mardi, juin 08, 2010

Le Kurdistan et ses chrétiens : Entretien avec Mgr Rabban Al-Qas

"Pour nous, être libérés de Saddam a signifié la fin des espions à l'intérieur de la famille, quand une personne pouvait être dénoncée par un proche si elle n'était pas considérée comme fidèle au raïs. Aujourd'hui, la règle c'est le respect. L'Occident ferme les yeux sur l'Irak, il ne connaît pas le pays. Il observe les événements du jour et ne prend pas en considération la situation globale. Il a donné de l'argent à Saddam qui, après la défaite, encourage les terroristes.
Les Kurdes constituent la partie la plus évoluée de l'Irak. En exil à l'étranger, ils ont participé à la reconstruction du pays par différents projets. Ils réclament l'État fédéral, et non l'indépendance. Les Kurdes font confiance à l'avenir et reviennent, les chrétiens s'en vont définitivement.
Le mouvement assyrien est guidé par des fanatiques qui aspirent à la reconstruction d'un État remontant à quelques milliers d'années. Ils ne sont pas réalistes.
Les Kurdes se sentent en sécurité et cette sécurité les incite à revêtir moins fréquemment les vêtements traditionnels. Dans cette région, le PDK est, de fait, le parti unique. Ici, c'est la démocratie. Les portes des habitations sont grandes ouvertes.
À Dehok les églises chaldéennes sont bien visibles, vastes, propres, alors que le mouvement assyrien se situe dans une position non visible à l'extérieur."
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"L'école [Lycée international de Duhok] s'adresse à toutes les composantes de la société irakienne. C'est la seule façon de créer une société nouvelle. Les élèves sont kurdes et turkmènes, de religion musulmane, et aussi yézidis et chrétiens. Aucun Arabe n'est inscrit, parce qu'il n'y a pas eu de demande. L'école a été crée en 2004, en tant que fondation humanitaire française avec participation de la Principauté de Monaco. Élément essentiel : la présence simultanée des connaissances et de la tolérance, avec des fidèles de toutes les religions. Nous devons préparer les générations nouvelles à se tenir éloignées du fanatisme. Il faut être attentif à cohabiter avec les autres."
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"Le ministère de l'Éducation a donné le terrain pour construire les bâtiments scolaires et les moyens de transport. Presque tous les élèves sont de Dehok ; pour une dizaine provenant de zones éloignées le gouvernement régional a pris en charge les dépenses dues à leur accueil en internat.
L'école s'adresse à une élite intellectuelle, l'élève n'est admis que sur un niveau élevé, et si les performances ne suivent pas il est invité à changer. Le lycée est ouvert à tous, sans acceptation d'ethnie ni de religion, il vise à un niveau élevé surtout dans les domaines scientifiques, tient pour essentielle la maîtrise de l'anglais et de l'ordinateur.
Connaître la langue de l'autre est fondamental pour abattre les barrières et les incompréhensions. L'enseignement comprend au moins l'étude de cinq langues. C'est la seule école secondaire au Kurdistan où l'on apprend le français. Les autres langues enseignées sont l'arabe, le kurde, l'araméen. La meilleure élève en araméen est fille de mollah. L'anglais est la langue fondamentale pour les matières scientifiques, il est indispensable pour utiliser le laboratoire de chimie et surtout l'informatique. Chaque élève dispose d'un ordinateur dont il est responsable. En dernière année, tous les enseignements sont donnés en anglais.
Est privilégié l'enseignement des principes de la démocratie, en théorie et en pratique, fondements de la Déclaration des droits de l'homme. L'expérience de la démocratie est proposée et mises en œuvre par les élèves qui présentent des idées et font des propositions dans les assemblées, publient un journal dans les cinq langues enseignées. Dans les cours d'histoire, afin d'éviter les frictions, on omet les références aux invasions de l'islam, et on traite longuement de la révolution kurde qui a apporté la liberté.
Pour éviter les problèmes liés au credo religieux, il n'y a pas d'enseignement de la religion, considérée comme une affaire privée. Dans les autres écoles au contraire on enseigne habituellement l'islam ou le christianisme. On évite aussi avec le plus grand soin tout ce qui concerne les partis politiques."
Mirella Galletti, Le Kurdistan et ses chrétiens, entretiens avec Mgr Rabban Al-Qas, 2005, 2006.


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