samedi, janvier 26, 2008

Coup de projo sur : Mazlum Çimen, Mem û Zîn, Musa Anter






Sorti en 1992, Mem û Zîn fut tourné par Umit Elçi, - en turc hélas ! mais une version en sorani existe aussi. La musique est de Mazlum Cimen qui a plusieurs musiques de film à son actif en plus de ses albums. Bon, comme c'est une grande histoire d'amour tragique, la musique a une certaine emphase sentimentale. Mais ça se laisse écouter. Le passage le plus émouvant et le plus drôle aussi est l'introduction par Musa Anter, le célèbre écrivain, alors directeur de l'Institut kude d'Istanbul, et qui mourut la même année, nous allons voir pourquoi.

Voici, en gros, ce que Musa Anter dit à propos du film :

"Mem û Zîn ! Quel joli titre, qui a réussi à faire de moi un artiste à mon grand âge ! La jeunesse aujourd'hui ne sait pas quel chemin nous avons parcouru pour arriver à ce jour. Le jeune homme qui se promène avec sa fiancée en avril, comment veux-tu qu'il pense au froid de janvier ?

Je vais vous raconter une petite histoire. En 1943, j'étais chef de dortoir de l'université de Dicle d'Istanbul. Un jour, la police a débarqué pour m'amener à la Première Division. Dès que je suis entrée, 5 policiers ont commencé à me tabasser, coups de pied, giffles, insultes. "J'ai demandé ce que j'avais fait. Le commissaire a répondu :
"Olan ! Espèce de fils de traitre, tu ne sais pas ton crime ? " "Non je ne sais pas ce qu'on me reproche." "Tu n'as pas une radio ?" "Si." "Et vous avez un tourne-disque ?" "Oui, j'ai ça aussi." "Il y a tellement de belles chansons turques, fils de batard, qu'est-ce qui te prend* de siffler des chansons en kurde dans le dortoir ? (*lit. Quelle merde tu manges ?")

Ô valeureuse jeunesse turque et kurde, vous voyez maintenant d'où nous venons ?

Aujourd'hui, à Istanbul, inspirés par cette célèbre épopée classique kurde, nous réalisons le film
Mem et Zîn. Le Premier Ministre de la République turque m'envoie à la soirée d'avant-première un mesage de félicitations et la Fondation turque des Droits de l'Homme m'honore d'une plaquette pour service rendu. "

Suit un passage assez désopilant. Enfin j'imagine les yeux ronds et les machoires écumantes de certaines "sensibilités" nationales en entendant ça :

"Je pense que, à l'instar de ce que l'on a fait il y a 1000 ans au Kurdistan, en islamisant les Seldjoukides, en les circoncisant et en les appelant Mohammad, nous, les Kurdes, encore une fois, apporterons la démocratie aux Turcs et à la Turquie. "

Et enfin, cerise sur le gâteau, Musan Anter choisit de lire un "message de Xanî aux Kurdes." Pas n'importe lequel à vrai dire, c'est le fameux "Derdê me", autrement appelé la Question kurde, lequel passage, traduit en turc par Mehmet Emin Bozarslan, fut d'ailleurs largement coupé et censuré dans l'édition parue en Turquie.

"Mais d'abord, laissez-moi vous présenter brièvement l'épopée de Mem et Zîn, d'où elle vient, etc. Mem et Zîn vient d'une antique légende kurde, de Memê Alan. C'est l'oeuvre d'Ahemedê Xanî. Et encore aujourd'hui, nous nous inspirons de cette oeuvre. Je vais vous lire maintenant un message d'Ahmedê Xanî adressé à la Nation kurde ."

Bref, pas étonnant qu'avec d'aussi innocentes plaisanteries, l'Etat turc se soit chargé de le refaire marcher droit, comme le commissaire de la Première division l'avait prévenu en 1943. La même année, Musa Anter fut assassiné, vraisemblablement par les Barbouzes de la Mort qui débarrassèrent le sol kurde de tant de mauvais esprits et de citoyens suspects. A l'époque, c'était un Hrant Dink par semaine qui disparaissait... Là aussi, si la culpabilité des services n'a pu être prouvée (d'autant plus qu'il n'y a pas eu vraiment d'enquête), la Cour Européenne de Strasbourg a condamné la Turquie pour avoir "manqué à ses obligations de protéger la vie de Musa Anter, le sachant menacé, et de mener ensuite une enquête effective sur les circonstances du décès de cet homme connu pour ses sympathies pro-kurdes".

En 2004, un repenti du JITEM a publié un livre où il avoue lui-même être responsable de l'exécution de l'écrivain, mais les confessions des exécutants avaient déjà été publiées dans plusieurs journaux, dès 1997, à la faveur du scandale de Susurluk. Les derniers mots du poète kurde, selon son assassin, un "repenti" du PKK, furent : "Les enfants, vous faites une erreur."


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