir S1 devraient commencer d’être livrés en juin prochain.
Dès novembre 2012, ce contrat avait fait polémique, avec des accusations de corruption énoncées par le propre porte-parole du Premier Ministre irakien, et réfutées par son ministre de la Défense, ce qui laisse deviner le climat d’unité et de cohérence au sein du Cabinet Maliki. Un peu plus tard, Ali Al-Dabbagh, porte-parole du gouvernement irakien, les avaient reconfirmées. Il avait ajouté, dans la foulée, que les conditions du contrat seraient « entièrement revues ».
Aussi, plus que les difficultés à voter leur budget c’est peut-être le climat détestable qui règne à Bagdad qui peut laisser sceptique sur les livraisons effectives des armes russes.


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