samedi, octobre 31, 2009

ERBIL : LE NOUVEAU CABINET PRÊTE SERMENT


Le nouveau cabinet du Gouvernement régional du Kurdistan a été officiellement formé, avec, à sa tête, Barham Salih, ancien vice-Premier ministre du gouvernement irakien, et membre de l’UPK, qui succède ainsi à Nêçirvan Barzanî. La nomination des ministres a été approuvée par le parlement d’Erbil le 26 de ce mois.

Au début de la séance, présidée par Kamal Kirkouki et à laquelle assistait aussi le vice-président du Parlement Arsalan Baiz ainsi que le Secrétaire de l’assemblée, Farsat Ahmed, la commission des lois a présenté en article 1 la dissolution de trois ministères : Celui des Droits de l’Homme, celui des Affaires extra-régionales, celui de l’Environnement. Après débat, la dissolution a été adoptée sans modification à la majorité des voix.

Le second article de cette loi énonçait la création d’un ministère des Transports et des Communications, approuvée à l’unanimité ; le troisième concernait la création d’un ministère de l’Agriculture et des ressources hydrauliques, adoptée à la majorité. Le quatrième article reconduisait l’existence d’un ministère de la Culture et de celui de la Jeunesse et des Sports, approuvé à la majorité. L’article 5, fusionnant le ministère du Tourisme et celui des Municipalités a aussi été adopté à l’unanimité ; le 6ème , fusionnant le Commerce et l’Industrie a été approuvé à la majorité sans modification.

L’article 7 se rapportait à la réorganisation et à la restructuration des ministères, avec diverses dispositions légales adoptées à l’unanimité.

Le lendemain, 28 octobre, le nouveau Cabinet prêtait serment, avec Barham Salih comme Premier Ministre. Né à Suleïmanieh en 1960, il a rejoint le Parti de l’Union patriotique du Kurdistan en 1976, à l’âge de 16 ans. Entre 18 et 19 ans, il a été arrêté à deux reprises par le régime baathiste, emprisonné et torturé. Libéré, il poursuit ses études et obtient la troisième place des résultats généraux du baccalauréat irakien. Il part ensuite au Royaume-Uni pour échapper à de nouvelles persécutions et exerce de longues années des fonctions de représentations de l’UPK auprès des instances internationales, ainsi que des actions d’information et des campagnes militant contre le régime dictatorial irakien, tout en poursuivant des études d’ingénieur. En 1983, il obtient son diplôme de génie civil et de construction à l’université de Cardiff et en 1987, un doctorat en statistiques et applications informatiques dans l’ingénierie à l’université de Liverpool. Après 1991 et l’émergence de la Région autonome du Kurdistan d’Irak il est nommé représentant de l’UPK à Washington. Entre 2001 et 2004, il est Premier Ministre de la zone UPK au Kurdistan d’Irak. Puis, après la réunification de la Région kurde et la chute du Baath, il exerce les fonctions de ministre la Planification au sein du Gouvernement provisoire irakien et finalement celle de Vice-Premier ministre du Cabinet de Nouri Al-Maliki. En plus de sa langue maternelle, Barham Salih parle couramment l’arabe et l’anglais.

Le vice-Premier ministre est Azad Barwari, un membre vétéran du PDK, le parti de Massoud Barzani. Né, comme ce dernier, en 1946 à Mahabad, d’une famille de Peshmergas qui participèrent à l’épopée de la République et aux combats de Mustafa Barzani. En 1963, de retour en Irak avec sa famille, il est emprisonné 3 mois pour activisme en faveur des droits des Kurdes. Libéré, il adhère au PDK en 1964. Il étudie la chimie à l’université de Mossoul puis de Basra, et en 1970, devient secrétaire de l’Union des étudiants du Kurdistan. Après l’effondrement de la révolution kurde de 1975, il se réfugie en Iran où il travaille étroitement avec Idris Barzani, le frère de l’actuel président. Il est élu au Comité central du PDK en 1979. En 1982, il dirige le bureau du PDK en Syrie. Il joua un rôle important dans le soulèvement de 1991 et fut élu au Bureau politique du PDK en 1993, où il y a occupé diverses fonctions jusqu’à ce jour. Azad Barwari parle couramment l’arabe et le persan.

Le ministre de l’Intérieur est Abdul Karim Sultan Sinjari, qui exerçait déjà les fonctions de ministre d’État pour l’Intérieur dans le gouvernement réunifié du 7 mai 2006. Il est d’abord avocat à Bagdad, en 1973, puis devient Peshmerga et est nommé à la direction provisoire du PDK de 1976 à 1980. Puis il s’exile en Suède jusqu’en 1988, avant de retourner au Kurdistan à la tête des services de sécurité du PDK. Après les élections législatives de 1992 dans la Région autonome, il est nommé directeur général des services de sécurité du Kurdistan, avant d’être nommé ministre de l’intérieur pour le Gouvernement d’Erbil, tout en exerçant des fonctions au Comité central du PDK, jusqu’en 2001. Karim Sinjari parle le suédois, l’anglais, l’arabe et le persan.

Le ministre des Finances et de l’Économie est Bayiz Saeed Mohammad Talabani, qui avait déjà remplacé Sargis Aghajian dans le précédent cabinet, lorsque le ministre assyrien avait dû démissionner pour raisons de santé.

En plus des ministères cités plus haut, les autres ministères conservés sont ceux de la Justice, l’Éducation, de l’Électricité, des Affaires religieuses, de la Santé, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, du Logement et de la Reconstruction, celui du Travail et des Affaires sociales, le ministère des martyrs et des victimes de l’Anfal, celui des Ressources naturelles, à la tête duquel Ashti Hawrami est reconduit dans ses fonctions, les Peshmergas, la Plannification. Le gouvernement réduit ainsi fortement le nombre de ses membres, passant de 42 à 20 ministères. Seuls 4 des anciens ministres sont reconduits, Karim Sinjari, Ashti Hawrami, Bayiz Talabani et Jafar Mustafa Ali (ministre des Peshmergas).

Au total, le nouveau gouvernement se compose comme suit :

Premier Ministre : Barham Salih
Vice-premier ministre : Azad Barwari
Ministre de l’Intérieur : Abdul Karim Sinjari
Ministre des Finances et de l’Économie : Bayiz Saeed Mohammad Talabani
Ministre de la Justice : Raouf Rashid Abdulrahman
Ministre de l’Agriculture et des ressources hydrauliques : Jamil Sleiman Haider
Ministre de la Culture et de la Jeunesse : Kawa Mahmoud Shakir
Ministre de l’Éducation : Safeen Mohsin Diyazee
Ministre de l’Électricité : (en attente de confirmation)
Ministre des Affaires religieuses : Kamil Ali Aziz
Ministre de la Santé : Taher Abdullah Hussein Hawrami
Ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche : Dlawer A. A, Ala’Aldeen
Ministre du Logement et de la reconstruction : Kamaran Ahmed Abdullah
Ministre du Travail et des affaires sociales : Asos Najib Abdullah
Ministre des Martyrs et de l’Anfal : Majid Hamad Amin Jamil
Ministre des Municipalités et du tourisme : Samir Abdullah Mustafa
Ministre des Ressources naturelles : Ashti Hawrami
Ministre des Peshmergas : Jafar Mustafa Ali
Ministre de la Planification : Ali Osman Haji Badri Sindi
Ministre du Commerce et de l’industrie : Sinan Abdulkhalq Ahmed Chalabi
Ministre du Transport et des communications : Anwar Jabali Sabo
Président du Conseil des ministres : Nouri Othman
Président du Bureau des Investissements : Herish Muharam
Secrétaire du Cabinet : Mohammad Qaradagi
Directeur du département des Relations internationales : Falah Mustafa Bakir

ERBIL : LE NOUVEAU CABINET PRÊTE SERMENT


Le nouveau cabinet du Gouvernement régional du Kurdistan a été officiellement formé, avec, à sa tête, Barham Salih, ancien vice-Premier ministre du gouvernement irakien, et membre de l’UPK, qui succède ainsi à Nêçirvan Barzanî. La nomination des ministres a été approuvée par le parlement d’Erbil le 26 de ce mois.

Au début de la séance, présidée par Kamal Kirkouki et à laquelle assistait aussi le vice-président du Parlement Arsalan Baiz ainsi que le Secrétaire de l’assemblée, Farsat Ahmed, la commission des lois a présenté en article 1 la dissolution de trois ministères : Celui des Droits de l’Homme, celui des Affaires extra-régionales, celui de l’Environnement. Après débat, la dissolution a été adoptée sans modification à la majorité des voix.

Le second article de cette loi énonçait la création d’un ministère des Transports et des Communications, approuvée à l’unanimité ; le troisième concernait la création d’un ministère de l’Agriculture et des ressources hydrauliques, adoptée à la majorité. Le quatrième article reconduisait l’existence d’un ministère de la Culture et de celui de la Jeunesse et des Sports, approuvé à la majorité. L’article 5, fusionnant le ministère du Tourisme et celui des Municipalités a aussi été adopté à l’unanimité ; le 6ème , fusionnant le Commerce et l’Industrie a été approuvé à la majorité sans modification.

L’article 7 se rapportait à la réorganisation et à la restructuration des ministères, avec diverses dispositions légales adoptées à l’unanimité.

Le lendemain, 28 octobre, le nouveau Cabinet prêtait serment, avec Barham Salih comme Premier Ministre. Né à Suleïmanieh en 1960, il a rejoint le Parti de l’Union patriotique du Kurdistan en 1976, à l’âge de 16 ans. Entre 18 et 19 ans, il a été arrêté à deux reprises par le régime baathiste, emprisonné et torturé. Libéré, il poursuit ses études et obtient la troisième place des résultats généraux du baccalauréat irakien. Il part ensuite au Royaume-Uni pour échapper à de nouvelles persécutions et exerce de longues années des fonctions de représentations de l’UPK auprès des instances internationales, ainsi que des actions d’information et des campagnes militant contre le régime dictatorial irakien, tout en poursuivant des études d’ingénieur. En 1983, il obtient son diplôme de génie civil et de construction à l’université de Cardiff et en 1987, un doctorat en statistiques et applications informatiques dans l’ingénierie à l’université de Liverpool. Après 1991 et l’émergence de la Région autonome du Kurdistan d’Irak il est nommé représentant de l’UPK à Washington. Entre 2001 et 2004, il est Premier Ministre de la zone UPK au Kurdistan d’Irak. Puis, après la réunification de la Région kurde et la chute du Baath, il exerce les fonctions de ministre la Planification au sein du Gouvernement provisoire irakien et finalement celle de Vice-Premier ministre du Cabinet de Nouri Al-Maliki. En plus de sa langue maternelle, Barham Salih parle couramment l’arabe et l’anglais.

Le vice-Premier ministre est Azad Barwari, un membre vétéran du PDK, le parti de Massoud Barzani. Né, comme ce dernier, en 1946 à Mahabad, d’une famille de Peshmergas qui participèrent à l’épopée de la République et aux combats de Mustafa Barzani. En 1963, de retour en Irak avec sa famille, il est emprisonné 3 mois pour activisme en faveur des droits des Kurdes. Libéré, il adhère au PDK en 1964. Il étudie la chimie à l’université de Mossoul puis de Basra, et en 1970, devient secrétaire de l’Union des étudiants du Kurdistan. Après l’effondrement de la révolution kurde de 1975, il se réfugie en Iran où il travaille étroitement avec Idris Barzani, le frère de l’actuel président. Il est élu au Comité central du PDK en 1979. En 1982, il dirige le bureau du PDK en Syrie. Il joua un rôle important dans le soulèvement de 1991 et fut élu au Bureau politique du PDK en 1993, où il y a occupé diverses fonctions jusqu’à ce jour. Azad Barwari parle couramment l’arabe et le persan.

Le ministre de l’Intérieur est Abdul Karim Sultan Sinjari, qui exerçait déjà les fonctions de ministre d’État pour l’Intérieur dans le gouvernement réunifié du 7 mai 2006. Il est d’abord avocat à Bagdad, en 1973, puis devient Peshmerga et est nommé à la direction provisoire du PDK de 1976 à 1980. Puis il s’exile en Suède jusqu’en 1988, avant de retourner au Kurdistan à la tête des services de sécurité du PDK. Après les élections législatives de 1992 dans la Région autonome, il est nommé directeur général des services de sécurité du Kurdistan, avant d’être nommé ministre de l’intérieur pour le Gouvernement d’Erbil, tout en exerçant des fonctions au Comité central du PDK, jusqu’en 2001. Karim Sinjari parle le suédois, l’anglais, l’arabe et le persan.

Le ministre des Finances et de l’Économie est Bayiz Saeed Mohammad Talabani, qui avait déjà remplacé Sargis Aghajian dans le précédent cabinet, lorsque le ministre assyrien avait dû démissionner pour raisons de santé.

En plus des ministères cités plus haut, les autres ministères conservés sont ceux de la Justice, l’Éducation, de l’Électricité, des Affaires religieuses, de la Santé, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, du Logement et de la Reconstruction, celui du Travail et des Affaires sociales, le ministère des martyrs et des victimes de l’Anfal, celui des Ressources naturelles, à la tête duquel Ashti Hawrami est reconduit dans ses fonctions, les Peshmergas, la Plannification. Le gouvernement réduit ainsi fortement le nombre de ses membres, passant de 42 à 20 ministères. Seuls 4 des anciens ministres sont reconduits, Karim Sinjari, Ashti Hawrami, Bayiz Talabani et Jafar Mustafa Ali (ministre des Peshmergas).

Au total, le nouveau gouvernement se compose comme suit :

Premier Ministre : Barham Salih
Vice-premier ministre : Azad Barwari
Ministre de l’Intérieur : Abdul Karim Sinjari
Ministre des Finances et de l’Économie : Bayiz Saeed Mohammad Talabani
Ministre de la Justice : Raouf Rashid Abdulrahman
Ministre de l’Agriculture et des ressources hydrauliques : Jamil Sleiman Haider
Ministre de la Culture et de la Jeunesse : Kawa Mahmoud Shakir
Ministre de l’Éducation : Safeen Mohsin Diyazee
Ministre de l’Électricité : (en attente de confirmation)
Ministre des Affaires religieuses : Kamil Ali Aziz
Ministre de la Santé : Taher Abdullah Hussein Hawrami
Ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche : Dlawer A. A, Ala’Aldeen
Ministre du Logement et de la reconstruction : Kamaran Ahmed Abdullah
Ministre du Travail et des affaires sociales : Asos Najib Abdullah
Ministre des Martyrs et de l’Anfal : Majid Hamad Amin Jamil
Ministre des Municipalités et du tourisme : Samir Abdullah Mustafa
Ministre des Ressources naturelles : Ashti Hawrami
Ministre des Peshmergas : Jafar Mustafa Ali
Ministre de la Planification : Ali Osman Haji Badri Sindi
Ministre du Commerce et de l’industrie : Sinan Abdulkhalq Ahmed Chalabi
Ministre du Transport et des communications : Anwar Jabali Sabo
Président du Conseil des ministres : Nouri Othman
Président du Bureau des Investissements : Herish Muharam
Secrétaire du Cabinet : Mohammad Qaradagi
Directeur du département des Relations internationales : Falah Mustafa Bakir

radio : Latins et arabes au Moyen âge, saint Ephrem de Nisibe


Dimanche 1er novembre à 6h et 22h11 sur France Culture : Latins et Arabes au Moyen-Âge : Comment les auteurs chrétiens d'Europe percevaient-ils l'islam ? Avec John Tolan, auteur de L'Europe latine et le monde arabe au Moyen Âge. Cultures en conflit et en convergence (P.U. Rennes). Cultures d'islam, A. Meddeb.




- À 8 h00 sur France Culture : Saint Ephrem de Nisibe, un grand saint oriental. Foi et tradition, J.P. Enkiri.

vendredi, octobre 30, 2009

KURDISTAN D’IRAK : VISITE HISTORIQUE DU MINISTRE TURC DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES


Ce mois-ci a connu une amélioration concrète des relations diplomatiques entre la Turquie et le Kurdistan d’Irak, qui s’est traduit par une visite, le 31 octobre, du ministre des Affaires étrangères turc à Erbil et l'annonce de l’ouverture prochaine d’un consulat turc dans la capitale kurde.

M. Ahmed Davutoglu est le premier ministre turc à visiter la Région du Kurdistan d’Irak, car, jusqu’ici, la Turquie se refusait à reconnaître officiellement le gouvernement kurde comme un véritable partenaire politique, même si les contacts informels n’ont jamais cessé depuis la création de la zone autonome kurde en 1992. « Il est grand temps que chacun prenne des mesures audacieuses »a déclaré le ministre. « Arabes, Turcs, Kurdes, chiites et sunnites, tous ensemble nous rebâtirons le Moyen-Orient. »

Le ministre des Affaires étrangères est venu le 31 octobre, accompagné du ministre du Commerce, Zafer Caglayan, 20 journalistes et une délégation de 80 personnes, officiels et hommes d’affaires, qui ont été accueillis à l’aéroport d’Erbil par le tout nouveau Premier ministre du Kurdistan Barham Salih et le ministre irakien des Affaires étrangères, le Kurde Hoshyar Zebari, Ils ont ensuite rencontré le président de la Région Massoud Barzani, qui a loué la décision turque d’ouvrir un consulat dans sa capitale : « La décision d’ouvrir un consulat à Erbil est un pas extrêmement positif. Le rôle de la Turquie est important pour l’avenir de la Région et le développement de nos liens économiques. La Région du Kurdistan fait office de pont entre l’Irak et la Turquie. » Ahmed Davatoglu a lui aussi mis l’accent sur l’interdépendance économique et géographique de la Turquie et de l’Irak : « L’Irak, en tant qu’État multi-ethnique est très important pour nous et nous considérons toute menace sécuritaire sur l’Irak comme une menace pour nous. Nous sommes votre porte de l’Europe, et vous êtes notre porte pour le Sud, la Région du Golfe. »

Bien qu’Ahmed Davotuglo ait souhaité une coopération « contre le terrorisme », ce qui est, au fond, le préambule obligé de tout homme politique ou journaliste turcs s’adressant à leur opinion publique ou parant d’avance les critiques émanant des milieux bellicistes, avant de parler des relations entre les Kurdes d’Irak et leur État, Massoud Barzani a aussi soutenu et félicité l’actuel gouvernement turc pour ses tentatives de résolution de la question kurde en Turquie : « Je pense que les dirigeants turcs peuvent traiter le problème du PKK. Ils ont pris une décision très courageuse et nous soutenons totalement la politique de rapprochement avec les Kurdes de Turquie. Dieu veuille que la violence cesse aussitôt que possible et que la jeunesse kurde et turque n’aie plus à verser son sang. » Selon le ministre turc, les Kurdes et la Turquie ont un rôle commun à jouer pour assurer la stabilité non seulement de leurs frontières, mais de tout le Moyen-Orient, qui doit être, selon lui, un espace politique de sécurité, de dialogue et de coexistence multiethnique et multi-religieuse, souhaitant que « les gens voyagent de Basra à Edirne sans problèmes de sécurité. »

Quant à la délégation d’hommes d’affaires turcs qui accompagnaient le ministre du Commerce, ils ont participé à une rencontre avec des responsables du Gouvernement kurde à l’Erbil Convention Center, ainsi qu’un dîner organisé par la Chambre du commerce et de l’Industrie du Kurdistan et l’Union des entrepreneurs de la Région du Kurdistan. Pour sa part, le ministre du Commerce, Zafer Caglayan, a annoncé l’ouverture de deux passages frontaliers supplémentaires avec l’Irak fin 2010, après la signature d’un memorandum par les deux États.

Les relations turco-irakiennes avaient cependant été soumises à plusieurs questions sensibles en début de mois, alors que le Premier ministre turc se rendait à Bagdad. Ainsi, la reconduite par le Parlement de Turquie de l’autorisation donnée à son armée de franchir à nouveau la frontière en cas d’opération menée contre le PKK, contre laquelle s’est élevé, une fois de plus, le gouvernement irakien. Nouri Al-Maliki a déclaré que l’Irak « cherchait à protéger sa souveraineté ». Les deux Premiers ministres avaient également discuté de l’assèchement de l’Euphrate dont souffre l’Irak, en proie à la sécheresse, et de la polémique autour du débit que laisse passer la Turquie en ouvrant les vannes de ses barrages. Alors que le mois dernier, le ministre turc de l’Énergie et des ressources naturelles avait affirmé que son pays assurait, pour l’Euphrate, un débit de 517 m3 par seconde, le ministre syrien de l’Irriguation avait au contraire dénoncé un débit tombé à une moyenne de 400 m3 par seconde pour les onze derniers mois. Le porte-parole du gouvernement irakien, Ali Al-Dabbagh, a, pour sa part, fait état d’un débit de 440 m3 par seconde, avant d’ajouter qu’un protocole était en cours de discussion. Mais Recep Tayyip Erdogan a réaffirmé que la Turquie assurait actuellement un débit de 550 m3, en rappelant qu’un précédent accord, signé en 1987, ne prévoyait que 500 m3.

KURDISTAN D’IRAK : VISITE HISTORIQUE DU MINISTRE TURC DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES


Ce mois-ci a connu une amélioration concrète des relations diplomatiques entre la Turquie et le Kurdistan d’Irak, qui s’est traduit par une visite, le 31 octobre, du ministre des Affaires étrangères turc à Erbil et l'annonce de l’ouverture prochaine d’un consulat turc dans la capitale kurde.

M. Ahmed Davutoglu est le premier ministre turc à visiter la Région du Kurdistan d’Irak, car, jusqu’ici, la Turquie se refusait à reconnaître officiellement le gouvernement kurde comme un véritable partenaire politique, même si les contacts informels n’ont jamais cessé depuis la création de la zone autonome kurde en 1992. « Il est grand temps que chacun prenne des mesures audacieuses »a déclaré le ministre. « Arabes, Turcs, Kurdes, chiites et sunnites, tous ensemble nous rebâtirons le Moyen-Orient. »

Le ministre des Affaires étrangères est venu le 31 octobre, accompagné du ministre du Commerce, Zafer Caglayan, 20 journalistes et une délégation de 80 personnes, officiels et hommes d’affaires, qui ont été accueillis à l’aéroport d’Erbil par le tout nouveau Premier ministre du Kurdistan Barham Salih et le ministre irakien des Affaires étrangères, le Kurde Hoshyar Zebari, Ils ont ensuite rencontré le président de la Région Massoud Barzani, qui a loué la décision turque d’ouvrir un consulat dans sa capitale : « La décision d’ouvrir un consulat à Erbil est un pas extrêmement positif. Le rôle de la Turquie est important pour l’avenir de la Région et le développement de nos liens économiques. La Région du Kurdistan fait office de pont entre l’Irak et la Turquie. » Ahmed Davatoglu a lui aussi mis l’accent sur l’interdépendance économique et géographique de la Turquie et de l’Irak : « L’Irak, en tant qu’État multi-ethnique est très important pour nous et nous considérons toute menace sécuritaire sur l’Irak comme une menace pour nous. Nous sommes votre porte de l’Europe, et vous êtes notre porte pour le Sud, la Région du Golfe. »

Bien qu’Ahmed Davotuglo ait souhaité une coopération « contre le terrorisme », ce qui est, au fond, le préambule obligé de tout homme politique ou journaliste turcs s’adressant à leur opinion publique ou parant d’avance les critiques émanant des milieux bellicistes, avant de parler des relations entre les Kurdes d’Irak et leur État, Massoud Barzani a aussi soutenu et félicité l’actuel gouvernement turc pour ses tentatives de résolution de la question kurde en Turquie : « Je pense que les dirigeants turcs peuvent traiter le problème du PKK. Ils ont pris une décision très courageuse et nous soutenons totalement la politique de rapprochement avec les Kurdes de Turquie. Dieu veuille que la violence cesse aussitôt que possible et que la jeunesse kurde et turque n’aie plus à verser son sang. » Selon le ministre turc, les Kurdes et la Turquie ont un rôle commun à jouer pour assurer la stabilité non seulement de leurs frontières, mais de tout le Moyen-Orient, qui doit être, selon lui, un espace politique de sécurité, de dialogue et de coexistence multiethnique et multi-religieuse, souhaitant que « les gens voyagent de Basra à Edirne sans problèmes de sécurité. »

Quant à la délégation d’hommes d’affaires turcs qui accompagnaient le ministre du Commerce, ils ont participé à une rencontre avec des responsables du Gouvernement kurde à l’Erbil Convention Center, ainsi qu’un dîner organisé par la Chambre du commerce et de l’Industrie du Kurdistan et l’Union des entrepreneurs de la Région du Kurdistan. Pour sa part, le ministre du Commerce, Zafer Caglayan, a annoncé l’ouverture de deux passages frontaliers supplémentaires avec l’Irak fin 2010, après la signature d’un memorandum par les deux États.

Les relations turco-irakiennes avaient cependant été soumises à plusieurs questions sensibles en début de mois, alors que le Premier ministre turc se rendait à Bagdad. Ainsi, la reconduite par le Parlement de Turquie de l’autorisation donnée à son armée de franchir à nouveau la frontière en cas d’opération menée contre le PKK, contre laquelle s’est élevé, une fois de plus, le gouvernement irakien. Nouri Al-Maliki a déclaré que l’Irak « cherchait à protéger sa souveraineté ». Les deux Premiers ministres avaient également discuté de l’assèchement de l’Euphrate dont souffre l’Irak, en proie à la sécheresse, et de la polémique autour du débit que laisse passer la Turquie en ouvrant les vannes de ses barrages. Alors que le mois dernier, le ministre turc de l’Énergie et des ressources naturelles avait affirmé que son pays assurait, pour l’Euphrate, un débit de 517 m3 par seconde, le ministre syrien de l’Irriguation avait au contraire dénoncé un débit tombé à une moyenne de 400 m3 par seconde pour les onze derniers mois. Le porte-parole du gouvernement irakien, Ali Al-Dabbagh, a, pour sa part, fait état d’un débit de 440 m3 par seconde, avant d’ajouter qu’un protocole était en cours de discussion. Mais Recep Tayyip Erdogan a réaffirmé que la Turquie assurait actuellement un débit de 550 m3, en rappelant qu’un précédent accord, signé en 1987, ne prévoyait que 500 m3.

jeudi, octobre 29, 2009

Sheikh Ahmad Gurpanî



Encore un sheikh bien rude et bien couillu comme je les aime, malamatî à fond, le Sheikh Ahmad -î Gurpanî, maître kubrawî de Nûruddîn Abdurrahman Isfarâyinî, que son murîd considérait comme étant le pôle de son temps (mais quel murîd digne de son état ne pense pas que son murshid est le plus grand de son temps ?).

Un jour le Shaykh Sa'duddîn se serait rendu à Gûrpân pour voir le Shaykh Ahmad, en faisant savoir qu'ayant été averti par voie d'inspiration du fait que le Shaykh 'Alî-i Lâlâ avait écrit un ijâzat-nâma pour Ahmad, il était prêt lui aussi à écrire pour lui un tel diplôme. Or, le Shaykh Ahmad ne serait même pas sortir de sa retraite pour accueillir le Shaykh Sa'duddîn; il se serait contenté de faire remarquer qu'il ne pourrait point adorer Dieu au moyen d'un diplôme !

Ce caractère assez peu conciliant de Gûrpanî, voire une certaine rudesse, est également mis en lumière par Isfarâyanî qui nous décrit ses premiers contacts avec ce maître "analphabète et qui balbutiait" : il fallait justement l'intervention de Pûr-i Hasan pour qu'il comprit sa dignité de maître initié, caché derrière "l'apparence extérieure". C'est également ce qui ressort d'une autre anecdote rapporté par Simnanî : Ayant remarqué que certain disciple s'engageait dans une forme de contemplation, Gûrpanî ôta son soulier pour lui donner plusieurs coups solides sur la nuque – car, d'expliquer le maître, la contemplation n'est permise qu'à celui qui ne songe pas à l'homme lui apportant le repas quand il entend des pas après un jeûne de sept jour !"

Le Révélateur des mystères, Nûruddin Abdurrahman Isfarâyinî ; trad. et étude préliminaire Hermann Landolt.

Irak : un fossé linguistique croissant entre Kurdes et Arabes


Un rapport de l'Institute for War and Peace Reporting ( IWPR) se penche sur les questions linguistiques au Kurdistan et en Irak comme source ou facteur ou facteur aggravant de tension et d'instabilité. Cette étude interrogeant des journalistes ou des hommes politiques, ou bien des gens de la rue, tant arabes que kurdes, à la fois en Irak et dans la Région du Kurdistan, montre que les deux populations tendent à ignorer de plus en plus la langue de l’autre et que les cours d’arabe ou de kurde sont délaissés de part et d’autre, au profit d’autres langues étrangères. Le rapport conclut à un nombre infime de jeunes Arabes sachant le kurde et, dans la population kurde, un nombre de plus en plus grandissant au fur et à mesure que les générations rajeunissent, de Kurdes parlant l’arabe, contrairement aux générations plus âgées qui, sous l’ancien régime avaient été scolarisés avec l’arabe comme langue principal, même si le kurde était aussi enseigné. Depuis 1991, dans la Région du Kurdistan, l’apprentissage de l’arabe n’a cessé de décliner, au profit de l’anglais. Le rapport mentionne ainsi qu’au-delà de 35 ans, beaucoup de Kurdes ne maîtrisent plus l’arabe.

Abdullah Qirgaiy, un écrivain kurde âgé de soixante ans, marié à une Arabe, explique que le service militaire et les mariages mixtes favorisaient le bilinguisme, plus encore qu’une scolarisation pas toujours suivie en temps de conflit. Lui-même indique avoir appris l’arabe durant son service militaire. Selon lui, le désintérêt des Kurdes pour la langue arabe s’est manifesté dès 1991, quand 3 provinces kurdes sont devenues zones autonomes et n’ont plus eu de relations avec Bagdad : : "Après le Soulèvement de 1991, les Kurdes se sont considérés comme indépendants. Ils ne se sont plus sentis obligés d’apprendre l’arabe et n’ont fait aucun effort pour le maîtriser. "

Naznaz Mohammed, qui dirige la commission de l’enseignement supérieur au parlement d’Erbil, décrit la période d’autonomie du Kurdistan irakien après 1991, comme une expérience pour renforcer le poids de la langue kurde. Elle reconnaît aussi la baisse du niveau d’études dans les universités, qui affecte aussi le département d’arabe, si bien que les diplômés de langue arabe ne sont pas toujours à même de le parler couramment. Selon elle, cette baisse de niveau s’explique par la démocratisation de l’enseignement supérieur au Kurdistan, qui n’est plus réservé de facto aux couches sociales supérieures, Avant le soulèvement la plupart des Kurdes qui accédaient à l’enseignement supérieur venaient ainsi de familles aisées, pour la plupart. "Après le soulèvement, les portes ont été largement ouvertes et il y a eu un afflux dans les écoles. Le niveau d’alphabétisation a chuté." Naznaz Mohammed précise que le gouvernement a l'intention de mettre à jour les programmes scolaires, ainsi que de construire plus d'écoles et d’améliorer la formation des enseignants.

Le Dr Othman Amin Salih, un professeur assistant du département d’arabe de l’université de Salahaddin à Erbil, confirme que beaucoup de diplômés d’arabe ne le parlent pas couramment. À côté des tensions politiques, il pointe aussi des programmes d’apprentissages dépassés, qui ne permettent pas aux étudiants de connaître bien l’arabe dialectal.

Mais pour Aso Hardi, rédacteur du journal kurde Hawlati, pourtant peu suspect d'indulgence envers le gouvernement kurde, il est injuste de reporter toute la faute sur le système éducatif. Selon lui, la cause en est surtout l'indifférence ou le rejet des Kurdes envers la langue arabe, en rappelant que les générations plus âgées avaient eu affaire à ces mêmes manuels et méthodes et parlaient couramment l'arabe. "La nouvelle génération ne ressent pas le besoin d'apprendre l'arabe, cela n'a rien à voir avec les programmes."

Dilshad Abdulrahman, le ministre de l’Éducation au Kurdistan assure que de nouveaux programmes sont à l’étude, même si aucune date n’est donnée pour leur instauration dans les écoles : "Le plan sera appliqué dans les années à venir." Mais pour lui aussi, l'insuffisance des programmes n'est pas non plus fondamentalement en cause : "Apprendre une langue ne dépend pas uniquement de l'enseignement. Avant le Soulèvement, les émissions de télévision et de radio étaient principalement en arabe, aussi le public devait l'apprendre pour les comprendre."

Cependant, au Kurdistan, l'afflux des réfugiés venus d'Irak, avec une majorité de chrétiens ou d'autres minorités religieuses comme les Mandéens, ou bien de Kurdes immigrés de longue date, et ne parlant plus leur langue, mais uniquement l'arabe, a redopé légèrement l'ouverture de cours en arabe. Actuellement, sur un total de 21 635 écoles dans la Région du Kurdistan, 44 d'entre elles fournissent un enseignement en langue arabe.

Mais en-dehors des réfugiés, la plupart des Kurdes choisissent une langue occidentale comme seconde langue. Les cours privés prolifèrent et l'anglais est évidemment la langue la plus populaire. Un libraire d'Erbil indique ainsi que les ventes de livres en arabe baissent, la clientèle étant invariablement au-dessus de 40 ans : "Je vends maintenant plus de dictionnaires d'anglais que d'arabes."

L'institut OSA, une école de langues fondée à Erbil en 1992, a 240 étudiants dans ses classes d'anglais contre 40 pour l'arabe. Le succès de l'anglais est lié à l'espoir d'accéder à des emplois lucratifs, par exemple dans les domaines de l'informatique ou des télécommunications. "La technologie européenne de pointe propage son vocabulaire", confirme Hakim Kaka Wais, un écrivain et linguiste que le déclin de l'arabe au Kurdistan ne semble guère affecter : "Il est normal que les jeunes Kurdes ne parlent plus l'arabe. Ils vivent dans un pays différent. Il n'est pas obligatoire d'apprendre une autre langue si vous n'en avez pas envie."

Mais selon Aso Hardi, la prochaine génération de politiciens kurdes pourra être défavorisée si elle ignore l’arabe : "Politiquement, il est dangereux pour un officiel de ne pouvoir parler ou argumenter en arabe s’il est au milieu d’Arabes. Un officiel kurde connaissant bien l’arabe est dix fois plus avantagé qu’un autre ne connaissant pas cette langue."

Pour Fareed Asasard, qui dirige le Kurdistan Centre for Strategic Studies, les futures leaders politiques de la Région du Kurdistan ont intérêt à bien maîtriser l’arabe s’ils veulent défendre les intérêts des Kurdes à Bagdad. Actuellement, le président irakien, le ministre des Affaires étrangères d’Irak, et l’ancien adjoint du Premier Ministre sont des Kurdes parlant couramment arabe. Quant au bloc parlementaire kurde à Bagdad, il s’est fait une réputation de "faiseur de roi" dominant par son unité les coalitions arabes très divisées.

À l’inverse, l’indifférence des Arabes pour la langue kurde est aussi notable, comme le reconnait Dhia Al-Shakarchi, un politicien chiite indépendant, pour qui les Arabes devraient prendre eux-mêmes l’initiative de "rassurer les Kurdes sur leur statut de partenaires réels et égaux dans le nouvel Irak", en tant que groupe ethnique majoritaire. "Il est dommage que si peu d’Arabes irakiens ont envie d’apprendre le kurde, et cela résulte de deux politiques erronées, à la fois celle du gouvernement fédéral et celle des autorités kurdes."

Dans tout le pays, sur les routes et les bâtiments officiels, les panneaux et la signalisation sont soit en arabe soit en kurde, rarement dans les deux langues, alors que l’anglais est plus souvent adopté sur les annonces bilingues. Narmin Othman, ministre de l’Environnement irakien, elle-même kurde, se dit attristée de voir que les panneaux de signalisation en kurde ne se voient pas ailleurs que dans la Région du Kurdistan. Utiliser le kurde dans la signalisation à Bagdad l’aiderait, selon la ministre, à ne pas se sentir une "citoyenne de seconde classe". De même, les touristes venant d’Irak pour visiter la Région du Kurdistan se plaignent que peu de gens, sur place, hormis les réfugiés, peuvent dialoguer en arabe.

La majorité des Kurdes vivant à Bagdad parlent couramment l’arabe et s’expriment uniquement en cette langue avec leurs amis arabes. Nazdar Muhammad, une Kurde de Kirkouk qui a épousé un Arabe ne parle plus sa langue qu’avec sa mère et n’a pas jugé utile de l’apprendre à ses enfants : "Je ne vois pas de raisons d’apprendre à mes enfants une langue qu’aucun de leurs camarades n’utilisera à l’école ou nulle part ailleurs."

L’histoire du Kurdistan est également ignorée dans les manuels scolaires d’Irak et les cours de kurde dans les écoles arabes sont quasi-absents, car facultatifs, alors que le gouvernement central insiste sur l’importance d’apprendre l’arabe aux étudiants kurdes. Il est à noter que l’arabe est tout aussi facultatif dans les programmes scolaires de la Région du Kurdistan.

Mais Hussein Jaff, le directeur général du département de kurde au ministère de l’éducation irakien, nie toute ostracisme de la langue kurde dans l’enseignement irakien et indique que de plus en plus de professeurs de kurde sont nommés dans les écoles supérieures de Bagdad et des autres provinces.

Traditionnellement, jusqu’ici, les seuls Arabes à apprendre le kurde étaient ceux qui vivaient au contact des Kurdes, dans des régions mixtes, comme Kirkouk, par exemple, où la connaissance du kurde était essentielle pour commercer, ou bien à Sadriyah, un district de Bagdad où vivent beaucoup de Kurdes, même si, selon Najah Salman, un résident de Sadriyah, ses voisins arabes se limitaient à apprendre quelques mots de kurde, "pour montrer leur amitié envers leurs voisins et qu’ils se sentent bienvenus à Bagdad."

Ali Abd al-Sada, un journaliste de Baghdad a appris le kurde lors d’un séjour de deux années au Kurdistan. Selon lui, la méconnaissance de la langue kurde par les Arabes va de pair avec une ignorance de la culture kurde : "Apprendre le kurde, c’est faire de la diversité culturelle de l’Irak quelque chose de plus qu’un slogan, mais une expérience vivante."

Pour Saad Sallum, un analyste politique, le fossé entre Arabes et Kurdes ne pourra être comblé que si les deux peuples apprennent mutuellement leurs langues. Selon lui, les solutions politiques adoptées par le gouvernement central au sujet du bilinguisme ne sont, pour le moment, que des mesures culturelles décoratives.

Certains s’inquiètent ainsi des sources de conflits croissants entre Kurdes et Arabes, renforcés par une incompréhension mutuelles. Ainsi, Mufid Al-Jezairy, un député arabe souligne qu'"une ignorance linguistique mutuelle peut sérieusement saper tout effort de bâtir des relations solides entre les deux groupes ethniques, alors qu’en apprenant la langue des uns et des autres, les Arabes et les Kurdes peuvent améliorer leurs relations."

La question des langues s’est d’ailleurs envenimée avec le conflit qui oppose Kurdes et Arabes au sujet des districts kurdes hors de la Région du Kurdistan, qui doivent faire l’objet d’un référendum selon l’article 140 de la constitution irakienne. Ainsi, visitant récemment la ville de Bashiqah, dans la province de Ninive, une ville de 5 000 habitants peuplée de chaldéens de langue syriaque et de Kurdes, yézidis et musulmans, Khasro Goran, un officiel kurde, ancien adjoint du gouvernorat de Ninive, a insisté sur la nécessité d’enseigner le kurde dans ces districts où Saddam en avait interdit l’enseignement, tout comme celui du syriaque : "Les Kurdes, ou toute autre nation, ne doivent pas oublier leur langue maternelle. La plupart des Kurdes [de Bashiqah] ne parlent pas kurde." Critiqué aussitôt par des leaders sunnites arabes de Mossoul, qui l’ont accusé de vouloir "imposer le kurde à des minorités non kurdes", Khasri Goran a nié toute arrière-pensée politique en souhaitant instaurer des cours de kurde dans les écoles, et a indiqué souhaiter aussi que les Kurdes apprennent l’arabe. "Les tensions entre les deux nations n’ont rien à voir avec l’éducation."

Source IWPR.net

TURQUIE : L’ENVOI DE « GROUPES DE LA PAIX PAR LE PKK AGITE L’OPINION PUBLIQUE


Le 19 du mois, 26 réfugiés kurdes de Turquie, du camp de Makhmur, au Kurdistan d’Irak, dont neuf femmes et quatre enfants, ainsi que 8 combattants du PKK venus de Qandil annonçaient leur intention de retourner en Turquie, en tant que « groupe de paix », pour rencontrer d’abord des délégations du parti kurde DTP, et selon les responsables du PKK, « créer un dialogue et ouvrir la voie à des négociations » avec la Turquie.

Le président turc, Abdullah Gül a, dès cette annonce, émis un avis favorable sur cette initiative, qui est en fait une reprise des délégations du PKK qui s’étaient de même rendues en Turquie peu de temps après l’arrestation d’Öcalan et sa demande de cessez-le-feu unilatéral. À l’époque, la délégation avait été immédiatement arrêtée, jugée et emprisonnée. Depuis, une loi d’amnistie permet aux membres du PKK venus se rendre d’être graciés s’ils n’ont pas participé à des actions armées contre les forces de sécurité.

Le premier “groupe de la paix” est donc entré en Turquie le 19 dans la ville de Başverimli (Tılqebin) dans le district de la ville frontalière de Silopi. Selon l’agence de presse Firat, le groupe venu de Makhmur était porteur de letters à l’intention du president, du Premier minister et du Parlement turcs. Les deux co-présidents du DTP, Ahmet Türk et Emine Ayna sont allés accueillir le groupe dans la matinée, où ils ont fait une déclaration commune : « Nous ne devons pas exploiter les bonnes intentions du PKK et nous ne devons pas aborder ce processus dans un esprit d’élimination. Des groupes pacifistes ont été envoyés en Turquie auparavant, en 1999, mais l’État n’a pas saisi cette occasion comme il le fallait. Tout au contraire, les délégués ont été emprisonnés. Dix ans après, la Turquie est devant une autre occasion importante, qui ne doit pas être gâchée. La Turquie ne doit pas répéter les erreurs passées. Nos attentes, nos espoirs et nos souhaits reposent là-dessus. Nous appelons l'Etat et les gouvernements à aborder cette étape de façon responsable et, saisissant cette occasion de paix, à trouver une solution. » Un haut responsable du PKK, Duran Kalkan, a, de son côté, exposé les demandes de ce groupe : Arrêt des opérations militaires, fin bilatérale du conflit et cessez-le-feu ; annonce de la feuille de route d’Öcalan qui sera remise à ses destinataires ; entamer des discussions sur une réforme de la constitution turque ; une reconnaissance de l’identité kurde garantie par cette constitution ; liberté d’usage de la langue kurde ; liberté de donner aux enfants des prénoms kurdes, de les éduquer dans leur langue maternelle ; liberté d’étudier la culture, l’histoire, les arts kurdes. Des fuites dans la presse turque, émanant de hauts gradés de l’armée, laissaient attendre l’arrivée d’autres groupes de reddition, « si le processus n’était pas ‘saboté’ » (Murat Yetkin, dans Radikal).

Très vite, le premier groupe fut emmené et brièvement interrogé par quatre procureurs, venus tout spécialement à leur rencontre afin d’évaluer les charges pouvant être retenues ou non contre eux, tandis que des dizaines d’avocats proches ou membres du DTP se « tenaient prêts » à défendre les éventuels accusés.

Dans le même temps des manifestations avaient lieu dans plusieurs villes kurdes, dont Batman, Mardin, Dersim (Tunceli) Van, Mush et enfin Diyarbakir où environ 5000 personnes avaient répondu à l’appel du DTP. À côté de slogans en faveur d’Öcalan, la foule scandait des appels en faveur d’une « paix honorable ». En dehors des villes kurdes, 2500 personnes ont défilé à Istanbul, sur l’avenue Istiklal en brandissant une banderole : « Ouvrez la route pour la paix ». Les premières réactions gouvernementales à l’arrivée du groupe ont été plutôt favorables. Le ministre de l’Intérieur, Besir Atalay, a ainsi déclaré à Ankara : « Nous espérons que cela continuera. Laissez-moi souligner que les combattants dans les montagnes voient que leur voie est sans issue ».

Le ministre turc a également indiqué à l’agence de presse Anatolia s’attendre à ce que le PKK envoie ainsi entre 100 et 150 personnes, « par petits groupes ». Mais cette version du gouvernement, présentant les délégations comme des groupes de reddition, laissant présager une reddition complète du PKK était parallèlement démentie par les dirigeants du PKK, dont Cemil Bayik, affirmant que ses troupes ne se rendraient pas sans contrepartie, notamment la reconnaissance des Kurdes en Turquie et l’octroi de droits politiques. Il s’agit donc, pour les officiels du PKK, de groupes d’ «émissaires » venus proposer des négociations, alors que le discours de l’AKP, pour le moment, est de refuser toute négociation avec ce parti.

Du côté gouvernemental, la satisfaction a très vite laissé place à l’embarras, devant les manifestations organisées par le DTP et l’accueil triomphal fait aux émissaires, donnant plus l’impression d’un cortège victorieux qu’une reddition, comme l’analyse Nihat Ali Ozcan, un expert de l’Institut de recherche de politique économique d’Ankara : « Les images de célébrations à la télévision, semblable au retour de César à Rome après une victoire, est susceptible de provoquer des lignes de cassure dans tout le pays. » De fait, l’opposition politique, dès le début fortement critique devant les initiatives annoncées par l’AKP pour résoudre le problème kurde, a redouble ses attaques contre le gouvernement et la clémence des autorités envers le groupe, dont les membres ont finalement tous été laissés en liberté, en vertu de la loi d’amnistie déjà existante, ou bien en attente de leur jugement.

Une association de familles de soldats tués au front a accusé le gouvernement d’organiser une « cérémonie officielle pour accueillir les terroristes » et son président, Hamit Kose, n’a pas hésité à parler de trahison. Mis au pied du mur, Tayyip Erdogan a finalement critiqué lui aussi la tournure que prenait l’événement en qualifiant les manifestations de soutien de « provocation irresponsable », faisant allusion aux drapeaux du PKK brandis dans la foule et aux slogans en faveur d’Öcalan. Puis, cela a été au tour du ministre de l’Intérieur, Besir Atalay d’”averter” que la façon “irresponsable” de faire un show de la reddition des 34 envoyés du PKK ne serait plus davantage tolérée : « Il est impossible d'accepter de telles scènes qui dérangent tout le monde. Personne ne devrait même penser à la tenue de telles scènes à nouveau. Personne ne devrait même penser que nous allons faire preuve de tolérance à de pareilles scènes à nouveau. La République de Turquie est un pays d'État de droit. »

Quelques jours plus tard, c’est au tour du chef de l’état-major de l’armée. Ilker Basbug de s’élever contre ces convois : « Personne ne peut accepter ce qui s’est passé en Turquie récemment. Je partage les sentiments de nos vétérans et des parents de nos martyrs. » Mais le DTP n’a pas semblé, dans un premier temps, vouloir renoncer à ses manifestations “pour la paix” et a même annoncé, pour le 28 octobre, qu’un autre “convoi” de membres du PKK devait partir d’Europe. Mustafa Avci, le co-président du DTP d’Istanbul, qui a fait cette annonce, a ajouté qu’il avait l’intention de fêter l’arrivée de ces nouveaux arrivants, et qu’il demanderait pour cela une autorisation officielle du gouvernement : " Le DTP est devenu un bouc émissaire après le dernier meeting. Les membres du PKK viendront à l’aéroport des roses à la main. Les Kurdes veulent la paix." Les membres du PKK attendus d’Europe devaient être au nombre de 15, venus de Düsseldorf et devaient tenir une conférence de presse à Bruxelles le 27 avant de partir de cette ville pour Istanbul le 28.

Mais finalement, ni ce groupe ni le 3ème , qui devait partir de Qandil n’a gagné la Turquie, Recep Tayyip Erdogan ayant décidé de faire une pause dans ces opérations de reddition médiatique, sans doute le temps que les esprits et l’opinion publique se calme, espérant aussi peut-être faire pression sur le DTP pour qu’il change sa tactique de communication. Le PKK, en la personne d’un de ses porte-paroles, Zubeyir Aydar a aussitôt déclaré sur la chaîne satellite Roj-TV, que la Turquie « avait fermé ses portes à la paix »en repoussant l’accueil des prochains groupes à une date indéterminée.

Répondant aux critiques, le co-président du DTP Ahmet Türk, qui avait rencontré récemment le Premier ministre pour débattre d’une solution de paix, s’était défendu d’avoir orchestré un « show » : « Ce n’est pas un show, c’est l’enthousiasme du peuple. Tout le monde doit comprendre cet enthousiasme et y participer. Les groupes sont venus pour le processus de paix. Cet enthousiasme est pour la paix. Aussi, nous allons continuer notre action pour poursuivre le processus de paix, avec le peuple turc et les partis politiques. La paix est notre seul désir. Tous nos efforts seront faits en conséquence. »

Dogu Ergil, un analyste politique, explique ainsi le choc des téléspectateurs turcs, voyant arrivés les membres du PKK dans leur tenue de combat, accueillis en héros par les Kurdes : « Nous attentions que les rebelles expriment des remords et fassent de la prison, ce qui nous aurait permis de nous dire que nous les avions vaincus. Mais le PKK a refusé de jouer le rôle qu’on attendait de lui… et nous nous sommes sentis offensés. La vision de la paix, dans nos esprits, est celle de l’un amenant l’autre à plier le genou. »

mardi, octobre 27, 2009

Conférence : Aspects du VIIe siècle

Les 30 et 31 octobre 2009, à l’Institut Byzantin du Collège de France :

Aspects du VIIe siècle

Collège de France, 52 rue du Cardinal Lemoine dans l’ancienne salle Mendès-France (dans la cour).

Programme

Vendredi 30 octobre

Ouverture 15.45

Patrick Andrist, Dmitry Afinogenov, Vincent Déroche : La Disputation avec les Juifs sous le patriarche Sophrone de Jérusalem 16.00 – 17.15

Constantin Zuckerman : Les deux voyages d’Héraclius à Jérusalem. Questions de chronologie des années 628-630 17.15 – 18.15

Christian Settipani : Les Bagratides au VIIe siècle, entre Arménie, Géorgie et Byzance 18.15 – 19.00
Cocktail

Samedi 31 octobre

Federico Montinaro : Les plomb des commerciaires. Un essai de mise au point 9.30 – 10.15

Marek Jankowiak : Le premier siège arabe de Constantinople (674-678) : un malentendu historiographique 10.15 – 11.00

Pause café.

Vivien Prigent : Le VIIe siècle sicilien : éléments d’histoire fiscale et monétaire 11.15 – 12.00

Mikael Nichanian : La distinction à Byzance : évolution sociale et hiérarchie aulique des titres, dignités et fonctions à Constantinople au VIIe siècle 12.00 – 12.45

Déjeuner.

Jean Gascou : Un nouveau document sur les frais d’hospitalité du Commandeur des Croyants 14.00 – 14.30

Youssef Ragheb : Les premiers documents arabes : papyrus, inscriptions et graffiti 14.30 – 15.15
Aleksan Hakobyan : Les sources du VIIe siècle dans l’Histoire de l’Albanie caucasienne 15.15 – 16.15

Pause.

Discussion et conclusions 16.30 – 17.00

Pour tout renseignement, veuillez vous adresser à Constantin Zuckerman, tél. 0144271779 constantin.zuckerman@college-de-france.fr

lundi, octobre 26, 2009

La reddition de Breda se fera un peu attendre

Velasquez, Reddition de Breda, 1635, musée du Prado, Madrid.

Il y a quelque chose d'assez amusant dans la déconvenue soudaine du gouvernement turc, découvrant que quand le PKK envoie des groupes de ''reddition'' en Turquie, c'est avec une allure si triomphante qu'ils donnent l'impression, ou bien de faire une fleur à Ankara ou bien, de plus en plus, d'avoir remporté une première passe d'armes dans la guerre ''psychologique'', comme ils disent. De fait, il n'y a qu'eux pour se rendre avec la même superbe que s'ils étaient les magnanimes vainqueurs, il faut leur reconnaître ce talent de ''communicants'' de qui la Turquie pourrait prendre de la graine : les guerilleros sont bien accueillis comme une armée victorieuse et c'est la Turquie qui va donner l'impression d'avoir cédé, devant la pression populaire très bien orchestrée par le DTP. On ne peut dire qu'ils s'amènent en chemise et la corde au cou...

Est-ce que cela va être fécond ou contre-productif est une autre question. Tout dépend du but poursuivi et des points de vue. Effrayé par l'impact inattendu de ces convois, le gouvernement a donné provisoirement un coup de frein à tout ça, le temps, peut-être de passer un coup de fil en face, histoire de rappeler : ''Hé, ho ! C'est nous les vainqueurs, vous trompez pas de casting !'' Nêçirvan Barzani, le Premier Ministre sortant du Kurdistan et bientôt Vice-Premier Ministre d'Irak y est même allé de sa petite semonce en demandant au PKK et au DTP de ne pas être aussi ''provocant'', c'est-à-dire d'éviter d'agiter les drapeaux du PKK sous le nez des autorités turques en célébrant les 25 ans d'insurrection...

Si l'on se demande pourquoi Nêçirvan Barzani se fait tant de souci pour la susceptibilité turque, hé bien c'est sans doute pour les mêmes raisons qui font que les Kurdes d'Irak sont plutôt ravis de voir partir le PKK de la Région, et si en même temps la Turquie retirait ses bases près d'Amedî, personne ne s'en plaindrait : En gros, allez régler vos problèmes chez vous, ça nous fera de l'air...

Maintenant que veut le PKK ? Sans doute gagner cette manche-là en s'imposant comme partenaire-clef des négociations, s'invitant dans les rencontres, histoire que le DTP et Ahmet Türk ne se prennent pas pour les acteurs Number One de la paix, et se souvenant aussi, peut-être que la reddition ou les cessez-le-feu unilatéraux ordonnés par Öcalan après sa capture n'avaient pas donné grand-chose (sinon, évidemment, sauver la peau d'Öcalan, ce qui n'était pas rien aux yeux de ce dernier).

Que veut l'AKP, sinon jouer les Spinola ouvrant généreusement les bras aux vaincus de Breda en leur permettant de rentrer couler une retraite paisible dans leurs pénates (enfin ce qu'il en reste après 20 ans de guerre et la destruction par l'armée de plus de 3000 villages) tout en démontrant à l'opinion publique que la technique soft made in AKP a plus payé en 10 ans que la guerre de terreur menée par les faucons turcs au Kurdistan ?

Bref les deux camps ambitionnant de bomber le torse en se présentant mutuellement à la fois comme vainqueurs et faiseurs de paix, Nêçirvan a peut-être quelque raison de s'inquiéter : l'évacuation du squatt de Qandil risque de prendre un peu plus de temps qu'espéré...

dimanche, octobre 25, 2009

Il a appris à écouter…

Il y a un passage saisissant, dans l'épitre aux Hébreux (5, 710), bien éloigné de l'image du Christ stoïque sous la douleur et la peur de la mort, hormis, peut-être une crise de larmes dans le Jardin des Oliviers :


C'est lui qui, aux jours de sa fragilité humaine, a offert, hurlant et pleurant, prières et supplications à celui qui pouvait le sauver de la mort.

Au fond, mis à part le grand cri embarrassant du "pourquoi m'as-tu abandonné ?" on ne sait rien de son comportement lors du supplice. A-t-il crié de douleur ? A-t-il pleuré et supplié, sans doute pas ses bourreaux mais au moins Dieu ? Les Évangiles n'en disent rien mais peut-être Paul avait-il dans l'oreille des récits plus détaillés de la mort sur la croix. Ou bien la nuit de Gethsémani fut-elle plus agitée qu'une suée d'angoisse. On ne sait pas. On ne peut plus savoir.

Cela dit, comme dit Paul, il fut exaucé car sauvé de la mort ; bon, pas de la façon dont tout le monde s'y attendait, c'est sûr (et lui ???), mais Dieu agit souvent comme ça. Le plus intéressant est la fin, "il a appris à écouter". À écouter qui ? Dieu ou les hommes ? Dans ce dernier cas, est-ce qu'avant ce n'était pas le cas ? Est-ce qu'il est devenu vraiment, totalement humain, non pas au moment de la conception, non pas au moment du baptême comme le croyaient certaines sectes, mais au moment de l'agonie ?

Exaucé en raison de sa piété, il a néanmoins, par la souffrance, appris à écouter. Et ainsi mené à la perfection, devient-il, pour tous ceux qui l'écoutent à leur tour…

En tout cas, le happy end fait penser à deux fins de David Lynch, celle de Blue Velvetet des moineaux et surtout celle de Twin Peaks. Mais si, mais si, tout finit bien…

samedi, octobre 24, 2009

radio : Syrie, Assyrie

Mercredi 28 octobre à 14h00 sur France Culture : Géographies du Liban et de la Syrie; avec Fabrice Balanche, géographe spécialiste de la Syrie et du Liban et Michael Davies, spécialiste de la géographie urbaine du monde arabe. Planète Terre, par S. Khan.

jeudi, octobre 22, 2009

Trinité et Incarnation : de Plotin à Ibn Arabî


Hendrick Van Balen, v 1620.
Sint-Jacobskerk, Anvers. 

On parle couramment et avec raison des chrétiens syriaques à l'origine de l'essor de la philosophie musulmane. Mais en retour, d'immenses penseurs comme Fârâbî ou Avicenne les ont influencés dans l'élaboration de la théologie chrétienne quand ils devaient se défendre de polythéisme et autres horreurs, au sujet de la Trinité et de l'Incarnation. Ainsi certaines définitions trinitaires ont pu être inspirées par des musulmans ayant beaucoup travaillé sur des écrits néo-platoniciens, ou bien s'étant abreuvés à la même source plotinienne, ont élaboré dans leurs débats, des définitions de la déité, assez proches, bien qu'adaptées à leurs religions respectives :

Une façon très fréquente de présenter la Trinité chez les auteurs nestoriens est celle qui considère les trois hypostases comme "l'Intelligence, l'Intelligent et l'Objet de l'Intelligence ( 'aql, 'âqilma'qûl). Selon cette conception, Dieu est considéré comme l'Intelligence suprême; cette intelligence doit s'exercer et avoir un objet qui soit digne d'elle, c'est-à-dire que Dieu seul peut être cet objet. On obtient ainsi les trois termes envisagés. Le jacobite Yahyâ ibn 'Adî est le premier auteur chrétien connu à avoir défini ainsi la Trinité, tandis qu'à la même époque – ou même antérieurement à lui – Fârâbî affirmait dans les mêmes termes que Dieu était à la fois intelligence, intelligent et objet d'intelligence. Par la suite, tous les auteurs nestoriens qui ont parlé de la Trinité ont repris cette explication, au point qu'un auteur qui ne l'emploie pas a de bonnes chances d'être antérieur au dixième siècle.


Tout cela rappelle fort la triade Intelligence, Intelligible, Intelligé de Plotin, en plus de sa conception de trois hypostases :

Retrouver l'origine de l'image antérieurement à Fârâbî et Yahyâ b. 'Adî n'est pas chose aisée. Il faut la replacer dans le cadre des spéculations sur l'intelligence et la connaissance divines qui étaient nombreuses depuis l'Antiquité. Elle doit être certainement être cherchée dans le milieu encore peu connu des philosophes et traducteurs chrétiens qui cultivaient Aristote et les néoplatoniciens et dans lequel furent traduits et adaptés les textes si importants pour le développement ultérieur de la philosophie arabe que sont la Pseudo-Théologie d'Aristote et le Livre du Bien pur de Proclus.

Pour Aristote, dans le célèbre passage de sa Métaphysique (L9), Dieu pense et ne peut penser qu'un objet aussi élevé que lui : il se pense donc lui-même et devient son propre objet de pensée. Par cette affirmation, Aristote introduisait en Dieu une certaine dualité qui gênera l'unitarisme jaloux de Plotin. Celui-ci conçoit donc son Premier Principe comme au-delà de la pensée et de l'être, et ce n'est qu'au niveau de la deuxième hypostase qu'il imagine la réflexion de Dieu sur lui-même, réflexion d'où naîtra la pluralité et le monde. Les chrétiens qui lisaient Plotin ne pouvaient admettre un dieu en qui on nierait l'être et la pensée. Mais dans les trois hypostases originelles de Plotin, ils pouvaient retrouver une image ou une approximation de la Trinité chrétienne.

Au début du neuvième siècle, un événement capital fut la traduction en arabe, par 'Abd al-Masîh al-Homsî, d'une partie des trois dernièresEnnéades de Plotin sous le nom de Théologie d'Aristote. Ainsi qu'on l'a vu, le traducteur y adaptait la pensée plotinienne de manière à la faire cadrer le plus possible avec la croyance monothéiste. Dieu était assimilé au Premier Principe plotinien et on évitait soigneusement les passages qui auraient pu laisser supposer qu'il était au-delà de l'être et de la pensée.

En Occident, saint Augustin avait comparé la Trinité à "Celui qui aime, ce qui est aimé et l'amour même". En Orient, le premier texte à avoir ainsi associé le participe actif, le participe passé et le terme abstrait d'une même racine semble être la Théologie d'Aristote, mais il s'agit assez étrangement d'un passage qui ne se trouve pas dans le texte moderne des Ennéades de Plotin. Dans la célèbre évocation de l'extase : "Souvent, m'éveillant à moi-même…" on trouve dans le texte d'Abd al-Masîh al-Homsî :"Je devins la connaissance, celui qui connaissait et ce qui était connu tout à la fois (al-'ilm wa'l-'âlim wa'l-ma'lûm jamî'an). Il n'est pas possible actuellement de savoir si cette phrase est due à 'Abd al-Masîh al-Homsî ou si elle est plus ancienne, 'Abd al-Masîh ayant pu traduire un texte déjà adapté des Ennéades, ou différent du texte actuel.


Saint Augustin, auteur latin, n'avait rien à faire dans les sphères intellectuelles gréco-syriaco-arabes. Mais des siècles plus tard, tout en reprenant de Fârâbî le lien trinitaire de l'intelligence, de l'intelligent et de l'Objet intelligé, Avicenne décline lui aussi Dieu selon les termes d'amour, reprenant l'idée d'Aristote selon laquelle Dieu ne peut que Se penser Lui-même; pour le maître persan, Dieu dans sa perfection ne peut aimer que Lui-même, et sans cet amour il n'y aurait pas de liens d'amour entre Dieu et les hommes :

Dans le K. al-Najât, Avicenne a un chapitre sur ce que "l'Être nécessaire est en son essence intelligence, objet d'intelligence et intelligent."

À l'intelligence de soi-même, Avicenne associe l'amour de soi-même. Le chapitre précédent est suivi d'un autre sur ce que Dieu "est en son essence aimé et aimant, objet de délectation et se délectant.". Dans sonÉpitre sur l'amour, il revient sur le même sujet : "Puisque Dieu est le bien infini, il est l'aimable infini, je veux dire sa propre essence Très Haute et Très Sainte". Dieu aimant sa propre essence aime les âmes supérieures dans la mesure où elles lui ressemblent. Avicenne rejoint ici l'association augustinienne de "Celui qui aime, ce qui est aimé et l'amour."

Pour être aimé de Dieu il faut donc se rapprocher le plus de Son aimé, c'est-à-dire Lui-même, objet d'amour. Cette idée ne sera pas perdue pour les soufis qui s'attacheront par ascèse ou adoration à se polir le cœur de sorte d'en faire un miroir sans tache ne reflétant plus que Lui, et donc recevant l'amour de Dieu à proportion qu'Il puisse se contempler en eux-mêmes.

Autre exemple possible de 'contamination' théologique entre musulmans et chrétiens : pour expliquer l'Incarnation,

'Abd Ishô emploie encore l'image de la lumière dans une niche, faisant peut-être allusion à un passage du Coran.

C'est-à-dire la fameuse Sourate de la Lumière (24, 35) :

Allah est la Lumière des cieux et de la terre. Sa lumière est semblable à une niche où se trouve une lampe. La lampe est dans un (récipient de) cristal et celui-ci ressemble à un astre de grand éclat; son combustible vient d'un arbre béni : un olivier ni oriental ni occidental dont l'huile semble éclairer sans même que le feu la touche. Lumière sur lumière. Allah guide vers Sa lumière qui Il veut. Allah propose aux hommes des paraboles et Allah est Omniscient.


À l'inverse, un terme arabe adopté par les chrétiens aura une grande fortune chez les musulmans :
Le mot "incarnation" étant peu utilisé par les auteurs nestoriens, deux termes la désignent habituellement dans leurs œuvres apologétiques et théologiques : celui d'"inhabitation" (hulûl) et celui d'"union" (ittihad).

Pour faire bref, chez les musulmans strictement orthodoxes, hulûl désignant la présence de l'âme dans le corps est correct; mais désignant la présence de Dieu dans l'âme du mystique, ou d'une créature quelconque, ou de la Création, c'est mal vu, car 'associationniste', tout comme l'ittihad. Al-Hallâdj paya cher une telle conviction, de même que plus tard Ibn Arabî fut qualifié de kafir (mécréant) par Ibn Taymiyya. C'est pourquoi les chrétiens sont vus essentiellement comme hululistes ainsi que les sectes 'extrêmes' (ghulat), comme les Alévis, les Nusayris, etc.


Bénédicte Landron, Chrétiens et musulmans en Irak: Attitudes nestoriennes vis-à-vis de l'Islam, chapitres XII et XIII : La Trinité, l'Incarnation.

Les législations chrétienne et islamique en matière de pratique religieuse : La circoncision



Sur la circoncision, un des fossés creusés par saint Paul entre juifs et chrétiens, et qui, plus tard est censé aussi distinguer les chrétiens des musulmans comme des juifs, on peut voir qu'historiquement, les pratiques ont été plus fluctuantes en Mésopotamie (comme c'est le cas aux États-Unis). Une tradition assez curieuse peut faire, d'ailleurs, de Muhammad un incirconcis, alors que le Christ l'était, lui, sans contestation :

Kindî entend comme toujours faire preuve d'érudition historique et raconte l'origine de la circoncision pour suivre la loi donnée à Abraham, il convient qu'ils connaissent sa raison d'être ; elle a été donnée à Abraham, en prévision du séjour que les enfants d'Israël devaient faire en Égypte : Dieu sachant qu'ils seraient alors tenté de pécher a voulu inscrire ce signe dans leur chair pour détourner d'eux les femmes égyptiennes qui voudraient les entraîner au mal. Kindî soulève par ailleurs le problème de savoir si Mahomet était circoncis et fait état des traditions selon lesquelles il était "tel qu'Adam, Seth, Noé et Hamzala ibn Abî Safwân, c'est-à-dire incirconcis."

Cependant, la pratique de la circoncision fut réintroduite parmi les nestoriens, peut-être en raison des critiques musulmanes ou bien aussi parce que les nestoriens se considéraient, comme cela a été vu, comme plus authentiquement 'sémites et bibliques' que leurs coreligionnaires occidentaux :

À l'époque d'Élie de Nisibe, la pratique de la circoncision semble largement répandue chez les nestoriens et cet auteur s'en glorifie dans son Livre de la Démonstration, en comparant la pratique de son église avec celle des autres chrétiens : "Nous suivons la manière d'agir de Notre-Seigneur et de ses saints disciples en pratiquant la circoncision."

Si l'on compare ce texte avec ceux de Timothée, de Kindî ou le Majdal, il faut supposer que c'est le reproche fait par les musulmans aux chrétiens de ne pas pratiquer la circoncision à l'imitation du Christ qui a entraîné un retour progressif à cette pratique.

Ishô'yâb bar Malkûn, évêque de Nisibe, confirme la pratique de la circoncision chez les chrétiens nestoriens. L'évolution semble donc s'être faite dans le même sens qu'en ce qui concerne l'exposition des images dans les églises, progressivement abandonnée sous l'influence des reproches musulmans.

Aujourd'hui, il est certain que les images ont été réintroduites, au moins chez les Chaldéens (après tout je ne suis jamais allée dans une église assyrienne). Mais je me demande quand la circoncision a re-disparu des pratiques chrétiennes d'Orient… Quant à l'excision, considérée comme une pratique religieuse musulmane, et encore pratiquée au Kurdistan d'Irak, a-t-elle épargné les chrétiennes ? Après tout les Coptes ne sont pas épargnées…


Doué d'une remarquable activité, Mgr Altmayer lutte, nous dit-il, pour le moment, contre les vieux préjugés et les sottes habitudes qui règnent encore parmi les populations catholiques de ces régions et cherche principalement à affranchir les femmes de la claustration presque absolue dans laquelle elles passent leur vie. Les jeunes filles des meilleures maisons ne sortent pas, même voilées, plus de deux à trois fois par an et, une fois mariées, ne quittent plus du tout le foyer de leur nouvelle famille où, terrorisée par leurs parentes de la génération précédente, elles sont employées aux plus rudes travaux (1). L'archevêque cherche, à juste titre, maintenant que le gouvernement turc, grâce aux nombreuses remontrances de l'Europe, a abandonné toute idée de vexation, à faire profiter ces malheureuses chrétiennes de la liberté qui leur est enfin rendue, mais l'habitude de rester cloîtrées est devenue si puissante qu'alors même elles peuvent sortir et se promener facilement, elles s'y refusent, trouvant même la chose inconvenante ! Dieu sait cependant si leurs modes sont peu faites pour inspirer des passions et si l'on peut rêver quelque chose de plus horrible que le sac noir informe dans lequel elles sont enfermées de la tête aux pieds, n'ayant en avant de la figure qu'une mince ouverture carrée recouverte d'un épais voile de crin absolument impénétrable. Rien n'est lugubre comme de voir de longues théories de ces vilains mannequins s'en allant à la rivière ou traversant le bazar, et nous en sommes plus chagrinés encore après notre traversée des districts kurdes et des contrées arabes où les femmes de la campagne circulent toujours la figure découverte. Seules les Juives de la ville, quand elles se promènent, osent relever leur voile et n'hésitent même pas à saluer l'étranger qui les regarde de leur plus gracieux sourire, mais, sauf cette exception, le beau sexe est plus tenu à Mossoul que dans aucune autre des villes que nous ayons traversées, et je crains que Mgr Altmayer n'ait fort à faire, avant d'obtenir pour ses ouailles la liberté qu'il réclame en leur nom."
(1) Les jeunes chrétiennes se marient habituellement entre treize et quatorze ans et l'on rencontre fréquemment de jeunes grand'mères de vingt-sept, vingt-huit ans.
Aujourd'hui que les Kurdes musulmans d'Irak sont stigmatisés pour l'excision de leurs filles, je rigolerais qu'on découvre un peu tard que ça se fait aussi chez les chrétiens des montagnes ( et d'ailleurs, a-t-on jamais été vérifié chez les yézidis ?

Concert de soutien à l'Institut kurde