jeudi, septembre 30, 2010

TURQUIE : VICTOIRE DU « OUI » AU RÉFÉRENDUM


Le 12 septembre les Turcs votaient par référendum pour refuser ou approuver les modifications apportées à la constitution héritée du coup d’État militaire du 12 septembre 1980. Ces changements constitutionnels visent notamment à remanier l’appareil judiciaire et à réduire les pouvoirs de l’armée au sein de l’État. Le principal parti kurde, le BDP, avait appelé au boycott de ce référendum, notamment pour protester contre l’absence de la mention explicite du peuple kurde dans les textes, alors que d’autres partis kurdes, à l’électorat plus réduit, avaient, malgré leurs réserves, estimé que l’approbation de ces modifications était une étape positive.

Le jour du scrutin, quelques affrontements sans gravité autre qu’échanges de jets de pierres et de gaz lacrymogène entre manifestants et policiers ont opposé dans certaines villes comme Mersin, des Kurdes boycottant le référendum et ceux qui s’y rendaient.

L’enjeu de la participation et de l’approbation finale dépassait de loin les réformes constitutionnelles : il s’agissait aussi pour l’AKP, le parti au pouvoir, d’obtenir un « vote de confiance » de la part de l’électorat, en plus d’envoyer un signal positif à l’Union européenne. « La démocratie turque est aujourd’hui à un tournant majeur de son histoire » a déclaré le jour du vote le Premier ministre Recep Tayip Erdoğan. Les réformes permettront ainsi de traduire devant les tribunaux civils des officiers militaires, d’empêcher l’interdiction des partis politiques (une mesure dont les partis religieux ont fait les frais, tout comme ceux des Kurdes) et de permettre au gouvernement ainsi qu’au Parlement d’avoir un droit de regard sur la composition de la toute puissante cour constitutionnelle, jugée souvent comme acquise aux gardiens du kémalisme.

Les motivations de la « rue turque » pour approuver ou refuser les changements étaient assez variées. Certains veulent tourner pour de bon le dos au spectre d’un coup d’État militaire et souhaitent l’avènement d’un véritable pouvoir civil. D’autres ont voté contre par méfiance envers ce qu’ils considèrent comme une omniprésence de l’AKP dans les institutions politiques et surtout judiciaires, ou bien par défiance de principe envers un parti stigmatisé comme « islamiste » par ses adversaires.

Dès l’annonce des résultats, survenue le lendemain, le gouvernement a pu crier victoire avec 58% de oui, tout comme le parti du BDP, qui a qualifié, par la voix de son co-président Selahattin Demirtaş le succès du boycott kurde comme une « victoire historique », en demandant l’élaboration d’une nouvelle constitution, qui permettrait notamment aux Kurdes d’être éduqués dans leur langue maternelle ainsi que de jouir d’une autonomie politique. À Diyarbakir, capitale historique des Kurdes de Turquie, 70% des électeurs sont restés chez eux. Dans les villes et régions kurdes, comme Batman,w Şirnak, , Agri, Muş, Ardahan, Kars, Idir, Van, le boycott a été bien plus important, surtout dans la province de Hakkari, avec moins de 7% des électeurs à s’être rendus aux urnes et seulement 3% pour la ville de Yuksekova.

Comme souvent pendant une période politique cruciale entre Kurdes et Turcs, un attentat sanglant qui a frappé un minibus de civils, roulant dans la région de Hakkari a commodément permis aux faucons de fustiger « les terroristes » et de réclamer un retour à une politique « ferme » envers les Kurdes. Le PKK a pour sa part nié toute implication dans l’attentat qui a fait 9 victimes et a accusé les groupes de la contre-guérilla turque. Le mouvement armé avait annoncé le 13 août dernier la prolongation d’un cessez-le-feu unilatéral pour le mois de ramadan et a déclaré à l’agence de presse kurde Firat News qu’il n’avait pas l’intention de le remettre en question, « jusqu’à ce que de nouveaux et graves événements surviennent ». Pour le porte-parole du PKK, une autre attaque qui a touché les habitants du petit village de Peyanus serait en représailles des milices occultes de l’armée en raison de sa participation quasi nulle au référendum du 12 septembre : Seulement 5 personnes aurait voté, alors que 99% des électeurs du village ont boycotté les urnes.

Quelques jours plus tard, le 20 septembre, le cessez-le-feu du ramadan a été prolongé sans grande surprise. Dans le même temps, à l’occasion de la rentrée scolaire, un autre boycott, de 5 jours, a été lancé à la fois appuyé par le PKK et le BDP : celui des écoles par les écoliers kurdes, afin de protester contre l’interdiction d’enseignement dans leur langue maternelle. « Le droit à l’éducation dans sa langue maternelle est un des droits humains fondamentaux. C’est un droit naturel pour les enfants kurdes de recevoir une éducation dans leur langue maternelle. Aussi c’est un devoir d’humanité et de patriotisme de prendre part à ce boycott scolaire de 5 jours. Nous appelons notre peuple à soutenir cette campagne importante. » a déclaré le PKK.

Le ministre turc de l’Éducation nationale, Nimet Çubukçu, a protesté contre ce mouvement, qu’il a qualifié d’ « exploitation » des enfants à des fins politiques. Il a aussi averti que les parents qui n’enverraient pas leurs enfants à l’école s’exposeraient à des poursuites judiciaires. Selahattin Demirtaş, leader du BDP, a répliqué que l’assimilation des enfants kurdes perpétrée durant des années était un crime constitutionnel. « Ici est la mère patrie des Kurdes. Vous ne pouvez refuser les demandes d’un peuple pour l’éducation en sa langue maternelle, qui est un droit indéniable et non un crime constitutionnel. Ceux qui ont assimilé des millions de Kurdes ont commis un crime contre l’humanité. Nous soutenons l’éducation dans la langue maternelle car nous voulons affirmer que nous ne participerons pas à ce crime contre l’humanité. »

Dans les rues de Diyarbakir, plusieurs milliers de Kurdes ont défilé le 20 septembre pour soutenir le boycott scolaire : une marche est partie du centre culturel Cigerxwin jusqu’au parc de Koşuyolu, avec des bannières sur lesquelles étaient écrits des slogans en kurde comme "Zimanê Kurdî zimanê me ye" (notre langue est le kurde). "Em zimanê xwe dixwazin" (nous voulons notre langue), "Bê ziman jiyan nabe" (pas de langue, pas de vie). Dans la plupart des écoles en région kurde, à Diyarbakir, Urfa, Hakkari, Van, Agri, Mûş, Idir, Bitlis et Kars, les classes sont ainsi restées vides, certains enseignants s’étant joints aussi au mouvement à Yuksekova.

mercredi, septembre 29, 2010

Radio : Jambet, Miquel, églises d'Orient

Samedi 2 octobre à 17h15 sur Fréquence protestante : Les pensées arabes et persanes, avec Christian Jambet. Parcours philosophiques, B. Sauvage.

Dimanche 3 octobre à 6h10 et 22h10 sur France Culture : L'homme qui change, avec André Miquel, pour Croire ou rêver (Bayard). Cultures d'islam, A. Meddeb.

Présentation de l'éditeur
" En ces quelques pages écrites au jour le jour, avec des blancs entre ces jours, des retours, des redites que l'on voudra bien pardonner, j'ai voulu m'en tenir au sentiment, répéter après d'autres, et peut-être, de-ci de-là, autrement, de ces mots qui font une vie. Et, je l'espère, les partager. "
Biographie de l'auteur
André Miquel est un grand spécialiste de la langue et de la littérature arabes classiques. Il a dirigé le Collège de France et la Bibliothèque nationale, publié de nombreux livres et co-traduit le chef-d'oeuvre des Mille et une nuits. Avec ces pages écrites au jour le jour dans l'intimité, André Miquel nous offre une méditation bouleversante sur Dieu, ses mystères, et notre simple humanité.

Broché: 138 pages
Editeur : Bayard Centurion (21 janvier 2010)
Collection : Spiritualité
Langue : Français
ISBN-10: 2227481374
ISBN-13: 978-2227481374



à 7h00 sur RCF : Histoire des églises d'Orient (2). Histoire du christianisme, H. Billard.

Mercredi 6 octobre à 13h30 sur RCF : Histoire des églises d'Orient (3). Histoire du christianisme, H. Billard.

IRAK : LES ARABES DE KIRKOUK S’OPPOSENT AU RECENSEMENT


Le 2 septembre, le président de la Région du Kurdistan d’Irak, Massoud Barzani, recevait dans sa capitale d’Erbil le Vice-président des États-Unis, Joe Binden, accompagné de l’ambassadeur James Jeffery, du général commandant les forces américaines en Irak, Lloyd Austin, ainsi que de plusieurs conseillers de la Maison Blanche. Au dîner de réception donnée en l’honneur de la délégation américaine était également présent le Premier ministre kurde Barham Salih.

Massoud Barzani a souhaité exprimer une fois de plus la « gratitude » du peuple irakien et tout particulièrement celle des Kurdes pour le rôle joué par les États-Unis dans la libération de l’Irak. De son côté, Joe Binden a fait part au président kurde des « sentiments d’admiration » qu’éprouvait Barack Obama envers la population du Kurdistan d’Irak.

Mais congratulations respectives mises à part, la rencontre devait surtout porter sur certains points sensibles de la politique irakienne, comme le futur retrait des armées américaines, la question de Kirkouk, ou la vacance actuelle du pouvoir en Irak qui rend encore plus difficile les perspectives de résolution des problèmes cités plus haut. Si la plupart des Irakiens redoutent le départ définitif des Américains, les Kurdes sont peut-être ceux qui auront le plus à perdre dans ce retrait, tant leur méfiance s’accroit envers les deux blocs arabes, chiite et sunnite, et leurs velléités d’un « Irak fort », c’est-à-dire centralisé, qui mettrait à mal l’autonomie des Kurdes.

« Les Kurdes ont quelques raisons d’être nerveux au sujet du départ des Américains », confirme Kenneth Katzman, spécialiste des questions du Moyen Orient pour le département de recherche du Congrès, le départ des États-Unis signifiera pour le Gouvernement régional kurde la perte d’un allié de poids qui garantit l’autonomie du GRK, car ni les chiites ni les sunnites ne veulent d’une autonomie des Kurdes ou bien qu’ils contrôlent eux-mêmes leurs ressources pétrolières. »

Au sujet de la formation d’un nouveau gouvernement irakien, des fuites dans la presse laissaient entendre que la visite de Joe Binden avait aussi pour but de convaincre les Kurdes de renoncer à la présidence irakienne, en la personne du président sortant Jalal Talabani, leader de l’UPK, rumeur démentie aussitôt par Falah Mustafa, responsable des Affaires étrangères au sein du gouvernement kurde.

L’avenir de Kirkouk est une autre question cruciale pour l’avenir des relations kurdo-arabes au sein de l’Irak. À l’approche d’un recensement de toute la population irakienne, les différentes factions s’échauffent dans la province disputée, car ce recensement peut être aussi vu comme l’étape préliminaire au référendum réclamé par les Kurdes en vertu de l’article 140 de la Constitution. Mohammed Khalil Al-Juburi, un membre arabe du Conseil provincial de Kirkouk s’est ainsi déclaré hostile à un tel recensement, accusant le gouvernement irakien de n’avoir rien fait jusqu’ici pour vérifier la validité des listes électorales de la province, validité contestée par certains mouvements arabes et turkmènes car entérinant la majorité kurde de la population. « Une commission doit être créée pour vérifier les registres des électeurs et seulement après nous participerons au recensement. »

Dr. Najmaddin Karim, député kurde de Kirkouk pour l’Alliance du Kurdistan juge, pour sa part, tout report du recensement comme « inacceptable ». « Plusieurs districts à majorité kurde ont été détachés de Kirkouk et leurs habitants déportés. S’il y a une des parties qui a lieu de se plaindre, ce sont les Kurdes. Malgré cela, il n’y a pas d’intention politique dans ce recensement. Il est juste prévu à des fins de plannification pour tous les Irakiens, y compris les résidents de Kirkouk. » Dr. Najmaddin Karim a aussi attiré l’attention sur les agissements de pays voisins, et tout spécialement la Turquie, qui cherchent à interférer dans cette question par peur d’une indépendance kurde et accusent les partis politiques locaux hostiles au recensement d’agir en fonction de l’agenda turc. Selon lui, « les Arabes et les Turkmènes accusent toujours les Kurdes d’avoir changé la démographie de Kirkouk. Dans la perspective des élections législatives de mars dernier, ils avaient affirmé que 800 000 Kurdes avaient investi la ville. Si cette plainte avait été exacte, alors les Kurdes auraient dû remporter les 12 sièges au parlement irakien pour cette région. »
Dans un entretien accordé au journal arabe Asharq Al-Aswat, le président intérimaire du parlement irakien, Dr. Fuad Masum, chef du bloc kurde Alliance du Kurdistan, confirme le caractère de « violation constitutionnelle » de ce parlement irakien qui aurait dû élire un président un mois après sa formation. Mais cette élection est étroitement liée à la formation du gouvernement, comme l’explique le parlementaire : « La tradition au sein des blocs politiques irakiens est que si le président du Parlement est issu d’un des blocs, ce bloc là sera privé de la présidence (du pays) ou du poste de Premier ministre. Tout cela doit être fait en un seul accord, et les trois postes dirigeants répartis entre les grands blocs. Cela n’a pu se produire jusqu’ici. Si nous étions dans un pays démocratique évolué, un parti ou un bloc qui a obtenu 50% des sièges plus un aurait élu le président du parlement, et les candidats à la présidence et au poste de Premier ministre seraient issus de ce même bloc. Malheureusement, aucun bloc n’a obtenu ce nombre de sièges, de sorte qu’aucun camp politique ne peut compter sur ses propres voix pour former à lui tout seul un gouvernement. Il lui faut une coalition ce qui signifie aussi que plusieurs blocs doivent se mettre d’accord sur la répartition des postes-clefs du pays. » Sur la question de la formation du futur gouvernement, à l’issue d’une élection, la question de savoir qui a remporté réellement ces élections grève les débats et les accords possibles. La constitution énonce en effet que le bloc le plus important au parlement a le droit de former un gouvernement. Mais les interprétations divergent à ce sujet. Le leader de la liste Al-Iraqiyya, l’ancien Premier ministre Iyad Allawi, a obtenu le plus grand nombre de sièges pour sa propre liste aux élections. Mais le Premier ministre sortant, Nouri Al-Maliki, dispose du plus large bloc parlementaire par le jeu des alliances entre listes chiites. Or le texte de la constitution ne précise pas si le « bloc le plus important » désigne la liste qui a remporté les élections ou le groupe parlementaire qui après divers regroupements entre listes élues a formé une majorité. La cour fédérale n’ayant pu se prononcer à ce sujet, les choses demeurent en suspens, avec un président temporaire assumant ces fonctions en vertu de son ancienneté et en attendant qu’un accord se décide entre les factions politiques irakiennes.

Interrogé sur les chances des trois leaders politiques irakiens briguant la tête du gouvenement, à savoir Iyad Allawi, Nouri Al-Maliki et Adel Abdel Mahdi, de l’Alliance nationale, Dr. Fouad Masum estime que si Iyyad Allawi est indiscutablement le candidat de sa liste, il doit y avoir un accord de passé entre les deux rivaux chiites pour désigner un candidat unique. Et c’est alors seulement que des discussions sérieuses pourront commencer avec les sunnites et les Kurdes. Contrairement aux menaces proférées récemment par Iyad Allawi, Dr. Fuad Masum ne croit pas à un retrait des sunnites du processus politique en cours, « car le caractère dominant d’Al Iraqiyya est, en plus du sécularisme, le réalisme. La formation d’un nouveau gouvernement sans Al-Iraqiyya affaiblirait gravement ce gouvernement. L’Alliance kurde fait tout son possible pour qu’Al-Iraqiyya soit une composante importante de la future formation. »
Sur la difficulté des négociations en cours, Dr. Fuad Masum estime que le problème réel est qu’il n’y a pas de « dialogue sérieux » entre les composantes politiques irakiennes, qui font passer tous leurs messages et demandes par l’intermédiaire des media, sans concertation préalable. « Toutes les discussions ou accords conclus en Irak l’ont été par le biais des media. On ne peut conclure des accords essentiels pour la destinée du pays à travers les media. Ils doivent être faits à huis clos et ensuite on doit annoncer les résultats de ces accords. Mais ce qui se passe est que, dès que des pourparlers entre politiciens ont eu lieu, l’un des deux bords se précipite pour faire des déclarations à la presse, puis l’autre politicien fait sa propre déclaration, qui sera différente de ce qu’a affirmé le premier. Cela ne peut que mener à un résultat nul. » Sur la reconduction de Jalal Talabani à la présidence, Dr. Fuad Masum affirme que s’il y a bien un point sur lequel les blocs irakiens font consensus, c’est celui-ci : « il est le seul qui peut occuper ce poste dans les circonstances qui prévalent actuellement dans le pays. C’est l’avis d’Al-Iraqiyya, de l’État de droit et de l’Alliance nationale. »

mardi, septembre 28, 2010

Naissance des écritures kurdes : Présentation et catalogue en ligne


Dans le cadre de la Semaine des cultures étrangères à Paris, dont le thème, cette année, s'intitule "Passeport pour les Langues", l'institut kurde présente une exposition sur la "Naissance des écritures kurdes", c'est-à-dire comment fut progressivement écrite la langue kurde, à l'aide de divers alphabets : arabo-persan, latin, arménien, syriaque, cyrillique – sans compter les apocryphes de quelques faussaires inspirés !

Pour illustrer cette "naissance du kurde écrit", des livres des plus divers : à côté des premiers dîwans poétiques, des évangiles imprimés par des missionnaires, les grammaires des dominicains et des premiers kurdologues, les calendriers et journaux des partis kurdes, des abécédaires, des manuels d'école et des dictionnaires, des publications officielles ou clandestines, car rares furent (et sont encore) les États où le kurde n'est pas une langue interdite, une langue "de contrebande".



C'est une histoire qui couvre six siècles, six pays, sept alphabets…

C'est une histoire écrite par des poètes et des religieux, des écrivains et des hommes politiques, des écoliers et des savants… 

C'est celle de la fierté et de l'amour qu'ont toujours éprouvés les Kurdes envers leur langue, et de leur volonté obstinée de lui donner un passeport pour la "terre des livres".




Jeudi 30 septembre à 17h00-18h00 : présentation de l'exposition et conférence sur la langue kurde par Sandrine Alexie.

Exposition Naissance des alphabets kurdes du 30 septembre au 15 octobre 2010.

Institut kurde de Paris, 106 rue Lafayette, 75010. Entrée libre.



Catalogue-brochure des vitrines


0. Dîwan, Melayê Djizirî ; Nûbar, Ahmedê Khanî.

À côté d'une littérature orale et populaire, une littérature savante, écrite, exista dès l'époque moderne. Ces poètes de cours furent naturellement influencés par les grands noms de la littérature arabe ou persane. Ainsi, Melayê Cizirî, (1570-1640) composa des poèmes d’amour mystique que l’on peut rapprocher des oeuvres du poète persan Hafez. Ahmedê Khanî (1650-1706), est l’auteur du Nûbar ou Nûbihara biçûkan, un dictionnaire kurdo-arabe, et de Mem û Zîn un long roman d'amour versifié.

Le Nûbar fut rédigé par le cheikh Khanî à l'usage de ses jeunes élèves venant tout juste de mémoriser le Coran, afin qu'ils se familiarisent avec la langue arabe. Écrit vers les années 1680, c'est un ouvrage qui fait date dans l'histoire de la lexicologie kurde, car c'est le plus ancien dictionnaire connu en cette langue.


1. Grammatica e vocabolario della lingua Kurda
Le père Maurizio Garzoni, religieux dominicain, né en 1734 et mort en 1804, composa et publia à Rome, en 1787, la première grammaire kurde. Il était arrivé à Mossoul en 1762 et s'installa 2 ans plus tard à Amadiyya, dans une région de dialecte kurmandjî. Il y collecta les matériaux pour sa Grammatica e vocabolario della lingua Kurda.


2. Alexandre Jaba. Dictionnaire kurde-français, 1879, Saint-Petersbourg.

Le fondateur des études kurdes en Russie fut un savant et écrivain arménien, Khatchatur Abovyan (1809-48). Ses travaux rencontrèrent un intérêt tout aussi politique qu'érudit à une époque où les tsars cherchaient à s'étendre dans le Caucase, au détriment des empires ottomans et qadjars, dont les Kurdes étaient les gardiens des frontières. Après la guerre de Crimée (1853-56), l'Académie russe des sciences de Saint-Petersbourg devint un centre majeur de la kurdologie.

L'érudit d'origine polonaise Auguste Alexandre Jaba (1803-94), qui avait étudié les langues orientales dans la capitale impériale fut nommé consul de Russie à Erzurum. En 1856, à la demande d'un autre savant russe d'origine allemande, Bernhard Dorn, (1805-1891), il profita de son séjour pour apprendre le kurde auprès d'un mollah de cette région, Maḥmud Effendi Bāyazidi, qui écrivit aussi pour lui Les Us et coutumes des Kurdes, qui est le premier texte kurmandji en prose et non plus versifié. Alexandre Jaba publia en 1860 à St. Petersburg son Recueil de notices et récits kourdes, des contes kurdes traduits en français, Enfin, en 1879, toujours à Saint-Petersbourg, paraissait ce dictionnaire franco-kurde.



3. Évangile en kurde. Quelques chapitres de l’Évangile traduits en kurde par le Père Ablihad moine d’Alcoche. L’an 1888 du Seigneur.

4. Évangile en kurde, (alphabet arménien). Constantinople. American Bible Society.

5. Évangile traduit en kurde par Aroob Matthew Siyanda. Istanbul 1922.

Dans la grammaire du père Garzoni, figuraient déjà en traduction kurde le Pater Noster et l'Ave Maria. Le 19ème siècle vit une grande activité missionnaire au Kurdistan, tant de la part des catholiques que des protestants. En 1836, Gottlieb Christian Hörnle (1804-82), originaire de la ville suisse de Bâle, publia des études ethnographiques et linguistiques portant sur la région d'Urmia (act. Kurdistan d'Iran). Il traduisit aussi en dialecte kurde mokri l'évangile de Jean. Dans ce même dialecte, un missionnaire américain, Ludvig Olsen Fossum (1879-1920), installé à Mahabad, traduisit le Nouveau Testament et un catéchisme luthérien qui fut publié à Minneapolis en 1919.




Mais dans tout l'empire ottoman, les chrétiens, d'origine syriaque ou arménienne, convertis au catholicisme romain ou au protestantisme, furent de précieux auxiliaires de traduction, usant alors de leur propre alphabet pour écrire le kurde qu'ils parlaient eux-mêmes couramment. Pourquoi, cependant, utiliser des alphabets étrangers à la langue kurde, qui s'écrivaient en arabo-persan depuis le 16ème siècle ? Cela tient sans doute au statut de l'alphabet arabe, écriture du Coran, indissolublement liée dans les esprits à la religion islamique, alors que les alphabets arméniens et syriaques sont évidemment symboles du christianisme oriental. En 1922, cependant, cette barrière religieuse de l'écriture arabe tombe, avec la publication à Istanbul de ces évangiles. Il est vrai que l'année suivante la république turque laïque devait être fondée et que cette écriture "ottomane" était sur le point d'être interdite au profit d'un alphabet latin.


6. Mem û Zin, Istanbul, 1920.

Ahmedê Khanî, l’auteur du célèbre Mem û Zîn, est né en 1651, sans doute dans la région de Hakkarî (actuellement au Kurdistan de Turquie). Nous savons peu de choses sur sa vie, sinon qu’il voyagea en Egypte et à Istanbul, et peut-être en Iran, puis revint vivre au Kurdistan, où il enseigna les sciences religieuses. Il mourut en 1706 à Bayazid, où son mausolée s'élève juste en face du fameux palais bâti par le prince kurde Ishak Pacha.

Quand Ahmedê Khanî décide de versifier en kurde littéraire le conte de Mem û Zîn, il a conscience d'accomplir une oeuvre absolument nouvelle, qui dépasse le cadre de la jeune littérature kurde. Son but va au-delà de la littérature, en revendiquant une culture nationale comme facteur d'unité et si ce chef d'oeuvre est le plus célèbre de la littérature kurde, et si son auteur peut être considéré comme le plus grand écrivain kurde, ce n'est pas injustifié. Car il atteint d'un seul coup les plus hauts sommets de la littérature islamique, avec cette épopée sentimentale de 2655 distiques, qui est, sous le calame génial de son auteur, à la fois une histoire d'amour, un poème mystique, et le récit vivant et coloré de la vie quotidienne de la cour d'un prince kurde au 17° siècle.

7. Recueil de phrases usuelles et de dialogues (kurdes) turco-arabes. Mossoul, imprimerie des pères dominicains. 1896.

Comme nous l'avons vu avec le père Garzoni, de nombreux dominicains furent envoyés très tôt à Mossoul, par la Propagande, afin de ramener les chrétiens orientaux dans l'église romaine. Ils y étudièrent la langue kurde et les mœurs les différentes populations qu'ils étaient amenés à fréquenter et voulaient convertir. Les pionniers de la kurdologie furent donc ces dominicains italiens, remplacés en 1856, à Mossoul, par les Français du même ordre, même s'il fallut attendre, un siècle plus tard, les travaux du père Thomas Bois (1900-1975) qui lancèrent véritablement la kurdologie française. 


8. Kurdish. World Foreign Language Record Series. 1965. Washington.

Les textes littéraires écrits en dialecte soranî apparurent plus tardivement à la fin du 18ème siècle et au début du 19ème, avec les poètes Nalî, Kadhi Qadir Koyî (1817-1897), et le cheikh Reza Talabanî (1835–1909). Mais le soranî connut un essor foudroyant dès le début du 20ème siècle, et surtout après que ce dialecte fut adopté comme langue officielle des Kurdes d'Irak, à l'instigation des Britanniques. La langue kurde soranî fut enseignée dans les écoles du Kurdistan d'Irak dès les années 1920. C'est aujourd'hui la seconde langue officielle de l'Irak et la langue officielle de la Région du Kurdistan d'Irak.
Les Kurdes d'Irak hésitèrent entre un alphabet latin et l'alphabet arabe. Mais leur incorporation dans un État majoritairement arabe les obligèrent finalement à opter pour la seconde solution. Il en fut de même au Kurdistan d'Iran, d’autant plus que la proximité du persan et du kurde favorise une parenté d'écriture.

Mais bien après que le soranî et son alphabet réformé pour noter les sons kurdes spécifiques, surtout les voyelles, aient eu droit de cité, la transcription en caractères latins du soranî persista ça et là, pour des raisons de commodité : ici pour un guide succinct de conversation en kurde à l’usage des voyageurs n'ayant ni le goût ni le loisir d'apprendre à lire et écrire l'alphabet arabo-kurde.

Aujourd'hui le même problème se pose pour l'usage du kurde dans l'Internet : si l'alphabet latino-kurde est bien intégré sur le Web, les locuteurs du soranî, s'ils ne peuvent utiliser leur propre alphabet, ont recours à une transcription phonétique, d'ailleurs le plus souvent inspirée de l'anglais, ce qui relance le vieux débat de l'unification des écritures kurdes au profit du latin.

9. Calendrier. Pîremerd l'Immortel. 1971. Bagdad.

Calendrier-agenda contenant des citations de l'écrivain kurde Pîremerd, "le vieil homme", (1867-1950). Né à Sulaymania, il prôna un retour à une langue kurde '"épurée" de ses emprunts aux langues voisines. En plus de ses poèmes, il collecta 6500 proverbes kurdes.


10 Scientific Dictionnary pictured, Arabic-English Kurdish. Bagdad 1975.


11. Elfabe ; Hawar. Damas 1938.

À Damas, sous mandat français, les frères Bedir Khan, princes kurdes ayant fui la répression des Turcs, rassemblèrent autour d'eux un groupe d'intellectuels qui, dans les années 1930, travaillèrent à forger un alphabet latin adapté au kurde, à l'instar de l'alphabet turc qui supplantait, à la même époque, l'ancien ottoman. La revue Hawar (L'Appel), parut de 1932 à 1943, et comprend 57 numéros. Ronahî, son supplément bi-mensuel, fut publié de 1942 à 1944 avec 28 numéros. 

Les articles, français ou kurdes, étaient écrits par des poètes et conteurs kurdes, tout autant que par des spécialistes français des études kurdes, comme Roger Lescot (1914-1975), qui devint plus tard ambassadeur, le capitaine Pierre Rondot (1904-2000) et le dominicain Thomas Bois (1900-1975). On appela ce groupe "l'école de Damas" et l'alphabet proposé par Hawar est aujourd'hui l'alphabet latin qui a été retenu par la majeure partie des Kurdes.


12. Calendriers Roja Nû, Beyrouth.
De 1943 à 1946, le groupe issu de Hawar fit paraître un journal hebdomadaire en deux versions, française et kurde : Le Jour nouveau et Roja Nû, 73 numéros. Des calendriers en kurde furent aussi publiés, avec des chutes de papier récupérées en raison de la pénurie. Au bas de chaque page, sont mentionnés tous les journaux de langue kurde paraissant à la même époque, dans toutes les parties du Kurdistan et en Arménie :

- Kurdistan d’Irak : Jiyan (la Vie) à Suleymaniah ; Gelawêj (Vénus) à Bagdad.
- Arménie : Riya Teze (la Voie nouvelle) à Erivan.
- Iran : Niştiman (Patrie) à Lehîcan.
- Syrie : Hawar (L’Appel) à Damas ; Ronahî : Lumière à Damas.
- Liban : Roja Nû, le Jour nouveau et Stêr (l’Étoile) à Beyrouth.

13. Alfabe. M.E. Bozarslan 1ère éd, Istanbul. 1968. réédition en Suède.

D'abord envisagé comme une république turco-kurde, la nouvelle Turquie développa très vite une politique de répression féroce et de négation totale de l'existence des Kurdes. La langue kurde n'échappa pas à cette politique et jusqu'en 1991, parler ou écrire le kurde pouvait être pénalement sanctionné. 

En 1968, Mehmet Emin Bozarslan, qui traduisit aussi en turc Mem et Zîn et le Sherefnameh (Histoire des princes kurdes) fit paraître cet abécédaire, qui reprenait l'alphabet de Hawar, il fut emprisonné et le livre interdit. Comme il le rapporte lui-même, en 1993 : « J'ai écrit et publié ce livre à Istanbul en 1968...
Ce livre est toujours interdit en Turquie. C'était le premier abécédaire kurde en caractères romains dans un pays du nord du Kurdistan, et c'est le seul abécédaire au monde jamais interdit. »

Aujourd'hui, l'enseignement du kurde est encore interdit dans les écoles publiques, ainsi que son usage administratif. En vertu d'une loi proscrivant l'usage de caractères étrangers à l'alphabet turc, les lettres W, X et Q, qui n'y figurent pas, permettent aux autorités d'interdire des affiches célébrant le Newroz (nouvel an kurde), ou d'emprisonner des maires ayant fait éditer à l'usage de leurs administrés (dont certains lisent très mal le turc) des brochures d'information en kurde, en syriaque, arabe ou arménien.



14. 1929. Manuel de lecture et d’écriture kurmandjî. Erivan.

15. 1935. Behar (le printemps), recueil de poésie d’Eminê Evdal. Erivan.

16. 1934. Elifba. Manuel de kurmandji.

17. Livre d’enfant. 1934, Erivan.

Au début des années 1920, les Kurdes de la nouvelle URSS, bien qu'en nombre réduit, reçurent le statut de "nationalité" dont les effets politiques étaient moindres mais qui leur accordait la reconnaissance de leur langue. Vivant principalement en Arménie, ces Kurdes purent enseigner leur langue à l'école, publier des journaux, avoir leurs émissions de radio.

Dès 1923, les Turcs d'Azerbaydjan avaient mis au point un alphabet latin. Les Kurdes d'Arménie ne tardèrent pas à les imiter, d’autant que le gouvernement soviétique tentait d'imposer un alphabet latin unifié qui serait utilisé pour toutes les langues orientales de l'URSS. Dès 1929 donc, un alphabet kurde latin vit le jour en Arménie, soutenu par le journal Riya Teze, adapté pour le kurmandjî (uniquement parlé par les Kurdes soviétiques). On voit que cet alphabet a des points communs avec celui de Hawar, mais certains sons furent transcrits par des signes empruntés au cyrillique.


18. Grammaire de langue kurmandji. Kurde cyrillique. 1949, Erivan.

19. Hewarî (L’Appel), de Cindî Haciyê, roman publié à Erivan en 1967 et Kilame Çiya (Chants de la montagne), Casimê Celîl, recueil folklorique, Erivan, 1970.

20. Abécédaire en kurde cyrillique, 1974.

Mais à la fin des années 1940, l'URSS mit fin à cet alphabet latin "universel" et réimposa le cyrillique, sans doute pour mieux intégrer toutes les nations de l'Est dans la culture russe. Ce fut aussi l'époque où nombre de Kurdes du Caucase furent déportés au Kazakhstan, dans une volonté de « casser » certaines identités nationales. On dut mettre donc au point un nouvel alphabet kurde qui n'utilisait cette fois que des caractères russes. Cet alphabet perdura jusqu'à la chute de l'empire soviétique, au début des années 1990. Les Kurdes d'Arménie, de Géorgie, de Russie, d'Azerbaydjan, revinrent alors à l'alphabet latin, adoptant cette fois-ci le système de Hawar, adopté de nos jours par tous les Kurmandji.


21. Roja nû, le Jour nouveau.

De 1943 à 1946, le groupe issu de Hawar fit paraître un journal hebdomadaire en deux version, française et kurde : Le Jour nouveau et Roja Nû, 73 numéros.

22. Riya Teze (la Voie nouvelle) bi-hebdomadaire fondé en 1930 à Erevan a fêté cette année ses 80 ans de parution, avec une interruption de 1938 à 1955. Il comprend plus de 2500 numéros. C'est un des plus vieux journaux kurde et qui survit, bien que difficilement à la chute de l'URSS. Il est donc passé par les trois écritures utilisées successivement par les Kurdes d'Arménie.

23. Barzan.

Après l'échec de la révolte kurde de 1975 et l'exil des Barzani aux USA, le journal Barzan commença de paraître aux États-Unis en 1981, alors qu'en Irak toute la presse était impitoyablement contrôlée par le Baath. Après la création de la zone d'autonomie en 1991, le journal continua de paraître, et se doubla même d'un site Internet, encore actif jusqu'en 2007.

24. Kiteba cilwa ou le "Livre de la Révélation", fut publié en 1913. Il avait été précédé 2 ans auparavant par le Mişefa Reş, ou "Livre noir". D'abord présentés comme les livres sacrés et authentiques de la religion yézidie, on s'accorde aujourd'hui à n'y voir qu'une invention, peut-être de chrétiens syriaques, en réponse à l'intérêt des chercheurs et des curieux pour une religion qui n'admit longtemps que la transmission orale de son enseignement. Les caractères de ces deux livres, qu'on ne retrouve nulle part, sont un mélange de lettres inspirées du syriaque, de l'arabe et de l'ancien araméen.

Ce n'est pas la seule "découverte" présentée comme authentique aux savants trop crédules. En 1932, Basile Nikitine, un des grands noms de la kurdologie, écrivait dans la revue savante Rocznik Orjentalistyczny, VIII, nº 18, p. 125) :

"… il nous sera permis de mentionner ici la persistance de la tradition zoroastrienne chez les Kurdes. Nous devons cette indication à notre ami kurde, Prince Sureya BEDR KHAN. Il s'agit notamment de vers kurdes, qui auraient été gravés (en caractères pehlevis, nous dit-on) sur une amulette, dont voici la traduction : "Les temples d'Ormuzd sont démolis, les feux sont éteints. Les grands se sont cachés. Les cruels Arabes ont mis en déroute les Kurdes. Les Kurdes se retirèrent aux limites de Sharezur. Les femmes et les filles furent faites prisonnières Les héros furent tués en embuscade. La loi de Zerdeşt resta sans mains. Ormuzd n'a plus de clémence pour personne." Nous possédons le texte kurde en question."

En 1963, le linguiste McKenzie décrypta cependant la supercherie, en démontrant la fantaisie de ce soi-disant "kurde archaïque" : The whole conglomeration reminds one most of the music-hall comedian who claimed to know three languages, 'English, Yiddish, and Rubbish'. ("Pseudoprotokutica", in BSOAS, 26, 1963, 170-173).




dimanche, septembre 26, 2010

SYRIE : UN RAPPORT DE l’ONU ALARMANT SUR LA SITUATION DES PAYSANS KURDES


Un haut responsable des Nations Unies, Olivier de Schutter, a dénoncé dans un rapport la condition « inacceptable » faite aux Kurdes de Syrie, après une visite dans ce pays, notamment dans la région de Djézireh où vivent plus de 300 000 kurdes privés de tous droits civiques. « Ils ne peuvent voyager à l’étranger. Ils n’ont pas accès aux emplois publics et sont discriminés pour recevoir des soins ou être éduqués. » a déclaré De Schutter dans une conférence de presse à Damas. Cette région souffre aussi de sécheresse depuis 2005 ce qui a considérablement paupérisé sa population.

Quatre sécheresses consécutives auraient obligé 50 000 familles à fuir leur habitat, la plus sévère étant celle de 2007-2008. Les gouvernorats qui ont le plus souffert sont ceux de Hassaké, Deir ez-Zor et Raqqa. Au total, le rapport estime que 1.3 millions de gens sont touchés, dont 95% dans ces trois régions. 800 000 d’entre eux sont très sérieusement affectés dans leur survie : pour l’essentiel de petits fermiers, dont le blé tendre a été gravement atteint par la maladie de la rouille jaune et les petits éleveurs qui ont perdu entre 80 et 85% de leur cheptel depuis 2005.

Beaucoup de familles ont émigré vers les villes dans l’espoir de trouver des emplois saisonniers ou permanents. Certaines estimations font état de 29 à 30 000 familles ayant émigré en 2009 en prédisant qu’en 2010 ce chiffre s’élèvera encore, pouvant atteindre 50 000 familles. Les plus touchés par cet exode rural sont les fermiers de Hassaké. Une des conséquences de ces migrations et de cette détresse économiques est la chute spectaculaire de la scolarisation. Dans certaines écoles du nord-est de la Syrie, ces taux de scolarisation ont baissé de 80%. Le rapporteur de l’ONU estime que ces familles émigrées remplissent les critères des populations déplacées en interne, définis par les Principes des déplacements internes de 1998, et donc ont droit à un soutien de l’État syrien, où qu’ils se trouvent, à la fois durant leur exode et aussi une fois qu’ils chercheraient à retourner sur leurs terres.

Au sujet des distributions alimentaires préconisées par l’ONU, le rapporteur pointe la situation dramatique des Kurdes « sans papiers » de Syrie qui, de ce fait, ne peuvent bénéficier de cette aide alimentaire. Olivier de Schutter rappelle que le droit à une nationalité et celui de n’en être pas arbitrairement déchu fait partie des droits universels.

vendredi, septembre 24, 2010

Palmier





Parution : Presse et liberté au Kurdistan d'Irak (1991-2004)

LES ARABES DE KIRKOUK S’OPPOSENT AU RECENSEMENT


Le 2 septembre, le président de la Région du Kurdistan d’Irak, Massoud Barzani, recevait dans sa capitale d’Erbil le Vice-président des États-Unis, Joe Binden, accompagné de l’ambassadeur James Jeffery, du général commandant les forces américaines en Irak, Lloyd Austin, ainsi que de plusieurs conseillers de la Maison Blanche. Au dîner de réception donnée en l’honneur de la délégation américaine était également présent le Premier ministre kurde Barham Salih.

Massoud Barzani a souhaité exprimer une fois de plus la « gratitude » du peuple irakien et tout particulièrement celle des Kurdes pour le rôle joué par les États-Unis dans la libération de l’Irak. De son côté, Joe Binden a fait part au président kurde des « sentiments d’admiration » qu’éprouvait Barack Obama envers la population du Kurdistan d’Irak.

Mais congratulations respectives mises à part, la rencontre devait surtout porter sur certains points sensibles de la politique irakienne, comme le futur retrait des armées américaines, la question de Kirkouk, ou la vacance actuelle du pouvoir en Irak qui rend encore plus difficile les perspectives de résolution des problèmes cités plus haut. Si la plupart des Irakiens redoutent le départ définitif des Américains, les Kurdes sont peut-être ceux qui auront le plus à perdre dans ce retrait, tant leur méfiance s’accroit envers les deux blocs arabes, chiite et sunnite, et leurs velléités d’un « Irak fort », c’est-à-dire centralisé, qui mettrait à mal l’autonomie des Kurdes.

« Les Kurdes ont quelques raisons d’être nerveux au sujet du départ des Américains », confirme Kenneth Katzman, spécialiste des questions du Moyen Orient pour le département de recherche du Congrès, le départ des États-Unis signifiera pour le Gouvernement régional kurde la perte d’un allié de poids qui garantit l’autonomie du GRK, car ni les chiites ni les sunnites ne veulent d’une autonomie des Kurdes ou bien qu’ils contrôlent eux-mêmes leurs ressources pétrolières. »

Au sujet de la formation d’un nouveau gouvernement irakien, des fuites dans la presse laissaient entendre que la visite de Joe Binden avait aussi pour but de convaincre les Kurdes de renoncer à la présidence irakienne, en la personne du président sortant Jalal Talabani, leader de l’UPK, rumeur démentie aussitôt par Falah Mustafa, responsable des Affaires étrangères au sein du gouvernement kurde.

L’avenir de Kirkouk est une autre question cruciale pour l’avenir des relations kurdo-arabes au sein de l’Irak. À l’approche d’un recensement de toute la population irakienne, les différentes factions s’échauffent dans la province disputée, car ce recensement peut être aussi vu comme l’étape préliminaire au référendum réclamé par les Kurdes en vertu de l’article 140 de la Constitution. Mohammed Khalil Al-Juburi, un membre arabe du Conseil provincial de Kirkouk s’est ainsi déclaré hostile à un tel recensement, accusant le gouvernement irakien de n’avoir rien fait jusqu’ici pour vérifier la validité des listes électorales de la province, validité contestée par certains mouvements arabes et turkmènes car entérinant la majorité kurde de la population. « Une commission doit être créée pour vérifier les registres des électeurs et seulement après nous participerons au recensement. »

Dr. Najmaddin Karim, député kurde de Kirkouk pour l’Alliance du Kurdistan juge, pour sa part, tout report du recensement comme « inacceptable ». « Plusieurs districts à majorité kurde ont été détachés de Kirkouk et leurs habitants déportés. S’il y a une des parties qui a lieu de se plaindre, ce sont les Kurdes. Malgré cela, il n’y a pas d’intention politique dans ce recensement. Il est juste prévu à des fins de plannification pour tous les Irakiens, y compris les résidents de Kirkouk. » Dr. Najmaddin Karim a aussi attiré l’attention sur les agissements de pays voisins, et tout spécialement la Turquie, qui cherchent à interférer dans cette question par peur d’une indépendance kurde et accusent les partis politiques locaux hostiles au recensement d’agir en fonction de l’agenda turc. Selon lui, « les Arabes et les Turkmènes accusent toujours les Kurdes d’avoir changé la démographie de Kirkouk. Dans la perspective des élections législatives de mars dernier, ils avaient affirmé que 800 000 Kurdes avaient investi la ville. Si cette plainte avait été exacte, alors les Kurdes auraient dû remporter les 12 sièges au parlement irakien pour cette région. »

Dans un entretien accordé au journal arabe Asharq Al-Aswat, le président intérimaire du parlement irakien, Dr. Fuad Masum, chef du bloc kurde Alliance du Kurdistan, confirme le caractère de « violation constitutionnelle » de ce parlement irakien qui aurait dû élire un président un mois après sa formation. Mais cette élection est étroitement liée à la formation du gouvernement, comme l’explique le parlementaire : « La tradition au sein des blocs politiques irakiens est que si le président du Parlement est issu d’un des blocs, ce bloc là sera privé de la présidence (du pays) ou du poste de Premier ministre. Tout cela doit être fait en un seul accord, et les trois postes dirigeants répartis entre les grands blocs. Cela n’a pu se produire jusqu’ici. Si nous étions dans un pays démocratique évolué, un parti ou un bloc qui a obtenu 50% des sièges plus un aurait élu le président du parlement, et les candidats à la présidence et au poste de Premier ministre seraient issus de ce même bloc. Malheureusement, aucun bloc n’a obtenu ce nombre de sièges, de sorte qu’aucun camp politique ne peut compter sur ses propres voix pour former à lui tout seul un gouvernement. Il lui faut une coalition ce qui signifie aussi que plusieurs blocs doivent se mettre d’accord sur la répartition des postes-clefs du pays. » Sur la question de la formation du futur gouvernement, à l’issue d’une élection, la question de savoir qui a remporté réellement ces élections grève les débats et les accords possibles. La constitution énonce en effet que le bloc le plus important au parlement a le droit de former un gouvernement. Mais les interprétations divergent à ce sujet. Le leader de la liste Al-Iraqiyya, l’ancien Premier ministre Iyad Allawi, a obtenu le plus grand nombre de sièges pour sa propre liste aux élections. Mais le Premier ministre sortant, Nouri Al-Maliki, dispose du plus large bloc parlementaire par le jeu des alliances entre listes chiites. Or le texte de la constitution ne précise pas si le « bloc le plus important » désigne la liste qui a remporté les élections ou le groupe parlementaire qui après divers regroupements entre listes élues a formé une majorité. La cour fédérale n’ayant pu se prononcer à ce sujet, les choses demeurent en suspens, avec un président temporaire assumant ces fonctions en vertu de son ancienneté et en attendant qu’un accord se décide entre les factions politiques irakiennes.

Interrogé sur les chances des trois leaders politiques irakiens briguant la tête du gouvenement, à savoir Iyad Allawi, Nouri Al-Maliki et Adel Abdel Mahdi, de l’Alliance nationale, Dr. Fouad Masum estime que si Iyyad Allawi est indiscutablement le candidat de sa liste, il doit y avoir un accord de passé entre les deux rivaux chiites pour désigner un candidat unique. Et c’est alors seulement que des discussions sérieuses pourront commencer avec les sunnites et les Kurdes. Contrairement aux menaces proférées récemment par Iyad Allawi, Dr. Fuad Masum ne croit pas à un retrait des sunnites du processus politique en cours, « car le caractère dominant d’Al Iraqiyya est, en plus du sécularisme, le réalisme. La formation d’un nouveau gouvernement sans Al-Iraqiyya affaiblirait gravement ce gouvernement. L’Alliance kurde fait tout son possible pour qu’Al-Iraqiyya soit une composante importante de la future formation. »

Sur la difficulté des négociations en cours, Dr. Fuad Masum estime que le problème réel est qu’il n’y a pas de « dialogue sérieux » entre les composantes politiques irakiennes, qui font passer tous leurs messages et demandes par l’intermédiaire des media, sans concertation préalable. « Toutes les discussions ou accords conclus en Irak l’ont été par le biais des media. On ne peut conclure des accords essentiels pour la destinée du pays à travers les media. Ils doivent être faits à huis clos et ensuite on doit annoncer les résultats de ces accords. Mais ce qui se passe est que, dès que des pourparlers entre politiciens ont eu lieu, l’un des deux bords se précipite pour faire des déclarations à la presse, puis l’autre politicien fait sa propre déclaration, qui sera différente de ce qu’a affirmé le premier. Cela ne peut que mener à un résultat nul. » Sur la reconduction de Jalal Talabani à la présidence, Dr. Fuad Masum affirme que s’il y a bien un point sur lequel les blocs irakiens font consensus, c’est celui-ci : « il est le seul qui peut occuper ce poste dans les circonstances qui prévalent actuellement dans le pays. C’est l’avis d’Al-Iraqiyya, de l’État de droit et de l’Alliance nationale. 

jeudi, septembre 23, 2010

Oral Literature of Iranian Languages : Kurdish, Pashto, Balochi, Ossetic, Persian and Tadjik


À signaler, bien qu'en anglais, mais c'est un livre important, le XVIIIème volet de A History of Persian Literature, malgré l'imbécillité du titre : Oral Literature of Iranian Language, qui n'est pas le fait des spécialistes de la langue kurde qui y ont contribué mais un choix qui semble bien chauvin de la part des Persans à la tête de ce projet : les littératures kurdes, pastho, baloutches, etc ne serait que des productions "orales", des patois, quoi, alors que le chapitre sur la littérature kurde s'ouvre par sa forme écrite...

Parti-pris absurdement contredit par le contenu, donc, dont voici la table des matières en ce qui concerne la littérature kurde :

CHAPTER 1 : WRITTEN KURDISH LITERATURE (J. Blau) :

1. Introduction.
2. Early Kurdish literature

  • Gurani literature
  • The beginning of Sorani as a literaty language
  • The Kurdish press

3. Kudish literature after World War I

  • In Armenia, 1921-89
  • In Turkey, 1923-57
  • In Iraq, 1919-57
  • Prose literature
  • In Iran, 1912-79
  • In Iraq and Turkey, 1958-90
  • In the Diaspora
  • In Iran since 1979
  • In Turkey since 1991
  • In Iraq since 1991
  • In independant Armenia


CHAPTER 2 : KURDISH ORAL LITERATURE (Ch. Allison)
1. Oral tradition in Kurdistan
2. The upheavals of the late twentieth century
3. Studies of Kurdish oral literature
4. Genre
5. Performers
6. Shared traditions
7. Kurdish traditions

  • Mem and Zîn
  • Dimdim

8. Kurdish lyrics
Lyrical love songs
Lamentation
9. The future of Kurdish oral literature

CHAPTER 3 : ORALITY AND RELIGION IN KURDISTAN : THE YEZIDI AND AHL-E HAQQ TRADITIONS (Ph. G. Kreyenbroek)
1. The Yezidis and Ahl-e Haqq

  • Demography
  • Religious affiliations
  • History
  • Some characteristic ideas and beliefs

2. Textual traditions of the Yezidis and Ahl-e Haqq
The absorption of outside influences
Storylines and sacred poems
Polyvalence
Characteristic topics

  • Creation and the First Things
  • Legends explaining the community's origins and affiliations
  • Saints and Holy Men
  • Mystica themes
  • Philosophical themes : the implications of death


3. The sacred poems

  • Formal characteristics
  • Music
  • Transmitters
  • On the discovery of the sacred texts

4. Questions of orality and literacy in connection with the poems

TV, Radio : iran, arménie, istanbul, nulle part, terre promise, irak, monothéisme, églises d'orient, erri de luca

TV

Dimanche 26 septembre

- à 16h27 sur Histoire : Iran : une puissance dévoilée, documentaire.
à 20h55 sur Toute l'histoire : Sur les chemins d'Arménie, Patrick Fiori. Documentaire de S. Basset (2008).

Lundi 27 septembre

à 23h10 sur ARTE : Istanbul était un conte, documentaire de Kamil Taylan (Allemagne, 2010).

Mardi 28 septembre

à 22h 29 sur ARTE : Thema. Istanbul, d'un continent à l'autre.
- 22h30 : Istanbul, le grand bazar, documentaire de Viktor Stauder (All./Tur, 2010).
- 23h20 : Débat.
- 0h25 : Au cœur de la nuit. Fatih Akin et Thea Dorn, documentaire de Peter Scholl & Hanna Leissner (All. 2003).

Jeudi 30 septembre

à 20h40 sur ARTE : Takva, l'homme qui craint Dieu, film d'Özer Kızıltan, 2006.
à 22h15 sur ARTE: Partitions ottomanes, documentaire de Yüksel Yavuz (All., 2010).

Vendredi 1er octobre

à 20h40 sur ARTE : Un ciel épicé, film de Tassos Boulmetis (Politiki kouzina, Grèce, 2003).
à 22h30 sur Cinémacinéma Club : Nulle part, terre promise, film d'Emmanuel Finkiel, France, 2008.

Radio

Samedi 25 septembre 

à 9h10 sur France Culture : Irak : le désengagement américain et le bilan de la guerre, avec André Glucksman et Jean Daniel. Répliques, Alain Finkielkraut.
à 21h sur France Culture : Percy Kemp, écrivain. Affinités électives, Francesca Isidori.

Dimanche 26 septembre

à 6h 10 et 22h 10 sur France Culture : Violence et monothéisme, avec Ali Benmakhlouf. Cultures d'islam, A. Meddeb.
à 7h00 sur RCF : Histoire des Églises d'Orient (1). Histoire du christianisme, H. Billard.

Mercredi 29 septembre 

à 13h 30 sur RCF : Histoire des Églises d'Orient (2). Histoire du christianisme, H. Billard.

Jeudi 30 septembre 

à 22h 15 sur France Culture : Erri de Luca. Hors-champs, Laure Adler.

lundi, septembre 20, 2010

Notes d'équinoxe


Du 24 au 26 septembre 2010 à Délémont, festival suisse "Notes d'équinoxe". Cette année, au programme, Dehai Liu & Lingling Yu (luth pipa, Chine) ; Dervish (Folk irlandais) ; Divna (chants liturgiques orthodoxes serbes) ; Ensemble Badakhshan (Pamir - Tadjikistan) ; Erik Marchand - unu daou tri chtar (Bretagne & Balkans ) ; Şivan Perwer (chants, Kurdistan) ; Stéphane Chapuis & Tango Sensations (Tango - Suisse, Vénézuela) ; Stefano Valla & Daniele Scurati (Chants et musique à danser de l'Apennin - Italie).

dimanche, septembre 19, 2010

Radio : églises d'orient, Ibn Arabî

Dimanche 19 septembre à

6 h et 22 h sur France Culture : L'interprétation est un voyage, avec Denis Gril (université de Provence), traducteur du Dévoilement des effets du voyage, Ibn Arabî. Cultures d'islam, A. Meddeb.

"Nous recevons un des éminents spécialistes du grand soufi Muhyî ad-Dîn Ibn ‘Arabî (Murcie, 1165 - Damas, 1240). Nous conversons avec lui autour de sa traduction du Dévoilement des effets du voyage, œuvre où Ibn ‘Arabî nous montre que le texte coranique est porteur d’un sens infini dont l’interprétation constitue un voyage métaphysique, cosmologique, initiatique. En effet, l’herméneutique constitue le modèle même du voyage, puisqu’elle fait passer de la parole ou du symbole à sa compréhension en escaladant les degrés de l’être et en fouillant dans les strates de l’écriture. Le Coran est identifié à celui à qui il est destiné. Chaque lecteur du Livre s’assimile au voyageur. D’abord il s’identifie au prophète de l’islam qui a été transporté de nuit de la Mecque à Jérusalem avant d’être propulsé vers l’Ascension des cieux pour parvenir au plus près du foyer divin. Ensuite, chaque référence coranique aux prophètes ici convoqués (Noé, Idriss -- Elie --), Abraham, Moïse) gagnent leur sens universel en faisant voyager le lecteur de la révélation à l’hermétisme, de l’alchimie à la cosmologie. C’est ainsi que ce voyage dans l’univers du sens nous fait traverser les frontières du concept pour nous retrouver dans le continent du signe. Comme l’illustre l’épisode du sacrifice d’Abraham qui engage les notions de rançon et de substitution relayées par le passage du corps à la demeure : le bélier qui est substitué au fils pris comme rançon suscite l’évocation de la mansion zodiacale dont la bête est le signe. Chacun de ces voyages et leurs effets convergent vers l’homme, dépositaire du secret divin, seul capable de recevoir le souffle au centre des cieux. L’homme est identifié à la Révélation à travers une longue transformation intérieure dans les voyages des prophètes. Ainsi devient-on tout entier oreille avec Moïse entendant la parole divine. Il s’agit d’un voyage vers le Coran, dans le Coran. Le lecteur est convié au voyage du Coran : « Réalise ce voyage, tu te féliciteras de son aboutissement. »"




8h00 sur France Culture : Le synode des évêques orientaux en octobre prochain ; Foi et tradition, Jean-Pierre Enkiri.

Mercredi 22 septembre à 13 h 30 sur RCF : Histoire des églises d'Orient (1) : Introduction. Histoire du christianisme, H. Billard.

vendredi, septembre 17, 2010

Le paradoxe des médias du Kurdistan irakien

photo : Infosud
Excellente interview dans Infosud de Farhad Awni Habib, secrétaire général du syndicat des journalistes, qui expose de façon objective et claire le "problème" de la presse au Kurdistan d'Irak, qui peut se résumer comme tel : Une presse libre mais sans vrais journalistes, une constitution qui garantit le droit d'expression mais sans autre moyen de régulation ou de riposte que la surenchère polémique ou les armes. 

Comme beaucoup d'autres secteurs du pays, tout un système à construire en partant de presque rien... Finalement assez exaltant bien que difficile, comme tout le reste de ce proto-État si têtu à faire mieux que survivre : à émerger du néant où on a toujours tenté de le maintenir.

jeudi, septembre 16, 2010

Variante de l'histoire de Kaveh l'Ispahanî

"La fondation d'Ispahan est attribuée par les Persans à Djemchid, l'un des Pichdadiens. D'après le Chah Nameh écrit par Firdouzi, au XIe siècle, ce fut à un forgeron d'Ispahan, nommé Kaveh, que revint la gloire de renverser Zoak, cet abominable tyran qui faisait  panser deux ulcères développés sur ses épaules avec des emplâtres de cervelles humaines. Kaveh, ayant appris que sa fille allait être livrée aux pharmaciens royaux, attacha son tablier de cuir à l'extrémité d'une hampe, rallia les mécontents autour de cet étendard de révolte, chassa l'usurpateur et rétablit Féridoun sur le trône de ses ancêtres. En souvenir de cet exploit, le drapeau du célèbre forgeron fut précieusement conservé et confié à la garde du contingent d'Ispahan. Enrichi de pierres précieuses par tous les successeurs de Féridoun, il devint si lourd et si grand qu'au moment de la conquête arabe il fallait six hommes pour le porter, et que les soldats musulmans s'enrichirent en se partageant le précieux trophée bien que ces mangeurs de lézard eussent égaré une partie des pierreries dont ils ne connaissaient pas la valeur."
Une Amazone en Orient, Jane Dieulafoy.

La version de Firdousî, retranscrite par Jane Dieulafoy, comporte une inexactitude, car dans le Shahnameh, c'est parce que Zohak a capturé le dernier fils du forgeron, Qaren, et non une fille, qu'il se révolte. Soit la voyageuse a mal compris ce qu'on lui rapportait, ayant appris le persan quasi sur place, et de plus, l'absence de genre sexué dans le persan a pu induire la confusion), soit il s'agit d'une variante de l'histoire, ce dont on peut douter tant les grandes lignes de la légende sont fixées dans tout l'Iran. 

La destinée du drapeau des rois d'Iran a été mentionnée par plusieurs historiens arabes, mais bien après les événements et avec des variantes. Selon l'historien des Sassanides, Arthur Christensen, le lien entre le tablier de Kawa/Kaveh et l'étendard royal est assez tardif, datant de cette dynastie.

L'affaire Serdeşt Osman : une conclusion d'enquête qui laisse dubitatif

livinpress.com
L'Affaire Serdeşt Osman  qui avait secoué le Kurdistan d'Irak en mai dernier pourrait repartir de plus belle ou s'envaser doucement dans l'oubli après les conclusions de l'enquête officielle, qui incrimine des membres du groupe islamiste kurde terroriste, Ansar Al-Islam, dans le meurtre de cet étudiant qui n'a jamais eu la réputation d'être un militant religieux.

Le Comité de protection des journalistes (CPJ) conteste la vraisemblance de cette version et appelle le gouvernement kurde à mener une enquête fiable et crédible.

Le rapport de police affirme en effet que Serdeşt Osman a été exécuté par Ansar Al-Islam pour s'être refusé à collaborer avec eux, bien qu'il ait eu des liens avec le groupe : "après avoir collecté et analysé différentes informations, nous avons découvert qu'une personne appartenant à Ansar Al-Islam, appelée Hisham Mahmood Ismail, 28 ans, un kurde de Mossoul, mécanicien dans la ville de  Beji, a joué un rôle dans le meurtre de Serdeşt". Le rapport n'avance pas de preuves, selon le CPJ, hormis la mention que le suspect aurait avoué son crime après interrogatoire. Il est également dit que les autorités cherchent à mettre la main sur d'autres suspects.

 C'est, depuis le début, la version avancée par les autorités, à savoir que la victime aurait été tuée par des terroristes ou des mafieux. Cela ne convainc pas Mohammed Abdel Dayem, coordinateur du CPJ pour le Moyen Orient : "Nous espérions plus qu'un rapport de 430 mots qui lance des accusations très improbables et ne réussit pas à les étayer. Nous demandons instamment au Gouvernement régional kurde de lancer une nouvelle enquête, crédible, sur le meurtre de notre collègue."

Le groupe de presse locale Metro Center, qui a transmis et traduit le rapport au CPJ se dit choqué. Un de ses membres, Rahman Gharib, raconte ainsi que s'étant rendu au domicile de Serdeşt Osman, il n'a vu dans sa bibliothèque, aucun ouvrage religieux : "Il était fasciné par Gabriel García Márquez, des écrivains russes comme Gorki, et par la littérature persane. Nous avions demandé une enquête indépendante et objective, mais les autorités n'ont pas écouté la voix de la rue."

La famille de la victime s'élève aussi contre ce rapport. Bakr Osman, un des frères de Serdeşt, dénonce et condamne cette accusation de collusion avec un groupe terroriste. Dans la presse d'opposition, les voix s'élèvent de nouveau pour accuser les services de sécurité kurde, dirigés à Erbil par Masrour Barzani, le propre fils du président Massoud, malgré le peu d'importance politique de la victime.

Konya : Festival international de musique mystique

22 au 26 septembre à Konya : Festival international de musique mystique.

Toumani Diabaté, Hossein Alizadeh, Nirmala Rajasekar, chants de la Tuva, Gamelan d'Indonésie et Bali, les chœurs byzantins, qawwali d'Inde, Chine, etc.

mercredi, septembre 15, 2010

Les Kurdes et l'intrépide effendi de Tauris

"S'il y avait en Perse, comme en Amérique, des expositions de gens gras, le consul de Turquie remporterait à l'unanimité des suffrages la médaille d'honneur ; encore, quel que soit son module, serait-elle au-dessous du mérite de ce fin diplomate, plus apte à lutter avec les animaux de race les plus perfectionnées, élevées dans le comté d'York, qu'avec des hommes.
L'effendi, trop rond pour pouvoir prendre ses repas à terre, est obligé de faire transporter à l'avance, dans les maisons où il est invité à dîner, une table profondément creusée dans laquelle il incruste son majestueux abdomen, après s'être excusé auprès des convives de cette infraction aux usages. L'Excellence, disent les uns, n'a jamais trouvé un coursier assez vigoureux pour le charrier en une seule fois ; elle a perdu de vue ses pieds depuis de si longues années, prétendent les autres, qu'elle est heureuse de s'assurer, en se regardant de temps en temps devant un grand miroir, qu'un chameau ne les lui a pas volés.
Ce même consul, l'année dernière, fut le héros d'une glorieuse aventure, dont on rit encore dans les bazars de Tauris : il avait voulu se rendre à Constantinople par la voie de Trébizonde, plus facile à parcourir en hiver que celle du Caucase ; ses collègues avaient vainement tenté de l'en dissuader, lui représentant combien il était dangereux de traverser le Kurdistan.
– Les Kurdes, avait-il répondu, sont sujets turcs et trembleront devant le représentant du commandeur des croyants.
Aucune crainte n'ayant pu pénétrer dans ce cœur valeureux, le consul partit avec une quarantaine de serviteurs montés sur de magnifiques chevaux destinés au service du sérail. Mais à peine la petite troupe eut-elle franchi la frontière persane qu'elle fut assaillie par une douzaine de brigands ; toute résistance fut inutile, et les Kurdes s'approprièrent chevaux, bagages, vêtements. Au moment où ils arrachaient la chemise de l'Excellence, la vue des charmes surabondants du diplomate les remplit d'un invincible effroi et ils se sauvèrent à toutes jambes, lui abandonnant ce dernier voile. Faiblesse impardonnable à des hommes de tribus, certains de tailler dans ce large vêtement une tente capable d'abriter une nombreuse famille !
Quant à l'effendi, il prit la chose par le bon côté.
– J'avais bien dit à mes collègues que la majesté du représentant de Sa Hautesse frapperait d'une respectueuse terreur les cœurs les plus endurcis. "
Une Amazone en Orient, Jane Dieulafoy.


mardi, septembre 14, 2010

Reza : Le monde en 22 visages

(En 1980, cet écolier kurde vivait dans le Kurdistan iranien.)





Balade photographique autour de l'installation du photographe Reza du 16 septembre 2010 au 3 janvier 2011, au Parc de la Villette.

Les Kurdes forment un peuple qui se répartit entre plusieurs pays (l’Iran, l’Irak, la Syrie et la Turquie) et réclame depuis longtemps une terre. Ce jour-là, il essayait d’écouter la leçon de son maître, en langue kurde. Mais c’était la guerre. Le bruit des bombardements des soldats iraniens le gênait. « Si nos maisons sont détruites, disait l’instituteur, il nous restera notre langue et notre culture. »
Des portraits immenses, dont les yeux vous appellent de loin : les 22 photographies de Reza, exposées en grand format dans le parc de la Villette, présentent des hommes, des femmes et des enfants venus de pays différents, mais dont le point commun est d’avoir été des témoins (ou des otages) de l’Histoire. Affichés sur les murs rouges des folies du parc, ils sont rwandais, afghans, cambodgiens ou chinois, ils ont vécu des tragédies ou reconstruit un avenir.
Et chacun d’eux est à la fois l’image d’un destin personnel et d’un fragment du siècle. En plus de cette belle exposition, gratuite, le parc propose des ateliers pour les enfants : les 6-8 ans auront ainsi l’occasion de s’initier au photo-reportage, tandis que les 4-8 ans pourront se raconter eux-mêmes à travers leur portrait. Il y aura aussi des séances de contes et, pour les adultes, des rencontres avec des photographes, une visite commentée en présence de Reza, ainsi que deux projections-débats.

Concert de soutien à l'Institut kurde