mercredi, novembre 18, 2009

"On Vulnerable Ground", rapport de HRW sur Ninive (suite)


Vient ensuite le résumé de la période qui a suivi immédiatement l'occupation américaine et la chute du Baath. Il est répété que la guerre civile entre sunnites et chiites a permis aux Kurdes de "renforcer tranquillement leur mainmise militaire, politique et culturelle sur les territoires disputés du nord de l'Irak, en utilisant les forces des Peshmergas pour assurer la sécurité et bâtir des structures politiques et administratives kurdes dans la zone."

Ce que le rapport tait, c'est tout de même que la situation sécuritaire à Mossoul, Ninive, était telle que l'armée irakienne était alors incapable de jouer le rôle des Peshmergas et que, concernant Sindjar et Ninive, c'est après les assassinats et les attentats contre les chrétiens et les yézidis qu'ils ont été déployés. Il est évident que ces territoires étant considérés comme devant lui revenir, par le GRK, il n'allait pas se gêner pour y installer ses structures administratives et politiques, d'autant que l'Irak, entre 2003 et disons 2006-2007 était en plein chaos et bien incapable d'y assurer quoi que ce soit. Enfin, le terme de "mainmise" culturelle est étonnant. Une fois de plus, on dirait que les membres du rapport n'ont jamais jeté un œil sur la constitution kurde, et notamment que le syriaque et le turkmènes seront langues officielles dans les zones où elles seront majoritaires, et langues d'enseignement partout. On ne voit pas bien, sinon, ce qu'il faut entendre comme emprise culturelle kurde, d'autant que les partisans d'un rattachement des zones chrétiennes de Ninive veulent justement en faire une région autonome chrétienne. Pour le reste des minorités, quoi qu'en pense HRW, il s'agit aussi de Kurdes, ça ne va pas beaucoup les changer.

Sur la question de l'article 140, les termes choisis là aussi semblent partiaux et dépréciatifs et ne tiennent surtout pas compte du passé de la Région kurde, notamment de son détachement de facto de l'administration irakienne et de l'acceptation des Kurdes à la réintégrer uniquement contre certaines conditions, dont le respect du fédéralisme et l'auto-détermination des Kurdes et autres habitants vivant dans les "territoires" disputés. En tout cas le leadership kurde, présenté comme "enhardi" par la faiblesse irakienne serait assuré de gagner le référendum, en raison de sa "formidable présence politique et sécuritaire" dans ces zones. C'est oublier que le reférendum est réclamé depuis 2005, bien avant l'installation des Peshmergas à Ninive, et que s'il est certain que la sécurité dont jouit la Région du Kurdistan peut influer sur le choix des habitants, c'est peut-être que ces mêmes habitants y voient leur intérêt. Il est là encore, curieux que le rapport ne souffle jamais mot des milliers de réfugiés de toutes origines qui ont préféré s'installer au Kurdistan plutôt que de rester en Irak, pour comprendre pourquoi le GRK est "assuré" de gagner ce référendum. Enfin, il est est indiqué que les sunnites considèrent ce référendum comme "expansionniste' et 'illégitime" ; cependant il aurait fallu rappeler que cette même constitution irakienne et donc son article 140 a été votée par référendum en octobre 2005 par tout l'Irak ; ce n'est pas précisément un coup d'État kurde.

Viennent ensuite les développements qui concernent Ninive. Il est rappelé que le boycott des Arabes sunnites aux élections de 2005 a permis aux Kurdes (en fait, une alliance kurdo-chrétienne) de remporter la majorité au conseil de province, alors que, dit-on, les Kurdes sont minoritaires dans cette province.

La question de la minorité des Kurdes à Ninive est en fait la même que celle des régions kurdes de la province de Diyala ou du découpage de la province initiale de Kirkouk : le nord de l'actuelle Ninive a été détaché des régions à majorité kurdo-syriaques pour le souder aux territoires arabes de Mossoul sud. C'était la tactique de Saddam de "casser" le poids démographiques des régions non-arabes pour affaiblir les dissidences. Ce que réclame le GRK est en fait la recomposition des anciennes provinces historiques de l'Irak.

Les élections de 2009 sont ainsi vues comme une victoire des Sunnites à Mossoul-Ninive, ces derniers ayant compris que le boycott ne faisait pas leur affaire. Il est dommage de ne pas non plus lier certains résultats à un exode de Mossoul qui a concerné tout autant les chrétiens que les Kurdes, qu'ils soient ou non musulmans, mais les expulsions et intimidations des Kurdes musulmans de Mossoul par des extrémistes nationalistes ou religieux ne sont jamais mentionnées (pourtant, au final, les Kurdes de Mossoul étaient aussi une minorité persécutée). De plus, les résultats district par district ont confirmé la tendance de 2005 : dans les zones à majorité kurde ou chrétienne, la liste kurdo-syriaque l'emporte, tout comme dans les régions kurdes de la Diyala, ou bien à Sindjar, tandis que la liste nationaliste arabe Al-Hadhba gagne dans les districts arabes de Ninive. Là dessus, il n'y a aucune surprise, c'est ainsi dans tout l'Irak, comme on peut le constater : les choix de vote sont surtout ethniques, religieux, tribaux.

Ainsi le boycott par la liste Fraternité du conseil de province de Ninive à donimation Al-Hadhba 9nationaliste arabe) est présenté comme une réaction de mauvais joueurs de la part des "Kurdes", comme s'ils avaient été désavoués par les autres électeurs de Ninive, alors que cette liste Fraternité est triplement chrétienne, yézidie, kurde sunnite et qu'en plus elle est composée de gens vivant à Ninive, et non de forces du GRK, même si elle est soutenue par le GRK. S'il y a désaccord, c'est bien entre les élus de Ninive-Mossoul. Au lieu de ça, le rapport écrit tout bonnement : "Kurdish authorities have blocked Arab officials from carrying out their duties in Kurdish-controlled areas of Niniveh province, and they pressured districts under their control to boycott the new Arab governor." On n'est pas plus objectif... Une fois de plus le terme imprécis d'"autorités kurdes" permet commodément de laisser entendre qu'Erbil occupe Ninive, sans faire de distinction entre élus locaux et GRK. Il suffit d'analyser de près toute la période post-électorale en Irak pour se rendre compte que ce n'est pas peut-être pas Erbil toute seule qui est en cause. Il est dommage que prétendant se pencher sur la question yézidie, HRW ne se soit pas rendu à Sindjar où les élus yézidis ne veulent plus rien avoir à faire avec Mossoul, mais c'est sûrement encore parce qu'ils sont terrifiés par les Barzani...

Évidemment la nouvelle constitution kurde incluant dans les limites géographiques et politiques du Kurdistan est vue comme un "outrage" ressenti par les "minorités" aussi bien que par les Arabes. Si tant de gens sont contre le rattachement à la Région, on ne voit vraiment pas pourquoi Bagdad se refuse à le faire ce référendum alors que l'on voit que même des élections à Kirkouk font peur...

Vient ensuite une étude détaillée du "contrôle et du parrainage kurde" sur Ninive...

(à suivre)

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