lundi, novembre 09, 2009

Loi électorale irakienne version 2010 : ce qui passe et ce qui ne passe pas...

De justesse, n'ayant pu se mettre d'accord samedi, les députés irakiens ont finalement réussi à voter dimanche une loi électorale "de compromis" sur la question de Kirkouk, avec des dispositions qui au fond, si elles n'annulent pas complètement le processus électoral dans cette province ne se différencient pas tant que ça d'un "report", puisque les résultats du scrutin seront considérés comme "provisoires" laissant une année à une commission électorale pour éplucher les listes de 2009 afin de vérifier les fraudes et si les citoyens inscrits comme "kurdes" votent à Kirkouk de plein droit (je me demande si on appliquera ce même examen aux colons). Soit : sont-ce de vrais Kirkukis ou bien des Kurdes nouvellement installés là à l'instigation du Gouvernement kurde d'Erbil pour gonfler les chiffres ethniques ?

C'est, à vrai dire, un critère curieusement contradictoire de la part de groupes politiques irakiens qui ne cessent de scander "Irak uni et indivisible". Soit. Mais dans ce cas, on ne voit pas en quel honneur la libre circulation et les déménagements à l'intérieur d'un même pays devraient être entravés. Ces soi-disant "colons kurdes"auraient-ils exproprié et chassé des propriétaires arabes et turkmènes pour venir s'installer à Kirkouk ? Sinon, en quoi seraient-ils moins "électeurs"que les autres ? Après tout, les régugiés qui ont fui l'Irak pour s'installer au Kurdistan ont bien le droit de voter (ou alors on aurait entendu hurler le Mouvement démocratique assyrien).

Enfin, il est de toute façon douteux que des Kurdes, originaires des trois provinces du GRK, Erbil, Duhok, Suleymanieh, aient, sur un claquement de doigt du GRK, quitté leur province d'origine où ils vivent en paix et en sûreté pour venir camper dans des bidonvilles misérables où la situation sécuritaire n'est quand même pas des plus riantes. L'ancien régime pouvait faire cela, déplacer de gré ou de force des groupes ethniques comme ça lui chantait, mais, contrairement aux membres du PKK, les Kurdes d'Irak n'ont pas la réputation d'obéir aveuglément à leurs chefs politiques et à se sacrifier pour des intérêts géopolitiques qui ne sont pas directement les leurs... Que le GRK ait encouragé les Kurdes de Kirkouk à revenir chez eux, cela ne fait aucun doute, et peut-être leur avait-il fait miroiter un prompt retour à la normale et dans leurs pénates qui, pour le moment, se fait encore attendre (mais il est probable que le GRK y croyait aussi, en 2004). En tous cas, les Kurdes revenus à Kirkouk n'ont pas dû le faire avec une kalach pointée dans le creux des reins. Que ce soit en Turquie ou en Irak, les Kurdes qu'on a chassés et dont on a détruit les villages espèrent toujours rentrer chez eux et ne cèderont pas d'un pouce sur leur droit de propriété. Cela vaut aussi pour les villages détruits dans la Région du Kurdistan, que ce soit des villages chrétiens, musulmans, ou yézidis.

Bref, la loi électorale est passée à 141 voix sur 195 députés présents. La nouveauté la plus marquante, d'un point de vue purement technique, est qu'il sera possible de voter pour une liste ou un candidat au lieu d'imposer le vote par liste seule. Les sièges réservés aux minorités religieuses (chrétiens, mandéens, shabaks, yézidis) ne sont pas une nouveauté, que ce soit dans les élections irakiennes ou kurdes, les discussions tournent seulement autour du nombre de sièges réservés à chacun. Et, n'ayant pas encore eu le texte complet de la loi sous les yeux, je ne sais si, dans le cas des chrétiens, la forte pression du patriarcat chaldéen a réussi à faire dissocier (comme c'est le cas dans la constitution irakienne mais pas kurde) les Chaldéens (catholiques) des Assyriens (autocéphales), comme s'il s'agissait de deux peuples. Le patriarcat tient beaucoup à cette distinction qui lui donnerait le droit, de son point de vue, de s'affirmer comme le représentant religieux et politique des Chaldéens, qu'ils soient Irakiens ou Kurdistani ( et dans le cas de ces derniers, je peux vous assurer que Sa Béatitude Emmanuel III Delly peut toujours aller se brosser).

En riposte, les Kurdes ont obtenu que, dans toutes les zones d'Irak où les listes électorales semblent tout aussi "douteuses" que celles de Kirkouk, la commission procède au même examen a posteriori. On n'a pas fini de compter et recompter les voix...

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Concert de soutien à l'Institut kurde