mercredi, octobre 31, 2012

"All that is banned is desired" : Silencing Music in Turkey

Les 25 et 26 octobre 2012 a eu lieu, à Oslo, la première Conférence internationale sur la liberté d'expression artistique, organisée par Fritt Ord et Freemuse : "All that is banned is desired".

À cette occasion, l'Initiative pour la liberté d'expression à Istanbul a préparé une brochure de 18 pages, qu'elle a distribuée lors de la conférence : Silencing Music in Turkey, qui recense les violations de cette liberté d'expression et les intimidations et pressions, tant envers les artistes que leur public, qui ont eu lieu en Turquie au cours des 12 derniers mois.

Les Kurdes – et tout particulièrement le Dersim – sont bien évidemment parmi les plus en butte à ces violations, que ce soit de la part des autorités ou de la population, mais il y a aussi le répertoire d'extrême-gauche, en général, la consommation d'alcool durant des concerts, la pornographie, etc.

– le 23 décembre 2011, à Izmir, un jeune Kurde, Gazi Akbayır, a été tué dans un bar, pour avoir demandé à entendre une chanson en zazayi. À la fin de la chanson, il a été pris à partie par d'autres spectateurs et a répliqué qu'il avait le droit d'écouter une chanson dans sa langue maternelle. Il a alors été attaqué à coups de couteaux et on lui a finalement tiré dessus alors qu'il tentait de s'enfuir en regagnant sa voiture. Il est mort avant d'avoir son arrivée à l'hôpital.

– le 12 février 2012, 6 étudiants ont été condamnés à des peines de prison allant de 1 à 3 ans pour "appartenance à une organisation terroriste", parce qu'ils avaient vendu des billets pour un concert du groupe Yorum (groupe non interdit) à Malatya. (Rappelons qu'avoir assisté à un concert de ce groupe a aussi été utilisé comme 'preuve' de la culpabilité de Sevil Sevimli).

– le 24 février 2012, le maire de Pertek (Dersim), Kenan Çetin, a aussi fait l'objet d'une poursuite judiciaire pour avoir assisté à un concert de ce même groupe au stade Atatürk de Dersim (Tunceli) le 10 juillet 2011. En plus d'avoir assisté au concert, il a été vu en train de crier des slogans, de chanter et d'agiter des bannières : Kenan Çetin risque 2 ans de prison s'il est reconnu coupable d''apologie de criminels et de crimes'.

– La Seconde chambre criminelle d'Erzurum a condamné le chanteur kurde Hemé Geci à 10 mois de prison pour "propagande en faveur d'une organisation terroriste". Il avait chanté au Newroz 2010 à Kars des chansons que l'artiste nie être de la propagande mais des textes en faveur de la liberté d'expression. Il a fait appel.

 – Le 8 mars 2012, 17 co-détenues de la prison de Kocaeli ont écopé de 3 mois supplémentaires de détention pour raisons disciplinaires, c'est-à-dire avoir "chanté et dansé illégalement. Hatice Sahin et Dogan Sahin Ermis auraient dû, par ailleurs, sortir les 23 et 24 février 2012 mais leur détention a été prolongée le temps de l'enquête interne dans la prison, suite à ces prestations artistiques peu appréciées, comme Hatice l'a expliqué dans une lettre adressée à l'IHD (association pour les droits de l'homme) d'Istanbul : "Cela fait près de 7 ans que je suis en prison. Ma peine s'est terminée le 23 février mais je n'ai toujours pas été libérée. Les gardiens ont commencé une enquête parce que j'ai chanté dans ma langue natale, le kurde, et c'est pourquoi je suis toujours là. Ils disent que je ne sortirai tant que l'enquête ne sera pas terminée."

– Le 11 mai 2012, de nouvelles poursuites ont été lancées contre  Pınar Aydınlar et deux membres du groupe Munzur, Özlem Gerçek et Erkan Duman, avec des réquisitions de 1 à 5 ans de prison pour propagande terroriste lors du festival de Munzur à Dersim (Tunceli). Le procureur s'est appuyé sur le fait que les noms de Ali Haydar Yıldız et Ibrahim Kaypakkaya (membres du mouvement révolutionnaire TIKKO, morts en 1973) ont été évoqués dans les chansons : 'Ibrahim’e Agıt’, ‘Ali Haydar’, ‘Kırmızı Gül'. De plus, un groupe de spectateurs a brandi des posters du même Ibrahim Kaypakkay et de Mao Tse Toung, en criant d: "Les martyrs d'Ovacik sont immortels", "Mahir, Hüseyin, Ulas, combat jusqu'à la libération", "Güler Zere est immortelle", "l'oppression ne peut nous arrêter", "notre leader est Ibrahim Kaypakkaya" et sont donc accusés d'avoir changé un concert en manifestation politique, ce dont les chanteurs auraient remercié l'assistance. L'affaire a été suspendue pour 3 ans en vertu de la réforme judiciaire qui permet à de tels auteurs de délits de n'être plus poursuivis s'ils ne récidivent pas dans un délai de 3 ans. Nous avons vu que le même dispositif vaut pour museler les journalistes.

 – le 25 mai 2012, les étudiants Zülküf Akelma, Yavuz Kılıç et Özgür Yıldırım ont fait l'objet d'une enquête pour avoir chanté, lors d'un meeting organisé par l'Union des médecins turcs, la chanson kurde "Herne Pesh" et sont donc accusés de propagande pour le PKK. En fait, si Herne Peş est bien une chanson populaire de la guerilla, c'est à l'origine un poème de Cergerxwîn et c'est surtout Şivan qui l'a popularisée en 1977 (donc rien à voir avec le PKK),  le groupe Yorum l'a enregistré en 1995 (avec l'approbation du ministre de la Culture) et c'est une chanson que l'on trouve en vente absolument partout. 

– Le 29 juin 2012, le chanteur kurde Ferhat Tunç a été condamné par la 3ème chambre criminelle de Malatya à 2 ans de prison pour propagande en faveur du mouvement illégal MKP (Parti communiste maoïste). Il avait déclaré, lors d'un concert du 1er mai, salué "l'esprit révolutionnaire de Deniz Gezmis, Mahir Çayan, et Ibrahim Kaypakkaya.

Pays rêvé



Sortie mercredi 31 octobre du documentaire Pays rêvé, de Jihane Chouaib.

Synopsis : Dans le Liban d’aujourd’hui, des Libanais de l’étranger, enfants de la guerre, se mettent en quête d’un « pays rêvé ». Un territoire intérieur, fondateur et inaccessible comme l’enfance. Entre douceur et massacre, chacun tente de se ressaisir de ce qui le construit. Pour conquérir la liberté de réinventer son identité.

Jihane Chouaib a affirmé que son documentaire n'était pas un film sur le Liban. La réalisatrice a expliqué qu'elle s'était surtout intéressée à l'idée d'exil vécue par chaque être humain, qu'il soit du Liban ou d'ailleurs : "Comme personne, j'aimerais que ce film questionne le rapport de ceux qui le verront à leur propre identité, à leur propre pays rêvé. Comme réalisatrice, j'aimerais que ce film soit vécu comme un voyage intérieur et permette de toucher une sensation particulière, entre douceur et massacre", ajoute-t-elle.

Une famille respectable


Sortie le mercredi 31 octobre d'Une famille respectable, un film de Massoud Bakhshi.

Synopsis : Arash est un universitaire iranien qui vit en Occident. Il retourne donner des cours à Chiraz où vit sa mère, loin de Téhéran. Entraîné dans un tourbillon d’intrigues familiales et financières, il replonge dans un pays dont il ne possède plus les codes. A la mort de son père, découvrant ce qu’est devenue sa "famille respectable", il est contraint de faire des choix.

Massoud Bakhshi a fait croire à ses techniciens et aux acteurs qu'ils allaient tourner un documentaire. Interloqués, ceux-ci ont cru à une mauvaise blague et ont rétorqué à Bakhshi qu'ils ne travaillaient que sur des fictions. Le réalisateur leur a cependant expliqué sa vision : "Je ne vois pas le cinéma autrement. Faire un documentaire signifie que je dois croire à l’histoire. A l’écriture du scénario, j’ai constamment cherché, pour chaque personnage, chaque détail, chaque anecdote, un lien avec le réel." Une famille respectable est donc fortement basé sur l'expérience du cinéaste en tant que documentariste.

mardi, octobre 30, 2012

Rapport du CPJ sur la liberté de la presse en Turquie



La situation critique de la liberté des media s’est vue confirmée par le dernier rapport du Comité de Protection des Journalistes (CPJ), intitulé «Crise de la liberté de la presse en Turquie -  Jours sombres pour les journalistes emprisonnés et les dissidents criminalisés». 

Le CPJ indique que la rédaction du rapport a été faite après trois missions d’observation et d’enquête en Turquie, conduites en 2011 et 2012, et de multiples rencontres avec des journalistes, des observateurs politiques, et des avocats. Il indique un total de 76 journalistes détenus à la date du 1er août 2012, dont 61, au moins, le sont pour avoir exercé leur profession, principalement avoir traité des questions politique sensibles, en rapport avec le « terrorisme » et rapporté ou couvert les activités de groupes et d’associations interdits. 15  autres dossiers sont moins clairs et continuent de faire l’objet d’investigations sur les raisons de leur emprisonnement. 

30% de ces prisonniers sont accusés d’avoir pris part à des « complots » anti-gouvernementaux ou d’appartenir à des organisations interdites. Certains sont accusés d’être liés à Ergenekon, cette conspiration ultra-nationaliste qui avait pour but un coup d’État ; mais des journalistes ayant simplement enquêté sur la procédure ont été accusés de vouloir créer un « chaos social »au moyen de leurs articles. Ce fut le cas d’Ahmet Şık et de Nedim Şener, qui restèrent détenus plus d’un an avant d’être remis en liberté, mais en attendant toujours d’être jugés. Ils avaient en effet écrit un livre sur l’affaire Ergenekon. Ahmet  Şık a aussi publié un livre sur l’influence croissante de la confrérie religieuse Fetuhllah Gülen dans la société turque et Nedim Şener un autre ouvrage où il pointait les négligences de l’État dans l’enquête sur le meurtre de Hrant Dink.

L’utilisation massive de la détention préventive est aussi à relever, beaucoup de journalistes passant de longs mois en prison en attendant leur jugement, ou bien même au cours de l’enquête. Ainsi, plus des 3/4 des journalistes dont le cas a été étudié par le CPJ, n’ont pas été reconnus coupable mais attendent derrière les barreaux l’issue de la procédure. En 2011, entre 3000 et 5000 dossiers criminels concernant des journalistes, qui attendaient d’être jugés. Cette détention « provisoire » peut, parfois, durer aussi longtemps que la peine de prison encourue :  Füsün Erdoğan, directeur général d’une radio de gauche, Özgür (Liberté) a ainsi passé 6 ans derrière les barreaux, sans procès. Durant tout ce temps, les accusés peuvent être mis au secret, privés de rencontre avec leur avocat et d’accès à leur dossier. 

Ce chiffre de 76 journalistes détenus ramène la Turquie au niveau des années 1990, au moment de la «sale guerre» contre les Kurdes, puisqu’en 1996, on atteignait celui de 78. Si l’on prend ce nombre  comme critère, la Turquie surpasse maintenant l’Iran (42), l’Érythrée (28) et la Chine (27) et de plus, tout indique une accélération spectaculaire de cette politique : Les 2/3 de ces 76 journalistes ont été arrêtés entre 2011 et 2012.

Le rapport confirme la prédominance des Kurdes parmi ces journalistes (autour de 70%), généralement tous accusés d’appartenance au PKK ou au KCK, ou bien de relayer leur propagande. Les organes de presse les plus visés sont l’agence Dicle, le journal en langue turque Özgür Gündem et le journal en langue kurde Azadiya Welat. La loi Anti-Terreur et son « usage prolifique » permettent à des procureurs de poursuivre et d’emprisonner des journalistes, assimilant un soutien ou une sympathie politiques à l'appartenance active à des actions «terroristes». Écrire sur le PKK revient à « collaborer avec le PKK ». Rencontrer et interviewer certains personnalités politiques peut être assimilé à un crime. Tayip Temel, le rédacteur en chef d’Azadiya Welat encourt ainsi 22 ans de prison car il est accusé d’appartenir au KCK. Les preuves présentées contre lui sont ses publications, des conversations téléphoniques avec des collègues et des sources dont des membres de partis politiques kurdes.

« Le gouvernement use toujours des lois désuètes de la période du 12 Septembre (1980, date du coup d’État militaire) », explique Mehmed Ali Birand, rédateur en chef du département de l’information du Kanal D. « Ces lois ont été rédigées de telle façon qu’elles prêtent la main à toute sorte d’interprétation. Un juge peut les lire de gauche à droite, un autre de droite à gauche. Vous ne savez jamais. C’est pourquoi nous avons toujours peur d’avoir des ennuis, d’une façon ou d’une autre. » 

Les termes que doit employer la presse pour décrire le conflit kurde sont de plus en plus soumis à la censure. C’est ainsi que cette année, le Conseil d’État a interdit à la télévision l’usage du mot « guerilla » estimant que cela pouvait « légitimer les terroristes et le terrorisme ». Autre réforme adoptée, menant à une auto-censure, est la possibilité de suspendre les poursuites contre un journaliste, à condition qu’il ne récidive pas dans le même crime pendant trois ans. L’AKP a par ailleurs présenté un autre amendement constitutionnel qui veut restreindre la liberté de la presse afin de « protéger la sécurité nationale, l’ordre public, l’ordre moral, les droits d’autrui, la vie familiale et privée, éviter les crimes, assurer l’indépendance et l’impartialité de la Justice, prévenir le bellicisme et la propagation de toute forme de discrimination, d’hostilité, de rancœur et de haine ».

L’éditorialiste Nuray Mert a ainsi subi les attaques personnelles du Premier Ministre Recep Tayyip Erdoğan, qui n’avait pas apprécié sa critique de la politique kurde du gouvernement devant le Parlement européen et l’a assimilée à un acte de «trahison». Nuray Mert a alors fait l’objet d’un lynchage public, avec menaces physiques, et amenant finalement ses employeurs à annuler son émission télévisée et la publication de ses éditoriaux. Elle a ainsi déclaré aux rapporteurs du CPJ avoir fait l’objet d’intimidations, avoir reçu des courriers haineux ou sexistes, être accusée de soutien aux «Kurdes terroristes» avoir constaté que ses bagages avaient été inexplicablement fouillés lors de ses déplacements et que ses conversations téléphoniques privées avaient été écoutés, et parfois retapées et publiées sur des sites Web et des journaux, pour preuve de sa collusion avec le KCK . D’autres chaînes de télévision ont cessé de l’inviter sur leurs plateaux par crainte de représailles.

Khanssa et ses sœurs syriennes : la résistance en cuisine

À lire sur le site du journal La Croix :
À 80 km de chez elle, une famille syrienne réfugiée en Turquie cultive son esprit de résistance autour de la cuisine, un art de vivre et une mémoire du « paradis perdu »…

« Recompositions diplomatiques et stratégiques après les printemps arabes Turquie, Égypte, France, Union Européenne »




Lundi 5 Novembre 2012 au Campus universitaire de Sciences Po Grenoble - Amphi D 10.00 :

Journée d'études : « Recompositions diplomatiques et stratégiques après les printemps arabes Turquie, Égypte, France, Union Européenne »

Ouverture de la journée d’études  : Aybars Görgülü (TESEV) et Jean Marcou (Sciences Po Grenoble) 

 10.15 
Panel I : Les politiques étrangères face aux printemps arabes 
Modérateur : Yves Schemeil, professeur à l’IEP de Grenoble 
Intervenants : 
 • « L’Union Européenne et la Turquie face aux printemps arabes », Bernard Soulage, vice-président du Conseil régional Rhône-Alpes 
 • « La politique étrangère de la Turquie et les printemps arabes », Yavuz Baydar, journaliste au quotidien Today’s Zaman – Istanbul 
 • « La Turquie et la France face aux printemps arabes », Jean Marcou, professeur à l’Institut d’Etudes Politiques de Grenoble, chercheur associé à l’IFEA d’Istanbul 
 • « La nouvelle politique étrangère égyptienne », Yasmine Farouk, professeure à l’Université du Caire 

 13.00 – 14.30 - Déjeuner 14.30 

Panel II : Les politiques étrangères face aux crises libyenne et syrienne 
Modérateur : Fabien Terpan, maître de conférences à l’IEP de Grenoble 
 Intervenants : 
 • « La Turquie face aux crises libyenne et syrienne », David Judson, analyste chez Stratfor – Istanbul 
 • « Les alaouites syriens et le chiisme, la Syrie et l’Iran : quelles convergences ? » Jean-Paul Burdy, maître de conférences à l’Institut d’Etudes Politiques de Grenoble 
 • « L’Egypte, face aux crises libyenne et syrienne », Hicham Mourad, rédacteur en chef du magazine Al Ahram Hebdo – Le Caire 
 • « Les printemps arabes, opportunité ou obstacle pour la candidature de la Turquie à l’UE ? » Ariane Bonzon, Journaliste et chroniqueuse au site d’information Slate - Paris 

 17.30 Clôture de la journée d’études

Votre soirée TV

Vu le résumé des reportages, ça promet , notamment ça :


Dans le deuxième document, le même auteur part avec deux amis photographes à la découverte du Kurdistan irakien, une région aujourd’hui autonome et sécurisée, mais ignorée des touristes. Et là encore, entre Erbil, Mossoul, la capitale, Sulaymaniyah, où un musée témoigne du terrible génocide perpétré en 1988 contre les Kurdes par Saddam Hussein, et les villages de montagne des environs de Dohuk, le petit groupe va faire des rencontres aussi inattendues que sympathiques.
Maintenant, grand jeu concours : quelle est la capitale du Gouvernement régional du Kurdistan d'Irak ?

1. Mossoul
2. Sulaymanieh
3. Oulan Bator, mais c'était trop long à écrire.

lundi, octobre 29, 2012

De quelques dentistes français pilleurs de tombeaux ottomans

Après les moines syriaques qui auraient volé en 397 une mosquée aux musulmans pour en faire un monastère, voilà qu'une autre mosquée doit aussi ramer pour récupérer ses carreaux.

À l'occasion de l'ouverture du nouveau département d'art islamique du Louvre, le ministre turc de la Culture et du Tourisme, Ertuğrul Günay, a en effet été en mesure d'affirmer que 'tous les carreaux de céramique' montrés dans ce musée repère de fieffés recéleurs, 'appartiennent à la Turquie', et ce après avoir chargé deux agents en mission de 'prendre subrepticement' des photos des objets volés. Pourquoi 'subrepticement', mystère, parce qu'aux dernières nouvelles, il n'est pas interdit de prendre des photos au Louvre. Imaginez la scène : Dupont et Dupond (version fez sur la tête, pour changer du melon) photographiant 'subrepticement' les panneaux, en guettant le fourbe conservateur qui pourrait les surprendre, le tout au milieu de 50 Japonais qui mitraillent au Nikon… 

Enfin, ils ont réussi à obtenir leurs clichés sans se faire kidnapper ni par les gardiens ni par Belphégor, s'il passait par là. Ayant ramené les 'preuves' au ministre, ce dernier, 'après analyse" a pu 'déterminer que des carreaux provenaient de la mosquée Piyalepaşa', datant de la fin du XVI siècle, d'autres des tombeaux de Selim II, Murat III, d'Eyüp Sulan et de la bibliothèque Mahmud I. C'est à se dire que si on enlève des salles tout ce que la France a piqué aux Ottomans, il ne restera plus grand chose, hormis le Plat au porte-étendard, peut-être (et c'est fort dommage car celui-là ils pouvaient le récupérer et se le garder…).

Le musée du Louvre, comme tout voleur malhonnête pris sur le fait, nie, bien sûr, que les carreaux proviennent de Piyalepaşa Cami, prétendant, dans son catalogue, que les carreaux ont été apportés par Germain Bapst, qui ne les a pas du tout détachés à coups de canif des murs de la mosquée, car il s'est avéré, lors de la dernière restauration de Piyalepaşa, que la pièce qui pouvait contenir ces panneaux n'existait pas, et que donc, cette provenance n'était que "légende". 

N'importe quoi, a rétorqué Ertuğrul Bey, je vois bien, moi, que ce sont les carreaux de la Piyalepaşa. Comment je le sais ? Parce que je suis ministre de la Culture et qu'on ne me la fait pas, hé ho !" Œil de lynx, profiling de criminologie, et tout ça…

Et donc, partant de son intime certitude et conviction, le ministre a décidé de lancer une 'étude scientifique' sur cette question, en attendant un mandat d'arrêt et de perquisition, qui sait… Déjà, la Turquie a demandé au même musée de leur retourner un panneau qui provient de la tombe de Selim III, afin de le 'rendre' au musée de Sainte-Sophie.

L'article de Hürriyet se termine sur la liste de tout ce que ces Français sans gêne (gaffe, ils ont les noms !) ont volé à la Sublime Porte :

– Le sieur Albert Sorlin Dorigny, dentiste de son état, pour les carreaux du mausolée de Selim III et de celui de Murat III, ainsi que de la bibliothèque Mahmud I. Amené à travailler à la restauration de la bibliothèque sus-mentionnée, entre 1894 et 1898, il avait, paraît-il, la sale manie de remplir ses poches de tous les carreaux qu'il trouvait sous ses pieds.

– Le sieur Jean Bari, lui aussi dentiste de son état (à croire que c'est une manie dans la profession) se serait, lui, "servi" sur la tombe d'Eyyüp Sultan entre 1919 et 1920.

– Et Germain Bapst, donc, qui n'était pas dentiste mais ancien joailler, et qui a fini par embrasser la carrière d'historien, d'archéologue et de tire-laine des mosquées.

Cela dit, s'il fallait jouer au jeu des restitutions d'objets volés au cours de l'histoire, cela pourrait donner lieu à d'amusants inventaires, auprès desquels les batailles de familles autour des buffets et confituriers d'aïeux ne seraient que doux babils. Puisque nous n'avons pas pas le mauvais goût facile, nous ne ferons aucune allusion à une restitution de biens d'Arméniens, de Syriaques et de Grecs quelque peu empruntés entre 1895 et 1955, car je suis sûre que le ministre Ertugrul Bey, dont l'œil de la vigilance acérée est bien aiguisé, comme nous avons vu, peut nous assurer qu'il n'y a jamais eu de telles gens dans le pays. C'est vrai, quoi, à part des Turcs, que peut-on s'attendre à trouver en Turquie ?

Mais si l'on prend le temps de flâner parmi les vitrines de Topkapı, on peut se faire plaisir en photographiant (subrepticement, bien sûr) quelques pièces intéressantes que l'Iran, par exemple,  pourrait réclamer : ainsi le trésor des Safavides, ramené dans les bagues ottomanes après la prise de Tabriz, en 1514 ; ou celui du sultan mamelouk al-Ghuri, saisi par Selim Ier, en 1516, après la bataille de Marj Dabiq, autour duquel l'Égypte et la Syrie (surtout cette dernière qui a besoin de se dérider quelque peu, en ce moment) pourraient tenter de départager ce qui leur revient mutuellement, puisque le mamelouk, qui avait planqué ses sous et ses bas de laine dans la Citadelle d'Alep, était bel et bien souverain d'Égypte.

samedi, octobre 27, 2012

Le GRK part en guerre contre les séries coréennes


Le ministre de la Culture du Gouvernement régional du Kurdistan a décidé de réglementer les programmes TV qui passent aux heures de grande écoute, et a l'intention de faire adopter ces nouvelles mesures par le Conseil des ministres : Les programmes et les films violents ne pourront plus passer avant 22 heures, sous peine d'amendes qui pourraient s'élever à quelques millions de dinars irakiens, ou bien de fermetures temporaires des chaînes, les contrevenantes devant, par exemple, cesser pendant 24 heures leur activité avec, pour seule mire, un logo indiquant leur "punition". Sont visées, selon le journal Aswat Al-Iraq, qui relaie la nouvelle, les séries coréennes à l'usage des jeunes, qui contiennent de nombreuses scènes sanglantes.

Il n'y a pas, pour le moment, de précisions sur la façon dont une diffusion sera jugée trop violente ou non, si une commission de l'audio-visuel devra statuer sur des critères précis ou si le tout sera laissé à l'appréciation des télévisions.



Musique soufie kurde


Samedi 27 et dimanche 28 octobre 2012, à 20 h, au  Centre culturel Pouya - 48 bis, quai de Jemmapes (M° : République) 75010 Paris 

Avec : - Maître Ali Akbar Moradi (tambour, chant) - Abbas Bakhtiari (daf, damam) - Arash Moradi (tambour) Réservation : 01 42 08 38 47 Prix : 15 €.

Auditorium du Louvre : Carte blanche à Orhan Pamuk




Carte blanche à Orhan Pamuk
Ecrivain turc, lauréat du prix Nobel de littérature en 2006, Orhan Pamuk nourrit son écriture de l’histoire de son pays et de l’atmosphère de sa ville natale, Istanbul, reliant l’Europe et l’Asie. Dans ses romans, il interroge les rapports entre Orient et Occident et rend hommage à « l’entrelacement des cultures ». Son œuvre dénonce toute sorte d’intégrisme et est un appel à la tolérance et aux échanges culturels.
Samedi 27 octobre à 17h à l’auditorium du Louvre :

Conférence : « L’innocence des œuvres » 
Orhan Pamuk en conversation avec Sophie Basch, professeur de littérature française, Université Paris-Sorbonne.
C’est au milieu des années 1990 que Pamuk a commencé à collecter des souvenirs et témoignages de la vie stambouliote dans le but « d’exposer dans un musée les vrais objets d’un récit fictionnel et d’écrire un roman fondé sur ces objets ». Chaque objet collectionné par Kemal, le narrateur de son roman, évoque le souvenir de sa jeune cousine Füsun, de leurs amours passées et de leur bonheur évanoui.
Dimanche 28 octobre à 17h à l’auditorium du Louvre :

Lecture : « D’autres couleurs » par Jérôme Deschamps, comédien, metteur en scène, directeur du théâtre national de l’Opéra-Comique. Décor : Richard Peduzzi. Présentation : Orhan Pamuk.


Lecture présentée par Orhan Pamuk d’un choix de ses textes, extraits de Mon nom est rouge et D'autres couleurs.

En lien avec l’ouverture des nouveaux espaces des Arts de l’Islam au Louvre. Informations pratiques

vendredi, octobre 26, 2012

Le Kurdistan d'Irak entre soft-power turc et state-building kurde


À lire, l'entretien avec Merve Özdemirkiran (CERI), par Allan Kaval, dans Les Clefs du Moyen Orient :

"Merve Ozdemirkiran achève une thèse de doctorat au CERI sur l’implication des hommes d’affaires de Turquie dans le processus de state building au Kurdistan irakien. Elle revient pour Les Clés du Moyen-Orient sur l’accroissement spectaculaire des relations économiques entre la Turquie et les autorités du Gouvernement régional kurde (GRK) d’Irak ainsi sur ses implications sociales et politiques. La constitution au Moyen-Orient d’une entité autonome kurde aspirant à l’indépendance a toujours été perçue par l’Etat turc comme un danger à éviter car susceptible d’accentuer les aspirations nationales des Kurdes de Turquie. Cependant depuis la fin des années 2000, la diplomatie turque semble avoir surmonté le « tabou kurde » et l’autonomisation des Kurdes d’Irak est désormais perçue comme un atout. Cette évolution radicale dont les fondements sont d’abord économiques a été permise par l’association d’acteurs non-étatiques à la politique extérieure turque. Du fait de la nature transfrontalière de la question kurde, le caractère vertueux de ces développements est cependant susceptible d’être remis en cause par l’intensification récente du conflit kurde en Turquie …

Prix Sakharov 2012 pour Jafar Panahi et Nasrin Sotoudeh

Le prix Sakharov 2012 a été attribué au cinéaste Jafar Panahi et à l'avocate Nasrin Sotoudeh, tous deux Iraniens et tous deux condamnés à de lourdes peine d'emprisonnement : 6 ans pour le premier, pour son soutien à Moussavi lors de la Révolution verte. Il a été depuis libéré mais assigné à résidence en Iran et avec l'interdiction de tourner. Quant à Nasrin Sotoudeh, elle a été condamnée à 11 ans de prison pour "atteinte à la sûreté de l'État" après avoir défendu des militants contestant la réélection frauduleuse de Mahmoud Ahmadinejad en juin 2009. Pour protester contre les privations de visites et de contacts téléphoniques de sa famille, elle a commencé une grève de la faim ce mois-ci. 

jeudi, octobre 25, 2012

Meeting de Solidarité avec le peuple syrien

Vendredi 26 septembre à 19 heures, Bourse du Travail -  salle Ambroise-Croizat 3, rue du Château-d’Eau, métro République 

Que se passe-t-il en Syrie au printemps 2011 ? Que vise la révolution syrienne ? Dans quelle situation est la Syrie aujourd’hui ? Quels sont les besoins de la population ? À quelles aides peut-on utilement participer ?
En images et en paroles, avec :
-  Des jeunes de la révolution syrienne en France et en direct de la Syrie.
-  Les syndicats CGT (Confédération Générale du Travail), FSU (Fédération
Syndicale Unitaire) et Solidaires (Union Syndicale Solidaire).
-  Le Comité de secours à la population syrienne.


Paroles de Syriens : 12 voix dans la guerre

À lire, sur le site de l'Express, la série Paroles de Syriens : Pendant deux semaines, du 22 octobre au 3 novembre, L'Express donne chaque jour la parole à un civil syrien pris dans l'engrenage de la guerre.  

4 voix ont déjà été publiées :

1. Layla, mère de famille à Damas.

2. Salem, miraculé de Daraya.

3. Samya, institutrice à Hassaké.

4. Akrem, architecte à Alep.

Liberté pour Dara Abdallah

mercredi, octobre 24, 2012

Voltige de cavaliers kurdes et tatars devant la forteresse de Sardar-Abbat en Arménie

Grigory Gagarin
1840, huile sur toile
Musée russe, Saint-Petersbourg


Les Yârsâns : Aspects mythologiques - Aspects doctrinaux

Les yârsâns: Aspects mythologiques - Aspects doctrinaux


L'étude présente propose d'analyser l'origine pré-islamique de la foi yârsân à travers les figures mythologiques présentes dans les textes sacrés des Kurdes yârsâns dits aussi Ahl-i Haqq et le dialogue qui existe entre la production textuelle de ce groupe religieux et la culture religieuse iranienne avant et après l'islam. L'auteur vise de décrire systématiquement ces figures héroïques à travers la vaste littérature religieuse des yârsâns, dont une grande partie reste manuscrite.

Docteur en sciences religieuses, Shahab Vali travaille spécialement sur les mouvements hétérodoxes et ésotériques en terre d'islam. 

mardi, octobre 23, 2012

Erbil : nouvelles données sur les transformations de la ville à la période islamique

Le jeudi 25 octobre à 12 h 30 à l'auditorium du Louvre, conférence sur Erbil : 


 par Karel Nováček, université de Bohême de l’Ouest, Plzeň, République tchèque.

Turkey' s Press Freedom Crisis


Le dernier rapport du Comité pour la Protection des Journalistes (CPJ) sur la liberté de la presse en Turquie pour l'année 2012 : Turkey's Press Freedom. The Dark Days of Jailing Journalists and Criminalizing Dissent, est en ligne en anglais sur le site du CPJ.

Bashar Al-Assad : Le terrorisme et les OGM ne passeront pas

Selon une dépêche de l'agence SANA, le président syrien, Bashar Al-Assad, un homme que l'on sait grandement soucieux du bien-être de son peuple, vient de faire passer une loi interdisant les OGM alimentaires, afin de "préserver la vie humaine" et par souci de "santé publique".

D'ailleurs il vient de bombarder une boulangerie à Alep. Elle vendait sûrement des farines OGM. 20 morts, certes, mais que ne ferait-on pas pour la santé de son peuple…



A Long Border : Refugees in Iraqi Kurdistan

Ce vieil homme a aidé son fils à échapper à l'enrôlement dans l'armée syrienne en lui faisant passer la frontière. Il se plaint d'avoir dû payer le PYD(la branche syrienne du PKKty) pour pouvoir traverser. Il a l'intention de rentrer chez lui. Image by Jenna Krajeski. Domiz, 2012.


À voir : Reportage photos de Jenna Krajeski, site du Pulitzer Center, sur le camp de Domiz (Duhok) qui abrite la majeure partie des réfugiés kurdes de Syrie. Leur nombre total s'élèverait à 35 000 et le Gouvernement régional du Kurdistan vient de lancer un appel d'urgence pour qu'une aide matérielle leur soit apportée en vue de l'hiver qui vient. Une réunion avec le HCR a eu lieu hier.

La seconde série de photos a été prise au camp de Makhmour, érigé, lui, par le HCR, dans les années 90, au pire de la "sale guerre" en Turquie. Il est composé de Kurdes de Turquie et est contrôlé par le PKK. 

Mort de 'Afifa Iskandar



La célèbre chanteuse irakienne est morte hier, à Bagdad, à l'âge de 91 ans.

Elle était née à Mossoul d'un père irakien et d'une mère chrétienne de rite grec, elle-même chanteuse et musicienne. C'est à l'âge de 5 ans qu'elle apprend à sa fille à chanter, et à 8 ans, 'Afifa donne son premier concert, à Erbil (dans une boite de nuit). À l'âge de 12 (selon Al Sumaria) ans, elle épouse un musicien irakien arménien, Iskandar Asitivan, bien plus âgé qu'elle, évidemment, dont elle prend le nom. Elle démarre alors vraiment sa carrière en 1935, et en 1938 part s'installer au Caire pour quelques années où elle navigue dans les cercles du cinéma égyptien, alors à son âge d'or, surtout dans les comédies musicales. Elle retourne à Bagdad au début des années 50, où elle tient salon parmi les élites littéraires, artistiques et politiques du pays. On lui prête même une liaison amoureuse avec un Premier Ministre.

Surnommée la 'Oum Kalthoum irakienne, elle avait cessé toute activité en public après le coup d'État du Baath, refusant de chanter pour Saddam Hussein, malgré les offres sonnantes et trébuchantes de ce dernier (sa popularité était sans doute trop grande pour qu'il puisse la menacer physiquement). Elle vécut ainsi 35 ans dans l'ombre sans remonter sur scène. Déjà âgée et malade à la chute du régime, elle est restée à Bagdad, ne chantant plus qu'en privé pour des amis.


lundi, octobre 22, 2012

L'Iran à l'heure des révoltes arabes : résumé des interventions (fin), Les Azéris, les Kurdes et encore les Arabes

Seconde table ronde, modérée par Kendal Nezan, président de l'Institut kurde de Paris : La Question des peuples non persans.


M. Hedayat Soltanzadehmembre du comité exécutif du Mouvement fédéral démocratique d'Azerbaidjan, rappelle qu'avec l'avènement des Pehlevi, la Perse a changé de nom pour devenir "l'Iran", et que la taille actuelle de l'Iran n'est pas du tout la même que celle de l'Empire perse, et qu'il ne s'agit donc plus du tout du même pays. Ce pays est multi-national et il n'existe pas une "nation d'Iran", mais une mosaïque de nations qui n'existaient pas en tant que telles avant la Révolution française. Après l'avènement au pouvoir des Pehlevi, un nouveau système a été instauré avec une unique "nationalité, un système fondé sur l'hégémonie politique des Persans et celle de la langue persane, langue officielle ; les autres langues sont interdites. 


Il y a deux niveaux de discrimination et de répression : la dictature des Pehlevi était une dictature classique, mais avec la révolution islamique est venu un régime totalitaire fondé sur une idéologie, une idéologie aryenne et islamique. La question nationale est devenue intrinsèque au régime et se traduit par des violences quotidiennes contre les peuples non-persans. La cohésion nationale est devenue un problème sérieux en Iran et l'Iran ne sera jamais comme auparavant. Tout changement dans le pouvoir central soulèvera la question de nationalités.

Récemment, un tremblement de terre en Azerbaïdjan a causé un tollé car le gouvernement a empêché les services de secours d'aider la population. Des agences de secours centrales sont venues mais elles n'ont pu communiquer avec la population locale. La situation économique est aujourd'hui dégradée ainsi que l'habitat écologique : le lac d'Ourmiah est complètement asséché par les digues et les barrages. Aucun investissement n'a été réalisé en Azerbaïdjan et les Azéris émigrent vers l'État d'Azerbaïdjan et Bakou, ainsi qu'à Téhéran et Istanbul. Des Azerbaïdjanais croupissent en prison pour avoir demandé le droit à l'éducation dans leur langue. Dès l'école maternelle, il est interdit de parler azéri.

Un système fédéral est nécessaire pour que les peuples vivent ensemble.

M. Mostafa Hejrisecrétaire général du Parti démocratique du Kurdistan d'Iran, a succédé à Abdulrahman Ghassemlou et Sadeq Sherefkandi, tous deux assassinés par le gouvernement iranien (qui a assassiné en tout 162 de ses opposants à l'étranger et pour la seule décennie 90, 151 membres du PDK-I réfugiés au Kurdistan d'Irak), et il commence par évoquer leurs mémoires et leurs parcours politiques.

Le terrorisme, intérieur comme à l'étranger, fait partie intégrante de la stratégie du régime iranien et lui permet de se maintenir au pouvoir et les victimes de ce régime ne sont pas seulement iraniennes.

Les Kurdes, les Azéris, les Arabes, les Baloutches, les Turkmènes, et aussi les membres de minorités religieuses, les Bah'ai, les Yarsans, sont opprimés en raison de leur identité nationale et/ou religieuses.

Au Kurdistan d'Iran, l'oppression est institutionnelle et a des répercussions politiques, culturelles, sociales. On leur refuse l'enseignement dans leur langue maternelle, et la préservation de leur culture. Les arrestations arbitraires et la torture sont monnaie courante. Le Kurdistan est maintenu en permanence dans un sous-développement économique. Il y a un taux très élevé de suicides (surtout parmi les femmes) et un taux inquiétant de toxicomanie.

M. Yussef Aziziancien professeur à l'Université de Téhéran, revient sur les Arabes d'Iran et les requêtes qu'ils avaient fait en 1979 au moment du changement de régime, présentées au gouvernement provisoire : entre autre, figuraient l'autonomie de la région du Khuzistan et le retour à son ancien nom d'Arabistan ; la reconnaissance des Arabes d'Iran comme une nation au sein de la république islamique ; un comité autonome dans la région arabe qui légiférerait au niveau local ; des tribunaux en langue arabe ; que l'arabe soit la langue officielle de la région autonome, le persan restant la langue officielle de l'Iran ; l'éducation en arabe dès l'école élémentaire ; une université en langue arabe ; la liberté d'expression, de publication et des media en arabe ; priorité d'emploi donnée aux Arabes de cette région ; que des fonds provenant des revenus pétroliers soient alloués pour développer l'agriculture et l'industrie de la région ; que la topographie retrouve ses noms historiques en arabes ; que des jeunes Arabes puissent intégrer l'armée et la police et accéder à des grades élevés, ce qui n'a jamais été le cas.

La situation aujourd'hui : la ville portuaire de Khorramshahr (anc. Mohamerah), qui avait été "le fleuron des ports iraniens" n'a pas encore été entièrement reconstruite, et le chômage et la pauvreté y sont endémiques. De nombreux barrages ont été construits et la déviation des eaux vers Ispahan, Yazd, Kerman, pour des cultures non essentielles (laitues, melons) s'est faite au détriment de la culture du blé  et de l'orge et des paysans arabes. La pollution des eaux industrielles rejetées dans les rivières, la mauvaise qualité de l'atmosphère à Ahwaz et d'autres grandes villes, aggravée par des tempêtes de sable (110 jours par an), l'assèchement des marais causés par les barrages, tout cela donne le tableau d'une catastrophe écologique. L'eau bue par de nombreux résidents n'est pas saine. Ahwaz est l'une des villes les plus polluée au monde.

Malgré les revenus pétroliers tirés de la région, la majorité de ses habitants vit dans la pauvreté. 

Le peuple arabe peuple le Khuzistan à 70% mais seuls 5% d'entre eux occupent des postes administratifs importants. Les autres postes sont occupés par des Persans. Au cours des 80 dernières années, aucun Arabe n'a occupé le poste de gouverneur de la province.

Les Arabe ont été le premier groupe ethnique à avoir été la cible des politiques nationalistes et racistes, dès le milieu du XIXe siècle et ensuite avec l'avènement des Pehlevis au pouvoir. Ce sentiment anti-arabe a commencé de faire partie de la culture, que ce soit dans les classes moyennes et même les moins aisées.

Nouveau manuel de kurde à l'usage des collégiens en Turquie



On en sait un peu plus sur le manuel de kurde sur lequel les collégiens vont pouvoir travailler pour peu qu'ils prennent cette langue en option (espérons que le BDP ne va pas lancer un boycott stupide sur ces cours, comme ils l'avaient fait pour la chaîne TRT-6).

Mis à part que le choix de Unît (pour Unité, c'est-à-dire des modules ou des chapitres) est curieux. Il y a des tas de mots kurdes qui auraient pu convenir, mais bon…




Pour le reste, ce n'est pas mal fait, ça ressemble tout à fait aux manuels de langue vivante pour des collégiens tels qu'on en voit partout et comme il part vraiment d'un niveau débutant, les élèves qui ne parlent pas du tout le kurde ne seront pas noyés. Quant aux collégiens déjà kurdophones à l'oral, ils apprendront l'écriture et des bases de grammaire et de conjugaison, ce qui ne leur fera aucun mal.

Il y a beaucoup d'exercices, des jeux, des poèmes et des chansons, cela ressemble en fait à un cahier de vacances. Les noms de ville cités, les lieux touristiques sont bien campés au "Sud-Est", on voit des vues de Diyarbakir, d'Urfa, du Nemrut Dag, d'Aktamar, de Van, et les prénoms des enfants dans le livre sont on ne peut plus kurdes : Hêlîn, Azad, Rewsen…



Et sur la page du Newroz, il est tranquillement fait mention d'un concert de Sivan Perwer. Il y a aussi des courtes poésies, des historiettes ou des extraits d'auteurs kurdes. Bref, l'univers dans lequel baignent les gosses ne sera pas dépaysé.

En conclusion, un manuel pas mal fait, attrayant, qui serait très utile ici aussi pour les enfants de la diaspora.

dimanche, octobre 21, 2012

Louis Massignon, hier et aujourd’hui (1883-1962)


vendredi 26 octobre 2012
De 14h30 à18h30

Louis Massignon, hier et aujourd’hui (1883-1962)


14h30 Ouverture 
Françoise Jacquin, secrétaire générale de l’Association des Amis de Louis Massignon 

Les grandes Correspondances
 
Présidence Xavier Accart, rédacteur en chef du mensuel Prier

14h45-15h15 : La vie de Louis Massignon en images
Manoël Pénicaud, anthropologue, Université de Provence, IDEMEC-MUCEM 

15h15-15h45 : la correspondance Louis Massignon / Charles  de Foucauld
Père Jean- François Six, responsable de l’UNION Charles de Foucauld 

15h45-16h15 : la correspondance Louis Massignon / Paul Claudel Dominique Millet-Gérard, professeur à la Sorbonne 

16h15-16h45 : la correspondance Louis Massignon / J. Maritain François Angelier, producteur à France-Culture'

Texte lu par Dominique Millet-Gérard 

16h45- 17h débat 

Pause 

Actualité de Louis Massignon 
Présidence D. Avon, professeur d’histoire contemporaine, Université du Maine 

17h15-17h30 : Massignon et la mystique musulmane 
Pierre Lory, directeur d’études à l’EPHE 

17h30-17h45 : Massignon, et l’Islam 
Mohamed Sghir Janjar, directeur adjoint de la fondation du Roi Abdul-Aziz Al Saoud de Casablanca

17h45-18h : Massignon et les chrétiens 
Père Maurice.Borrmans, professeur émérite de l’Institut Pontifical des Etudes Arabes et Islamiques PISAI 

18h-18h30 : débat

samedi, octobre 20, 2012

Réunion d'hommage au professeur Mirella Galletti




Le samedi 27 octobre à 16 h 00, une réunion d'hommage à Mirella Galletti aura lieu au siège de l'Institut kurde de Paris.

La connaissance des corps est indissolublement physicienne et métaphysicienne


Pour Sohravardî, décrire les corps célestes, comprendre la physiologie des organismes humains ou animaux, décider de ce qu'est un minéral, ou quelle est la place du palmier ou du corail dans l'échelle des êtres, ce n'est pas seulement analyser l'univers matériel, c'est pratiquer, à une étape déterminée de son développement, le dévoilement spirituel. La connaissance des corps est indissolublement physicienne et métaphysicienne. Voilà pourquoi la physique elle-même est un "exercice spirituel" ; sa vérité n'est pas d'abord à rechercher dans la vérification empirique de ses jugements, mais dans l'intensité de la révélation de la nature des corps et des effets qu'ils produisent.

Dans son Introduction  à la Sagesse orientale, Christian Jambet précise, par ailleurs, qu'"il n'y a pas de physique sohravardienne du tout dans la mesure où les corps n'ont pas d'effet par eux-mêmes." Mais cette façon que l'on avait, alors, de ne pas penser la physique "comme une branche séparée" de la métaphysique, et donc de ne pas dissocier le monde matériel du spirituel ou de l'intellect, unifiait le monde de façon plus séduisante. Aujourd'hui, la science médicale et psychiatrique, via la neurologie, redécouvre l'inextricable lien de réciprocité entre corps et esprit. Qui sait, pour le reste des sciences de la terre et de l'univers, dans son ensemble ?

Marche pour le peuple syrien


vendredi, octobre 19, 2012

L'Iran à l'heure des révoltes arabes, résumé des interventions (5) : Les Arabes d'Iran

Seconde table ronde, modérée par Kendal Nezan, président de l'Institut kurde de Paris : La Question des peuples non persans.

M. Karim Abdian, du Parti de la solidarité démocratique Al Ahwaz, s'exprimant "au nom de la nation arabe d'Iran", est un des membres fondateurs du Congrès des nations pour un Iran fédéral. 

M. Karim Abdian s'interroge d'emblée sur le fait que l'Iran, ce "vaste pays, doté de nombreuses ressources et peuplé de personnes extrêmement compétentes, instruites, cultivées", ait atteint "un tel état de sous-développement politique" et que, depuis la chute des Qadjars, ce pays se soit avéré incapable d'instaurer la démocratie et la liberté. L'Iran est "comme un malade dont la maladie n'aurait pas été correctement diagnostiquée" : depuis 9 ans, on entend dire qu'il s'agit d'un pays "homogène", et qu'il lui faut un gouvernement centralisé, installé à Téhéran et dominé par un seul de ses groupes ethniques, à l'exclusion de tous les autres et ce, d'une main de fer. 

Les Arabes d'Iran sont donc eux aussi exclus. Cette nation occupe le sud-ouest de l'Iran depuis 1925. Auparavant et jusqu'à cette date, ils vivaient en Arabistan, dans une région autonome où ils parlaient leur propre langue, avaient leurs propres écoles et étaient libres de porter leurs tenues traditionnelles. Ensuite, ils subirent un système de gouvernement centralisé, dominé d'abord par une aristocratie persane et puis par le clergé. En 1936, le nom d'Arabistan, qui signifie "Pays des Arabes" a été changé en Khuzistan, sans que ses habitants aient été consultés.

Aujourd'hui, il y aurait entre 7 et 8 millions d'Arabes iraniens dont 4,5 à 5 millions au Khuzistan. C'est aussi dans ce territoire qu'on trouve 90% du pétrole iranien, avec 4,5 millions de barils produits par jour. Avec ses 110 milliards de barils de réserve, c'est le deuxième champ pétrolifère du monde. Mais une infime fraction de ces richesses revient à la population locale, voire 0%, selon Karim Abdian. 

Reza Chah (1925-1941) a imposé un gouvernement central  qui a mis fin au gouvernement autonome local et y a imposé la langue farsî, alors que 98% des habitants de l'ex-Arabistan parlaient l'arabe dont enseignement fut interdit. 

Le régime actuel prive les habitants de l'actuel Ahwaz de leurs droits élémentaires et les réduit au rang de "citoyens de 3ème zone". Depuis 87 ans, ils subissent une persécution très brutale et les Pehlevis comme ceux qui les ont renversés ont pratiqué le nettoyage ethnique. Il s'agit de priver les Arabes d'Ahwaz de leur identité nationale, de leurs coutumes et de leur histoire.

Mais depuis 1928, année du premier soulèvement contre le gouvernement central iranien, en 1936, en 1956, en 1963 et enfin en 1979, ces Arabes n'ont cessé de se révolter et ont subi une politique de nettoyage ethniques. Comme ses prédécesseurs, la république islamique mène une politique de destruction de l'identité arabe, comme elle le fait vis-à-vis des Turkmènes, des Baloutches et d'autres nationalités iraniennes. Elle a pour but l'élimination de toute culture non-persane et surtout de la culture arabe. Ces Arabes sont stigmatisés comme "sécessionnistes" ou "wahhabites" et d'être un danger pour l'intégrité territoriale de l'Iran. 

La république islamiste viole sa propre constitution car dans les articles 15 et 19, il est énoncé que l'autonomie locale doit pouvoir exister, dans une certaine mesure. 

Parmi les Arabes, le taux d'illettrisme des hommes est de 18% ; il est plus élevé parmi les femmes. Les villes arabes détruites (pendant la guerre Irak Iran) ont été reconstruites à seulement 20%, ce qui permet de continuer de déplacer les populations arabes et de les chasser de leurs terres. Après l'Irak, l'Iran était autrefois le deuxième exportateur de dattes. Pendant la guerre Iran-Irak, des dizaines de milliers de palmiers-dattiers qui, de tout temps, avaient assuré la subsistance de la population locale, ont été détruits. Les agriculteurs arabes ont tenté de les replanter, on leur a refusé le droit de le faire. Les autorités iraniennes interdisent aux parents de donner des prénoms arabes à leurs enfants, cela doit être des noms persans. Depuis 4 ans, il y a, tous les jours, des manifestations et 161 personnes ont été pendues sur la place publique. 4 personnes ont encore été pendues à Ahwaz, récemment, et 11 personnes attendent leur exécution. C'est une campagne de terreur qui a été lancée pour protéger les réserves pétrolières.

Pour Karim Abdian, "il est inévitable que ce vent de changement qui souffle depuis la Tunisie, l'Égypte, le Bahrein, la Syrie finira par balayer l'Iran." Beaucoup de ces Arabes d'Azhwaz regardent Al-Jazeerah et voient ce qui se passe au Moyen-Orient. Concernant les accusations de séparatisme, il faut respecter "le droit au divorce" et on ne peut pas retirer le droit à l'auto-détermination des Arabes, des Kurdes ou des Azéris.

Concert de soutien à l'Institut kurde