vendredi, novembre 30, 2012

Projet de constitution du Kurdistan d'Irak (11)




Troisièmement: Le Conseil de la magistrature
Article 98:
Premièrement
Le Conseil de la magistrature est composé du président de la Cour de cassation et de ses adjoints, du chef du Département de l'inspection judiciaire, du chef du ministère public et des présidents des cour d’appel de district au Kurdistan.
Deuxièmement
Le Conseil judiciaire doit gérer les affaires du pouvoir judiciaire, garantir son indépendance et superviser les bureaux judiciaires, conformément à la loi.
Article 99:
Premièrement
L'autorité judiciaire dispose de son propre budget spécial qui doit être annexé au budget de la Région. Ce budget est financé par les frais de justice et des amendes collectés conformément à la loi, et par les fonds que le Gouvernement du Kurdistan fournit à cet effet.

Deuxièmement
Le Conseil de la magistrature est chargé de préparer un projet de budget annuel pour l'autorité judiciaire, et consulte la Cour constitutionnelle concernant les allocations mises de côté pour elle. Le Conseil de la magistrature doit présenter le projet de budget au Parlement du Kurdistan d'Irak pour son approbation. Le chiffre final de ce budget doit être incorporé dans le budget annuel de la région du Kurdistan.


Section Quatre

Premièrement: Le ministère public
Article 100:
Le ministère public doit représenter la société dans la défense de la justice, la protection de la légalité, l'ordre public, la sécurité de la région et de ses fonds publics et protéger les familles et les individus et leurs libertés. Cela est réglementé par la loi.

Deuxièmement: Le Conseil de la Shura (Consultation)
Article 101:
Un Conseil de la Shura de la région du Kurdistan irakien doit être établi. Les missions et les pouvoirs du Conseil de la Shura sont régis par une loi.

Section Cinq
Administrations locales et Conseils Municipaux
Article 102:
Les divisions administratives de la région du Kurdistan sont les suivantes: Gouvernement, districts, comtés et villages. La mise en place de ces divisions administratives, la désignation ou le changement de leurs chef-lieu, le règlement ou la modification de leurs limites, et la séparation d'une unité administrative pour l'attacher à d'autres unités doivent s'effectuer conformément à la loi.
Article 103:
Premièrement
Afin de parvenir à la démocratie, la décentralisation administrative doit être appliquée, continuellement développée et activée dans la gestion des unités administratives du Kurdistan (gouvernement, districts, comtés et villages), car c’est l'un des outils indispensables pour la participation des citoyens de la Région dans la gestion des affaires générales de l'unité administrative. Chaque unité administrative doit avoir un conseil local, choisi par scrutin secret lors d'élections directes et générales. La méthode par laquelle ces conseils sont élus, ainsi que leurs pouvoirs et fonctions, doit être clarifiée par la loi.
Deuxièmement
Chaque unité administrative aura un conseil exécutif présidé par le directeur général de cette unité administrative. La loi doit clarifier la façon dont ce conseil est formé, déterminer ses pouvoirs et fonctions, et définir sa relation avec le conseil local de la même unité administrative et avec les ministères centraux et les institutions du Kurdistan.

Article 104:
Les chef-lieux de chaque gouvernement, district, comté ou d'un village avec une population d'au moins 3.000 personnes auront une municipalité, gérée par un conseil municipal élu qui doit fournir des services publics à ses citoyens conformément à la loi.
Article 105:
Premièrement
Les conseils locaux et municipaux jouissent du statut d'une personne morale.
Deuxièmement
Chaque unité administrative ou municipale doit avoir son propre budget indépendant.
Article 106:
Premièrement
Une représentation équitable des groupes ethniques vivant au sein d'une unité administrative ou de la municipalité doit être pris en compte dans la composition des conseils locaux et municipaux. Ce processus doit être réglementé par la loi.
Deuxièmement
La loi électorale pour les conseils locaux et municipaux doit viser à s'assurer qu'au moins 30% des membres du conseil soient des femmes.

Keyhan Kalhor & Reza Samanî


jeudi, novembre 29, 2012

Épitre sur l'intellect



Vendredi 30 novembre à 15 h 00 : Farabî, le second maître. Avec Philippe Vallet (CNRS), traducteur de l'Épitre sur l'intellect. Cultures d'Islam, A. Meddeb.

mercredi, novembre 28, 2012

Les Kurdes de Syrie vont-ils parvenir à un commandement militaire unique ?


En début de mois, réunie à Doha (Qatar), l’opposition syrienne se réunissait pour une refonte totale du Conseil national syrien, de plus en plus impuissant et critiqué pour sa désorganisation et son inefficacité, tant sur le plan international que sur le champ de bataille, sur lequel il n’a guère de prise. 

Appuyée par les USA qui souhaitent que cette nouvelle plate-forme fasse office de futur gouvernement intérimaire, la Coalition nationale des forces de la révolution et de l’opposition syrienne s’est constituée le 11 novembre, incorporant le Conseil national syrien, des personnalités indépendantes, 3 représentants de la Composante turkmène, 3 représentants du Conseil national kurde, diverses formations, unions et ligues, et les Conseils locaux de 14 villes syriennes, ce qui fait en tout 63 membres. Le cheikh Moaz Al-Khatib al-Hasani (Conseil local de Damas) a été élu comme président et Moustafa Al-Sabbagh (Forum syrien des Affaires) est secrétaire général.

Pendant ce temps, sur le terrain des combats, la situation s’est avérée de plus en plus confuse et tendue dans les zones kurdes, des milices plus ou moins contrôlées et contrôlables par l’Armée syrienne de libération (ASL) se heurtant avec celles des Kurdes du PYD, les Unités de protection populaires (YPG), qui veulent empêcher la pénétration de l’ASL sur leur terrain. Les rebelles syriens accusent le PYD d’aider, au moins indirectement ou directement, les forces gouvernementales, soit en entravant ses mouvements, soit en les attaquant, aux abords des quartiers d’Ashrafieh et de Sheikh Maqsoud, à majorité kurde. Des Kurdes ont manifesté contre l’entrée de ces milices qui ont alors ouvert le feu, tuant ou blessant une dizaine de personnes. En représailles, les YPG ont annoncé avoir tué19 combattants de l’ASL et capturé un certain nombre d’entre eux.


Finalement, le 6 novembre, l’ASL et l’YPG  concluaient un accord de « coopération » contre le régime de Bachar Al-Assad, accord confirmé par une déclaration de l’YPG, faisant état d’un combat commun entre ses forces et celles de l’ASL contre le régime syrien, et par une déclaration filmée de l’ASL, diffusée sur Youtube.

Mais cette trêve à peine annoncée, le conflit repartait à Serê Kaniyê (Ras al-‘Ayn en arabe, province de Hassaké), localité mixte composée principalement de Kurdes et d’Arabes, située sur la frontière turque. Le 9 novembre, des milices proches d'Al-Qaïda y entraient, venant de la Turquie, et tentaient d’ouvrir un autre couloir frontalier, qui servirait à évacuer des blessés de Syrie, mais aussi à ravitailler et armer les bataillons sur place. Selon un commandant de l’ASL sur place, les rebelles syriens auraient libéré une vaste zone, tout le long de la frontière, longue de 80 km, allant d’Alep à Hassaké. 

Les Kurdes, pour une fois unanimes, se sont opposés vivement, par la voix ou les armes, à cette incursion. Le Conseil national kurde a immédiatement appelé les rebelles syriens à quitter la ville :

«Le Conseil kurde affirme participer à la révolution pour abattre ce régime totalitaire mais la province de Hassaké doit rester une zone sûre pour les milliers de réfugiés qui ont fui d’autres régions.»

Les milices armées qui ont investi Serê Kaniyê, Jabhat al-Nusrat et Ghurabat al-Sham, sont des djihadistes, ce qui fait craindre le pire aux Kurdes et aux chrétiens de la région. Ces groupes islamiques ne sont d’ailleurs entrés que dans les quartiers arabes de la ville et non dans les quartiers kurdes, tenus par les Comités de protection populaire du PYD.

La proximité de Serê Kaniyê avec la frontière turque a pu apparaître une protection contre d’éventuels bombardements du régime qui pouvait hésiter à risquer d’autres incidents avec la Turquie, après que des villages ont subi le feu syrien en territoire turc et plusieurs incidents de frontière (ou bien de telles «bavures» de la part du Baath ne sont pas pour déplaire à l’ASL). Mais le 14 et le 15 novembre, Serê Kaniyê a tout de même essuyé des attaques aériennes, faisant une dizaine de victimes, les blessés étant évacués vers l’hôpital de Ceylanpınar, en territoire turc. 

Le 19 novembre, des affrontements étaient rapportés entre les milices arabes et les YPG, faisant 5 morts chez les Kurdes, et 24 parmi Jabhat Al-Nusra et Gharba al-Sham. 35 Kurdes seraient détenus par les milices arabes et 11 rebelles par les Kurdes. Les incidents auraient éclaté alors que des Kurdes manifestaient en demandant le retrait des groupes armés.


Au total, cette nouvelle avancée des opposants syriens dans la province de Hassaké a causé la fuite de 9000 réfugiés en Turquie, venant s’ajouter aux 120 000 déjà enregistrés dans les camps turcs, et aux quelques dizaines de milliers non enregistrés et recueillis par des habitants. 

Brutalement tirées de leur relative quiétude, d’autres villes kurdes se préparent à des conflits incertains, les assauts pouvant venir tout aussi bien de l’aviation syrienne que de l’ASL. À Derbassiyeh et Tell Tamr, les forces du PYD ont annoncé avoir pris le contrôle de la ville, l’armée syrienne s’étant, une fois de plus, retirée sans combat devant les YPG.

À Qamishlo (ville non «libérée», où le Conseil national kurde est plus influent que le PYD), la population craint une bataille imminente entre les forces du régime et l’opposition, d’autant que la Turquie et les groupes djihadistes, tentent de gagner à leur cause les tribus arabes originaires de l’Euphrate installées par le régime à Qamishlo dans un plan d’arabisation de ses frontières, connu sous le nom «ceinture arabe» s’étirant sur 240 km de Dêrîk à Serê Kaniyê. 

Sentant plus que jamais la nécessité d’une entente kurde – à défaut d’une union sacrée – au vu des derniers événements, le président du Gouvernement régional du Kurdistan a invité, une fois de plus, tous les partis kurdes syriens, dont le PYD, à se retrouver à Erbil pour envisager une force militaire conjointe qui regrouperait l’YPG et les Peshmergas syriens entraînés au Kurdistan d’Irak et que le PYD, jusqu’ici, refuse de laisser entrer au Kurdistan de Syrie, bien que ses troupes soient de plus en plus encerclées par les djihadistes et l'ASL. 

Patronnée par la présidence kurde d’Erbil, la rencontre, qui a été ouverte par un discours de Massoud Barzanî (exhortant toutes les parties à la cohésion et au refus d’une guerre civile et les menacant de leur retirer son soutien en cas de mésentente persistante), s’est conclut, au bout de trois jours, par un accord annoncé le 24 novembre, entre le Conseil national kurde et le PYD. Selon Ismail Hama, le secrétaire général du Parti de l’union kurde, le PYD aurait accepté de placer ses YPG sous un commandement militaire unique émanant du Conseil suprême kurde, aux côtés des Peshmergas.

Des voix ont déjà fait entendre leur scepticisme sur l’application réelle d’un tel accord, l’avant-dernier, qui ne portait que sur une gestion administrative et politique des zones kurdes n’ayant jamais été réellement effectif. Abdul-Bassit Sayda, l’ancien président du Conseil national syrien, un Kurde favorable à une alliance kurdo-arabe contre le Baath, a ainsi fait part de ses doutes au journal Rudaw : «Le problème de cet accord est que le PYD accepte à chaque fois, mais quand il revient en Syrie, il ne l’applique pas. Le Conseil national kurde suit l’agenda du Gouvernement régional du Kurdistan et le PYD celui d’Assad. Cela ne peut pas marcher.»

Mais Talal Ibrahim Pacha, s’exprimant au nom du Conseil national Kurde (Comité des relations internationales) estime, lui, que ce dernier accord réussira peu à peu à s’appliquer sur le terrain, même si des déclarations émanant des YPG continuent de souffler le chaud et le froid sur la tenue réelle de cet accord, qui prévoit que les Peshmergas pourront enfin entrer au Kurdistan de Syrie une fois que le CNK et le PYD se seront entendus sur la composition du Commandement militaire.

Qui sont les Kurdes et que veulent-ils ?

À lire sur la page d'Ariane Bonzon, Slate.fr :
Au cœur du Proche-Orient, partagés entre au moins quatre pays (Irak, Iran, Turquie, Syrie) et formant une nombreuse diaspora en Europe, les Kurdes constituent la plus grande nation sans Etat. Dans la recomposition régionale que les soulèvements arabes pourraient entraîner, les Kurdes auront certainement leur mot à dire…

mardi, novembre 27, 2012

Projet de constitution du Kurdistan d'Irak (10)




Deuxièmement: La Cour Constitutionnelle du  Kurdistan d’Irak

Article 91:
La Cour Constitutionnelle du Kurdistan d’Irak est établie par la loi.
Article 92:
Premièrement
La Cour constitutionnelle du Kurdistan est composé de sept membres, dont le juge en chef. Les membres sont choisis parmi des magistrats, des professeurs de droit et des avocats qui disposent au total d'au moins vingt ans de pratique dans le domaine judiciaire ou législatif, dans l'enseignement du droit ou dans la pratique juridique.
Deuxièmement
Le président de la Région du Kurdistan, en consultation avec le Conseil de la magistrature, nomme les membres de la Cour constitutionnelle.
Troisièmement
Après que le Parlement du Kurdistan a confirmé, à la majorité des deux tiers de ses membres, les candidats à la Cour constitutionnelle, le Président de la Région du Kurdistan délivre un décret portant nomination de ces candidats comme membres de la Cour.
Article 93:
La Cour élit son juge en chef parmi ses membres.
Article 94:
Avant d’entrer dans leurs fonctions, le juge en chef et les membres de la Cour constitutionnelle prêtent le serment légal de leur office devant lePrésident de la Région du Kurdistan.
Article 95:
La Cour constitutionnelle est compétente pour statuer sur les questions suivantes:
Premièrement
Expliquer les énoncés des articles de la Constitution de la Région du Kurdistan.
Deuxièmement :
  1. Vérifier la constitutionnalité des lois, à la demande du Président de la Région du Kurdistan, du Conseil des ministres, de membres du Parlement, ou de toute autre partie concernée.
  2. Décider de la légalité des décrets, règlements, résolutions et directives, à la requête de toute partie concernée.
Troisièmement
Trancher les appels portés devant [la Cour constitutionnelle] qui résultent d'une affaire en cours devant un tribunal et sont liés à l'inconstitutionnalité d'une loi ou de l'illégalité d'une résolution, d’un règlement ou d’une instruction. Ledit tribunal doit ajourner l'affaire jusqu'à ce que le résultat de l'appel soit tranché.
Quatrièmement
Confirmer le résultat des référendums et des élections générales pour le Président de la Région, le Parlement du Kurdistan, les conseils locaaux et municipaux.
Cinquièmement
Se prononcer sur la constitutionnalité des amendements proposés à la Constitution de la Région du Kurdistan, et décider si lesdits amendements sont conformes aux exigences énumérées à l'article 120 de la présente Constitution.
Sixièmement
Juger le président ou le vice-président de la Région du Kurdistan après leur mise en accusation par le Parlement conformément à l'article 62 de la présente Constitution. Le président ou le vice-président doivent être reconnus coupables par au moins cinq membres de la Cour.
Septièmement
Trancher les cas portés devant la Cour conformément à l'article 19, Paragraphe18 / 3 de la présente Constitution.
Huitièmement
Trancherer les appels liés à la validité de l'adhésion des membres du Parlement et de la levée de leur immunité.
Article 96:
La loi détermine les conditions d'adhésion à la Cour, ses procédés de travail, et la façon dont elle admet les affaires, les requêtes et les appels.
Article 97:
Les décisions de la Cour constitutionnelle sont définitives et obligatoires pour tous. Si la Cour, pour décider de la constitutionnalité des lois ou de la légalité des décrets, règlements, résolutions et directives, décide que toute loi ou décret, règlement, résolution ou instruction sont contraires à la Constitution ou à la loi, la Cour doit en informer l'autorité concernée au Kurdistan, afin que cette autorité puisse prendre les mesures nécessaires pour supprimer ou corriger les violations de la Constitution.

"Bachar le survivant"

À lire sur Slate.fr, par Foreign Policy :
Voilà plus d’un an que Barack Obama a appelé Bachar el-Assad à se retirer du pouvoir. Voici pourquoi le leader syrien est toujours en place…

lundi, novembre 26, 2012

Achoura ou Arche de Noé



Le jour de l'ashûra, musulmans chiites et sunnites, ainsi qu'Alévis mangent de cette bouillie à base de céréales et de fruits, avec des variantes dans la recette.

Chez les Alévis du Dersim, il faut 12 sortes de fruits secs ou céréales comme les 12 imâms. Chez eux comme chez les chiites, c'est un jour de deuil, celui du massacre de l'Imam Husseïn et de 72 membres de sa famille, dont ses jeunes enfants, par les Omeyyades. C'est devenu, à la longue, la journée de commémoration des injustices, de l'oppression et des massacres d'innocents. Dans le Dersim, il y a de quoi se souvenir…

Pour les sunnites, l'Achoura évoque la fin de la navigation de Noé quand il retrouva la terre ferme.  On y met alors les 7 sortes de céréales et fruits secs qui furent embarquées en provision. Et plutôt qu'Achoura, on dit "Arche de Noé' (سفينة نوح). Ainsi, à Alep, Kurdes et Arabes mangent en commun de cette 'Arche de Noé'. 

Mais cette année, en Syrie, c'est Kerbelah tous les jours, et pour tout le monde. 

Projet de constitution du Kurdistan d'Irak (9)




Chapitre Trois
Les autorités judiciaires 
Premièrement: Principes généraux
Article 77:
Les autorités judiciaires de la Région sont indépendantes. Elles se composent de la magistrature, de la Cour constitutionnelle, de la Cour de Cassation, du Département de l’inspection judiciaire, du ministère public , de différents niveaux et types de tribunaux et de leurs cadres. La loi réglemente la manière dont ces organes sont formés, les conditions et modalités de nomination de leurs membres et de leurs responsabilités.
Article 78:
Le pouvoir judiciaire est indépendant et n'est soumis à aucune autorité, sauf celle de la loi.
Article 79:
Le pouvoir judiciaire a compétence générale sur toutes les personnes physiques et morales au Kurdistan.
Article 80:
Les jugements et les décisions de justice doivent être émis et mis en œuvre au nom du peuple.
Article 81:
Tous les juges sont nommés pour une durée illimitée, avec une retraite obligatoire à un âge fixé par la loi. Les juges ne peuvent pas être supprimés, sauf dans les cas prévus par la loi. Les juges doivent bénéficier de conditions de travail convenables, et d’une rémunération compatible avec la dignité de leur charge et l'ampleur de leurs fonctions, et qui garantit leur indépendance. Tant que les juges sont en exercice, leur rémunération ne peut être diminuée, ni leurs conditions de travail être modifiées.
Article 82:
Les juges et les membres du ministère public sont interdits de fonction dans les cas suivants :
Premièrement
Exercer simultanément un poste judiciaire et des fonctions législatives ou exécutives, ou tout autre emploi.
Deuxièmement
Être affilié à une organisation ou à un parti politique.
Article 83:
Les sessions de la Cour sont publiques, à moins que le tribunal se prononce en faveur d'une séance à huis clos, pour des raisons de moralité publique, ou pour préserver l’inviolabilité de la vie des familles. Dans le cas d'une séance à huis clos, le jugement doit être prononcé en audience publique.
Article 84:
Il est interdit de créer des tribunaux spéciaux ou extraordinaires au Kurdistan.
Article 85:
La loi réglemente quels tribunaux ont compétence pour enquêter sur les crimes de nature militaire commises par des membres de la Garde régionale (Peshmergas), ou par des membres des forces de sécurité intérieure, ainsi que les crimes commis par des membres de ces forces entre elles.
Article 86:
Il est interdit par la loi de décréter que les tribunaux n'ont pas le droit d'entendre les cas découlant de ces lois.
Article 87:
Il est interdit par la loi de décréter que toute résolution exécutive ou administrative ou procédure n’est pas sujète à appel.



[Comme visiblement, personne ne comprends que dalle aux 2 derniers articles, que ce soit en anglais ou en français je mets ci-dessous la version en kurde soranî, des fois que ça éclairera davantage…]





Article 88:
La loi doit garantir l'impartialité de l'administration, et toute personne qui abuse de son pouvoir sera punie.

Article 89:
Toute personne blessée à la suite de la faute ou la négligence de membres du personnel de ministères du gouvernement du Kurdistan ou des autorités, alors que lesdits membres du personnel s'acquittent de leurs emplois, ont le droit de réclamer une indemnisation auprès des organismes mentionnés ci-dessus.
Article 90:

Les décisions judiciaires doivent être appliquées. Le refus de les appliquer, ou une entrave à leur application doiventt être considérés comme un délit punissable par la loi. Si l'accusé est un fonctionnaire ou une personne chargée d'exercer une fonction publique, en plus de recevoir une sanction punitive, il sera démis de ses fonctions. Le bénéficiaire du jugement doit avoir le droit d'intenter une action directement devant le tribunal compétent, et s'il n'a subi un quelconque préjudice, le gouvernement doit lui garantir une indemnisation intégrale. Cette compensation ne doit pas porter atteinte à la responsabilité du subordonné.

dimanche, novembre 25, 2012

Nuri Bilge Ceylan



Lundi 26 novembre, soirée Nuri Bilge Ceylan sur Ciné + Club:

– 20 h 45:  Il était une fois en Anatolie.








– 23 h 25 : Uzak


Itinéraire de Sibylle

Putain de justice !


Peu après arriva un Kurde, marchand de moutons ; il avait vendu ses bêtes à des bouchers qui l'avaient payé en partie et lui devaient encore quelque chose comme mille piastres. S'apprêtant à repartir, il leur avait réclamé cette somme, mais ils s'étaient donné le mot pour le faire lanterner, dans le but de l'estamper. Comme il était pressé de se mettre en route, il avait rédigé un placet et comptait le faire parvenir au roi pour obtenir son dû. Quand il arriva à la porte du conseil, Otmân l'interpella : "Eh l'homme ! Approche un peu." Le Kurde se tourna vers lui.
– Eh ! tu vas où, Dukurdos ? 
– Bâbâ, petit père, moi entrer dedans.
– Ah ouais, et pour quoi faire ? 
– Moi dépose la papière pour une affaire. C'est plainte pour argent récupérère. 
– Non, mais t'es aveugle  ou quoi, qu'la peste t'empoisonne ! C'est pas possible, y comprend rien ! Donne ton papelard, eh cocu !
Il prit le placet, l'ouvrit, regarda ce qui était écrit, le retourna dans sa main en disant : "Hé hé, bien bien… bravo ! ah ! de l'argent… bon, bon… va toujours, ça marche." Puis il lui demanda : 
– Bon alors, cheikh Dukurdos, c'est de quoi qu'tu t'plains, au juste, raconte un peu. 
– Eh bâbâ, c'est écrit dans la papière !
– Ben j'le sais bien, t'as pas vu qu'je viens d'le ligoter ? Raconte quand même, ce s'ra plus clair, mon pote ! 
– Bâbâ, moi venir de Rosette avec grande troupeau moutons et chèvres. Entre à la Caire, vende à groupe de bouchères. Eux payer argente petite à petite, cente bourses. Maintenant reste mille piastres, chacun cinquante-cent, et moi veut rentrère. Je demandère et eux disont : "Attends, maintenant argent il y a pas." Moi attendre je peux pas, alors je venir ici pour réclamer ma droit, comme ça demain je partais.
– Bon, c'est tout, mon pote ? 
– Oui bâbâ.
– Ouais, eh ben, ça peut pas marcher comme ça. J'vais t'indiquer la démarche à suivre. 
– Dis-moi, seigneur, moi veut savoir. 
– Réunis tous les bouchers à qui t'as vendu tes bêtes et rends-leur à chacun son argent ; ensuite, tu porteras une plainte contre tous, en bloc, et ça marchera. 
Way, djâneum !  Qu'est-ce que c'est cette conseil ! Moi je dis mille piastres je pas récupère, comment je récupère cinquante mille ! Djâneum ! Eux mangèrent moi et boire verre d'eau par-dessus ! Pas même récupère mille piastres !
– Comment ? tu discutes ? eh maquereau ! Attrapez-le, les gars !
Les truands empoignèrent le Kurde. "Pitié, djâneum ! criait le malheureux. Quoi j'ai faite ? Pourquoi frappère moi bastonnade ? – Étendez-le", fit Otmân. Il lui administra cent coups de bâton, puis on le releva. "Aboule cent paras ! commanda Otmân. – Djâneum, moi déjà prendre bastonnade, encore payer argente ? – Eh, cocu, c'est l'droit d'enregistrement ! Non mais, tu crois qu'c'est à l'œil, de porter plainte ? T'as déjà vu qu'on entrait au hammam sans payer ?" Le Kurde n'osa piper mot tant il craignait de recevoir une seconde raclée et versa la somme demandée.
 

 

samedi, novembre 24, 2012

Le triomphe de Baïbars



Le lendemain, le roi se rendit au conseil ; les grands et les dignitaires du royaume prirent place autour de lui. Les cadis arrivèrent ainsi que le Cheikh El-Islam, le cadi des armées, Baïbars, Taylakhân et Saylakhân… et le procès reprit en présence du roi.
– C'est Dieu qui rétribuera les prévaricateurs, Lui le Seigneur des mondes ! Émir Taylakhân, t'était-il permis d'emprisonner mon cousin une année entière sans m'en informer ? C'est là un abus de pouvoir caractérisé ! Comment as-tu pu agir ainsi, au mépris de la Loi du Seigneur ? Tu dois être châtié et c'est Baïbars qui est dans son droit.
– Pour cette affaire-là, intervint le cadi, la cause en entendue. Mais peut-on tolérer que Baïbars ait porté la main sur son adversaire et sur le cadi, fracturé la porte de la prison et proclamé nulle une sentence légalement rendue, commettant ainsi un sacrilège envers la Loi ?
– Cadi, lorsque mon fils Baïbars a proclamé nulle cette sentence, il était déjà avéré que celle-ci était basée sur une accusation mensongère et fondée sur de faux témoignages. En la proclamant nulle, il ne faisait que dire la plus stricte vérité, et cela ne peut lui être reproché. Restent les voies de fait ; or, s'il a  porté la main sur toi, cadi, c'est dans la mesure où, lors même que tu avais la vérité sous les yeux, tu refusais de l'admettre. Comment, en de telles conditions, pourrait-on le condamner  pour apostasie ? Qu'en dis-tu, toi, cadi Mohammad Ibn Daqîq El-'Id ?
– Efendem, l'homme de loi se fonde sur ce qu'il voit et Dieu seul connaît les secrets des cœurs. Non seulement Baïbars n'a pas commis de faute, mais il a bien agi et fait triompher le droit et la justice. 
Voyant comment tournait le vent, le cadi que Baïbars avait frappé se hâta de déclarer qu'il le tenait quitte ; dès lors, il ne restait plus aucun chef d'accusation contre lui. 
– Et maintenant, dit le roi, il nous faut châtier  Taylakhân pour le tort qu'il a causé à mon cousin.
Amân, efendem ! répondit le cheikh Mohammad. Sa culpabilité est établie, et c'est à toi qu'il revient de fixer la peine qu'il mérite. 
– Eh bien, je délègue mes pouvoirs à mon fils Baïbars : qu'il prenne la décision qui lui paraîtra bonne, il est libre. Allez mon garçon, prononce ta sentence. 
À ces mots, les ennemis de Baïbars crurent périr de male rage. Et de fait, c'était un événement sans précédent. Imaginez un peu, un roi qui délègue son autorité à un tout jeune homme, presque un enfant, en plein conseil, et à l'encontre d'un vizir ! Aïbak surtout pestait dans sa barbe : "Allah bala versen ! Cadi, tu vois dans ton œil ! Echta le roi il aimer Baïbars et lui donner son succession. Tout ça à cause les yeux noirs et les joues roses il meurt de l'amour : toutes les nuits dans les bras il couche avec !" Et tous les ennemis de Baïbars de colporter ce vilain ragot.
Quant à Baïbars, il était bien embarrassé de se voir ainsi confier le soin de trancher cette affaire à la place du roi. Il s'agissait d'un personnage important du conseil, à peine inférieur à Aïbak : pouvait-il le faire jeter en prison ou le condamner à l'exil comme le premier venu ? Il s'inclina profondément et prit la parole.
Efendem, le fait est que Taylakhân a lésé ton cousin et l'a fait jeter en prison au mépris du droit, mais il vaut mieux, me semble-t-il, lui pardonner, car celui qui pardonne à son ennemi alors qu'il aurait la possibilité de se venger trouvera sa récompense devant Dieu, le Moteur de toute chose. Ton cousin ne perçoit-il pas des appointements mensuels ?
– Bien sûr que si, par la gloire de Dieu, chaque mois il touche une somme fixe. 
– Je prie ta haute bienveillance d'ordonner, avant tout, au khazindâr de lui verser sur l'heure son traitement, car il n'a plus un sou.
– Dieu, ô Éternel ! Mais dis-moi, Hâjj Châhin, mon frère, pourquoi ne l'a-t-il pas perçu ? 
– Pardonne-moi, efendem, je l'ignore, répondit ce dernier.
Il envoya chercher le khazindâr qui avoua : "Toutes les fois que je voulais verser son traitement à la femme du prisonnier, Taylakhân s'interposait et menaçait de me faire exécuter." On fit donc le compte. Le total de son traitement mensuel sur un an s'élevait à dix bourses qui lui furent versées aussitôt. Baïbars reprit la parole : "Taylakhân est condamné à verser quatre fois ce montant à Saylakhân, à titre d'indemnisation pour la période passée en prison et le préjudice moral. Dès l'exécution de cette sentence, Saylakhân sera tenu d'accorder son pardon à Taylakhân, attendu que pardon vaut mieux que bénéfice et que toutes choses ont été décrétées par Dieu, de toute éternité. Qu'en dis-tu Taylakhân ? – Trop volontiers je donne, de mon œil droit à mon œil gauche." Mais il lui en cuisait, car on tient à son argent comme à sa propre vie, et quarante bourses, en ce temps-là, ce n'était pas rien !
Ensuite, l'émir Baïbars s'inclina et reprit la parole : "Efendem, nous prions ta haute miséricorde de bien vouloir considérer tous les Musulmans comme des membres égaux d'un même corps, qu'ils soient kurdes ou turkmènes, bédouins ou citadins, quel que soit leur poste dans l'armée ou le conseil. Commandeur des Croyants ! Parlant au nom de Taylakhân, je viens maintenant demander à Saylakhân la main de sa fille, puisse-t-il m'épargner un refus."
Saylakhân, le père de la jeune fille, avait pu se pénétrer de la sagesse de Baïbars ; en outre, celui-ci l'avait sorti de prison, et lui avait fait obtenir une grosse somme d'argent. Dès que Baïbars eut formulé cette demande, il courut l'embrasser sur le front en signe qu'il acceptait. Taylakhân fit de même ; il ne se tenait plus de joie. Baïbars aurait pu lui prendre toute sa fortune, il s'en serait soucié comme d'une guigne ! "Aman efendem oghlan, disait l'un, comme tu veux je fais, serviteur à toi ! – Et aussi moi, ajoutait l'autre, serviteur et obligé à toi ! Je pardonne coups de bâton et je fais confiance pour tout, toi mon maître. Et tous deux de reprendre en chœur les louanges de Baïbars : "Maintenant toujours écouter tes conseils, très bien, très sage ! Wallah balla, nous très contents ! Qu'est-ce que ça, ya ho wallah, moi pas croire Baïbars comme ça, bon cœur, intelligent, lui bonne famille !"
Pendant ce temps, le roi El-Sâleh contemplait la scène avec un large sourire ; il ne se tenait plus de joie et nageait littéralement dans le bonheur : "Mâ châ Allah, Baïbars ! s'écria-t-il ! Prions sur le Prophète ! Regarde, cadi, comment mon fils sait rendre la justice. N'a-t-il pas réussi à satisfaire les deux parties, malgré l'hostilité qui les déchirait ? N'a-t-il pas fait paître le loup avec les brebis ? Par le Dieu Tout-Puissant, il est bien digne de régner sur l'Égypte. Gloire à celui qui lui a accordé de tels dons !
– Bien sûr, ô grand roi, répondit le cadi, les tripes tordues par le dépit et la colère, j'en témoigne, c'est notre fils bienheureux ! 
– Que l'on rédige donc le contrat de mariage, avec les bénédictions divines ! 

Une passion qui tourne mal



…et la vieille se mit à raconter son histoire, que voici :  son mari, Saylakhan, était un émir kurde ayyoubide. Bien qu'il siégeât au conseil d'en-dehors, il était tombé dans la plus extrême pauvreté, ayant à sa charge une nombreuse famille. Un jour, sa femme s'en était allée au hammam, accompagnée de ses quatre filles. L'aînée s'appelait Jamîleh Khânom. Elle était belle comme le clair de lune. Le destin voulut qu'au moment où elle sortait du hammam, un émir passa par-là. C'était un Turkmène, féru de beauté. Il s'appelait Mahmoud et on le surnommait Taylakhân. Il occupait un haut rang dans le grand conseil royal, presque égal à celui d'Aïbak.
La fille sortait donc du hammam. Comme de coutume, elle ne se couvrit le visage qu'en passant la porte. Au moment où elle relevait sa mantille pour rabattre son voile, l'émir Taylakhân l'aperçut un instant, beauté sans pareille et qu'on ne saurait décrire – Louange au Roi qui l'a créée ! – visage resplendissant comme une escarboucle, joues empourprées… telle une houri descendue du paradis. 
Taylakhân ne l'avait pas plutôt aperçue qu'il se prit pour elle de la plus violente des passions. "Ah, ah, s'écria-t-il, que l'amour est cruel !" Il voulut savoir qui était celle belle, connaître le nom de son père, pour lui demander sa main, dût-il y laisser toute sa fortune. Les femmes, la mère et ses filles, passèrent leur chemin. Pour savoir où elles habitaient, et de quelle famille elles étaient, Taylakhân les fit suivre par l'un de ses hommes et s'en retourna à son palais, tourmenté par l'amour et rongé par le feu de la passion. Son homme revint et lui apprit que la belle était fille de l'émir Saylakhân le Kurde, ce qui ne fit qu'aggraver son mal, car on connaît l'hostilité séculaire qui règne entre les Kurdes et les Turkmènes. Bien rares sont les mariages entre ces deux peuples : les Kurdes ne donnent leurs filles qu'à des Kurdes. Tout perplexe et dolent, il alla confier son secret à sa vieille nourrie qui vivait dans son palais. "Mon petit, lui dit-elle, si tu veux l'épouser, il ne faudra pas regarder à la dépense pour te gagner le cœur de son père, en le couvrant de cadeaux et de présents. Tu sais bien que c'est par des cadeaux qu'on fait naître l'affection et par des offenses qu'on fait naître la haine. Ce n'est qu'ensuite que tu pourras lui demander la main de sa fille : à ce moment-là, tu l'auras tellement comblé de présents qu'il n'osera pas te la refuser. – Tu as bien raison, voilà ce qu'il faut faire." Il envoya un serviteur au palais de Saylakhân pour lui demander de passer le voir.

"Mon fils, reprit la femme, mon mari vint me raconter l'affaire et me demander conseil. 'Femme, dit-il, l'émir Taylakhân m'a envoyé chercher. – Et alors, quel mal y a-t-il ? Toute demande mérite réponse. Va toujours voir, peut-être veut-il te rendre service ; il aura appris que tu es dans une situation difficile. Après tout, la bonté doit rester dans la communauté du Muhammad jusqu'au Jugement Dernier.'
Il se rendit donc au palais de Taylakhân. Celui-ci se précipita à sa rencontre et fit mine de lui baiser la main. Mon mari était en effet un homme âgé et l'autre, qui n'avait que quarante ans, était encore relativement jeune. Pourtant, mon mari refusa, se déclarant indigne d'un tel honneur. L'autre le fit alors asseoir à son côté et lui adressa son salut le plus chaleureux : 'Bienvenue, père, par Dieu, je t'aime beaucoup et veux te mettre à place de mon père. Pourquoi toi pas viens ici, moi ferons pour toi avantage. – Dieu te donne longue vie, je suis ton esclave, je suis à tes ordres. – Olân, cria l'autre à ses serviteurs, amenez le café !
On amena donc le café, qu'ils burent en passant un bon moment. Vint le temps du dîner, puis des rafraîchissements, et une agréable conversation suivit. Quand mon mari voulut se retirer, Taylakhân lui fit remettre cent pièces d'or et un habit neuf, ajoutant : 'Mon père, me faire plaisir tous les soirs tu venons ici dîner barabar.' Quand il m'eut raconté cette aventure, mon mari ajouta : 'Je ne vois pas pourquoi il s'est conduit si amicalement à mon égard, car les Turcs et les Turkmènes ne nous aiment pas beaucoup. – Quoi qu'il en soit, ne t'inquiète pas, on verra bien. Toutefois, ne va pas dépenser cet argent. Laisse chez moi tout ce qu'il te donne, jusqu'è ce qu'on voit comment tout cela va finir.'
Je pris les cent pièces d'or et les déposai dans un coffre. Ces relations amicales durèrent une année si bien que la somme totale atteignit les vingt bourses. 'Mon ami, dis-je alors à mon mari, s'il n'avait pas quelque chose de très important à te demander, il ne t'aurait pas donné une si grosse somme. Il doit y avoir anguille sous roche. Ce soir, demande-lui ce qu'il veut, et voyons ce qu'il a derrière la tête.'
Il se rendit donc chez lui ce soir-là et, comme d'habitude, il fut bien reçu. On dressa la table, ils dînèrent, burent le café, et devisèrent joyeusement. 'Mon fils, dit Saylakhân, les bienfaits dont tu m'as comblé dépassent l'entendement. S'il y avait quelque chose que je puisse faire pour te remercier, tu me ferais beaucoup d'honneur, et je m'y emploierais avec le plus grand plaisir.
– Papa, si c'est pas toi qui demande, même si il vient chez moi toute ta vie, je t'aurais pas raconté. Maintenant, toi il demande et je parle à toi, efendem Sulaïm. Je vois à ton excellence une fille qui être Jamîleh Khânom. Je viens désirant demander la min pour te faire mon père, maître de mes biens, ensemble.'
Cette demande ne fut pas du goût de mon mari, car on sait bien que les Turkmnène honnissent les Kurdes et que les deux peuples ne peuvent s'entendre, mais il n'osa pas répondre sur-le-champ et se contenta de dire : 'Efendem, si cela ne tenait qu'à moi, ce serait bien volontiers, mais je ne puis te l'accorder avant d'avoir consulté sa mère.'
Ah, mon fils, dit celle-ci à Baïbars, quand mon mari me demanda mon avis sur cette proposition de mariage, je lui répondis : 'As-tu déjà entendu qu'une Kurde ait épousé un Turkmène ? Veux-tu que nous devenions la honte de la tribu ? Veux-tu nous déshonorer devant tout le monde ? Et tu crois que ton cousin 'Izz El-Dîn El-Hilli va accepter un tel mariage et que le roi va y consentir ? [En fait, le roi n'était pas personnellement opposé à ce mariage, mais il craignait qu'il suscitât des troubles.] – Mais comment faire ? – Qu'il épouse donc une fille de sa race, et toi, rends-lui son argent, il est toujours là, personne n'y a touché.'
Le lendemain, mon mari prit l'argent et partit le rendre à l'émir, prétextant pour s'excuser que sa femme avait demandé l'avis de 'Izz El-Dîn et que ce dernier avait refusé. 'Comme il te plaira, mon père, répondit-il, si tu ne veux pas me donner ta fille, eh bien ! tant pis.' De retour, il me raconta ce qui s'était passé. Nous ne nous doutions pas de ce qui allait arriver : imagine-toi que sous l'emprise de la colère, il perdit tout sens de la mesure. 'Tant d'arrogance chez ce pouilleux ! s'écria-t-il, je lui demande sa fille en mariage, je daigne le prendre pour beau-père, alors que je suis d'un rang bien supérieur au sien, et il a l'insolence de ne pas m'accepter pour gendre !'
Le jour suivant, il partit au tribunal de Bâb El-Nasr porter plainte contre mon mari auprès du cadi Nâser El-Dîn efendi, prétendant qu'il lui devait dix mille piastres. Le cadi fit convoquer mon mari au tribunal et procéda à l'interrogatoire. S'il avait reconnu avoir reçu les dix mille piastres et déclaré les avoir restituées, son adversaire aurait eu beau jeu de nier la restitution, et le cadi lui aurait alors demandé des témoins. Il nia donc publiquement. Puis, à la demande du juge, Taylakhân présenta ses témoins, des gens que mon mari ne connaissait ni d'Eve ni d'Adam, et qui témoignèrent contre lui. Le cadi lui enjoignit donc de verser la somme, mais lui jura qu'il ne paierait pas un fils, puisque la réclamation n'était pas fondée. Le cadi le fit alors incarcérer à la prison du tribunal.
Quand je fus informée du jugement qui avait été rendu, je partis avec ma fille solliciter l'intervention des grands et des dignitaires du royaume ; je me jetai à leurs pieds, les suppliant de faire lever la sentence, mais chacun répondit que mon mari devait verser la somme et que son élargissement ne serait possible qu'après remboursement de sa dette. Il n'y en a pas un que je ne sois allée supplier, mais pas un ne m'a écoutée, et pas un ne m'a donnée une réponse favorable. Nous avons vendu tout ce que nous possédions et, n'étaient les généreux, ce serait la fin pour les miséreux. Que veux-tu que je te dise ? Une pauvre femme comme moi, avec mes quatre filles et mon mari en prison, qu'il faut entretenir… Tant et si bien que nous voilà dans ce triste état, et hier nous nous sommes couchées sans manger. Dis-moi, n'ai-je pas raison de pleurer, alors que voici déjà un an que mon mari est en prison ?" – Pourquoi ne vas-tu pas te plaindre auprès du sultan ? demanda Baïbars. 
– J'ai présenté plus de vingt placets, qui sont tous restés sans réponse.
Encore plus ému, Baïbars lui donna dix pièces d'or et lui dit : "Petite mère, ne t'inquiète pas. Demain j'irai faire appel pour toi auprès du cadi. Je plaiderai ta cause contre ton adversaire et il faudra bien – s'il plaît à Dieu – remettre ton mari en liberté." Elle se retira en prononçant des invocations en faveur de Baïbars.

 

jeudi, novembre 22, 2012

Les Derniers jours de Zeugma

Vendredi 23 novembre à 20 h 35 sur Histoire : Les Derniers jours de Zeugma. (Fr, 2000, T. Ragobert).

Abdulbasset Sayda : Les Kurdes doivent choisir leur camp

photo Rudaw



Abdulbasset Sayda, qui avait été nommé en juin dernier à la tête du Conseil National Syrien, s'est rendu à Erbil la semaine pour y rencontrer le président Massoud Barzani. Il a donné une interview au journal Rudaw, où il commente les derniers événements au Kurdistan de Syrie, notamment les heurts entre des milices arabes rebelles et celle des forces kurdes YPG-PYD (branche syrienne du PKK) à Serê Kaniyê (Ras al-'Ayn). 


Rudaw: Quel est le but de votre visite à  Erbil?

Abdulbasset Sayda: Je suis ici pour plusieurs raisons. L'une est de discuter de la situation à Serê Kaniyê. Une autre est de discuter de la situation des Kurdes et des relations des Kurdes avec l'Alliance nouvellement formée. 

Rudaw: Il a été dit que le groupe militant qui a récemment envahi Serê Kaniyê était l'Armée syrienne de Llibération (ASL).

Abdulbasset SaydaIl y a beaucoup de groupes qui se revendiquent comme étant de l'ASL. Beaucoup de choses déplaisantes sont commises au nom de l'ASL. Des personnes sont kidnappées, doivent payer une rançon, etc. Mais je crois que la force organisée principale, aujourd'hui, est le Commandement militaire conjoint. Nous les avons rencontrés et leur avons demandé de cesser les attaques contre les civils et leurs biens. Malgré cela, plusieurs groupes ont émergé, qui ne sont pas sous contrôle. L'un de ces groupes est Jabhat al-Nusra. En fait, ces groupes sont hors de tout contrôle.

Ce qui s'est passé à Serê Kaniyê est inacceptable. Si un groupe combat le gouvernement et chasse les forces gouvernementales de la ville, c'est parfait. Mais ils ne peuvent s'en prendre aux civils, surtout à Serê Kaniyê qui servait d'abri à de nombreux civils. Je crois que cette mesure prise par Jabhat al-Nusra était complètement inutile.

Nous avons parlé de l'incident au Conseil national syrien. Nous avons publié un communiqué où nous demandons que les groupes armés quittent la ville. Les gens de cette ville ont besoin de s'asseoir à la même table et de décider de la façon dont ils veulent administrer leur ville. Ceux qui ont quitté la ville doivent revenir sur les lieux. Nous espérons que cet incident ne se propagera pas à d'autres places. Dans le même temps, la propagande que ces deux groupes répandent l'un sur l'autre est inappropriée.

Si les forces kurdes affiliées au PYD font la même chose [que Jabhat al-Nusra], cela irritera la population. Il faut être prudent dans cette zone et savoir qu'elle est sensible, si vous jouez à cela, cela pourra devenir dangereux.

Je ne soutiens pas l'armement des jeunes gens. Beaucoup de jeunes se disent prêts à user des armes : ce n'est pas une bonne chose. Mais si nous devons prendre les armes contre le gouvernement, nous devons nous unir – Kurdes, Arabes, chrétiens, etc. En tant que Kurdes, nous ne pouvons avancer unilatéralement et attaquer les bâtiments des services secrets. Afin d'éviter des problèmes, nous devons prendre avec nous des Arabes et des chrétiens. Si vous détruisez une statue, vous devez les avoir avec vous. C'est mon opinion depuis le début.

Rudaw:  On dit qu'il y a un plan turc pour que l'ASL et d'autres groupes attaquent le PYD et en finissent ave ceux. Est-ce que c'est vrai ?

Abdulbasset SaydaLes Turcs n'ont jamais caché  leur refus du PKK sur leur frontière  (Partides Travailleurs du Kurdistan). Ils le déclarent ouvertement.  À la rencontre d'Erbil, à laquelle a pris part le Conseil national kurde, Ahmet Davutoglu [le ministre turc des Affaires étrangères] l'a redit. Davutoglu a dit qu'ils n'avaient rien contre le PYD si le PYD agissait comme un parti indépendant en Syrie. Mais  que s'ils se considèrent comme  PKK, alors la Turquie ne le tolérera pas.  La politique turque est claire à cet égard. Mais je crois que si les Turcs avaient un plan ou avaient voulu une telle chose, cela n'aurait pas démarré à Serê Kaniyê. Ils auraient commencé à Qamishlo qui est la ville majeure. Pourquoi commencé à Serê Kaniyê ?


Rudaw: On dit que Serê Kaniyê pourrait être la première étape vers Qamishlo. 

Abdulbasset Sayda:  Non, Qamishlo est plus proche d'eux. Qanishlo est sur la frontière. Serê Kaniyê a ses caractéristiques. Ce conflit ne date pas d'hier. Quand la délégation kurde s'est retirée de la conférence d'Istanbul, à Serê Kaniyê, les gens chantaient : "Ici, c'est le Kurdistan". Serê Kaniyê est une ville mixte. C'est quand ils ont commencé de chanter que le conflit a débuté et à l'époque, nous avions demandé à ce qu'il soit évité. Pas seulement à Serê Kaniyê, mais aussi à Hassaké. 

Nous devons être prudent à cet égard et ne pas juste chanter un slogan sans en calculer les implications. La situation en Turquie est très sensible. La Turquie ne peut pas prendre de décisions unilatérales sur la Syrie. Au début [de la révolution], on disait que les Turcs viendraient attaquer la Syrie mais ils ne l'ont pas fait. Pour la Turquie, occuper Qamishlo et Amude par une invasion militaire serait très facile. Ils pourraient le faire aisément, militairement parlant, mais il y a d'autres facteurs. Aussi, je ne pense pas qu'ils feraient quelque chose comme cela. Et j'espère qu'ils s'abstiendront de prendre de telles dispositions au lieu de résoudre les problèmes par la diplomatie.

Rudaw: Comment voyez-vous l'avenir du PYD en Syrie ?
Abdulbasit Sayda:  Si le PYD devient une partie de la nation syrienne, alors il sera le bienvenu et il deviendra une partie de la révolution. Aujourd'hui, la Syrie est en révolte et demande la démocratie. Pour obtenir vos droits, vous devez faire partie de cette révolution. Si vous vous considérez comme partie de cette nation, vous devez regarder les injustices faites au peuple du Daraa et de Damas comme des injustices qui vous sont faites. Au moins, vous ne devez pas être un obstacle aux actions kurdes dans votre région. Vous devez éviter de faire obstacle à la levée du drapeau de la liberté.

Le drapeau kurde flotte, lui aussi. Au CNS ce problème n'existe plus depuis longtemps. Ils disent laissez flotter le drapeau kurde et le drapeau de la révolution syrienne, mais aucun drapeau de parti ou de drapeau d'indépendance. Personne ne dit que le drapeau kurde va diviser la Syrie. Ces drapeaux doivent être des symboles pour tous les Syriens. Je ne peux pas dire : "Ne brandissez pas ce drapeau".

Dans le même temps, nous devons savoir que l'ASL est devenue un symbole pour tous les Syriens. Si vous vous opposez à cette armée, vous vous retirez vous-mêmes de la situation. Si quelque chose ne va pas, vous pouvez vous y opposer et dire que cela ne va pas. Mais si vous refusez toute l'ASL, cela veut dire que vous et le peuple de Syrie êtes en conflit.

Il faut y réfléchir. Les Kurdes ont leurs caractéristiques. Nous avons toujours été victimes. Nous sommes encore victimes. Nous sommes victimes en tant que Syriens et en tant que Kurdes. En tant que Syriens, nous sommes attaqués et en tant que Kurdes, on refuse nos droits sociaux et administratifs. En tant que Kurdes, nous sommes privés de notre identité et de notre terre. Les noms de nos villages et de nos villes ont été changés de force en noms arabes. Des étudiants kurdes n'ont pas le droit d'entrer dans les académies militaires ou de police. Des étudiants kurdes ne peuvent entrer à l'université. Nos régions sont économiquement  sous-développées et pillées.

Tout cela devrait être nos droits. Nous devons les réclamer à haute voix. Mais si vous patrouillez dans une partie de la ville et que les services secrets syriens patrouillent dans l'autre partie, les gens ne pourront l'accepter. Ils s'interrogeront. Et il faudra leur répondre. Est-ce que le pays peut être libéré avec  les forces des services secrets encore sur place ? C'est impossible.

Aussi, il est clair que vous devez choisir un camp. Vous devez soit faire partie de la révolution ou n'en pas faire partie. Si vous gardez le silence, alors c'est autre chose Mais si vous vous opposez à la révolution, c'est aussi autre chose..

Rudaw: Comment l'alliance créée il y a quelques jours voit le problème des Kurdes et leurs droits ? 

Abdulbasset Sayda:  Qu'il soit bien clair que cette alliance a été créée dans l'urgence. Les différents groupes sont parvenus à un accord sur les documents du Caire [le Pacte national  -- documents pour la phase de transition]. Avant et durant cette rencontre, j'ai dit que le Pacte du Caire serait accepté, mais qu'il y avait certaines sections qui devaient être changées afin que tous l'acceptent. L'une d'elle était la section kurde. Au CNS, il y avait désaccord sur les demandes kurdes. Ce qui s'est passé au Caire n'a pas été causé par des querelles au sein du CNS, mais d'autres groupes se sont opposés aux demandes kurdes. Nous voulions éliminer les désaccords sur les demandes kurdes. Nous avons réussi à ce que certains agréent ces demandes, mais avons échoué à ce que d'autres les acceptent. Nous réessaierons pour obtenir un consensus.

Rudaw:  Est-ce que cela signifie qu'un terrain d'entente a été trouvé sur la question kurde ?

Abdulbasset Sayda: Si vous jetez un œil sur le Pacte du Caire dans son ensemble, ce n'est pas du tout une mauvaise chose. Certains leaders du Conseil national kurde le savent bien. Il y a eu des discussions sur le terme "nation". Au CNS, on a beaucoup débattu sur ce terme. Le CNS a dit qu'il préférait user de ce terme pour se référer à tous les peuples de Syrie, de tous groupes ethnique et d'origine. C'est-à-dire que "nation syrienne" se référerait aux Kurdes, aux Arabes, etc.

Aujourd'hui, parmi les Kurdes, le conflit porte sur le terme "nation kurde". Le CNS n'a pas non plus de problèmes avec cela. Dans ces documents, vous trouvez des phrases comme "reconnaissance des droits de la nation kurde", "reconnaissance des droits constitutionnels de la nation kurde" et "abolition de toutes les politiques ségrégationnistes" Toutefois, un comité  a été formé avec l'aide d'experts internationaux pour examiner le pacte du Caire. Je pense qu'une fois qu'un accord a été conclu sur le principe, les experts peuvent discuter les détails ensuite.



Concert de soutien à l'Institut kurde