lundi, mars 29, 2010

NEWROZ CALME EN TURQUIE, SANGLANT EN SYRIE


Pour le Newroz 2010, la Secrétaire d’État américaine Hillary Clinton a adressé le 20 mars ses vœux de nouvel an au nom du gouvernement américain et de ses citoyens aux « Iraniens, Afghans, Kurdes, Azéris et aux peuples d’Asie centrale. »

Hillary Clinton a déclaré que « le Newroz marquait le début d’une nouvelle année pleine de promesses et de possibilités. Familles et amis se réunissent pour renouer d’anciens liens et faire des projets d’avenir. Aux États-Unis, des centaines de milliers d’Américains feront honneur à cet héritage et à cette histoire. « L’équinoxe de printemps est un temps de réflexion et de renouveau dans toutes les cultures et les continents, signifiant l’espoir de la renaissance, santé et prospérité. C’est une occasion de se rappeler tout ce que nous avons en commun – les aspirations que nous partageons tous pour un avenir pacifique et prospère, et pour réaffirmer les droits de l’homme et les libertés fondamentales qui sont un droit inné et universel pour nous tous. Comme l’écrit la poétesse iranienne Simin Behbahani : « Nous sommes tous des parties d’un même corps, semblable en notre essence. » Par le Newroz, nous honorons ces liens communs. Nous tournant vers l’année à venir, redoublons d’effort pour promouvoir une compréhension et un respect mutuels. Travaillant ensemble, nous pouvons faire face à des défis communs et saisir les occasions partagées qu’offrent ce nouvel an et ce siècle encore neuf. »

Le discours de la Maison blanche a bien sûr été vu comme un message non dénué d’arrière-pensées politiques à l’adresse des Iraniens et des Afghans, la nouveauté étant que les Kurdes étaient nommés explicitement.

Au Kurdistan de Turquie, les festivités de Newroz se sont déroulées sans incidents majeurs contrairement à l’année dernière, bien que les récentes vagues d’arrestation au sein du parti kurde BDP aient pu faire craindre de nouvelles émeutes. À Istanbul, une trentaine de personnes dont des adolescents qui brandissaient des drapeaux du PKK et scandaient des slogans pro-Öcalan, ont été arrêtées. À Yuksekova (Hakkari) et à Diyarbakir les cérémonies ont été, comme d’habitude, importantes et très politisées, rassemblant plusieurs centaines de milliers de personnes. Les mesures de sécurité étaient importantes, avec fouilles et contrôles. À Diyarbakir, plus de 3000 policiers étaient mobilisés et des hélicoptères survolaient la ville.

Si les manifestations ont été pacifiques, le ton des discours, de la part des élus BDP, a été plus virulent et le gouvernement AKP a été directement sévèrement et directement mis en cause pour la tiédeur de ses réformes et l’insuffisance de ses initiatives sur la question kurde. Selahattin Demirtaş, leader du BDP, a condamné le refus, de la part d’Ankara, de dialoguer avec le PKK. La veille, le Premier Ministre tirc, Recep Tayyip Erdoğan avait pourtant appelé à la « réconciliation », en qualifiant les feux de Newroz de « lumière d’amour, d’amitié et de faternité, et non de violence et de haine ».

En Syrie, par contre, le Nouvel An kurde a été sanglant à Raqqa, où les forces de sécurité ont tiré sur la foule, faisant un ou deux morts et une quarantaine de blessés. Les festivités étaient organisées par le Parti de l’union démocratique (interdit), et rassemblaient environ 5000 personnes. Selon les partis politiques kurdes locaux, les incidents auraient été prémédités par le Baath lui-même : le général Khalid Al-Halabi, à la tête de la Sécurité de Raqqa et Abdul Razzak Al-Jassim, dirigeant de la Sécurité du Baath dans cette même ville, auraient convenu, une semaine avant le Newroz, d’envoyir leurs hommes aux manifestations afin d’y provoquer des troubles.

Le jour même de la cérémonie, des milices du Baath seraient ainsi venues sur les lieux de la fête en brandissant des drapeaux syriens et des portraits du président Bachar Al-Assad. Les forces syriennes ont allégué l’existence de drapeaux de l’Union démocratique, du PKK et de portraits d’Öcalan dans le cortège pour justifier l’usage de gaz lacrymogènes et de jets d’eau pour disperser les manifestants, dont certains auraient riposté en jetant des pierres. Les forces de l’ordre ont alors ouvert le feu au hasard sur la foule, tuant peut-être deux personnes, dont un adolescent de 14 ans à coup sûr, et en blessant une quarantaine d’autres.

Parmi les blessés conduits à l’hôpital, dont certains dans un état critique, plusieurs ont été ensuite arrêtés et détenus. Le bâtiment hospitalier lui-même a été cerné par la police et seulement deux des blessés ont pu recevoir la visite de leurs familles.

La plupart des mouvements de défense des droits des Kurdes, Human Rights Watch et Amnesty International ont condamné cet incident et Amnesty International a lancé un appel aux autorités syriennes, craignant notamment l’usage de la torture et de mauvais traitement contre les blessés emprisonnés. Un membre britannique du Parlement européen a alerté le 23 mars la Commission européenne sur les événements de Raqqa. Emma McClarkin a notamment interrogé l’Union européenne sur les moyens d’inciter la Syrie à cesser ses manquements aux droits de l’homme envers sa minorité kurde.

Human Rights Watch a demandé instamment à la Syrie de faire la lumière sur les tirs de Raqqa : « Les autorités syriennes doivent mener une enquête indépendante sur les tirs des forces de sécurité le 21 mars 2010, qui ont fait au moins un mort et en ont blessé d’autres, au nord de la Syrie » a ainsi déclaré Joe Stork, directeur adjoint du département Moyen-Orient de HRW, avant d’ajouter que les autorités syriennes doivent éviter de transformer les célébrations du Nouvel An en « tragédie ». « Les responsables qui commandaient les forces à l’origine des tirs à balles réelles doivent être traduits en justice. » L’organisation de défense des droits de l’Homme a par ailleurs confirmé un certain nombre important de blessés en indiquant que le décompte et l’identité exacts des victimes était difficile à établir car les forces de sécurité interdisaient tout accès à l’hôpital. Human Rights Watch a également rappelé que les incidents meurtriers étaient presque réguliers en Syrie, surtout au moment de Newroz, et que les autorités usaient régulièrement de violences disproportionnées pour contenir ces manifestations : « En mars 2008, les forces intérieures de Sécurité syrienne ont ouvert le feu sur les Kurdes célébrant le Newroz dans la ville Qamishli, la principale ville kurde de Syrie, tuant 3 personnes et en blessant 5 autres » a notamment indiqué Joe Stork, et aucune enquête n’a été menée. 

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