mercredi, décembre 28, 2011

Comment l'islam est devenu musulman

Comment l'islam est devenu musulman, cycle de conférences Clio de Jacqueline Chabbi, professeur à l’université Paris VIII-Saint-Denis.

L’histoire est souvent paradoxale lorsqu’on la ramène à sa chronologie. Ainsi peut on dire historiquement que l’islam n’est pas né musulman mais qu’il l’est devenu, au fil des événements qui se sont succédé dans le temps sans que l’on puisse jamais dire qu’ils étaient prédictibles. Pour rendre visible cette historicité que la croyance et l’opinion dominantes peinent ou se refusent à se représenter, il ne faut jamais présumer le passé à partir de son futur. Il faut poser comme principe d’analyse que le passé n’a pas su ce qu’il allait devenir. Ainsi, l’islam de Mahomet, enclos dans le limites territoriales de la péninsule arabique, n’a-t-il rien su de l’islam des grandes conquêtes et encore moins des dogmes postérieurs auxquels renvoie souvent l’islam d’aujourd’hui comme s’il s’agissait de dogmes qui auraient été présents d’emblée. C’est à une révision des visions souvent caricaturales de l’islam, aussi bien dans le monde musulman qu’en dehors de lui, que les conférences de ce cycle seront consacrées. 

Mercredi 4 janvier 2012 à 15 h : La querelle des cousins et l’apparition du chiisme.

Mercredi 11 janvier 2012 à 15h00 : L’islam des convertis et l’apparition du sunnisme 
Mercredi 18 janvier à 15 h 00 : L’islam mystique du soufisme et ses racines allogènes
Mercredi 25 janvier à 15 h 00 : L’islam des mythes et l’hybridation des cultures

Toutes les conférences de Clio ont lieu à la Maison des Mines, 270 rue Saint-Jacques 75005 PARIS Entrée pour une conférence : 13 € Étudiants de moins de 26 ans : 10 € Carte Fidélité : 100 € pour 10 conférences. Carte Amis de Clio : 150 € pour 20 conférences.

TARIQ AL HASHIMI ACCUSÉ DE TERRORISME S’ENFUIT AU KURDISTAN


Alors que les troupes américaines venaient tout juste de se retirer complètement d’Irak, le 19 décembre, trois des gardes du corps d’un des deux vices-présidents irakiens, Tareq al-Hashimi, étaient arrêtés et accusés d’activités terroristes. Le Premier Ministre Nuri Al-Maliki demandait le même jour qu’un autre haut responsable politique sunnite, pour son adjoint, Saleh Al-Mutlak, soit démis de ses fonctions, tandis qu’Al-Hashimi et le reste de ses gardes étaient interdit de sortir du territoire. Le porte-parole de la Sécurité de Bagdad, le général en chef Qassim Atta, a indiqué que la nuit précédente, Tariq Al-Hashimi avait été intercepté alors qu’il s’apprêtait à prendre un vol pour la ville kurde de Suleïmanieh, où il se rendait pour rencontrer le président Jalal Talabani. Sa voiture personnelle a été confisquée par les services secrets de la Défense irakienne. Le vice-président n’a pu prendre son vol que grâce à l’intervention personnelle de Jalal Talabani.

La Sécurité irakienne soupçonne Tarek Al-Hashimi d’avoir commandité l’attentat à la voiture piégée contre le parlement qui, en novembre dernier, avait fait une victime et blessé trois autres membres parlementaires, dont un Kurde. Les deux politiciens appartiennent au bloc rival de Maliki, celui d’al-Iraqiya, dont les 82 députés viennent tout juste d’entamer un boycott au parlement irakien pour protester contre « une monopolisation du pouvoir » par le Premier Ministre. Saleh Al-Mutlak, plusieurs fois accusé par ses détracteurs de soutenir en secret l’ex-Parti Baath, a répliqué sur sa propre chaîne de télévision, Babiliyah, que Nuri Al-Maliki était « pire que Saddam Husseïn ». Ce dernier n’a cessé de réaffirmer sa détermination à mener jusqu’au bout le processus judiciaire, et a indiqué, par le biais de son porte-parole qu’aucune « médiation » (probablement kurde) ne le dissuaderait de mettre le vice-président irakien en état d’arrestation et qu’ils lui avaient donné 48 h pour prouver l’innocence de ses gardes du corps.

Les « confessions » des gardes du corps de Tarek Al-Hashimi, retransmises sur des chaînes télévisées, sont dénoncées par le camp des Arabes sunnites comme une machination ourdie par le Premier Ministre chiite pour abattre ses puissants rivaux d’Al Iraqiyya qui boycottent actuellement le parlement et le gouvernement de coalition.

Quant à l’accusé, il a fait savoir, dans une conférence de presse donnée à Erbil, qu’il était « prêt à être jugé » à condition que son procès ait lieu au Kurdistan d’Irak, où il a trouvé refuge, et non en Irak même, dominé par les chiites. En plus du transfert de son dossier au Kurdistan, Tarek Al Hashimi réclame également la présence de représentants de la Ligue arabe pour veiller sur la régularité de l’enquête et des interrogatoires.

La riposte de Nouri Al-Maliki ne s’est pas fait attendre. Dès le lendemain de la conférence de presse d’Al Hasimi, le 21 décembre, il s’adressait au Gouvernement régional du Kurdistan pour qu’ils remettent le vice-président sunnite à la Justice irakienne, et rejetait tout rôle de la Ligue arabe dans cette affaire qu’il qualifiait de « criminelle ». Alors que le dernier convoi de soldats américains avait quitté l’Irak, le gouvernement américain, face à cette crise inattendue, a exprimé son « inquiétude au sujet de ces développements et a exhorté « toutes les parties à oeuvrer pour résoudre leurs divergences de façon pacifique, à travers le dialogue, de façon respectueuse de l'Etat de droit et du processus politique démocratique ».

Avec la « fuite » d’Al Hashimi au Kudistan, plus que le président de l‘Irak, Jalal Talabani, c’est le président de la Région du Kurdistan, Massoud Barzani, qui se trouve dans une position clef dans cette médiation, puisque c’est sous sa « protection » que Tarek Al Ashimi s’est placé en réclamant d’être jugé à Erbil, et Nouri Al Maliki ne s’y est pas trompé quand il a sommé les Kurdes de faire face à leur « responsabilité » en lui livrant le vice-président. De même, n’ayant plus en Irak qu’une présence diplomatique, les Etats-Unis ont besoin plus que jamais de la médiation kurde entre les sunnites et les chiites irakiens.

Massoud Barzani a lancé très vite un appel allant dans le sens du dialogue et de l’apaisement, en proposant qu’une « conférence nationale » se tienne afin de résoudre la crise politique et d’éviter une aggravation des conflits. Mais Nouri Al Maliki a rejeté cette proposition, qu’il juge « inappropriée » et le porte-parole du Premier Ministre, Ali Al-Mussawi, a même jugé « insultant » pour les proches des victimes de l’attentat cette proposition de conférence générale entre les politiciens irakiens.

De son côté, la porte-parole d’Al Hashimi, Maysoun al Damalouji, a assuré que le vice-président prouverait son innocence, en ajoutant que toute cette affaire n’était qu’un « jeu politique » de la part de Maliki.

Les relations, très tendues entre Maliki et le gouvernement kurde, avaient pourtant vu l’amorce d’un compromis, depuis que le Premier Ministre irakien s’était engagé, par écrit, à un partenariat dans la direction politique de l’Irak et à travailler à un accord sur la gestion des revenus pétroliers kurdes. Mais le refus des Kurdes de livrer Tarek Al Hashimi aux chiites n’a fait qu’envenimer les rapports entre Erbil et Bagdad. Le 23 décembre, Fuad Hussein, chef du cabinet de la présidence kurde, a clairement fait savoir que le Gouvernement régional du Kurdistan ne renverrait pas Tarek Al Hashimi à Bagdad, qualifié d’ « invité » : Mais il a ajouté : « Nous sommes prêts à organiser un procès régulier pour Hashimi dans la Région du Kurdistan, si les autorités judiciaires irakiennes l’acceptent. »

Secondant les Kurdes dans leur tentative d’apaisement, les Américains insistent également sur la reprise du dialogue entre les camps rivaux. Selon la chaîne arabe Al-Hurra, Joe Biden, le vice-président des Etats-Unis a personnellement appelé Maliki à cet effet, mais sans succès apparent. Il a aussi joint au téléphone le président du Kurdistan, Massoud Barzani, pour discuter de la situation et réitérer le soutien américain à un processus de dialogue entre les leaders irakiens.

Premiers effets de ce bras de fer ? Quelques jours plus tard, les attentats se sont multipliés à Bagdad, surtout dans les zones chiites, faisant plus de 50 victimes et près de 200 blessés, ce qui peut laisser craindre une reprise de la guerre civile en Irak, alors que les troupes américaines ne sont plus sur le terrain. Le 26 décembre, c’était au tour du groupe parlementaire Al-Iraqiya de rejeter l’invitation du Conseil des ministres d’une réunion des principaux leaders politiques encore en place à Bagdad pour résoudre la crise. Motif de ce refus : le fait que les parlementaires sunnites aient été mandés par le gouvernement et non par le groupe des députés chiites de la liste Al Dawa : « Nous ne sommes pas des employés du gouvernement » a ainsi résumé un député d’Al Iraqiya.

Pour finir, le parti chiite religieux d’Al Sadr a appelé à des élections anticipées, appel relayé par Massoud Barzani comme un moyen de débloquer la situation, au moins sur le plan politique. S’exprimant sur Al-Jazeera, le président du Kurdistan a estimé que l’Irak connaissait sa crise la plus dangereuse depuis la chute de l’ancien régime et que le fédéralisme était la seule solution pour la survie de l’Irak, alors que de plus en plus de voix sunnites s’élèvent pour réclamer un statut identique à celui dont jouissent les Kurdes dans 3 provinces.

S’invitant soudainement dans le conflit, la Turquie, qui poursuit plus que jamais sa politique d’interventionnisme au Moyen-Orient, a annoncé le 26 décembre qu’elle ne « s’opposerait pas » à la venue de Tarek Al Hashimi sur son territoire, annonce qui, jusqu’ici a eu peu de succès, même du côté sunnite. Mais il est probable que le gouvernement d’Erdogan surveille attentivement le regain de pouvoir que la situation donne au Kurdistan d’Irak, comme le fait remarquer Gala Riani, analyste à l’IHS Global Insight, qui reprennent ainsi leur position de « faiseur de rois », un peu amoindrie devant l’autoritarisme croissant de Maliki et la concentration des pouvoirs dans sa main. De plus, l’appui américain qui attend d’eux qu’ils aident à résoudre la crise leur permet de renforcer leurs demandes envers le pouvoir de Bagdad, tout en essayant de mettre fin à la crise, dans un statut d’arbitre.

Çetin Akdeniz

dimanche, décembre 25, 2011

Les chats persans

Lundi 26 décembre à 22 h 35 sur Ciné+ Club : Les chats persans, de Bahman Ghobadi, 2009.


"À leur sortie de prison, une jeune femme et un jeune homme musiciens décident de monter un groupe. Ils parcourent Téhéran à la rencontre d'autres musiciens underground et tentent de les convaincre de quitter l'Iran. N'ayant aucune chance de se produire à Téhéran, ils rêvent de sortir de la clandestinité et de jouer en Europe. Mais que faire sans argent et sans passeport ..."

À propos d'Elly

Lundi 26 décembre à 20 h 40 sur Ciné+ Club : À propos d'Elly (Darbarayeg Elly), d'Asghar Farhadi, Ours d'argent au Festival de Berlin. 1h56.

Un groupe d'amis étudiants passe des vacances dans une vaste demeure au bord de la mer Caspienne. Sepideh, qui s'est occupée de l'organisation, a décidé d'inviter Elly, en espérant que celle-ci ne soit pas indifférente au charme de son ami Ahmad, qui sort tout juste d'une rupture. Les vacances se passent dans la bonne humeur, jusqu'à la soudaine disparition d'Elly...

samedi, décembre 24, 2011

KURDISTAN D’IRAK : EXXON SIGNE UN IMPORTANT CONTRAT AVEC LA RÉGION


La société américaine Exxon Mobil a signé le 11 novembre un contrat avec le Gouvernement régional du Kurdistan, ce qui marque une étape importante dans la politique énergétique du Kurdistan et de son bras de fer avec Bagdad, sur cette question.

En signant avec le GRK, Exxon prend ainsi le risque de devoir renoncer à d’autres accords, devant être conclu, cette fois avec l’Irak, dont ceux concernant les riches champs pétroliers de Qurna. Abdul Mahdy Al Amidi, le directeur des contrats du ministère du Pétrole irakien a indiqué à l’agence Reuters que son gouvernement avait écrit à trois reprises à Exxon, le mois dernier, pour les avertir des conséquences qu’un contrat signé avec le GRK aurait sur les autres contrats irakiens.

Jusqu’ici, la Maison Blanche n’a cessé de mettre en garde les sociétés américaines afin de les dissuader de passer des accords directement avec Erbil, sans l’aval de Bagdad. Si les raisons invoquées concernent les mesures de rétorsion que le gouvernement central peut adopter ensuite envers les sociétés étrangères auant passé outre, on peut y voir aussi la volonté politique des Etats-Unis de ne pas encourager une gestion indépendante des Kurdes de leurs propres ressources pétrolières.

D’un autre côté, des observateurs font remarquer qu’un conflit avec la puissante société Exxon ne serait peut-être pas profitable au Premier Ministre Nuri Maliki, qui fait face à plusieurs frondes politiques internes que cela viennent des Kurdes, des sunnites ou des chiites eux-mêmes. De plus, l’annonce de l’accord vient une semaine après une visite du Premier ministre du Kurdistan, Barham Salih, qui a rencontré à la fois des responsables américains et irakiens, ce qui peut faire penser à une médiation américaine.

Une des raisons de cet assouplissement de la politique des Etats-Unis à l’égard des contrats passés avec le GRK est que tous les accords concernant le forage dans les régions irakiennes sont encore en suspens et ce depuis un an. Les compagnies d’exploitation pétrolière pourraient être ainsi tentées de prendre le risque de jouer la carte kurde, celle-ci s’avérant plus rapidement rentable. Les conditions offertes par le Kurdistan ne diffèrent pas des contrats signés avec l’Irak, mais le facteur de risque concernant l’instabilité politique et la sécurité joue évidemment en faveur du Kurdistan, qui a signé 40 accords depuis la chute de Saddam Hussein, Exxon étant son plus gros client.

Les experts notent par ailleurs que jamais l’intérêt des investisseurs pour les ressources kurdes n’a été aussi grand. Selon les estimations de plusieurs instituts et compagnies américaines, le Kurdistan pourrait figurer dans les 10 premiers sites de réserves pétrolières mondiales. Parmi les facteurs jouant contre le Kurdistan, son conflit avec Bagdad qui refuse toujours de reconnaître comme valides les contrats passés sans son accord. L’autre handicap est l’insuffisance des infrastructures.

Le 12 novembre, le vice-premier ministre Hussein Al-Sharistani, qui a en charge les questions énergétiques après avoir été ministre du Pétrole dans l’ancien cabinet, a annoncé que la société Exxon avait éte mise en demeure de choisir entre les contrats kurdes et l’accord déjà existant concernant le pétrole du gisement de Qurna-Ouest, un des plus importants de l’Irak.

Le 13 novembre, le ministre kurde des ressources naturelles, Ashti Hawrami, répliquait dans une conférence de presse donnée à Erbil que le contrat passé avec Exxon était une « bonne nouvelle », non seulement pour la Région du Kurdistan, mais pour tout l’Irak. Il a indiqué aussi que l’accord avait été signé le mois dernier, le 18 octobre 2011 et concernait six puits. Le ministre a répondu ne pas savoir si Exxon allait installer des bureaux au Kurdistan ou dirigerait les opérations de son siège de Bagdad. Pour sa part, la Maison Blanche a refusé d’indiquer si elle avait donné son feu vert à la société Exxon pour la signature de l’accord. Mais selon plusieurs sources, dont des sources diplomatiques, jamais des négociations d’une telle ampleur n’auraient été possible sans l’aval, voire le soutien, de Washington.

Le 17 novembre, Ashti Hawrami et Hussein Al-Sharistani étaient attendus tous deux à une conférence à Istanbul, mais le ministre irakien a refusé de répondre aux questions des journalistes concernant une rencontre avec Ashti Hawrami. Par contre, le Dr. Roj Nouri Shawis, un des vice-premier ministre d’Irak a déclaré à Reuters que son gouvernement se montrait assez optimiste sur une conciliation prochaine entre Erbil et Bagdad et qu’il ne croyait pas à une annulation des contrats passés entre Exxon et l’Irak.

Le 22 novembre, à l’occasion d’une visite à Tokyo, le ministre irakien du Pétrole, Abdul Karim Luabi a déclaré avoir écrit, ainsi que le Premier Ministre Maliki à la société Exxon et qu’ils attendaient toujours une réponse. Le ministre n’a pas révélé la teneur des lettres mais le 23 novembre, c’était au tour de Sharistani d’annoncer que son gouvernement envisageait la possibilité de sanctions et allait en infomer Exxon avant toute annonce publique de la société américaine. Hussein Al-Sharistani a par ailleurs nié que le gouvernement des Etats-Unis ait apporté son soutien aux Kurdes, en affirmant que Washington n’était pas au courant des négociations, et que si cela avait été le cas, Exxon aurait été « obligé » de demander l’approbation préalable du gouvernement irakien. Mais le département d’État américain a, lui, indiqué avoir « averti » Exxon comme d’autres firmes sur les risques encourus, sans vouloir préciser si des entretiens particuliers avaient eu lieu à ce sujet.

L’affaire a pris évidemment une tournure politique qui va bien au-delà des simples questions énergétiques, alors que les Etats-Unis se préparent à retirer toutes leurs troupes d’Irak. Jafar Atay, directeur à Manar Energy Consulting, spécialiste du secteur irakien, juge que si l’accord peut être jugé comme un ferment de divisions en Irak ou bien un pont entre Erbil et Bagdad, selon que la situation évolue vers l’apaisement ou la dissension. Altay prévoit aussi une longue bataille juridique entre l’Irak et Exxon si des contrats étaient annulés. « Il se peut qu’Exxon parie sur le long terme. Shahristani est le « faucon » de ce cabinet, aussi Exxon espère peut-être qu’il finira par le quitter et que d’autres contrats pourront être signés. Ils voient qu’actuellement, les meilleurs conditions sont offertes par le Kurdistan. »
Qurna-Ouest n’a pas en effet une bonne réputation concernant les retours sur investissement dans les milieux pétroliers ce qui a pu décidé Exxon à choisir la carte kurde. Mais Exxon s’est refusé à tout commentaire duant tout le mois. Le 28 novembre, le ministre du Pétrole irakien annonçait que les trois lettres envoyées par son gouvernement à la société étaient restées sans réponse, et que Bagdad allait écrire une quatrième fois. Le président de la Région du Kurdistan, Massoud Barzani, a, pour sa part, affirmé que Nuri Maliki avait été mis au courant de la signature de l’accord avec Exxon.

vendredi, décembre 23, 2011

Nettoyages ethniques en Union soviétique (1935-1953)


"De la répression de classe à la répression ethnique
Au début des années 1930, ayant consolidé son pouvoir, Staline s'engage, notamment après l'assassinat de Kirov, le 1er décembre 1934, dans une répression tous azimuts de plus en plus violente, appelée la Grande Terreur. Cette "épuration" est d'abord idéologique – c'est un politicide –, mais elle se colore peu à peu d'une dimension ethnique affirmée. Staline s'attaque, entre autres, à l'éradication violente des "survivances du féodalisme et du tribalisme" esquissant un "nettoyage" qui est à la fois idéologique et ethnique. Les peuples visés étant considérés dans leur ensemble comme coupables, émergent simultanément "la catégorie de 'nation ennemie' et la pratique du nettoyage ethnique" (Martin, 2001, p. 311). Entre 1935 et 1938, au moins huit nationalités sont concernés (Polonais, Allemands, Finnois, Estoniens, Lettons, Coréens, Chinois, Kurdes et Iraniens), tous vivent partiellement sur le territoire de l'Union soviétique et d'États voisins. Les membres de ces "nations ennemies" sont réprimés du simple fait de leur appartenance ethnique. À ce seul titre, ils sont arrêtés, déportés ou exécutés en masse. Évidemment, les prétextes ethniques et idéologiques sont étroitement imbriqués, ainsi la dékoulakisation (lutte contre les "propriétaires terriens") ou la sédentarisation forcée des nomades sont autant de luttes idéologiques et nationales. L'ampleur de ces épisodes ne doit pas être sous-estimée, ainsi la sédentarisation forcée des nomades du Kazakhstan aurait fait un million de victimes sur une population totale de quatre millions de personnes en 1926 ! La famille en Ukraine fait plusieurs millions de victimes."

"Les régions frontalières, enjeux et théâtre des "nettoyages":
aux frontières de l'Iran et de l'Afghanistan, un millier de familles kurdes sont expulsées en 1937 et 2 000 familles iraniennes en 1938 (Martin, p. 335). "

"Le bilan de la déportation des "peuples punis"
Outre les peuples caucasiens, Staline fait aussi déporter en 1944, 185 000 Tatars, 120 000 Moldaves, soit 7% de la population de cette république, 86 000 Turcs Meshkètes (de Géorgie, qui vivaient au nord de l'Adjarie actuelle), 15 000 Grecs, 12 000 Bulgares, près de 10 000 Arméniens de la presqu'île de Crimée, mais aussi des Lituaniens, des Lettons, des Estoniens, des Kurdes, etc. Au total, entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et la mort de Staline en 1953, les déportés ethniques se comptent encore par centaines de milliers. Si l'on retient le chiffre d'un million entre 1944 et 1945 et de 800 000 entre 1946 et 1953, ce sont, en tout, 1,8 million de personnes qui sont déportés sur des critères ethniques (et encore, ce chiffre n'inclut pas les Polonais expulsés vers la Pologne en 1945-1946). "

Auparavant, au sujet du conflit du haut Karabagh entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan actuels, il est rappelé que

"le corridor de Latchine (district de Latchine et de Khelbadjar), c'est-à-dire tout l'espace compris entre l'enclave et l'Arménie" est "une zone peuplée de Kurdes, neutres dans ce conflit, d'où les Azéris ont été chassés et qui est ponctuellement recolonisée par les Arméniens pour assurer la continuité de peuplement arménien entre ces deux territoires."

Stéphane Rosière, Le Nettoyage ethnique. Terreur et peuplement (Ellipses).

jeudi, décembre 22, 2011

Siyâh Qalem



Vendredi 23 décembre à 15 h sur France Culture : Siyâh Qalem, peintre des steppes de la fin du XVe siècle. Avec Thierry Zarcone, préfacier de L'Asie des Tartares. Rencontre avec Siyâh Qalem, maître du calame noire, de Sabrina Michaud (Gallimard). Cultures d'Islam, A. Meddeb.

Présentation de l'éditeur 
Pendant quarante ans, Roland et Sabrina Michaud sont allés à la recherche de Siyah Qalem, ce mystérieux et fascinant personnage dont ils ont imaginé le parcours. Leur rêve nous entraîne à travers l’immense Tartarie, depuis le haut plateau anatolien jusqu’au pied de la Grande Muraille de Chine dans la poussière, les sables et les neiges d’une lointaine Asie. Tour à tour, ils chevauchent avec les cavaliers des steppes du Turkestan et de la Mongolie, accompagnant les chameliers Kirghizes des routes de la soie sur le toit du monde, pénètrent dans le bazar couvert de la dernière cité caravanière d’Asie Centrale chez les marchands et artisans du monde des mille et une nuits et suivent les aigliers Kazakhs à la chasse dans les monts Altaï. Plus étonnant, ils partagent l’ivresse mystique des derviches musulmans et Sabrina nous dévoile la vie intime des femmes tartares sous la yourte… 
Siyah Qalem, Maître Mohammad du Calame Noir, appartient géographiquement au monde des steppes asiatiques où l’islam et le soufisme se mêlent au chamanisme et au boudhisme. Son oeuvre manifeste un solide esprit d’indépendance. Son calame noir dessine avec une fausse maladresse des formes spontanées et inoubliables. Les experts les plus inspirés pensent qu’il travaillait dans un des célèbres ateliers de peinture crées par le sultan de l’époque, Yaqub beg (1478-1490), fin mécène qui appartenait à la dynastie turcomane des Aq Qoyunlu (Moutons Blancs). À l’époque, Tabriz, ancienne capitale des Il Khanids de Perse, Mongols islamisés de l’Asie occidentale, disputait à Hérat le titre de capitale artistique de l’Islam, mais en 1514, elle fut conquise et pillée par l’armée ottomane. Parmi les trésors de ses bibliothèques emmenés comme butin de guerre à Istanbul, se trouvaient les oeuvres de Siyah Qalem qui, réunies depuis dans un album dit “du Conquérant”, y demeurent toujours. 
Relié: 150 pages Editeur : Gallimard Loisirs (13 octobre 2011) Collection : HORS SER GA LOI Langue : Français ISBN-10: 2742430989 ISBN-13: 978-2742430987

mercredi, décembre 21, 2011

Seîd Yûsiv

Le miroir

Sortie en salle du Miroir (Ayneh) de Jafar Panahi (1997).
"Mina, une petite écolière, attend comme tous les jours sa mère à la sortie de l’école. Mais cette fois, celle-ci tarde à venir… Mina décide alors de rentrer chez elle par ses propres moyens. Mais elle ne connaît pas son adresse ! Durant son périple, dans la ville bouillonnante, elle va croiser de nombreux adultes auxquels elle tiendra tête… Têtue et obstinée, mais aussi imprévisible, Mina fera tout pour retrouver le chemin de la maison…"





mardi, décembre 20, 2011

Émeutes islamistes à Zakho


Une émeute a soudainement éclaté, le 3 décembre, dans la ville de Zakho, après qu’un imam ait fustigé les « boutiques d’alcool » et les « centres de massage chinois » lors de son sermon du vendredi. Au sortir de la mosquée, un groupe d’agitateurs a appelé à la destruction de ces boutiques et a commencé d’attaquer et de brûler des échoppes d’alcool, un commerce principalement exercé par les chrétiens et les yézidis. Un centre de massage et quatre hôtels ont été également pris pour cible.

Prises de court, les forces de sécurité ont cependant gardé leur sang-froid, évitant en cela de répéter les erreurs de Suleïmanieh quand, au printemps dernier, des tirs avaient été échangés dans les manifestations. Les quartiers en proie aux émeutes et au pillage ont été circonscrits et les blessés figurent majoritairement parmi les policiers, sans qu’aucune mort ne soit à déplorer.

Très vite, les images diffusées sur le web, venant de téléphones portables appartenant aux pillards eux-mêmes, montraient une foule des plus disparates, où à côté d’adultes entonnant des slogans religieux, on peut voir de très jeunes adolescents en profiter pour se servir dans les boutiques d’alcool, ce qui laisse fortement douter de leur motivation religieuse.

Dans la soirée, les attaques se sont portées sur la ville de Sumaili, à 15 km de Duhok, où vivent 200 familles chrétiennes, au village de Shiuz (180 familles chrétiennes), et dans la ville de Deraluk, où la police est finalement intervenue.

De l’avis de la majorité des media et de la population, il s’agissait plus d’une émeute visant les deux partis au pouvoir, le PDK et l’UPK, pour des raisons plus sociales et politiques que confessionnelles, même si des groupuscules islamistes réclament régulièrement du gouvernement qu’il interdise la vente d’acool. La riposte a été immédiate et a visé plusieurs locaux de l’Union islamique du Kurdistan (KIU), immédiatement mise en cause par des membres ou sympathisants du Parti démocratique du Kurdistan, tandis que plusieurs membres et dirigeants du parti islamiste étaient arrêtés. Le KIU a vu brûler plusieurs de ses locaux à Zakho, Duhok, Simel et Erbil, en « représailles » par une foule en colère. Il a alors publié un communiqué condamnant à la fois les émeutes de Zakho (et niant en être l’instigateur) et les attaques contre ses bureaux. Le ministre de l’Intérieur a, dans la soirée, émis un communiqué dans lequel il condamnait toutes les violences commises et promettaient qu’elles feraient l’objet de poursuites judiciaires.

Dès le lendemain, le président du Kurdistan, Massoud Barzani, se tendait à Zakho et condamnait les troubles de la veille, qu’il estimait « prémédités ».

« Je condamne ces actes illégaux. J’appelle le peuple de la Région du Kurdistan à préserver nos traditions de coexistence religieuse et ethnique. J’ai ordonné la création d’une commission qui enquêtera sur ces troubles, et que les responsables soient traduits en justice. »

« Protéger l’harmonie entre les communautés kurdes n’est pas de la seule responsabilité du gouvernement du Kurdistan, c’est de la responsabilité de tous et nous ne permettrons à personne de menacer cette harmonie » a,pour sa part, déclaré le chef de la police de Duhok, Ahmed Doski.

Le 5 décembre, on pouvait craindre une propagation des émeutes, quand à Suleïmanieh, un centre de massage asiatique était brûlé par des manifestants inconnus, sans faire de blessés. Le maire de Suleïmanieh, une ville fréquemment en proie à une agitation sociale et politique, contrairement à Zakho ou Duhok, Zana Hamasalih, a accusé des « saboteurs » d’être à l’origine de l’incident.

Malgré cet incident, les autres gouvernorats, celui d’Erbil et celui de Ninive, assuraient qu’il ne s’agissait que d’agitations locales et ne craignaient pas une contamination. Le gouverneur d’Erbil a même indiqué n’avoir pris aucune mesure particulière de sécurité, et que la situation était « stable ».
L’origine des troubles a suscité nombre de versions et de commentaires dans les media kurdes et pami les observateurs politiques. Les uns y voient surtout une agitation sociale, les autres cherchent une instigation étrangère, rappelant le soutien du GRK à la révolution syrienne ou bien ses conflits récurrents avec le gouvernement de Bagdad. Quant à l’imam dont le prêche a déclenché les émeutes, il a nié toute responsabilité dans ces attaques. Convoqué par la commission d’enquête et s’exprimant aussi dans la presse, Mala Ismaïl Osman Sindî s’est défendu en disant qu’il n’était pas le seul, ni le premier religieux à protester publiquement contre les centres de massage chinois (qui semblent rencontrer un certain succès au Kurdistan) : « Tout le monde en parle, et je suis peut-être le dernier à avoir abordé cette question. J’ai seulement dit qu’au lieu de centres de massages, on devrait construire des mosquées. »

Un habitant de Zakho, qui assistait au prêche, rapporte au journal Rudaw qu’ « après que le mollah a parlé des centres de massage, un homme s’est levé et a crié : « Puisqu’il y a des choses ‘haram’ à Zakho, nous ne devons pas les accepter et nous devons les détruire. » Omar Sindî a confirmé la scène : « Mais je lui ai dit que s’il partait attaquer les centres avant que le sermon soit terminé, sa prière ne serait pas acceptée par Dieu. Cette personne est membre du KIU. »

Le PDK et le KIU n’ont ainsi cessé de s’accuser mutuellement d’être à l’origine des violences, le PDK s’en servant comme prétexte pour mettre à sac les locaux du KIU, et ce dernier pour nuire à l’image de gouvernement et de la Région, ou bien servant des intérêts étrangers. Mais tous sont unanimes pour douter qu’un seul sermon par un mollah sans grande envergure de Zakho ait pu spontanément embraser toute une foule devenue soudainement extrémiste.

Le vendredi suivant celui de l’émeute, (le vendredi étant un jour de prêche religieux et traditionnellement choisi pour les manifestations et les protestations au Moyen-Orient) aucun trouble n’est survenu dans toute la Région, même si la police de la province de Duhok a été mise en état d’alerte.

Quant aux chrétiens de Zakho, ils se disent peu effrayés par une possible répétition des attaques, insistant sur la longue cohabitation amicale avec les musulmans kurdes, la plupart y voyant une menée de partis politiques opposés au gouvernement. Dans une interview donnée le 15 décembre, au journal Rudaw, Amir Goka, député chrétien à la tête du bloc du Conseil national des Chaldéens et des Assyriens au Parlement d’Erbil, expliquait que ces attaques restaient totalement inexplicables et imprévisibles pour les habitants de Zakho, musulmans, yézidis et chrétiens et qu’il songeait, lui aussi, à une attaque plannifiée, pour porter atteinte à la réputation de tolérance religieuse de la Région du Kurdistan.

Commentant les événements, Mahmoud Osman, député indépendant à la tête de la coalition kurde au parlement de Bagdad (coalition qui rassemble aussi bien la liste majoritire de l’Alliance du Kurdistan que le KIU) y voit les agissements d’États voisins désireux d’ébranler la stabilité politique du Kurdistan : « Je soupçonne des milieux étrangers, comme l’Iran, la Syrie et la Turquie, qui ne sont pas amis de la Région du Kurdistan, et qui ne reconnaissent rien de ce qui se nomme le peuple kurde, d’être derrière les récents incidents qui se sont produits à Zakho et Duhok. » a déclaré le deputé au journal Aswat al Iraq. « Il se peut que ces États aient interféré, afin de miner la situation dans la Région du Kurdistan. »

lundi, décembre 19, 2011

Chamanes


Mardi 20 décembre à 15 h 00 sur France Culture : Chamanes : les professionnels de l'invisible sont de retour. Avec Tiherry Zarcone, auteur de Le Chamanisme de Sibérie et d'Asie centrale (Gallimard).


Présentation de l'éditeur 
Les peuples d'Asie septentrionale reconnaissent parmi eux des individus doués de qualités hors du commun à qui ils confient la gestion des relations avec le monde invisible. Le terme utilisé en Occident pour les désigner, "chamane", appartient aux langues toungouses de Sibérie. Au cours de rituels destinés à une communauté, une famille ou un individu, les chamanes font surgir dans leurs chants des esprits anthropomorphes et zoomorphes et miment les dialogues, négociations et combats qu'ils mènent avec eux. Par la force ou l'habileté, le chamane obtient ainsi pour ceux qui le consultent la guérison, la fécondité, le succès à la chasse ou le croît du bétail. Les traditions chamaniques d'Asie centrale et septentrionale présentent une forte unité, notamment en raison de la continuité du fond culturel turco-mongol qui, au fil des migrations, s'est étendu jusqu'à l'Arctique et à la Méditerranée. Comme la plupart des positions sociales dans le monde turco-mongol, la fonction de chamane est fortement héréditaire. Dans les pratiques mêmes des chamanes, de nombreux thèmes directement issus de la civilisation nomade des steppes occupent une place centrale. Souvent assimilé à un guerrier ou un cavalier, le chamane d'Asie se distingue du chamane amérindien par l'attirail d'objets chamarrés dont il s'entoure : tambour, "armes", "cuirasse", "monture", cravache... 
La diffusion de l'islam en Asie centrale, à partir du VIIIe siècle, ne signe pas la fin du chamanisme, car celui-ci est recomposé avec cette nouvelle religion et, en particulier, avec sa forme mystique, le soufisme. Un phénomène semblable se produit dans les régions où le bouddhisme est introduit à partir du VIIe siècle (Tibet, Mongolie). Dans la nouvelle société musulmane, le chaman remplit généralement une fonction de thérapeute, parfois en association avec l'art du barde. Le XXe siècle a réuni dans un destin commun les chamanes d'Asie centrale et septentrionale, soumis aux persécutions des régimes communistes en URSS et en Chine. Vus comme des alliés de la classe dominante, de nombreux chamanes furent exilés et exécutés. Lorsque les pratiques chamaniques réapparurent au grand jour au début des années 1990, ce fut dans un monde nouveau. Si certains chamanes ont tenu à rester fidèles aux traditions perpétuées dans le secret pendant la période soviétique, d'autres ont choisi de s'adapter au monde urbanisé moderne en vendant leurs services dans le cadre d'associations. Dans les sociétés occidentales, les tenants du New Age prônent un "néochamanisme", dans lequel les rituels de guérison peuvent désormais s'enseigner, se transmettre, voire faire l'objet d'un commerce lucratif. 
Biographie des auteurs
Charles Stépanoff est maître de conférences à l'Ecole pratique des hautes études (Section des Sciences religieuses) et titulaire de la chaire "Religions de l'Asie septentrionale et de l'Arctique". Il a publié de nombreux articles sur le chamanisme sibérien. 
Thierry Zarcone est directeur de recherches au CNRS, groupe sociétés, religions, laïcité rattaché à l'Ecole pratique des Hautes études (Sorbonne). Spécialiste de l'histoire intellectuelle et religieuse dans les mondes turc et iranien, il s'intéresse tout particulièrement au soufisme et au chamanisme. Il a déjà publié deux titres dans la collection Découvertes La Turquie. De l'empire ottoman à la République d'Ataturk et Le soufisme. Voix mystique de l'islam
Broché: 127 pages Editeur : Gallimard (4 novembre 2011) Collection : Découvertes Gallimard Langue : Français ISBN-10: 2070444295 ISBN-13: 978-2070444298

samedi, décembre 17, 2011

Lieux saints et pèlerinages d'Orient


Dimanche 18 décembre à 8 h 05 sur France Culture : Pierre Maraval pour Lieux saints et pèlerinages d'Orient. Histoire et géographie, des origines à la conquête arabe (Cerf). Orthodoxie, Alexis Chryssostalis.



Présentation de l'éditeur
Pierre Maraval réalise dans ce livre la synthèse de plusieurs histoires : celle des lieux saints (leur genèse et leur développement) ; celle des pèlerins (leur motivations, leurs itinéraires, leur condition) ; celle des pèlerinages (leur origine et leur signification spirituelle). Les trois premiers siècles chrétiens s’intéressèrent peu aux lieux saints ; le IVe siècle les redécouvre et les met en valeur. L’intérêt ira croissant. La conquête arabe modifiera les conditions de cette passion. Une « géographie sacrée » se dessine par les itinéraires et les haltes ; routes de voyageurs et de migrations, de marchands et de mendiants, d’échanges et d’errances. Les circuits se modèlent progressivement sur ceux de l’empire. Les pèlerins y sont pris en charge, instruits et dirigés vers les sanctuaires à histoires, reliques et miracles. Liturgies et architectures spéciales accueillent la curiosité et la piété. L’inventaire et l’invention des lieux de théophanies bibliques répondent à la quête et à la fascination des ipsissima loca. Le culte des reliques ouvre l’accès à la présence des saints, en une culture du voir et du toucher. Le salut de l’âme est négocié, thésaurisé ou distribué en aumône. Graffitis et ex-voto attestent aujourd’hui des voeux individuels et collectifs. Un dictionnaire ou répertoire systématique décrit chacun des lieux saints et en donne tous les éléments connus dans les textes. Commençant par le Proche-Orient, cet ouvrage présente quelque cinq cents lieux saints comme un guide, en suivant les itinéraires anciens. 
Préface de Gilbert Dagron. 
Biographie de l'auteur : Pierre Maraval est historien des religions, spécialiste du christianisme ancien et de l'Antiquité tardive. 
Poche: 443 pages Editeur : CNRS (17 novembre 2011) Collection : Biblis Langue : Français ISBN-10: 2271072786 ISBN-13: 978-2271072788

Lucien Jerphagnon


Dimanche 18 décembre à 7 h 05 sur France Culture : Lucien Jerphagnon : un itinéraire partagé entre sagesse ancienne et spiritualité actuelle. Avec Christiane Rancé, auteur d'un volume d'entretiens avec l'historien de la philosophie : De l'Amour, de la mort, de Dieu et autre bagatelles (Albin Michel). Les Racines du Ciel, Frédéric Lenoir.




Présentation de l'éditeur
Allègre et profond, Lucien Jerphagnon, philosophe et historien, alterne souvenirs, anecdotes, réflexions piquantes ou sérieuses, dans le récit d'un étonnant parcours, qui l'a mené de Jankélévitch à saint Augustin. Le livre d'un sage qui, tels les anges loués par Chesterton, ne vole si haut que parce qu'il se prend à la légère. "Depuis les origines jusqu'à nos jours, la vocation première de la philosophie a toujours été de promouvoir en l'homme la conscience de lui-même et du monde, afin de réaliser, en lui et autour de lui, ce que les Grecs appelaient eudaimonia et les Romains beata vita, autrement dit une vie harmonieuse parce que conforme à sa destinée, et heureuse parce qu'harmonieuse..." 
Broché: 263 pages Editeur : Editions Albin Michel (31 août 2011)
ISBN-10: 2226229833 ISBN-13: 978-2226229830

jeudi, décembre 15, 2011

Abbas Kiarostami vu d'Orient


Vendredi 16 décembre à 15 h : Abbas Kiarotami vu d'Orient. Avec Sussan Shams, auteur de Le Cinéma d'Abbas Kiarostami. Un voyage vers l'Orient mystique (L'Harmattan). Cultures d'Islam, A. Meddeb.


Présentation de l'éditeur 
La Palme d'Or attribuée au Festival de Cannes, en 1997, à Abbas Kiarostami pour Le Goût de la cerise fut la consécration de la carrière d'un cinéaste dont l'oeuvre avait déjà été récompensée dans le monde entier. Avec son regard d'Orientale, l'auteur nous propose un voyage à l'intérieur d'un cinéma enraciné dans la culture d'origine de ce cinéaste iranien dont l'esthétique suscite de nombreuses interrogations chez le spectateur occidental. 

Biographie de l'auteur
D'origine iranienne, Sussan Shams a été initiée, dès son jeune âge, à l'art de l'image dans l'atelier de photographie de son père. Plus tard, elle réalise plusieurs courts métrages sélectionnés et primés dans différents festivals. Parallèlement, elle obtient son doctorat d'Arts et d'Arts Plastiques à l'université de Paris 1-Panthéon-Sorbonne. 

Broché: 210 pages Editeur : L'Harmattan (24 mai 2011) Collection : Champs visuels Langue : Français ISBN-10: 2296553133 ISBN-13: 978-2296553132

mercredi, décembre 14, 2011

Dengbêj Seyidxanê Boyaxçî




Le dengbêj Seyidxanê Boyaxçî (de son nom 'officiel' Seydo Şimşek) est né en 1938 au village de Deşsta Gewra Lexeriyê (région de Dixan). Très jeune orphelin de père, il fut élevé par son oncle paternel et n'alla pas à l'école. Il commenca de pratiquer le chant et la récitation à l'âge de 15 ans, et à se produire dans les fêtes et les noces, tout en étant berger et en travaillant aux champs jusqu'à l'âge de 20 ans. Il en partit alors pour la ville de Diyarbakir. Là, durant 25 années, il fut cireur de chaussures (boyaxçî) d'où son surnom, et aussi éboueur municipal, jusqu'en 1980. Cette année-là, la mairie voulut un éboueur à plein temps et il prit alors sa retraite, dans cette même ville, où de nombreuses cassettes circulent de ses chants.

(source : Antologiya Dengbêjan, Diyarbakir, 2007).


Un autre film a été tourné sur le Boyaxçî, que je vous invite à voir sur ce blog confrère. Il y raconte lui-même sa vie de façon plus complète (sous-titrage en anglais).

mardi, décembre 13, 2011

Guerre et paix dans le Proche-Orient médiéval


Du 15 au 18 décembre 2011, au Caire, colloque international "Guerre et paix dans le Proche-Orient médiéval" organisé par Sylvie Denoix (Ifao), Mathieu Eychenne (Ifpo), Stéphane Pradines (Ifao), Abbès Zouache (Ifao, Ciham Umr 5648), Institut français d'archéologie orientale du Caire - Institut français du Prche-Orient.


Auditorium de l’Institut français d’Egypte, rue Madrasat al-Huquq al-Firansiyya à Mounira.

Programme :

Jeudi 15 décembre.

14 h : Introduction, Mathieu Eychenne et Stéphane Pradines.


Après un premier colloque (Damas, 2010) proposant une réflexion historiographique, l’équipe Ifao-Ifpo organise une deuxième manifestation consacrée à la guerre et à la paix. C’est en tant que phénomènes culturels et sociaux qu’ils seront envisagés, en adoptant une démarche pluridisciplinaire (historique, archéologique, anthropologique...) seule à même d’aider à comprendre en quoi ces phénomènes modelèrent en profondeur les sociétés proche-orientales, du ive/xe au ixe/xve siècle. Cinq axes ont été privilégiés : 

1. la paix : un processus évolutif

À bien des égards, l’étude de la paix fait figure de parent pauvre de l’historiographie contemporaine. Il faut dire que le concept ne se laisse pas définir aisément. C’est sans doute pourquoi la plupart des études s’y étant attaché se sont contenté de chercher à la définir ou de l’étudier dans le seul cadre des relations diplomatiques. Sans négliger de telles approches, nous nous proposons d’appréhender la paix en tant que processus évolutif d’une part, dans son interaction permanente avec la guerre d’autre part.…  

2. fortifications, culture matérielle et patrimoine 

Les forts, les citadelles et les enceintes urbaines démontrent, localement, la volonté du pouvoir central de protéger une route, une frontière ou une ville. Les fortifications sont érigées dans les zones que le pouvoir pense devoir défendre, qu’il s’agisse d’une zone où le risque est le plus grand, ou d’un espace stratégique qu’il ne faut surtout pas perdre. Elles sont l’expression des pouvoirs en place et des tensions régionales, et c’est en tant que telles qu’on les envisagera prioritairement…

3. sociétés en guerre

Il est bien connu que la guerre est un phénomène social omniprésent au Proche-Orient médiéval. En effet, les sociétés proche-orientales étaient organisées en grande partie par et pour la guerre. Sans doute peut-on parler de la lente diffusion, dans l’ensemble de la société, d’une culture de guerre propre aux élites militaires et aux armées placées, à partir du ve/xie siècle, au cœur de l’organisation sociale, administrative et économique. Des moyens colossaux furent consacrés à la guerre, grevant les budgets et bouleversant jusqu’aux structures urbaines. Mal connus, ces bouleversements, de même que les conséquences de la guerre sur le développement du monde rural, méritent des analyses poussées…

4. les femmes et la guerre

Ces manifestations touchaient l’ensemble des acteurs du champ social, et notamment les femmes. Le combat guerrier était en effet une affaire d’homme et l’historiographie semble autorisée, dans ce cas, à les oublier ou, au mieux, à produire des lieux communs (captives rédui- tes en esclavage et entraînées dans les harems des vainqueurs). Et pourtant, à y bien regarder, si les femmes ne portaient pas les armes, elles ont pu apparaître sur les champs de bataille : s’occuper des blessés, des morts, était souvent leur rôle. Certaines questions logistiques leur étaient aussi dévolues…

5. corps en guerre

Plus largement, réfléchir sur les corps dans la guerre permettra de repenser l’expérience guerrière comme une expérience humaine – l’histoire-bataille comme la New Military History plus récente avaient tendance à promouvoir une « guerre sans les corps », quelque peu désin- carnée. Une expérience au long cours, pour les guerriers, car leurs corps étaient patiemment for- gés pour la guerre. La professionnalisation des combattants, de plus en plus marquée du xe au xve siècle, imposait un entraînement poussé à des hommes dont les sources révèlent qu’ils répétaient inlassablement les mêmes gestes avec une efficacité souvent redoutable. Cette formation au combat, à la souffrance et aux sacrifices n’ont pas réellement été interrogés par les analystes de la guerre…

1. la paix : un processus évolutif


14 h 30 : Traiter de paix en temps de guerre. L’activité diplomatique pendant les campagnes militaires de l’empereur byzantin (xe-xiie siècles), Nicolas Drocourt, université de Nantes.


La diplomatie médio-byzantine (viie-xiie s.) est souvent considérée comme une diplomatie centralisée et palatine. Si l’empereur reçoit les délégations étrangères dans sa capitale ou envoie ses propres ambassadeurs depuis le Grand Palais, force est de constater qu’il poursuit aussi son activité diplomatique en dehors de Constantinople. Les campagnes militaires et déplace- ments impériaux sur les marges frontalières de l’Empire sont en effet l’occasion de déployer une telle activité qui, en fait, semble incessante. Au-delà de critères idéologiques conduisant les Byzantins à afficher leur préférence de la paix par rapport à la guerre, cette diplomatie en contexte de tensions militaires rappelle aussi, de fait, l’étroitesse des relations entre guerre et paix. Elle soulève en outre plusieurs questions : le choix des émissaires dans de tels contextes, le respect de leur immunité, le secret militaire, tout comme la part de représentation du pou- voir qui se donne à voir dans de telles conditions, et la volonté, réelle ou feinte, du souverain à traiter de paix.

15 h : The Trade with Enemy : The Paradox between Rhetoric of War, Economic Necessities,and Religious Warnings, Byzantium and Muslim world, Al-Amin Abouseada univ. de Tanta.

15 h 30 : Maintien de la paix et protection du territoire : le réseau fortifié égyptien, Stéphane Pradines (Ifao), Osama Talaat (univ. du Caire, univ. d’Aden), Tarek el-Morsi (chercheur-associé, Iremam)

Comment défendre la paix et la maintenir sur le territoire égyptien ? Nous allons essayer de répondre à cette question en analysant le rôle des fortifications égyptiennes sur la longue durée, des Tulunides aux Ottomans.

16 h 00 : L’armée du jour ou l’armée de la nuit ? Préparation de la guerre, mobilisation des ressources et opposition politique dans le sultanat mamelouk, Julien Loiseau IUF, univ. Montpellier III .

Régime militaire de par son organisation collective, son discours en légitimité et son rap- port au reste de la société, le sultanat mamelouk était un État de guerre, sorti tout armé des épreuves qui frappèrent le Proche-Orient au milieu du xiiie siècle. Passée sa victoire inespérée sur les Mongols en 1260, sa survie assurée avec l’intégration des principautés ayyoubides de Syrie, le régime est parvenu à élaborer les conditions techniques et politiques de sa pérennité. C’est le sens de la refonte de l’iqṭāʿ, principale modalité de mobilisation des ressources du pays, désormais révocable, non-héréditaire et strictement indexé à la nouvelle hiérarchie militaire.

16 h 30 : pause.

Villes en guerre

17 h 00 : La ville en guerre et la guerre dans la ville : Bagdad et les Bagdadiens entre sièges, combats et retours à la paix pendant la période seldjoukide (milieu Ve/XIe – milieu VIe/XIIe siècles), Vanessa Van Renterghem, Ifpo.

Aux Ve/XIe et VIe/XIIe siècles, la guerre représentait une donnée quasi-permanente de la vie des Bagdadiens sous domination seldjoukide. Au-delà des révoltes et affrontements opposant diverses fractions de la société urbaine, les habitants de la capitale abbasside devaient pério- diquement faire face à l’arrivée de troupes étrangères cherchant à conquérir la ville afin de forcer le calife régnant à reconnaître le pouvoir de leurs chefs. Ces attaques pouvaient donner lieu au siège de la ville, pourtant incomplètement fortifiée ; elles entraînaient des combats au sein même de l’espace urbain et se soldaient bien souvent par des pillages et destructions tou- chant durement certains quartiers. D’autre part, à partir du moment où les califes abbassides se dotèrent à nouveau d’une armée, dans les premières décennies du vie/xiie siècle, ils firent périodiquement défiler leurs troupes pour des revues, ou à l’occasion de départ en expédition ou de retours triomphaux. La guerre et ses professionnels faisait ainsi partie de la vie bagda- dienne même en temps de paix ou en l’absence de combats.

17 h 30 : Damas en 1300 Ville et populations en contexte de guerre à l’époque mamelouke, Mathieu Eychenne (Ifpo).

Massacres, chaos et ruine sont les éléments incontournables du discours stéréotypé adopté par les auteurs de l’époque mamelouke décrivant les villes assiégées. Au delà de l’anecdote, rares sont les récits qui nous permettent de nous représenter la réalité d’une ville en guerre à cette époque, le fonctionnement de sa société tout comme l’impact des combats sur l’organisation urbaine et les édifices eux-mêmes.

18 h : Topographie d’une guerre civile. La fitna d’al-Ẓāhir Barqūq à Damas (791/1389-793/1391), Élodie Vigouroux docteur, univ. Paris IV Sorbonne, chercheur associé Ifpo.

L’occupation de Damas par Tamerlan durant l’hiver 1400 est reconnue par les historiographes témoins des événements comme un cataclysme, ultime avatar de la menace mongole qui plannait sur la ville depuis un siècle et demi. Bien souvent, à la lecture de ces sources, les historiens contemporains s’accordent à dire qu’à cette occasion la ville fut détruite et que jamais elle ne put réellement se relever de ses cendres. Cette analyse doit être remise en cause car elle ne prend pas en considération un épisode, certes moins fameux, mais pourtant d’une importance tout aussi considérable dans l’histoire de la ville: la guerre civile ou fitna survenue au début du règne du premier sultan circassien al-Ẓāhir Barqūq. Les combats intenses se déroulant au cœur même de la ville entre 791/1389 et 795/1393 doivent avoir bouleversé le paysage urbain bien avant que les troupes tatares ne menacent la ville. Ibn Ṣaṣrā, historien damascène témoin des événements, tel un reporter de guerre, nous présente dans son ouvrage intitulé al-Durra al-Muḍī’a fī l-Dawla al-Ẓāhiriyya, un récit vivant des affrontements, d’une rare qualité, riche en détails techniques, tactiques et topographiques nous permettant d’entrevoir, non seulement le déroulement des faits mais également de tenter d’estimer les dommages subis. En croisant ce témoignage avec celui d’un autre contemporain Ibn Ḥiğğī, il nous sera possible de dresser un état des lieux de Damas peu avant Tamerlan, permettant, à l’avenir, d’évaluer l’impact réel des événements de 1400.

18 h 30 : Text of ʿImād al-dīn al-Isfahānī on the Walls of Salaḥ al-dīn, around the Fatimid Cairo and al-Fusṭāṭ. An Analytic Study (en arabe), Osama Talaat (univ. du Caire, univ. d’Aden).


Vendredi 16 décembre


Fortifications et représentation du pouvoir 

9 h : The Fortifications of Ascalon from in the Byzantine, Early Islamic and Crusader Periods, Denys Pringle Cardiff University.

The walls of Ascalon, as described by William of Tyre at the time of the Frankish capture of the city in 1153, would have represented one of the most advanced examples of military en- gineering of their day, the immediate result of refortification carried out by the Fatimids to defend a military outpost thrust into the southern flank of the emerging kingdom of Jerusalem. Yet deliberate desructions carried out in 1191, 1192, 1270 and 1832 have left little remaining of them. What does survive, consisting of fragmentary remains still in situ and a number of di- sarticulated lumps of masonry, indicates that they contain masonry from a number of different periods, including Byzantine, Umayyad, Abbasid and Fatimid as well as at least two distinct phases of Frankish rebuilding. This paper presents an interim report of on a project aimed at disentangling the building phases on the basis of historical and archaeological research.

9h 30 : The Fortification Works of Nūr al-dīn at the Citadel of Šayzar, Cristina Tonghini (univ. Ca’ Foscari di Venezia)

With this paper I propose to illustrate some of the results of a project of archaeological investigation underway since the year 2002 at the site of Shayzar, in central Syria : Progetto Shayzar : study of a fortified settlement in Bilad al-Sham.

10 h : Tinnis as a strategic location in the 12th-13th c, Alison Gascoigne (Univ. of Southampton).

The city of Tinnis in the northeast Nile Delta was very strategically located for trade and travel. The city was thus the site of considerable, sporadic conflict from the time of its increasing economic importance in the ninth century culminating with the Crusades. The various functions of the city, specifically as a way point on the Cairo-Jerusalem route, as a port and as a major manufacturing centre, created tensions in terms of its security, and these tensions were ultimately behind the abandonment of the site in the early thirteenth century.

10 h 30 : Eastern Fortifications of Rosetta in the Mamluk and Ottoman Periods, Ahmad al-Shoky (univ. ‘Ayn Shams) 

11 h : Fortification et représentation du pouvoir dans la Syrie ayyoubide et mamelouke, Cyril Yovitchitch Ifpo.

Il est coutume de considérer la fortification sous ses aspects défensifs ou offensifs et d’en étudier les organes qui concourent à sa puissance militaire. La présente communication s’at- tache à un autre versant des fonctions de ces édifices qui réside non pas seulement dans leur capacité à protéger, à résister à une attaque, mais aussi dans la démonstration de la puissance du commanditaire. Car, en temps de guerre ou en temps de paix, les fortifications étaient également des lieux privilégiés d’expression du pouvoir à l’intention des administrés comme des ennemis.

11 h 30 : pause.

12 h :  Les données épigraphiques des fortifications islamiques du Bilād al-Šām (XIe-XIVe siècles),  Francesca Dotti (doctorante, EPHE)

Au cours des XIe-XIVe siècles, dans les territoires de la Grande Syrie, l’arrivée des Croisés et des dynasties de lignage turc, a transformé ces régions en terrains de bataille et de provoqué de fréquents bouleversements sociopolitiques. La nécessité d’établir et maintenir le contrôle de zones, villes et sites d’importance stratégique, a stimulé les activités de construction de nature militaire, soit par des renforcements de fortifications préexistantes ou par la fondation de nouvelles installations fortifiées dans les zones urbaines et suburbaines de ces territoires. Les travaux d’édification et de restauration d’ouvrages islamiques sont souvent attestés par une riche documentation épigraphique en langue arabe. Il s’agit, pour la plupart, d’inscrip- tions destinées à marquer les différentes prises de possession des château-forts de la part des souverains et à légitimer le pouvoir symbolique sur les districts administrés.

12 h 30 : Conserving the Eastern City Walls in Cairo (2000-2010), Christophe Bouleau, Aga Khan Trust for Culture.
The Aga Khan Trust for Culture, the cultural agency of the Aga Khan Development Network, has embarked, simultaneously to its creation of the 30ha Al-Azhar Park, on a multi-year urban rehabilitation program of the declining district of Al-Darb al-Ahmar in Cairo associating physical rehabilitation of city walls, monuments, open spaces, housing and infrastructure with social initiatives in the fields of health, education, vocational training and microfinance. The program, after 10 years of development, has reached a critical mass of social changes in the urban area.

À l’assaut : L’armement, sa représentation et son usage


14 h 30 : La Symbolique du Mamlūk : combats simulés et pratiques guerrières en temps de paix, Agnès Carayon doctorante à l’université de Provence.

Dynastie d’esclave, nés paīens, les Mamlûks ont sans doute plus que tout autre été confrontés à un problème de légitimité. Ce fut grâce à leurs faits d’armes qu’ils justifièrent dans un premier temps leur accession au pouvoir, car ils étaient alors les seuls capables de défendre le dār al-islam face à la menace extérieure, croisée ou mongole. Cependant, ils eurent aussi besoin d’actes symboliques forts qui les imposent sur le trône en dehors des champs de bataille.

15 h : Art and War in The Ayyubid and Mamluk Periods « A comparison Study », Rehab Ibrahim (univ. du Caire).

Art is mirror of its age, it reflects the different faces of the Political, Economical and Social status. So it was regular that the various types of arts in Egypt and Syria had been affected by the important events which they got through from the crusades to the Mughal invasion, as it causes lot of wars from the end of the Fatimid to the Mamluk period.

15 h 30 : «Take Shavings of Rawhide»: Finding Mamluk Examples of al-Tarsusi’s Style of Hardened Leather Helmet in the Citadel of Damascus,  David Nicolle (Univ. of Nottingham).

A few years ago a remarkably large number of apparent helmets and other rigid or semi- rigid forms of headgear were found along with a similarly remarkable variety of other military equipment in one of the southern towers of the Citadel of Damascus. The majority were made of several layers of hardened leather. At least one was made a single layer of leather which may not originally have been hardened. A smaller number were made of many small blocks of wood, covered and held together with several layers of cloth and gesso (plaster). One was made of a smaller number of vertical segments of thicker wood, rather like a form of earlier medieval European and Asian helmet known as a spangenhelm. All the wood-lined and some of the leather helmets were also decorated, usually by being painted or varnished and having Arabic inscriptions around their rims. A smaller number were decorated with circular cartouches containing a well-known emblem generally known as The Lion of Baybars.


16 h : Impact of Firearms on Mamlūk Military Architecture, Tarek Galal université du Caire.


Samedi 17 décembre :


Des hommes, des femmes dans la guerre

9 h 00 :  Les caractéristiques militaires des Turkmènes (XIe-XIIIe siècles), Omeima Hasan (université de Ṭanṭa)

Vers la fin du dixième siècle les groupes principaux d’Oghuz se convertissent à l’Islam, et sont dès alors connus sous le nom de Turkmènes. Dans la première moitié du XIe siècle, les Turkmènes traversent l’Iran, l’Azerbaïdjan, l’Iraq, et la Syrie, sur la route traditionnelle des invasions aboutissant, à travers l’Arménie, en Asie mineure.

9 h 30 : Brigands ou guerriers kurdes ? Au-delà des lieux communs, une loi non-écrite de la tribu, Boris James (doctorant, univ. Paris x Nanterre, Inalco).

À travers toute l’historiographie arabe médiévale, les Kurdes apparaissent au mieux comme des combattants impitoyables au pire comme des bandits invétérés. Déplorant de ne pas les voir s’unir contre la menace mongole, l’auteur et administrateur mamlouk Shihâb al-dîn b. Fadlallah al-ʿUmarî (m. 749/1348-49) ne manque pas de décrire cet état de guerre permanent régnant entre les tribus kurdes. Il s’agit certes d’un stéréotype, mais on ne peut nier par ailleurs, la réalité (la réalisation) sociale d’une telle image. Premièrement les Kurdes sont un peuple bédouin. Et au regard de la théorie khaldounienne (xive siècle), il n’y a de peuple bédouin que guerrier. Ensuite la guerre et ses formes mineures (raids, rapines, pillages...) sont des modes économiques au même titre que l’agro-pastoralisme en vigueur chez les Kurdes au Moyen-Age. C’est une manière d’accéder aux ressources très souvent privilégiée par les acteurs. Enfin l’image des Kurdes guerriers et brigands révèle l’existence d’un ordre social et politique spé- cifique. Sans aller jusqu’à l’idée d’un équilibre guerrier, les tribus kurdes s’inscrivent de fait dans une économie sociale régie par une loi non-écrite de la guerre et de la paix. Cet ordre a travaillé le territoire des Kurdes jusqu’à exclure les pouvoirs centraux jaloux de leur tutelle sur ces régions.

10 h : La distinction entre civils et soldats dans les traditions juridiques de l’Islam médiéval, Makram Abbès (Mcf, Ens-Lsh, Lyon).

Bien qu’elle semble absente des pratiques militaires propres aux mouvements jihadistes se réclamant à l’heure actuelle des textes religieux de l’islam, la discrimination entre les com- battants et les non-combattants figure bien dans les traités juridiques classiques et constitue l’un des piliers de la réflexion des juristes sur la légitimité ou l’illégitimité de tuer l’ennemi selon son statut de civil ou de militaire. L’objectif de l’intervention est de montrer comment ce principe est souvent maintenu dans une littérature qui, pourtant, désigne l’ennemi sur des bases religieuses et l’identifie à l’infidèle ou au polythéiste. Par ailleurs, de nombreux cas relevant du droit dans la guerre (les zones de combat, les prisonniers blessés, les ruses de guerre, etc.) montrent que cette distinction est insérée dans plusieurs normes qui entrent en conflit les unes avec les autres, et qu’elle est, par conséquent, au croisement de nombreuses logiques qui se déterminent à partir du droit, de la morale ou de la politique.


10 h 30 : « Rendre la justice en temps de guerre Les juges de l’armée d’après les sources biographiques et normatives », Mathieu Tillier (Ifpo).

La guerre a ses rituels et ses lois. Une armée, dès lors qu’elle ne se réduit pas à une simple bande de pillards désorganisés, se doit de maintenir une cohésion interne propre à assurer son efficacité militaire face à l’ennemi et le maintien de l’ordre en temps de paix. Cette cohésion est en grande partie assurée par la hiérarchie militaire, qui impose à tout soldat l’obéissance à son supérieur. Malgré cette structure hiérarchique, les tensions traversant la société militaire sont susceptibles de la déstabiliser. Pour que la concorde règne au sein de l’armée, les rivalités et les disputes entre soldats se doivent d’être examinées et jugées par un tiers. Les infractions aux ordres doivent être sanctionnées. La question de la justice au sein des armées musulmanes est d’autant plus cruciale que l’Islam se présente, dès les premiers siècles de l’hégire, comme une re-ligion de la Loi, et qu’il se répand dans le cadre d’un large mouvement de conquêtes militaires.


11h 00 : Women and the Military in the Fatimid Period, Delia Cortese (Middlesex University, London)

My main aim in this paper is to explore the variety and levels of interaction that women of the Fatimid court entertained with the military apparatus of the Fatimid regime. While focusing in particular on the relationship between the Fatimid princess Sitt al-Mulk (d.414/1023) and the qaysa- riyya army squadron, I will also look at the motivations behind other instances of women’s collusion with the army. Comparisons will be drawn with women’s involvement with military matters in other pre-Ottoman Islamic dynasties. This analysis will serve as a basis to reflect on the royal women’s active involvement in influencing dynastic succession politics as well as reconsider issues of passivity and marginality stereotypically associated with women of the pre-modern Islamic world.


Travesti, violenté et mutilé : le corps du guerrier 


12 h : Le corps ciblé : blessures et mutilations pendant les batailles, Ve-VIe / XIe-XIIe siècles, Abbès Zouache (Ciham Umr 5648 & Ifao)

Longtemps opérationnelle et centrée sur la stratégie et la tactique des armées, l’histoire de la guerre au Proche-Orient connaît, depuis quelques années, un véritable bouleversement : elle s’occupe désormais avant tout de l’expérience de guerre des hommes, de leurs émotions et de leurs souffrances.

12 h 30 : Slaying Goliath : Toward an Interpretation of the Mutilation of Corpses after Battle in Medieval Islam (4th/10th-9th/15th c.), Christian Lange (univ. of Utrecht).

In the chronicles of high-medieval Islam (4th/10th-9th/15th c.), reports about the mutila- tion and desecration of corpses of slain enemies can frequently be found. This is a somewhat morbid and unpleasant, occasionally distressing topic, but it is not without interest to ask about the social meaning of such practices in the context of war, what kind of justifications for, or arguments against, these practices were marshaled, and what sort of images and emotions they may have evoked. In this paper, I shall attempt to give a contextualized interpretation of a number of salient historical examples, focussing in particular on the practice of decapitating enemies in the wake of battles and of ‘translating’ their heads to other territories of the realm. This may contribute to our understanding of the ‘body at war’ in Islam, how it was used to legitimize warfare and define its meaning. Following in the footsteps of a number of recent studies (Fierro 2009 ; Halevi 2007 ; Mediano 2009 ; Zouache 2009), I also hope to produce insights into what can be termed the anthropology of the corpse in Islam, and of the head in particular.

13 h : The Mongol Body at War, Timothy May (North Georgia College &State University)

The Mongol war machine was one of the most feared and respected armies in history. Often it seemed more a force of nature than an actual army of human beings, yet the human element was all too apparent despite the rhetoric of the Mongol opponents. The mobilization and placement of Mongol units had a dramatic effect on not only Mongol society but other societies in the Mongol Empire, not to mention those on there ceiving end of their attacks. This paper will explore the ramifications of the placement of the tanma on the civilian population. The tanma was a Mongol unit stationed on the frontiers of the empire who held obligations to maintain control as well as to extend Mongol influence. This study will focus on the placement of the tanma units in the Middle East, with a particularly focus on the ones situated in Syria during the Mongol occupation of 1260 as well as the tanma in Anatolia and how they affected the culture, society, and the economies of the regions they affected.

Dimanche 18 décembre : 


D'un corps à l'autre : Du guerrier au martyr

9 h : Le corps manifestant autour des invasions mongoles dans l’orient musulman (1258-1323), Alaa Talbi (doctorant, univ. Tunis-La Manouba)

Cette réflexion s’appuie sur une nouvelle lecture des textes consacrés aux invasions mongoles de l’Orient musulman (1258-1323). Tout en examinant les batailles, l’avancement de l’armée mongole et son contact violent soit avec l’armée (abbasside ou mamelouke) soit avec la population locale et en se basant sur des textes arabes, persans ou syriaques, nous allons tenter d’expliquer les différentes réactions «corporelles» face au danger mongol ainsi que les manières d’exprimer la joie, principalement des populations, après les victoires mameloukes. Ensuite, en appliquant l’approche sociologique de Lipiansky, nous allons démontrer que ces réactions des « corps manifestants » pouvaient être un élément très important qui engageait une certaine identité du «groupe manifestant». Enfin, nous traiterons des phénomènes de déguisement pour se rendre méconnaissable et différent. Dans un texte d’Ibn al-Furāt, le na’ib de Qal`at al-Rūm demande que ses soldats soient habillés comme des Mongols pour faire peur à ses ennemis.

9 h 30 :  L’odeur du guerrier : usage des huiles et des parfums dans les armées de l’islam, Julie Bonnéric (doctorante, Ifpo)

Parfums et huiles parfumées sont abondamment employés en terre d’Islam : fleurs, écorces, huiles et matières animales diverses se mélangent en suaves bouquets afin de figurer un monde paradisiaque. Ces produits de luxe sont toutefois réservés à une élite et demeurent des signes de richesse employés pour séduire femmes ou souverains. Or, certains auteurs médiévaux font mention de guerriers se parfumant avant de partir au combat. Cette pratique peut surprendre dans la mesure où le champ de bataille, foyer d’effluves nauséabonds, n’est pas un lieu où l’on a le loisir de s’inquiéter de son odeur. Dès lors, pourquoi, et pour qui s’oindre de parfum ? Les rôles fonctionnel (dégager une odeur agréable) et social (marqueur d’appartenance à une élite) du parfum ne semblent pas pouvoir être ici convoqués. Lorsqu’il part au combat, le guerrier se prépare en effet à la possibilité du martyre, et le parfum pourrait alors se voir conférer un rôle symbolique et religieux. Le martyr est invité au Paradis et demeure auprès de Dieu jusqu’à la Résurrection. Le guerrier se parfume-t-il afin de préparer son corps à la promesse de cette nouvelle demeure, elle-même renommée pour ses rivières odoriférantes ?

10 h : « The Most Beautiful Body » : the Role of the Body in Martyrdom Narratives, Roberta Denaro (univ. di Napoli « l’Orientale »)

The aim of this paper is to analyze the representations of bodies in martyrdom narratives. Hadith literature sometimes includes short stories about warriors fallen in the battlefield, and I will focus specifically on this typology of martyrdom.

10 h 30 :  Le corps du martyre comme lieu de mémoire: Les pérégrinations de reliques en Méditerranée (IX-XIVe siècles), Giuseppe Cecere (Ifao)

La prédation des reliques était une pratique courante dans la chrétienté médiévale. Peu d’ans après la proclamation du Christianisme comme religion officielle de l’Empire Romain, en 386 apr. J.C, l’empereur Théodose ressenti déjà le besoin de promulguer une loi contre le vol et le commerce des restes sacrés: Nemo martyrem distrahat, nemo mercetur.1 Mais l’interdit ne produit apparemment aucun effet sur une pratique qui semble être en quelque sorte « consubstantielle » au culte des saints. D’un point de vue religieux, le statut du vol de reliques paraît en effet ambigu : en règle générale, une telle pratique était sévèrement blâmée par l’Eglise, surtout lorsqu’elle était motivée par des raisons économiques, mais elle pouvait néanmoins être justifiée quand elle visait à arracher les saintes reliques des mains des « infidèles ». Cela ouvrit la voie à une longue série de « vols pieux », qui étaient bénis par les autorités civiles et religieuses des communauté «d’accueil» des reliques. Dans ce domaine, Venise acquit une suprématie incontestée dans la Méditerranée orientale pendant le Moyen Age : surtout après le sac de Constantinople en 1204, le nombre de restes sacrés provenant du Levant et exposés dans les églises de la ville devint tel que Venise elle-même se transforma en quelque sorte en « étape » du pèlerinage aux Lieux saints. Cela devint un élément non négligeable de la puissance « symbolique » et économique de Venise, d’autant plus après la moitié du xive siècle, quand la ville devint la capitale d’une véritable « industrie » du pèlerinage dans le Levant, avec l’établissement d’un service régulier de galées entre Venise et les territoires mamelouks.

11 h 30 : Conclusion, Sylvie Denoix, Abbès Zouache.

Concert de soutien à l'Institut kurde