lundi, janvier 11, 2010

Arts de l'Islam, chefs d'œuvres de la collection Khalili : les métaux


Exposés à l'Institut du monde arabe jusqu'au 14 mars, des objets de la collection Khalili figurent parmi les chefs d'œuvre, non seulement de l'Islam, mais aussi de la Djezireh-Mésopotamie septentrionale.

À commencer par ses célèbres métaux incrustés, dont les motifs vont du décor géométrique, végétal, figuré, avec scènes profanes ou religieuses quand il s'agit du christianisme. Ainsi, un très beau coffret de Djezireh, daté de 1200-1250, avec un décor incrusté de plaques d'argent :


Iraq, Jezireh, 1200-1250. Feuilles de laiton incrustées d'argent, H. 20,5 ; L. 19,5, l. 16 cm.
MTW 850. © Nour Foundation.

Le somptueux décor en incrustations d'argent devait être à l'origine éblouissant. Le sommet du couvercle taluté s'orne d'un soleil rayonnant et d'un médaillon lobé avec un prince assis sur un trône, tandis que des musiciens ou des échansons sont figurés sur les grands côtés et des princes en trône sur les petits côtés. Sur les petits côtés du coffret, des buveurs ou des musiciens sont représentés dans des arcs de cercle sécants, autour d'un prince trônant qui s'adonne à des libations en compagnie de serviteurs. Ce médaillon central est flanqué des petits médaillons lobés, chacune contenant une figure assise en tailleur tenant un croissant de lune. Le panneau situé au dos comporte un médaillon central avec un prince buvant accompagné de serviteurs et deux figures jouant au backgammon. Il est encadré en haut par des musiciens dans des petits médaillons et en bas par des médaillons plus petits avec d'autres figures en tailleur portant des croissants de lune. Au-dessous, des figures debout portant des attributs de diacres ou de prêtres chrétiens s'inscrivent dans des arcades lobées. Le panneau de devant s'orne de deux médaillons quadrilobées avec des figures à cheval (un lancier et un fauconnier), encadrés en haut et en bas par des petits médaillons de figures portant des croissants de lune. Une figure debout avec une croix et un lutrin est représentée entre les médaillons quadrilobés. Le fond est recouvert d'un dense décor uniforme composé de rinceaux de palmettes fendues et de rosettes à six ou huit pétales. Le couvercle est muni de quatre cadrans, chacun comportant seize lettres en abjad (valeur numérique de l'alphabet arabe) et des boutons que l'on peut tourner, mais le mécanisme de fermeture a disparu.

On retrouve des sujets chrétiens sur un certain nombre d'objets en laiton incrustés d'argent fabriqués en Mésopotamie du Nord, puis à Damas, au XIIIº siècle. Ils comportent parfois des scènes de la vie du Christ et de la Vierge, mais jamais de références à la Passion. Ces objets étaient peut-être commandés par ou pour d'importants clients chrétiens pour servir de mobilier liturgique, comme l'indique la croix représentée sur le devant de notre coffret.

Autres motifs décoratifs récurrents dans cette région, les gueules de dragon ouvertes, plus ou moins stylisées : Une "ferrure décorative pour un instrument astronomique" (Mossoul, XIIIº s.. MTW 825), en laiton coulé et gravé, fabriqué par un certain Shâkir ibn Ahmad, qui a signé, au décor ajouré qui "évoque la gueule béante d'un dragon" et surtout une paire de "poignées de porte", de celles que l'on trouve un peu partout à l'époque, par exemple sur la grande-porte de la mosquée de Cizre (Davids Collection).



Mésopotamie du Nord (auj. Sud-Est de la Turquie), début du XIIIº s. Alliage quaternaire de cuivre coulé, décor gravé. 33,7 x 39,5 cm ; MTW 1407 et 1428.

Les poignées de porte sont composées de deux dragons ailés adossés. Leurs corps couverts d'écailles s'enroulent en formant une boucle et se terminent par une queue à tête de griffon. Ils sont dépourvus de pattes arrières. Les figures de ce genre sont souvent qualifiées de heurtoirs, mais les deux boucles permettant de les fixer sur la porte auraient empêché de les actionner. Il est vrai cependant que même les poignées mobiles sur les portes des mosquées du XIIº au XIVº siècle en Syrie et Égypte sont souvent placées jusqu'à trois mètres de hauteur et devaient donc être purement décoratives. Ces poignées s'inspirent d'un modèle de l'ingénieur du début du XIIIº siècle Al-Jazarî, qui avait conçu les heurtoirs du palais artuqide de Diyarbakir (bibliothèque du palais de Topkapi, inv. A 3472, folios 169 a-b), mais sur ses dessins les dragons sont affrontés et leurs queues ne sont pas entrelacés. Les queues nouées pourrait être une allusion à la pseudo-planète Jawzahr, responsable, selon les astronomes arabes, des éclipses lunaires, ou encore s'inspirer des serpents entrelacés d'Asclépios, dieu grec de la Médecine. En Iraq et en Jezireh, des dragons ornaient les portes des villes ou des forteresses, comme la porte du Talisman à Bagdad (618H/ 1221, détruite en 1917), la porte d'Alep à Diyarbakir (589H/1183-1184) et l'entrée de la citadelle d'Alep (606 H/1209-1210).

Autre objet intéressant par son décor, un grand plateau qui a perdu la plupart des incrustations d'argent (les plaques, surtout si elles sont larges, ont tendance à sauter avec le temps) : au centre, trois lapins réunis par les oreilles (un motif qu'on rencontre aussi dans la céramique), des médaillons avec des buveurs et des musiciens, ou bien un danseur, une frise d'animaux passant, et une épigraphie animées (à têtes humaines).


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Concert de soutien à l'Institut kurde