lundi, novembre 30, 2009

"On Vulnerable Ground", rapport de HRW sur Ninive (suite)

La troisième partie du rapport détaille les attaques meurtrières dont ont fait l'objet les minorités, chrétienne, shabake, yézidie, turkmène depuis la chute du Baath en 2003 et les débuts des actions terroristes. Cela dit, il est également indiqué que des attaques contre des musulmans et des lieux de culte chiite et sunnite avaient également lieu dans tout l'Irak, attaques dont l'apogée se situe en 2006. Par la suite, les tribus sunnites ont commencé de se détacher de la nébuleuse terroriste, les chefs tribaux se ralliant peu à peu aux Américains, dans des milices appelées "Fils de l'Irak".

Ninive reste une des zones d'Irak les plus dangereuses du pays, et dès le retrait américain des troupes, en juin 2009, en vertu de l'accord passé avec le gouvernement central, des meurtres, des enlèvements, des attaques-suicides ont connu une recrudescence. Le 9 juillet 2009, un attentat a tué 45 personnes et blessé plus de 65, dans un village à majorité turkmène de Tall Afar, à l'ouest de Mossoul. Le 7 août, un camion bourré d'explosifs a dévasté une mosquée chiite turkmène, remplie de personnes venues assister à des funérailles, à Shirakhan, au nord de Mossoul, faisant 37 morts et 276 blessés. Le 11 août, deux camions ont explosé dans le village shabak d'Al-Khazna, dans la plaine de Ninve. 35 personnes ont été tuées et plus de 110 blessées, tandis que 30 maisons du villages étaient soufflées par l'explosion, Le 13 août, c'est un café de Sindjar, ville à majorité yézidie qui subissait une attaque de kamikaze, faisant 21 morts et plus de 30 blessés.

Il est noté que la violence redouble à Mossoul alors qu'elle baisse dans le reste de l'Irak, et que cela est dû à la forte présence de groupes sunnites insurgés qui ont fait de cette ville leur bastion, en partie en raison des craintes sunnites de voir les Kurdes imposer leur hégémonie dans la région, et aussi devant le processus de désarabisation de la région, qui succède à une arabisation de plusieurs décennies. Mossoul est qualifié de refuge sûr pour les extrémistes.

Cela a eu pour conséquence des divisions politiques internes dans chaque communauté, les uns souhaitant dépendre du GRK les autres voulant rester sous gouvernement central.

Sur le meurtre des "Assyro-Chaldéens", il est donné trois motifs principaux : Leurs liens supposés avec les "chrétiens occidentaux", leur soutien éventuel au GRK et la bonne situation économique de certains. Le fait que sous le Baathisme, seuls les chrétiens et les yézidis avaient le droit de vendre de l'alcool (et aujourd'hui même si c e n'est pas une loi, il doit être rarissime qu'un musulman s'y risque, tant cela le déconsidérerait dans son réseau social et familial), a fait des minorités des gens "visibles" dans l'espace urbain. Les boutiques où l'on vend de l'alcool à Mossoul ont dû fermer sous les menaces, les pillages, les attentats (une même tendance s'observe dans certaines villes d'Irak, surtout les chiites). La plupart des enlèvements sont d'ailleurs crapuleux, sous couvert de Jihad. Les vieux mythes de "l'or des chrétiens", c'est-à-dire de leur richesse supposée, ressortent. De plus, les chrétiens à Mossoul n'ayant ni milices ni tribus pour les protéger et réclamer le prix du sang, ils sont plus aisément attaquables.

En février 2008, l'archevêque chaldéen de Mossoul a été kidnappé et est mort entre les mains de ses ravisseurs. Le chef du gang a été plus tard arrêté et condamné à mort en mai 2008. Il se présentait comme un leader d'Al-Qaeda. Auparavant, d'autres ecclésiastiques avaient été assassinés, mais sans que les auteurs aient pu être identifiés : le 30 novembre 2006, un protestant de Mossoul, Mundhir Al-Dayr, le 3 juin 2007, un prêtre chaldéen de 31 ans, Ragheed Ganni et trois diacres ont été battus par des tireurs inconnus. Derrière chacun de ces actes, même non revendiqués, on y décèle la méthode et les modes d'action des groupes extrémistes arabes sunnites.

En septembre 2008, des chrétiens avaient manifesté contre un projet de loi électoral désavantageux à leurs yeux et réclamé l'établissement d'une région chrétienne auto-gouvernée. De lourdes attaques avaient suivi, en octobre 2008, faisant 40 morts et obligeant 12 000 chrétiens à fuir.

Après les faits, les interprétations et les polémiques qui ont agité les factions politiques de la région : Des "représentants arabes et chrétiens" ont accusé les Kurdes, enfin le GRK, de n'avoir pas défendu ou prévenu les attentats, afin de "miner" la confiance des habitants envers le Gouvernement central. En gros, les chrétiens apeurés en seraient ainsi plus enclins à opter pour le GRK. On pourrait aussi penser que si les chrétiens ne sont pas contents des Peshmergas ils pourraient aussi opter justement pour Bagdad. Il est dommage que le nom de ces "représentants arabes et chrétiens" ne soient pas mentionnés, alors que le débat a été public entre Nujaifi et le GRk, ou bien entre Yonadam Kanna, du Mouvement démocratique assyrien. Il est simplement mis en note que des leaders chrétiens ont parlé à HRW à Erbil, ce qui ne précise même pas s'ils ont en finale à Erbil ou dans les zones concernées.

Quoiqu'il en soit, l'argument principal est que ces attaques se sont produites dans les parties de Mossoul en dehors des quartiers tenus par les insurgés sunnites, et contrôlés par l'armée irakienne qui compterait "un fort pourcentage" de Kurdes officiers dans les troupes de cette région. À mon avis une des raisons pour laquelle c'est surtout Mossoul nord qui a vu des attaques de chrétiens, c'est que les chrétiens, kurdes et autres vivent au nord de Mossoul, le sud étant plutôt arabe sunnite, et de plus, aux mains des extrémistes. Les Kurdes, dont Mahmoud Orhman (les noms des leaders kurdes, eux, sont toujours cités), accusent au contraire les milices pro-Maliki.

HRW finalement doit admettre qu'"aucune preuve n'a pu être établie" de l'implication directe des Kurdes dans les violences contre les chrétiens. Que selon les témoins des agressions, les attaquants parlaient un arabe courant, avec l'accent de Mossoul, qui semble être leur langue maternelle, qu'ils ressemblaient à des Arabes et étaient habillés en arabe, et que les motifs religieux de leurs assauts ne faisaient aucun doute. Dans un cas, celui du rapt de Tariq Qattam, un mécanicien de 66 ans, les ravisseurs qui ont appelé plus tard pour une rançon ne parlaient pas l'arabe de Mossoul, mais irakien tout de même.

HRW note que durant ces attaques, les Peshmergas ont paru incapables de les stopper et que Maliki a remplacé les Peshmergas par des troupes arabes et des unités venues de Bagdad ce qui est aussi, (comme à Kirkouk) une reprise en main ou un grignotage des terrains disputés, et non forcément un grand souci de la sécurité des chrétiens. Une commission d'enquête du ministre irakien des droits de l'homme n'a rien donné. À la mi-novembre 2008, 80% des chrétiens étaient revenus.

Comme on l'a vu plus haut, le retrait américain a pu amener une reprise des violences, ainsi que, peut-être, les futures élections. Il ne paraît pas que le remplacement des unités militaires ait changé quoi que ce soit.

Le cas des Shabaks est ensuite abordé.

(à suivre)

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