samedi, septembre 24, 2011

LA CONDITION DES KURDES APATRIDES SYRIENS RESTE DIFFICILE


En 1962, le gouvernement syrien avait décidé de procéder à un recensement de toute la population dans la province de Hassaké, sous prétexte de déterminer qui était entré 'illégalement' en Djezireh depuis 1945, en fait pour 'arabiser' le plus possible de terres frontalières. La province étant habitée par une large communauté de Kurdes, en majorité paysanne, beaucoup n’avaient aucun document à avancer pour prouver leur citoyenneté ou leur titre de propriété. Il faut noter que la Djezireh, du temps du Mandat français, avait accueilli nombre de réfugiés fuyant les massacres ottomans, Kurdes, Arméniens, syriaques, et même, dans les années 30, d'autres Syriaques fuyant les représailles après le départ des Anglais d'Irak. Mais seuls les Kurdes furent inquiétés et le recensement ne durant qu'une journée (beaucoup n'étaient même pas avertis), des centaines de milliers de Kurdes se retrouvèrent du jour au lendemain apatrides, tandis que les terres qui leur étaient confisquées revenaient à des colons arabes.

Ces Kurdes « sans papier » sont de deux sortes en Syrie : ceux inscrits lors du recensement de 1962 mais qui n'ont pu fournir assez de documents pour prouver leur citoyenneté sont considérés comme « étrangers » (ajnabi). Ils ont une pièce d'identité spéciale indiquant qu'ils ne sont pas syriens et font face à des restrictions dans leurs accès à l'éducation, l'emploi, le mariage ; les 'maktoumin' (non-enregistrés) n'ont pas du tout été recensés en 1962 et ont encore moins de droits que les premiers : ils ne peuvent obtenir aucun diplôme et sont souvent soumis à des restrictions concernant leur déplacement dans le pays et même dans leur propre province.

Le nombre total des Kurdes en Syrie est difficile à établir car ils ne sont pas officiellement dénombrés comme tels. Certains chercheurs estiment qu'ils forment 10% de la population syrienne. Parmi eux le nombre des Kurdes déchus de leur nationalité en 1962 pouvait être autour de 120 000 et l'ONU estime qu'ils pourraient être aujourd'hui autour de 300 000. On avance ainsi les chiffres de 140 000 'ajnabî' et 160 000 'maktoumin'.

Alors que l’année 2011 célèbre le 50ème anniversaire de la Convention visant à réduire le cas des apatrides, un reportage du journal kurde Rudaw revient sur le sort de ces Kurdes démunis de nationalité dont Bachar Al Assad s'est finalement décidé à réhabiliter certains dans leur citoyenneté au printemps dernier, sans que toute la question soit résolue. Comme il est indiqué dans l'article, l'octroi ou non de la citoyenneté fut tout à fait fantaisiste. Un Kurde interviewé explique ainsi que son « grand-père et ses enfants étaient nés en Syrie. Mais tandis que certains de ses frères et sœurs gardèrent leur nationalité, mon grand-père et deux autres de ses frères travaillaient aux champs, et n'en firent pas la demande. » Paradoxalement, le statut d'apatride est héréditaire via le père, mais pas les biens des apatrides eux-mêmes : « Alors que j'ai automatiquement hérité du statut d'apatride de mon père, je ne pourrai hériter de ses biens quand il mourra. Nos terres ont déjà été confisquées et remises à des colons arabes. Le gouvernement syrien critique les Israéliens au Sud, mais ils font la même chose au Nord. » Être apatride ferme aussi la voie à beaucoup d'emplois, alors que la Syrie connaît une grave récession : « Même si j'ai eu assez de chance pour entrer à l'université grâce au directeur du collège, mes études ne serviront à rien et je n'aurai pas un diplôme valide. Je ne pourrai pas travailler dans le secteur publique ni créer une entreprise à mon nom. »

Le décret présidentiel en mars dernier a rendu la nationalité à quelques 6000 Kurdes (sur environ 300 000) et leurs noms n'ont toujours pas été inscrits au registre national des citoyens, de sorte qu'ils n'ont pas droit à un passeport, seulement à une carte d'identité, comme en témoigne l'un d'eux : « Je suis content d'avoir ma carte d'identité, mais tant que le processus n'est pas achevé, je ne fais pas confiance à leur action. Avant que ma carte ne soit délivrée, j'ai dû avoir un entretien, répondre à beaucoup de questions, et d'intimidations, avec la Sécurité d'État. La citoyenneté ne doit pas être un privilège. C'est mon droit. »

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