mercredi, juin 29, 2011

KURDISTAN D'IRAK : UN ENSEMBLE DE RÉFORMES ADOPTÉES EN RÉPONSE À LA CONTESTATION SOCIALE


Le parlement du Kurdistan vient de voter un ensemble de lois ou d’amendements, dans un climat de contestations politiques et sociales et de demandes de réformes né des manifestations de Suleimanieh au printemps dernier. Parmi les lois nouvellement votées, celle condamnant l’excision a été saluée par de nombreuses ONG, kurdes ou internationales.
Depuis qu’en 2007 et 2008, des enquêtes de terrain, conduites par des équipes allemandes et kurdes (WADI) avaient conclu à un pourcentage de près de 77% d’excision dans certaines régions du Kurdistan d’Irak (principalement celles de Suleimanieh et de Germiyan), de nombreuses campagnes avaient été lancées, avec l’appui du gouvernement de la Région du Kurdistan, pour informer la population des méfaits de cette pratique. Les autorités religieuses locales avaient aussi été fortement incitées à la condamner.
La loi prévoit maintenant des peines d’emprisonnement allant de 3 à 6 ans de prison et une amende d’un million de dinars irakiens pour toute personne incitant à l’excision, ainsi que des peines de 5 à 6 ans de prison et 5 millions de dinars d’amende pour les personnes la pratiquant et 3 ans d’interdiction d’exercer la médecine au cas où du personnel médical serait reconnu coupable.
La même loi interdit dorénavant l’usage de la dot, les mariages forcés, les mariages arrangés lorsque l’âge de la jeune fille et celui du mari sont disproportionnés, ainsi que la prostitution forcée (la légalité même de la prostitution étant débattue au sein des milieux politiques et associatifs kurdes).
Mais si les ONG saluent cette interdiction, son application et son efficacité sur le terrain restent encore à démontrer. Le ministre de la Santé, Taher Hawrami a déclaré que les autorités lanceraient une campagne d’affichage pour informer sur les nouvelles dispositions législatives, en ajoutant que les cercles religieux devaient s’impliquer davantage pour faire reculer l’excision : « Les gens ont besoin d’une meilleure compréhension de la religion pour abandonner cette pratique. »
D’autres questions liées à la situation des femmes et à l’évolution des mœurs restent en suspens, comme la protection sociale des divorcées, souvent sans ressource et dépendant alors totalement de leur famille, comme l’explique Payman Abdul Karim, un député : « Quand une femme est divorcée, elle n’a nulle part où aller et est souvent maltraitée. »
D’autres réformes qui vont être proposées au Parlement sont une réponse assez large aux manifestations du printemps dernier dans la province de Suleimanieh, qui avaient laissé s’exprimer une vague de contestation sociale et politique, parfois meurtrière. Le président Massoud Barzani avait alors promis un ensemble de réformes qui aplaniraient les inégalités sociales et une forme de népotisme reproché à une classe politique trop souvent compromise avec les milieux d’affaires.
Le plan de réformes, prévu pour être mis en place le 15 juillet, va de mesures visant à améliorer la santé publique, l’alimentation, l’énergie, les infrastructures routières, le logement à une plus grande transparence dans les marchés publiques, notamment la vente de terrains à bas prix pour des projets d’investissement : ces terrains acquis à bas prix auraient été détournés de leur destination et revendus avec une plus-value conséquente. Sans attendre ces mesures, le président Barzani, qui supervise les projets agraires a déjà mis fin à 118 contrats et réclame la restitution de plus de 10 000 ares de terres.
Dans un premier temps, ce plan de réformes n’avait semblé être prévu que pour les provinces de Duhok et d’Erbil, ce qui avait suscité des critiques parmi la population de Suleimanieh. Il est possible que l’implantation de telles réformes et la restitution de terres ou de bâtiments soient plus délicate à imposer, de la part de Massoud Barzani, dans une province tenue par l’UPK et où, de surcroît, l’opposition ne porte guère le PDK dans son cœur. Cependant, un représentant de la commission anti-corruption a affirmé que les enquêtes se poursuivaient, et que près de 10 000 ares seraient réclamées dans la province de Suleimanieh. La commission d’enquête doit aussi examiner un projet d’hôtel et un autre concernant un établissement hospitalier, dans la ville même de Suleimanieh. Les directeurs de plusieurs bureaux gouvernementaux de la ville ont confirmé au journal Rudaw qu’ils avaient déjà fait l’objet d’inspection de la part de cette commission. Le chef du département de tourisme de Suleimanieh a indiqué que deux projets avaient déjà été annulés et que 70 étaient actuellement examinés. Pour sa part, Muhammad Hadji, directeur du bureau des contrats de la municipalité de Suleimanieh a fait état de 60 projets « en cours d’examen ». Les projets non avalisés par la commission sont tous annulés.
Des projets pour encourager le tourisme doivent aussi voir le jour. Sur la question de la corruption, une commission parlementaire doit également présenter un projet de loi visant à garantir une plus grande transparence dans les budgets, les marchés publics et la législation.
La mise en place d’un fonds de solidarité sociale voit aussi le jour, visant à assurer la subsistance des chômeurs, des personnes à faible revenu ou bien invalides. Quant au secteur de la Santé publique, il doit faire l’objet d’une profonde réorganisation.
La Justice est aussi un secteur très critiqué par l’opinion publique, qui lui reproche d’être sous l’influence des partis au pouvoir. De nouvelles lois devraient donner plus d’indépendance aux juges et de moyens pour juger les dossiers de corruption.
D’autres mesures semblent plus anecdotiques, mais vont dans le sens d’une plus grande proximité des membres du gouvernement ou du Parlement avec la population. Ainsi, le 14 juin, un décret présidentiel a interdit de rouler dans des véhicules aux vitres teintées et a imposé à tous les membres du gouvernement ainsi qu’aux députés de mettre leurs voitures en conformité avec cette nouvelle réglementation, « afin que tous les passagers d’une voiture soient visibles ». Les responsables et membres des partis politiques ont été également invités à s’y conformer, de même que les simples citoyens, policiers et agents de circulation.

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